The Project Gutenberg EBook of Oeuvres de Blaise Pascal, by
Blaise Pascal and François-Marie Arouet and Marie Jean, marquis de Condorcet and François de Neufchateau
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Title: Oeuvres de Blaise Pascal
Nouvelle Édition. Tome Second.
Author: Blaisse Pascal
François-Marie Arouet
Marie Jean, marquis de Condorcet
François de Neufchateau
Release Date: August 23, 2009 [EBook #29772]
Language: French
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Extrait des Œuvres de Blaise Pascal. Tome second. Paris: Lefèvre,
1819.
NOTES DE VOLTAIRE ET DE CONDORCET SUR LES PENSÉES DE PASCAL.
Les notes marquées C sont celles que Condorcet a jointes à son
édition _in_-8º., et celles après lesquelles est un V sont de
Voltaire. De ces dernières, les unes ont été publiées pour la
première fois dans l'édition _in_-8º. que Voltaire fit faire à
Genève en 1778; les autres avoient été déjà employées par Condorcet
dans l'édition de 1776.
NOTES DE VOLTAIRE ET DE CONDORCET SUR LES PENSÉES DE PASCAL.
(1) Et je m'y sens tellement disproportionné, que je crois pour moi
la chose absolument impossible.
Il l'a trouvée très-possible dans les Provinciales. V.
(2) Cet art que j'appelle l'art de persuader...... consiste en trois
parties essentielles.
Mais ce n'est pas là l'art de persuader, c'est l'art
d'argumenter. V.
(3) Je voudrois que la chose fût véritable, et qu'elle fût si connue,
que je n'eusse pas eu la peine de rechercher avec tant de soin la
source de tous les défauts des raisonnements.
Locke, le Pascal des Anglois, n'avoit pu lire Pascal. Il vint
après ce grand homme, et ces pensées paraissent, pour la première
fois, plus d'un demi-siècle après la mort de Locke. Cependant
Locke, aidé de son seul grand sens, dit toujours: _Définissez les
termes._ V.
(4) Les meilleurs livres sont ceux que chaque lecteur croit qu'il
auroit pu faire.
Cela n'est pas vrai dans les sciences: il n'y a personne qui
croie qu'il eût pu faire les principes mathématiques de Newton.
Cela n'est pas vrai en belles-lettres; quel est le fat qui ose
croire qu'il auroit pu faire l'Iliade et l'Énéide? V.
(5) Je les voudrois nommer basses, communes, familières; ces noms-là
leur conviennent mieux; je hais les mots d'enflure.
C'est la chose que vous haïssez; car pour le mot, il vous en faut
un qui exprime ce qui vous déplaît. V.
Voici un moyen de découvrir la vérité, qui me paroît avoir
échappé à tous les philosophes. Il est tiré de la relation d'un
voyage fait aux Moluques, en 1760, par le capitaine Dryden.
»On emploie dans ces îles une singulière méthode de découvrir la
vérité; voici en quoi elle consiste: quand on veut savoir si un
homme a commis ou n'a pas commis une certaine action, et que des
gens qui ont acheté, pour une somme assez modique, le droit de
s'en informer, n'ont pas eu l'esprit de découvrir la vérité, ils
font lier fortement les jambes de l'accusé entre des planches;
ensuite on serre entre ces planches un certain nombre de coins de
bois, à force de bras et de coups de maillet. Pendant ce temps-là
les rechercheurs interrogent tranquillement le patient, font
écrire ses réponses, ses cris, les demi-mots que les tourments
lui arrachent, et ils ne le laissent en repos qu'après être
parvenus à le faire évanouir deux ou trois fois par la force de
la douleur, et que le médecin, témoin de l'opération, a déclaré
que, si on continue, le patient mourra dans les tourments.
Quelquefois il arrive que les rechercheurs n'ont pas eu besoin de
recourir à ce moyen pour se croire sûrs de la vérité, mais qu'il
leur reste un léger scrupule; alors ils ordonnent, qu'avant de
punir l'accusé, on recourra à la méthode infaillible des maillets
et des coins. A la vérité, ils remplissent de tourments horribles
les derniers moments de cet infortuné; mais ces aveux, extorqués
par la torture, rassurent leur conscience, et au sortir de là,
ils en dînent bien plus tranquillement: quand ils voient que
l'accusé a pu avoir des complices, ils ont grand soin de recourir
à leur méthode favorite. Enfin, il y des crimes pour lesquels on
l'ordonne par pure routine, et où cette clause est de style.
»Ces rechercheurs, aussi stupides que féroces, ne se sont pas
encore avisés d'avoir le moindre doute sur la bonté de leur
méthode. Ils forment une caste à part. On croit même, dans ces
îles, qu'ils sont d'une race d'hommes particulière, et que les
organes de la sensibilité manquent absolument à cette espèce. En
effet, il y a des hommes fort humains dans les mêmes îles. La
première caste même est formée de gens très-polis, très-doux et
très-braves. Ceux-là passent leur vie à danser; et portant de
grand chapeaux de plumes, ils se croiroient déshonorés, s'il
dansoient avec un homme de la caste des rechercheurs; mais ils
trouvent très-bon que ces rechercheurs gardent le privilége
exclusif d'écraser, entre des planches, les jambes de toutes les
castes.
»On m'a assuré que, quelques personnes de la caste des lettrés
s'étant avisées de dire tout haut qu'il y avoit des moyens plus
humains et plus sûrs de découvrir la vérité, les rechercheurs à
maillets les ont fait taire, en les menaçant de les brûler à
petit feu, après leur avoir _préalablement_ brisé les jambes; car
le crime de n'être pas du même avis que les rechercheurs est un
de ceux pour lesquels ils ne manquent jamais d'employer leur
méthode.
»Des politiques profonds prétendent que, depuis ce temps-là, les
rechercheurs sont eux-mêmes convaincus de l'absurdité de leur
méthode; que, s'ils l'emploient encore de temps en temps sur des
accusés obscurs, c'est afin de ne pas laisser rouiller cette
vieille arme, et de la tenir toujours prête pour effrayer leurs
ennemis, ou pour s'en venger.
»J'ai lu qu'il y avoit eu autrefois en Europe des usages aussi
abominables; mais ils n'y subsistent plus depuis long-temps. Pour
les conserver au milieu d'un siècle éclairé, et des mœurs douces
de l'Europe, il auroit fallu, dans les magistrats de ce pays, un
mélange d'imbécillité et de cruauté, portées toutes deux à un si
haut point, que ce seroit calomnier la nature humaine que de l'en
supposer capable.» C.
(_Voyage aux Moluques_, tome II, page 232.)
(6) _Tout le paragraphe I de l'article IV._
Cette éloquente tirade ne prouve autre chose, sinon que l'homme
n'est pas Dieu. Il est à sa place comme le reste de la nature,
imparfait, parce que Dieu seul peut être parfait; ou, pour mieux
dire, l'homme est borné, et Dieu ne l'est pas. V.
(7) Que la terre lui paroisse comme un point, au prix du vaste tour
que décrit le soleil.
La superstition avoit-elle dégradé Pascal au point de n'oser
penser que c'est la terre qui tourne, et d'en croire plutôt le
jugement des dominicains de Rome que les preuves de Copernic, de
Keppler et de Galilée[1]? C.
(8) C'est une sphère infinie, dont le centre est partout, la
circonférence nulle part.
Cette belle expression est de Timée de Locres: Pascal étoit digne
de l'inventer; mais il faut rendre à chacun son bien. V.
(9) Quand l'univers l'écraseroit, l'homme seroit encore plus noble
que ce qui le tue.
Que veut dire ce mot, _noble_? Il est bien vrai que ma pensée est
autre chose, par exemple, que le globe du soleil: mais est-il
bien prouvé qu'un animal, parce qu'il a quelques pensées, est
plus noble que le soleil, qui anime tout ce que nous connoissons
de la nature? Est-ce à l'homme à en décider? Il est juge et
partie. On dit qu'un ouvrage est supérieur à un autre, quand il a
coûté plus de peine à l'ouvrier, et qu'il est d'un usage plus
utile; mais en a-t-il moins coûté au Créateur de faire le soleil
que de pétrir un petit animal, haut d'environ cinq pieds, qui
raisonne bien ou mal? Qui des deux est le plus utile au monde, ou
de cet animal, ou de l'astre qui éclaire tant de globes? Et en
quoi quelques idées reçues dans un cerveau sont-elles préférables
à l'univers matériel? V.
(10) Je blâme également, et ceux qui prennent le parti de louer
l'homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le
prennent de le divertir.
Hélas! si vous aviez souffert le divertissement, vous auriez vécu
davantage. V.
(11) Les autres disent: cherchez le bonheur en vous divertissant, et
cela n'est pas vrai.
En vous divertissant vous aurez du plaisir; et cela est
très-vrai. Nous avons des maladies; Dieu a mis la petite-vérole
et les vapeurs au monde. Hélas encore! hélas Pascal! on voit bien
que vous êtes malade. V.
(12) _Tout le paragraphe I._
On n'a point besoin de toute cette métaphysique pour expliquer
les effets que produit l'amour de la gloire. Il est impossible à
quelqu'un qui vit dans une société nombreuse et policée, de ne
pas voir combien, dans la dépendance où il est sans cesse des
autres hommes, il lui est avantageux d'être l'objet de leur
enthousiasme. «Mais on s'occupe plus de ce que la postérité dira
de nous, que de ce qu'en disent nos contemporains. Mais on
sacrifie sa vie entière à une gloire dont on ne jouira jamais,
mais on court à une mort certaine.» Tel est l'effet du désir si
naturel d'être estimés des autres hommes, lorsque ce désir est
porté jusqu'à l'enthousiasme. Il en est de même de l'amour
physique, qui n'est que le désir de jouir: laissez l'enthousiasme
en faire une passion; alors on poignarde sa maîtresse, on meurt
pour elle. Le hasard peut amener des circonstances où un amant
aimera mieux mourir d'une mort cruelle que de jouir de la femme
qu'il adore.
Ne pourroit-on pas dire que l'enthousiasme consiste à se
présenter vivement, à la fois, toutes les jouissances que notre
passion peut répandre sur un long espace de temps? alors on jouit
comme si on les réunissoit toutes; on craint, comme si un instant
pouvoit nous faire éprouver, à la fois, toutes les douleurs d'une
longue vie: et lorsque ce sentiment a épuisé toute la force de
nos organes, qu'il ne nous en reste plus pour raisonner, nous ne
pouvons plus nous apercevoir si ces jouissances sont impossibles.
Cet état d'espérances enivrantes est en lui-même un plaisir, et
un plaisir assez grand pour préférer ces jouissances imaginaires
à des plaisirs réels et présents. Car on se tromperoit dans tous
les raisonnements qu'on fait sur les passions, si on se bornoit à
ne compter que les plaisirs ou les peines des sens qu'elles font
éprouver. Les différents sentiments de désir, de crainte, de
ravissement, d'horreur, etc. qui naissent des passions, sont
accompagnés de sensations physiques, agréables ou pénibles,
délicieuses ou déchirantes. On rapporte ces sensations à la
région de la poitrine; et il paroît que le diaphragme[2] en est
l'organe. Le sentiment très-vif de plaisir et de douleur dont
cette partie du corps est susceptible, dans les hommes
passionnés, suffiroit peut-être pour expliquer ce que les
passions offrent, en apparence, de plus inexplicable. C.
(13) La vanité est si ancrée, etc. _tout le paragraphe_.
Oui, vous couriez après la gloire de passer un jour pour le fléau
des jésuites, le défenseur de Port-Royal, l'apôtre du jansénisme,
le réformateur des Chrétiens. V.
(14) Le présent n'est jamais notre but. Le passé et le présent sont
nos moyens; le seul avenir est notre objet.
Il est faux que nous ne pensions point au présent; nous y pensons
en étudiant la nature, et en faisant toutes les fonctions de la
vie: nous pensons aussi beaucoup au futur. Remercions l'auteur de
la nature de ce qu'il nous donne cet instinct qui nous emporte
sans cesse vers l'avenir. Le trésor le plus précieux de l'homme,
est cette espérance qui adoucit nos chagrins, et qui nous peint
des plaisirs futurs dans la possession des plaisirs présents. Si
les hommes étoient assez malheureux pour ne s'occuper jamais que
du présent, on ne semeroit point, on ne bâtiroit point, on ne
planteroit point, on ne pourvoiroit à rien, on manqueroit de tout
au milieu de cette fausse jouissance. Un esprit comme Pascal
pouvoit-il donner dans un lieu commun comme celui-là? La nature a
établi que chaque homme jouiroit du présent, en se nourrissant,
en faisant des enfants, en écoutant des sons agréables, en
occupant sa faculté de penser et de sentir, et qu'en sortant de
ces états, souvent au milieu de ces états mêmes, il penseroit au
lendemain, sans quoi il périroit de misère aujourd'hui. Il n'y a
que les enfants et les imbécilles qui ne pensent qu'au présent;
faudra-t-il leur ressembler? V.
On connoît ce vers de M. de V.:
Nous ne vivons jamais, nous attendons la vie.
Et celui-ci de Manilius:
_Victuri semper agimus, nec vivimus unquàm._
(15) Plaisante justice qu'une rivière ou une montagne borne! vérités
en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
Il n'est point ridicule que les lois de la France et de l'Espagne
diffèrent; mais il est très-impertinent que ce qui est juste à
Romorantin soit injuste à Corbeil; qu'il y ait quatre cents
jurisprudences diverses dans le même royaume, et surtout que,
dans un même parlement, on perde dans une chambre le procès qu'on
gagne dans une autre chambre. V.
(16) Se peut-il rien de plus plaisant qu'un homme ait droit de me
tuer parce qu'il demeure au-delà de l'eau, et que son prince a
querelle contre le mien, quoique je n'en aie aucune avec lui?
Plaisant n'est pas le mot propre; il falloit _démence exécrable_.
V.
(17) Le plus sage des législateurs disoit que, pour le bien des
hommes, il faut souvent les piper.
On ne manquera pas d'accuser l'éditeur qui a rassemblé ces
Pensées éparses, d'être un athée, ennemi de toute morale; mais je
prie les auteurs de cette objection, de considérer que ces
Pensées sont de Pascal, et non pas de moi; qu'il les a écrites en
toutes lettres; que si elles sont d'un athée, c'est Pascal qui
étoit athée, et non pas moi; qu'enfin, puisque Pascal est mort,
ce seroit peine perdue que de le calomnier.
Il est beau de voir dans cet article M. de V. prendre contre
Pascal la défense de l'existence de Dieu[3]; mais que diront ceux
à qui il en coûte tant pour convenir qu'un vivant puisse avoir
raison contre un mort? C.
(18) Combien un avocat, bien payé par avance, trouve-t-il plus juste
la cause qu'il plaide!
Je compterois plus sur le zèle d'un homme espérant une grande
récompense que sur celui d'un homme l'ayant reçue. V.
(19) _Tout le paragraphe XIX._
Ces idées ont été adoptées par Locke. Il soutient qu'il n'y a nul
principe inné; cependant il paroît certain que les enfants ont un
instinct, celui de l'émulation, celui de la pitié, celui de
mettre, dès qu'ils le peuvent, les mains devant leur visage quand
il est en danger, celui de reculer pour mieux sauter dès qu'ils
sautent. V.
(20) Je crois qu'il seroit presque aussi heureux qu'un roi, qui.....
Tous ceux qui ont attaqué la certitude des connoissances humaines
ont commis la même faute. Ils ont fort bien établi que nous ne
pouvons parvenir, ni dans les sciences physiques, ni dans les
sciences morales, à cette certitude rigoureuse des propositions
de la géométrie, et cela n'étoit pas difficile; mais ils ont
voulu en conclure que l'homme n'avoit aucune règle sûre pour
asseoir son opinion sur ces objets, et ils se sont trompés en
cela. Car il y a des moyens sûrs de parvenir à une très-grande
probabilité dans plusieurs cas; et dans un grand nombre,
d'évaluer le degré de cette probabilité. C.
Être heureux comme un roi, dit le peuple hébété. V.
(21) Que deux hommes voient de la neige, ils expriment tous deux la
vue de ce même objet par les mêmes mots.....
Il y a toujours des différences imperceptibles entre les choses
les plus semblables; il n'y a jamais eu peut-être deux œufs de
poule absolument les mêmes, mais qu'importe? Leibnitz devoit-il
faire un principe philosophique de cette observation triviale? V.
(22) C'est ce qui a donné lieu à ces titres, aussi fastueux en effet,
quoique non[4] en apparence, que cet auteur qui crève les yeux, _de
omni scibili_.
Qui crève les yeux ne veut pas dire ici qui se montre évidemment:
il signifie tout le contraire. V.
(23) Cela étant bien compris, je crois qu'on s'en tiendra au
repos.....
Tout cet article, d'ailleurs obscur, semble fait pour dégoûter
des sciences spéculatives. En effet, un bon artiste en
haute-lisse, en horlogerie, en arpentage, est plus utile que
Platon. V.
(24) La seule comparaison que nous faisons de nous au fini nous fait
peine.
Il eût plutôt fallu dire à l'infini. Mais souvenons-nous que ces
pensées jetées au hasard étoient des matériaux informes qui ne
furent jamais mis en œuvre. V.
(25) _Tout le paragraphe XXV._
Cette pensée paroît un sophisme, et la fausseté consiste dans ce
mot d'_ignorance_, qu'on prend en deux sens différents. Celui qui
ne sait ni lire, ni écrire, est un ignorant; mais un
mathématicien, pour ignorer les principes cachés de la nature,
n'est pas au point d'ignorance d'où il étoit parti quand il
commença à apprendre à lire. Newton ne savoit pas pourquoi
l'homme remue son bras quand il le veut; mais il n'en étoit pas
moins savant sur le reste. Celui qui ne sait point l'hébreu, et
qui sait le latin, est savant, par comparaison, avec celui qui ne
sait que le françois. V.
(26) L'âme est jetée dans le corps pour y faire un séjour de peu de
durée.
Pour dire l'_âme est jetée_, il faudroit être sûr qu'elle est
substance, et non qualité. C'est ce que presque personne n'a
recherché, et c'est par où il faudroit commencer, en
métaphysique, en morale, etc. V.
(27) Mais quand j'y ai regardé de plus près, etc. _tout l'alinéa_.
Ce mot, _ne voir que nous_, ne forme aucun sens. Qu'est-ce qu'un
homme qui n'agiroit point, et qui est supposé se contempler?
Non-seulement je dis que cet homme seroit un imbécille, inutile à
la société; mais je dis que cet homme ne peut exister. Car cet
homme que contempleroit-il? Son corps, ses pieds, ses mains, ses
cinq sens? ou il seroit un idiot, ou bien il feroit usage de tout
cela. Resteroit-il à contempler sa faculté de penser? Mais il ne
peut contempler cette faculté qu'en l'exerçant. Ou il ne pensera
à rien, on bien il pensera aux idées qui lui sont déjà venues, ou
il en composera de nouvelles; or il ne peut avoir d'idées que du
dehors. Le voilà donc nécessairement occupé, ou de ses sens, ou
de ses idées; le voilà donc hors de soi, ou imbécille. Encore une
fois, il est impossible à la nature humaine de rester dans cet
engourdissement imaginaire, il est absurde de le penser, il est
insensé d'y prétendre. L'homme est né pour l'action, comme le feu
tend en haut et la pierre en bas. N'être point occupé, et
n'exister pas, c'est la même chose pour l'homme; toute la
différence consiste dans les occupations douces ou tumultueuses,
dangereuses ou utiles. Job a bien dit: «L'homme est né pour le
travail, comme l'oiseau pour voler»; mais l'oiseau, en volant,
peut être pris au trébuchet. C.
(28) Un roi qui se voit est un homme plein de misères, et qui les
ressent comme un autre.
Toujours le même sophisme. Un roi qui se recueille pour penser
est alors très-occupé; mais s'il n'arrêtoit sa pensée que sur
soi, en disant à soi-même: _je règne_, et rien de plus, il seroit
un idiot. V.
(29) Les hommes ont un instinct secret, etc. _et le reste de
l'alinéa_.
Cet instinct secret étant le premier principe et le fondement
nécessaire de la société, il vient plutôt de la bonté de Dieu, et
il est plutôt l'instrument de notre bonheur que le ressentiment
de notre misère. Je ne sais pas ce que nos premiers pères
faisoient dans le paradis terrestre; mais si chacun d'eux n'avoit
pensé qu'à soi, l'existence du genre humain étoit bien hasardée.
N'est-il pas absurde de penser qu'ils avoient des sens parfaits,
c'est-à-dire, des instruments d'actions parfaits, uniquement pour
la contemplation? Et n'est-il pas plaisant que des têtes
pensantes puissent imaginer que la paresse est un titre de
grandeur, et l'action un rabaissement de notre nature? V.
(30) Lorsque Cynéas disoit à Pyrrhus, etc.
L'exemple de Cinéas est bon dans les satires de Despréaux, mais
non dans un livre philosophique. Un roi sage peut être heureux
chez lui; et de ce qu'on nous donne Pyrrhus pour fou, cela ne
conclut rien pour le reste des hommes. V.
(31) L'homme est si malheureux, qu'il s'ennuieroit, même sans aucune
cause étrangère d'ennui, par le propre état de sa condition
naturelle.
Ne seroit-il pas aussi vrai de dire que l'homme est si heureux en
ce point, et que nous avons tant d'obligation à l'auteur de la
nature, qu'il a attaché l'ennui à l'inaction, afin de nous forcer
par là à être utiles au prochain et à nous-mêmes? V.
(32) _Le paragraphe V._
La nature ne nous rend pas toujours malheureux. Pascal parle
toujours en malade qui veut que le monde entier souffre. V.
(33) _Le paragraphe VI._
Cette comparaison assurément n'est pas juste. Des malheureux
enchaînés, qu'on égorge l'un après l'autre, sont malheureux
non-seulement parce qu'ils souffrent, mais encore parce qu'ils
éprouvent ce que les autres hommes ne souffrent pas. Le sort
naturel d'un homme n'est, ni d'être enchaîné, ni d'être égorgé;
mais tous les hommes sont faits, comme les animaux, les plantes,
pour croître, pour vivre un certain temps, pour produire leur
semblable, et pour mourir. On peut, dans une satire, montrer
l'homme, tant qu'on voudra, du mauvais côté; mais, pour peu qu'on
se serve de sa raison on avouera que, de tous les animaux,
l'homme est le plus parfait, le plus heureux, et celui qui vit le
plus long-temps; car ce qu'on dit des cerfs et des corbeaux n'est
qu'une fable: au lieu donc de nous étonner et de nous plaindre du
malheur et de la brièveté de la vie, nous devons nous étonner et
nous féliciter de notre bonheur et de sa durée. A ne raisonner
qu'en philosophe, j'ose dire qu'il y a bien de l'orgueil et de la
témérité à prétendre que, par notre nature, nous devons être
mieux que nous ne sommes. V.
(34) Nous allons montrer que toutes les opinions du peuple sont
très-saines.
Pascal prouve dans cet article que les préjugés du peuple sont
fondés sur des raisons, mais non pas que le peuple ait raison de
les avoir adoptés. C.
(35) Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont
sûres, si on veut récompenser le mérite; car tous diroient qu'ils
méritent.
Cela mérite explication. Guerre civile, si le prince de Conti
dit: J'ai autant de mérite que le grand Condé; si Retz dit: Je
vaux mieux que Mazarin; si Beaufort dit: Je l'emporte sur
Turenne, et s'il n'y a personne pour les mettre à leur place.
Mais quand Louis XIV arrive, et dit: Je ne récompenserai que le
mérite; alors plus de guerre civile. V.
(36) _Les paragraphes V et VI._
Ces articles ont besoin d'explication, et semblent n'en pas
mériter. V.
(37) Il a quatre laquais, et je n'en ai qu'un; c'est à moi à céder.
Non. Turenne avec un laquais sera respecté par un traitant qui en
aura quatre. V.
(38) Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges,
leurs hermines, dont ils s'emmaillottent en chats fourrés, etc.
Les sénateurs romains avoient le laticlave. V.
(39) Les seuls gens de guerre ne se sont pas déguisés de la sorte.
Aujourd'hui c'est tout le contraire, on se moqueroit d'un médecin
qui viendroit tâter le pouls et contempler votre chaise percée en
soutane. Les officiers de guerre, au contraire, vont partout avec
leurs uniformes et leurs épaulettes. V.
(40) Les Suisses s'offensent d'être dits gentilshommes, et prouvent
la roture de race pour être jugés dignes de grands emplois.
Pascal étoit mal informé. Il y avoit de son temps, et il y a
encore dans le sénat de Berne des gentilshommes aussi anciens que
la maison d'Autriche. Ils sont respectés, ils sont dans les
charges. Il est vrai qu'ils n'y sont pas par droit de naissance,
comme les nobles y sont à Venise. Il faut même à Bâle renoncer à
sa noblesse pour entrer dans le sénat. V.
(41) Cet habit, c'est une force; il n'en est pas de même d'un cheval
bien enharnaché à l'égard d'un autre.
Bas et indigne de Pascal. V.
(42) Le peuple a des opinions très-saines, par exemple, d'avoir
choisi le divertissement et la chasse plutôt que la poésie.
Il semble qu'on ait proposé au peuple de jouer à la boule ou de
faire _des vers_. Non, mais ceux qui ont des organes grossiers
cherchent des plaisirs où l'âme n'entre pour rien; ceux qui ont
un sentiment plus délicat veulent des plaisirs plus fins: il faut
que tout le monde vive. V.
(43) Le port règle ceux qui sont dans le vaisseau; mais où
trouverons-nous ce point dans la morale?
Dans cette seule maxime, reçue de toutes les nations: Ne faites
pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. V.
(44) _Le paragraphe VI._
Un certain peuple a eu une loi par laquelle on faisoit pendre un
homme qui avoit bu à la santé d'un certain prince: il eût été
juste de ne point boire avec cet homme, mais il étoit un peu dur
de le pendre: cela étoit établi, mais cela étoit abominable. V.
(45) Sans doute que l'égalité des biens est juste.
L'égalité des biens n'est pas juste. Il n'est pas juste que, les
parts étant faites, des étrangers mercenaires, qui viennent
m'aider à faire mes moissons, en recueillent autant que moi. V.
(46) Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce
qui est fort fût juste.
Pascal semble se rapprocher ici des idées de Hobbes, et le plus
dévot des philosophes de son siècle est, sur la nature du juste
et de l'injuste, du même avis que le plus irréligieux. C.
(47) _Tout le paragraphe X._
Selon Platon, les bonnes lois sont celles que les citoyens aiment
plus que leur vie; l'art de faire aimer aux hommes les lois de
leur patrie étoit, selon lui, le grand art des législateurs. Il y
a loin d'un philosophe d'Athènes à un philosophe du faubourg
Saint-Jacques. C.
(48) L'extrême esprit est accusé de folie, comme l'extrême défaut.
Ce n'est pas l'extrême esprit, c'est l'extrême vivacité et
volubilité de l'esprit qu'on accuse de folie; l'extrême esprit
est l'extrême justesse, l'extrême finesse; l'extrême étendue
opposée diamétralement à la folie. L'extrême défaut d'esprit est
un manque de conception, un vide d'idées; ce n'est point la
folie, c'est la stupidité. La folie est un dérangement dans les
organes, qui fait voir plusieurs objets trop vite, ou qui arrête
l'imagination sur un seul avec trop d'application et de violence.
Ce n'est point non plus la médiocrité qui passe pour bonne, c'est
l'éloignement des deux vices opposés; c'est ce qu'on appelle
_juste milieu_, et non _médiocrité_. On ne fait cette remarque,
et quelques autres dans ce goût, que pour donner des idées
précises. C'est plutôt pour éclaircir que pour contredire. V.
(49) Les belles actions cachées sont les plus estimables. Quand j'en
vois quelques-unes dans l'histoire, elles me plaisent fort. Mais
enfin elles n'ont pas été tout-à-fait cachées, puisqu'elles ont été
sues; ce peu par où elles ont paru en diminue le mérite, car c'est là
le plus beau de les avoir voulu cacher[5].
Voici une action dont la mémoire mérite d'être conservée, et à
qui il ne me paroît pas possible qu'on puisse appliquer la
réflexion de Pascal.
Le vaisseau que montoit le chevalier de Lordat, étoit prêt à
couler à fond à la vue des côtes de France. Il ne savoit pas
nager; un soldat, excellent nageur, lui dit de se jeter avec lui
dans la mer, de le tenir par la jambe, et qu'il espère le sauver
par ce moyen. Après avoir long-temps nagé, les forces du soldat
s'épuisent; M. de Lordat s'en aperçoit, l'encourage; mais enfin
le soldat lui déclare qu'ils vont périr tous deux.--Et si tu
étois seul?--Peut-être pourrois-je encore me sauver. Le chevalier
de Lordat lui lâche la jambe, et tombe au fond de la mer. C.
Et comment l'histoire en a-t-elle pu parler, si on ne les a pas
sues? V.
(50) Pourquoi faire plutôt quatre espèces de vertus que dix?
On a remarqué, dans un Abrégé de l'Inde et de la guerre misérable
que l'avarice de la Compagnie française soutint contre l'avarice
anglaise; on a remarqué, dis-je, que les brames peignent la vertu
belle et forte avec dix bras, pour résister à dix péchés
capitaux. Les missionnaires ont pris la vertu pour le diable. V.
(51) _Tout le paragraphe XXXI._
Il est faux que les petits soient moins agités que les grands. Au
contraire, leurs désespoirs sont plus vifs, parce qu'ils ont
moins de ressources. De cent personnes qui se tuent à Londres et
ailleurs, il y en a quatre-vingt-dix-neuf du bas peuple, et à
peine une de condition relevée. La comparaison de la roue est
ingénieuse et fausse. V.
(52) _Tout le paragraphe XXXIII._
Il auroit fallu dire d'_être aussi vicieux que lui_[6]; cet
article est trop trivial, et indigne de Pascal. Il est clair que,
si un homme est plus grand que les autres, ce n'est pas parce que
ses pieds sont aussi bas, mais parce que sa tête est plus élevée.
V.
(53) _Paragraphe XLVII._
L'on s'imagine d'ordinaire qu'Alexandre et César sont sortis de
chez eux dans le dessein de conquérir la terre: ce n'est point
cela. Alexandre succéda à Philippe dans le généralat de la Grèce,
et fut chargé de la juste entreprise de venger les Grecs des
injures du roi de Perse; il battit l'ennemi commun, et continua
ses conquêtes jusqu'à l'Inde, parce que le royaume de Darius
s'étendoit jusqu'à l'Inde: de même que le duc de Marlborough
seroit venu jusqu'à Lyon sans le maréchal de Villars. A l'égard
de César, il étoit un des premiers de la république: il se
brouilla avec Pompée, comme les jansénistes avec les molinistes,
et alors ce fut à qui s'extermineroit: une seule bataille, où il
n'y eut pas dix mille hommes de tués, décida de tout. Au reste,
la pensée de Pascal est peut-être fausse en un sens. Il falloit
la maturité de César pour se démêler de tant d'intrigues; et il
est peut-être étonnant qu'Alexandre, à son âge, ait renoncé au
plaisir pour faire une guerre si pénible. V.
(54) En écrivant ma pensée, elle m'échappe quelquefois, etc.
Les idées de Platon sur la nature de l'homme sont bien plus
philosophiques que celles de Pascal. Platon regardoit l'homme
comme un être qui naît avec la faculté de recevoir des
sensations, d'avoir des idées, de sentir du plaisir et de la
douleur; les objets que le hasard lui présente, l'éducation, les
lois, le gouvernement, la religion, agissent sur lui, et forment
son intelligence, ses opinions, ses passions, ses vertus et ses
vices. Il ne seroit rien de ce que nous disons que la nature l'a
fait, si tout cela avoit été autrement. Soumettons-le à d'autres
agents, et il deviendra ce que nous voudrons qu'il soit, ce qu'il
faudroit qu'il fût pour son bonheur, et pour celui de ses
semblables; qui osera fixer des termes à ce que l'homme pourroit
faire de grand et de beau? Mais ne négligeons rien. C'est l'homme
tout entier qu'il faut former, et il ne faut abandonner au
hasard, ni aucun instant de sa vie, ni l'effet d'aucun des objets
qui peuvent agir sur lui[7]. V.
(55) Platon et Aristote.... étoient d'honnêtes gens qui rioient comme
les autres avec leurs amis.
Cette expression, _honnêtes gens_, a signifié, dans l'origine,
les hommes qui avoient de la probité. Du temps de Pascal, elle
signifioit les gens de bonne compagnie; et maintenant ceux qui
ont de la naissance ou de l'argent. C.
Non, monsieur, les honnêtes gens sont ceux à la tête desquels
vous êtes. V.
(56) Je mets en fait que, si tous les hommes savoient ce qu'ils
disent les uns des autres, il n'y auroit pas quatre amis dans le
monde.
Dans l'excellente comédie du _Plain dealer_, l'homme au franc
procédé (excellente à la manière angloise), le Plain dealer dit à
un personnage: Tu te prétends mon ami; voyons, comment le
prouverois-tu?--Ma bourse est à toi,--Et à la première fille
venue. Bagatelle.--Je me battrois pour toi.--Et pour un démenti;
ce n'est pas là un grand sacrifice.--Je dirai du bien de toi à la
face de ceux qui te donneront des ridicules.--Oh! si cela est, tu
m'aimes. V.
(57) A mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus
d'hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence
entre les hommes.
Il y a très-peu d'hommes vraiment originaux; presque tous se
gouvernent, pensent et sentent par l'influence de la coutume et
de l'éducation. Rien n'est si rare qu'un esprit qui marche dans
une route nouvelle; mais parmi cette foule d'hommes qui vont de
compagnie, chacun a de petites différences dans la démarche, que
les vues fines aperçoivent. V.
(58) .... Ils ne savent pas que j'en juge par ma montre.
En ouvrage de goût, en musique, en poésie, en peinture, c'est le
goût qui tient lieu de montre; et celui qui n'en juge que par
règles, en juge mal. V.
(59) Il y en a qui masquent toute la nature. Il n'y a point de roi
parmi eux, mais un auguste monarque; point de Paris, mais une
capitale du royaume.
Ceux qui écrivent en beau françois les gazettes pour le profit
des propriétaires de ces fermes dans les pays étrangers, ne
manquent jamais de dire: «Cette auguste famille entendit vêpres
dimanche, et le sermon du révérend père N. Sa majesté joua aux
dés en haute personne. On fit l'opération de la fistule à son
éminence.» V.
(60) La dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage, est de
savoir celle qu'il faut mettre la première.
Quelquefois. Mais jamais on n'a commencé ni une histoire, ni une
tragédie par la fin, ni aucun travail. Si on ne sait souvent par
où commencer, c'est dans un éloge, dans une oraison funèbre, dans
un sermon, dans tous ces ouvrages de pur appareil, où il faut
parler sans rien dire. V.
(61) Il est difficile de rien obtenir de l'homme que par le plaisir,
qui est la monnoie pour laquelle nous donnons tout ce qu'on veut.
Le plaisir n'est pas la monnoie, mais la denrée pour laquelle on
donne tant de monnoie qu'on veut. V.
(62) Il (Épictète) veut que l'homme soit humble.
Si Épictète a voulu que l'homme fût humble, vous ne deviez donc
pas dire que l'humilité n'a été recommandée que chez nous. V.
(63) Montaigne, né dans un état chrétien, fait profession de la
religion catholique.
On vient de faire un livre pour prouver que Montaigne étoit bon
chrétien. Selon nos zélés, tout grand homme des siècles passés
étoit croyant, tout grand homme vivant est incrédule. Leur
première loi est de chercher à nuire; l'intérêt de leur cause ne
marche qu'après. C.
(64) Les principales raisons des pyrrhoniens sont que nous n'avons
aucune certitude de la vérité des principes....
Les pyrrhoniens absolus ne méritoient pas que Pascal parlât
d'eux. V.
(65) N'y ayant point de certitude hors la foi, si l'homme est créé
par un Dieu bon, ou par un démon méchant....
La foi est une grâce surnaturelle. C'est combattre et vaincre la
raison que Dieu nous a donnée, c'est croire fermement et
aveuglément un homme qui ose parler au nom de Dieu, au lieu de
recourir soi-même à Dieu. C'est croire ce qu'on ne croit pas. Un
philosophe étranger, qui entendit parler de la foi, dit que
c'était se mentir à soi-même. Ce n'est pas là de la certitude;
c'est de l'anéantissement. C'est le triomphe de la théologie sur
la faiblesse humaine. V.
(66) La raison démontre qu'il n'y a point deux nombres carrés dont
l'un soit double de l'autre.
Ce n'est point le raisonnement, c'est l'expérience et le
tâtonnement qui démontrent cette singularité et tant d'autres. V.
(67) Tous se plaignent, princes, sujets, etc.
Je sais qu'il est doux de se plaindre; que, de tout temps, on a
vanté le passé pour injurier le présent; que chaque peuple a
imaginé un âge d'or, d'innocence, de bonne santé, de repos et de
plaisir, qui ne subsiste plus. Cependant j'arrive de ma province
à Paris; on m'introduit dans une très-belle salle où douze cents
personnes écoutent une musique délicieuse: après quoi toute cette
assemblée se divise en petites sociétés qui vont faire un
très-bon souper, et après ce souper elles ne sont pas absolument
mécontentes de la nuit. Je vois tous les beaux-arts en honneur
dans cette ville, et les métiers les plus abjects bien
récompensés, les infirmités très-soulagées, les accidents
prévenus; tout le monde y jouit ou espère jouir, ou travaille
pour jouir un jour, et ce dernier partage n'est pas le plus
mauvais. Je dis alors à Pascal: Mon grand homme, êtes-vous fou?
Je ne nie pas que la terre n'ait été souvent inondée de malheurs
et de crimes, et nous en avons eu notre bonne part. Mais
certainement, lorsque Pascal écrivoit, nous n'étions pas si à
plaindre. Nous ne sommes pas non plus si misérables aujourd'hui.
Prenons toujours ceci, puisque Dieu nous l'envoie;
Nous n'aurons pas toujours tels passe-temps. V.
(68) Qu'y a-t-il de plus ridicule et de plus vain que ce que
proposent les stoïciens?
La morale des stoïciens étoit fondée sur la nature même,
quoiqu'elle semble toujours la combattre. Ces philosophes avoient
observé que les passions violentes, l'enthousiasme, la folie
même, non-seulement donnent à l'homme la force de supporter la
douleur, mais l'y rendoient souvent insensible; et comme il est
une foule de douleurs que notre prudence et nos lumières ne
peuvent ni prévenir, ni soulager; comme la crainte de la douleur
est l'instrument avec lequel les tyrans dégradent l'homme et le
rendent misérable, les stoïciens jugèrent, avec raison, que l'on
ne pourroit opposer aux maux où nous a soumis la nature un remède
à la fois plus utile et plus sûr que d'exciter dans notre âme un
enthousiasme durable, qui, s'augmentant en même temps que la
douleur, par nos efforts, pour nous roidir contre elle, nous y
rendît presque insensibles; cet enthousiasme avoit contre la
douleur la même force que le délire, et cependant laissoit à
l'âme le libre usage dt toutes ses facultés. Ainsi le stoïcien
dit: La douleur n'est point un mal, et il cessa presque de la
sentir. Le même remède s'applique encore, avec plus de succès,
aux maux de l'âme, plus cruels que ceux du corps. Celle du sage
s'élève si haut, que les opprobres, les injustices, ne peuvent y
atteindre. L'amour de l'ordre, porté jusqu'à l'enthousiasme, fut
sa seule passion, et la rendit inaccessible à toute autre. Le
bonheur du stoïcien consistoit dans le sentiment de la force et
de la grandeur de son âme; la foiblesse et le crime étoient donc
les seuls maux qui pussent le troubler, et, occupé de se
rapprocher des dieux, en faisant du bien aux hommes, il savoit
mourir quand il ne lui en restoit plus à faire.
Si donc on peut regarder comme des enthousiastes les sectateurs
de cette morale, on ne peut se dispenser de reconnoître dans son
inventeur un génie profond et une âme sublime. C.
Il est vrai que c'est le sublime des Petites-Maisons; mais il est
bien respectable. V.
(69) Ce désir (de la vérité et du bonheur) nous est laissé, tant pour
nous punir que pour nous faire sentir d'où nous sommes tombés.
Comment peut-on dire que le désir du bonheur, ce grand présent de
Dieu, ce premier ressort du monde moral, n'est qu'un juste
supplice? O éloquence fanatique! V.
(70) Quelle chimère est-ce donc que l'homme?
Vrai discours de malade. V.
(71) Que ceux qui combattent la religion[8] apprennent au moins
quelle elle est avant que de la combattre. Si cette religion se
vantoit d'avoir une vue claire de Dieu, et de le posséder à découvert
et sans voile[9], ce seroit la combattre que de dire qu'on ne voit
rien dans le monde qui le montre avec cette évidence. Mais
puisqu'elle dit, au contraire, que les hommes sont dans les
ténèbres[10] et dans l'éloignement de Dieu....
(72) Toutes nos actions et toutes nos pensées doivent prendre des
routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à
espérer, ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens
et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point, qui doit être
notre premier objet.
Il ne s'agit pas encore ici de la sublimité et de la sainteté de
la religion chrétienne, mais de l'immortalité de l'âme, qui est
le fondement de toutes les religions connues, excepté de la
juive; je dis excepté de la juive, parce que ce dogme n'est
exprimé dans aucun endroit du Pentateuque, qui est le livre de la
loi juive; parce que nul auteur juif n'a pu y trouver aucun
passage qui désignât ce dogme; parce que, pour établir
l'existence reconnue de cette opinion si importante, si
fondamentale, il ne suffit pas de la supposer, de l'inférer de
quelques mots dont on force le sens naturel: mais il faut qu'elle
soit énoncée de la façon la plus positive et la plus claire;
parce que, si la petite nation juive avoit eu quelque
connoissance de ce grand dogme avant Antiochus Épiphane, il n'est
pas à croire que la secte des Sadducéens, rigides observateurs de
la loi, eût osé s'élever contre la croyance fondamentale de la
loi juive.
Mais qu'importe en quel temps la doctrine de l'immortalité et de
la spiritualité de l'âme a été introduite dans le malheureux pays
de la Palestine? Qu'importe que Zoroastre aux Perses, Numa aux
Romains, Platon aux Grecs, aient enseigné l'existence et la
permanence de l'âme? Pascal veut que tout homme, par sa propre
raison, résolve ce grand problème. Mais lui-même le peut-il?
Locke, le sage Locke, n'a-t-il pas confessé que l'homme ne peut
savoir si Dieu ne peut accorder le don de la pensée à tel être
qu'il daignera choisir? N'a-t-il pas avoué par là qu'il ne nous
est pas plus donné de connoître la nature de notre entendement
que de connoître la manière dont notre sang se forme dans nos
veines? Jescher a parlé; il suffit.
Quand il est question de l'âme, il faut combattre Épicure,
Lucrèce, Pomponace, et ne pas se laisser subjuguer par une
faction de théologiens du faubourg Saint-Jacques, jusqu'à couvrir
d'un capuce une tête d'Archimède. V.
(73) La mort nous doit mettre dans un état éternel de bonheur ou de
malheur, ou d'anéantissement.
Il n'y eut ni malheur éternel, ni anéantissement dans les
systèmes des Bracmanes, des Egyptiens, et chez plusieurs sectes
grecques. Enfin ce qui parut aux Romains de plus vraisemblable,
ce fut cet axiome tant répété dans le sénat et sur le théâtre:
«Que devient l'homme après la mort? Ce qu'il étoit avant de
naître.» Pascal raisonne ici contre un mauvais Chrétien, contre
un Chrétien indifférent qui ne pense point à sa religion, qui
s'étourdit sur elle. Mais il faut parler à tous les hommes, il
faut convaincre un Chinois et un Mexicain, un déiste et un athée.
J'entends des déistes et des athées qui raisonnent, et qui par
conséquent méritent qu'on raisonne avec eux; je n'entends pas des
petits-maîtres. V.
(74) Comme je ne sais d'où je viens, aussi ne sais-je ou je vais; je
sais seulement qu'en sortant de ce monde, je tombe pour jamais, ou
dans le néant, ou dans les mains d'un Dieu irrité, sans savoir à
laquelle des deux conditions je dois être éternellement en partage.
Si vous ne savez où vous allez, comment savez-vous que vous
tombez infailliblement ou dans le néant, ou dans les mains d'un
Dieu irrité? Qui vous a dit que l'Etre suprême peut être irrité?
N'est-il pas infiniment plus probable que vous serez entre les
mains d'un Dieu bon et miséricordieux? Et ne peut-on pas dire de
la nature divine ce que le poète philosophe des Romains en a dit.
V.
_Ipsa suis pollens opibus, nihil indiga nostrî,
Nec benè promeritis capitur, neque tangitur ira._
LUCR. lib. 2, v. 649.
(75) Un homme dans un cachot, ne sachant si son arrêt est donné,
n'ayant plus qu'une heure pour l'apprendre.... il est contre la
nature qu'il emploie cette heure-là, non à s'informer si cet arrêt
est donné, mais à jouer et à se divertir.
Il semble qu'il manque quelque chose à ce raisonnement de Pascal.
Sans doute il est absurde de ne pas employer son temps à la
recherche d'une chose qu'on peut connoître, et dont la
connoissance nous est d'une importance infinie. Mais un homme qui
seroit persuadé que cette connoissance est impossible à acquérir,
que l'esprit humain n'a aucun moyen d'y parvenir, peut, sans
folie, demeurer dans le doute; il peut y demeurer tranquille,
s'il croit qu'un Dieu juste n'a pu faire dépendre l'état futur
des hommes de connoissances auxquelles leur esprit ne sauroit
atteindre.
Un homme, enfermé dans un cachot, ne sachant pas si son arrêt est
donné, mais sûr de son innocence, et comptant sur l'équité de ses
juges, n'ayant aucun moyen d'apprendre encore ce que porte son
arrêt, pourroit l'attendre tranquillement, et ne seroit alors que
raisonnable et ferme. Il faut donc commencer par prouver qu'il
n'est pas impossible que l'homme parvienne à quelque connoissance
certaine sur la vie future. C.
(76) Ce sont des personnes qui ont ouï dire que les belles manières
du monde consistent à faire ainsi l'emporté.
Cette capucinade n'auroit jamais été répétée par un Pascal, si le
fanatisme janséniste n'avoit pas ensorcelé son imagination.
Comment n'a-t-il pas vu que les fanatiques de Rome en pouvoient
dire autant à ceux qui se moquoient de Numa et d'Égérie? les
énergumènes d'Égypte aux esprits sensés qui rioient d'Isis,
d'Osiris et d'Horus? le sacristain de tous les pays aux honnêtes
gens de tous les pays? V.
(77) Si on leur fait rendre compte des raisons qu'ils ont de douter
de la religion, ils diront des choses si foibles et si basses, qu'ils
persuaderont plutôt du contraire.
Ce n'est donc pas contre ces insensés méprisables que vous devez
disputer; mais contre des philosophes trompés par des arguments
séduisants. V.
(78) Qu'ils soient au moins honnêtes gens, s'ils ne peuvent encore
être chrétiens.
Il s'agit ici de savoir si l'opinion de l'immortalité de l'âme
est vraie, et non pas si elle annonce plus d'_esprit_, _une âme
plus élevée_ que l'opinion contraire; si elle est plus _gaie_, ou
_de meilleur air_. Il faut croire cette grande vérité, parce
qu'elle est prouvée, et non parce que cette croyance excitera les
autres hommes à avoir en nous plus de confiance. Cette manière de
raisonner ne seroit propre qu'à faire des hypocrites. D'ailleurs
il me semble que c'est moins d'après les opinions d'un homme sur
la métaphysique, ou la morale, qu'il faut se confier en lui, ou
s'en défier, que d'après son caractère; et, s'il est permis de
s'exprimer ainsi, d'après sa constitution morale. L'expérience
paroît confirmer ce que j'avance ici. Ni Constantin, ni Théodose,
ni Mahomet, ni Innocent III, ni Marie d'Angleterre, ni Philippe
II, ni Aureng-zeb, ni Jacques Clément, ni Ravaillac, ni Balthazar
Gérard, ni les brigands qui dévastèrent l'Amérique, ni les
capucins qui conduisoient les troupes piémontoises au dernier
massacre des Vaudois, n'ont jamais élevé le moindre doute sur
l'immortalité de l'âme. En général même, ce sont les hommes
foibles, ignorants et passionnés, qui commettent des crimes: et
ces mêmes hommes sont naturellement portés à la superstition. C.
(79) Par les lumières naturelles..... nous sommes incapables de
connoître, ni ce qu'il est, ni s'il est.
Il est étrange que Pascal ait cru qu'on pouvoit deviner le péché
originel par la raison, et qu'il dise qu'on ne peut connoître par
la raison si Dieu est. C'est apparemment la lecture de cette
pensée qui engagea le père Hardouin à mettre Pascal dans sa liste
ridicule des athées. Pascal eût manifestement rejeté cette idée,
puisqu'il la combat en d'autres endroits. En effet, nous sommes
obligés d'admettre des choses que nous ne concevons pas.
«J'existe, donc quelque chose existe de toute éternité,» est une
proposition évidente: cependant, comprenons-nous l'éternité? C.
(80) Je n'entreprendrai pas ici de prouver par des raisons
naturelles, ou l'existence de Dieu, ou la Trinité..... parce que je
ne me sentirois pas assez fort....
Encore une fois, est-il possible que ce soit Pascal qui ne se
sente pas assez fort pour prouver l'existence de Dieu! V.[11]
(81) C'est une chose admirable que jamais auteur canonique n'a dit:
Il n'y a point de vide, donc il y a un Dieu.
Voilà un plaisant argument: Jamais la Bible n'a dit comme
Descartes: Tout est plein, donc il y a un Dieu. V.
(82) Ne parier point que Dieu est, c'est parier qu'il n'est pas.
Il est évidemment faut de dire: Ne point parier que Dieu est,
c'est parier qu'il n'est pas; car celui qui doute et demande à
s'éclaircir, ne parie assurément ni pour, ni contre. D'ailleurs
cet article paroît un peu indécent et puéril: cette idée de jeu,
de perte et de gain, ne convient point à la gravité du sujet. De
plus, l'intérêt que j'ai à croire une chose n'est pas une preuve
de l'existence de cette chose. Vous me promettez l'empire du
monde, si je crois que vous avez raison. Je souhaite alors de
tout mon cœur que vous ayez raison; mais, jusqu'à ce que vous me
l'ayez prouvé, je ne puis vous croire. Commencez, pourroit-on
dire à Pascal, par convaincre ma raison: j'ai intérêt, sans
doute, qu'il y ait un Dieu; mais si dans votre système, Dieu
n'est venu que pour si peu de personnes, si le petit nombre des
élus est si effrayant, si je ne puis rien du tout par moi-même,
dites-moi, je vous prie, quel intérêt j'ai à vous croire. N'ai-je
pas un intérêt visible à être persuadé du contraire? De quel
front osez-vous me montrer un bonheur infini, auquel, d'un
million d'hommes, un seul à peine a droit d'aspirer! Si vous
voulez me convaincre, prenez-vous-y d'une autre façon, et n'allez
pas tantôt me parler de jeux de hasard, de pari, de croix et de
pile, et tantôt m'effrayer par les épines que vous semez sur le
chemin que je veux et que je dois suivre. Votre raisonnement ne
serviroit qu'à faire des athées, si la voix de toute la nature ne
nous crioit qu'il y a un Dieu avec autant de force que ces
subtilités ont de foiblesse. V.
(83) Combien y a-t-il peu de choses démontrées! Les preuves ne
convainquent que l'esprit. La coutume fait nos preuves les plus
fortes.
Coutume n'est pas ici le mot propre. Ce n'est pas par coutume
qu'on croit qu'il fera jour demain. C'est par une extrême
probabilité. Ce n'est point par les sens, par le corps, que nous
nous attendons à mourir; mais notre raison, sachant que tous les
hommes sont morts, nous convainc que nous mourrons aussi.
L'éducation, la coutume fait sans doute des musulmans et des
chrétiens, comme le dit Pascal. Mais la coutume ne fait pas
croire que nous mourrons, comme elle nous fait croire à Mahomet
ou à Paul, selon que nous avons été élevés à Constantinople ou à
Rome. Ce sont choses fort différentes. V.
(84) Nulle autre religion n'a jamais demandé à Dieu de l'aimer et de
le suivre.
Épictète esclave, et Marc-Aurèle empereur, parlent
continuellement d'aimer Dieu et de le suivre. V.
(85) Dieu étant caché, toute religion qui ne dit pas que Dieu est
caché, n'est pas la véritable.
Pourquoi vouloir toujours que Dieu soit caché? On aimeroit mieux
qu'il fût manifeste. V.
(86) Il est impossible d'envisager toutes les preuves de la religion
chrétienne, etc. _Tout cet alinéa et le suivant._
Heureusement il fut dans les décrets de la divine Providence que
Dioclétien protégeât notre sainte religion pendant dix-huit
années avant la persécution commencée par Galerius, et qu'ensuite
Constancius-le-Pâle, et enfin Constantin, la missent sur le
trône. V.
(87) Ils (les philosophes païens) n'ont jamais reconnu pour vertu ce
que les chrétiens appellent humilité.
Platon la recommande, Épictète encore davantage. V.
(88) Que l'on considère cette suite merveilleuse de prophètes qui se
sont succédés les uns aux autres pendant deux mille ans, etc.
Mais que l'on considère aussi cette suite ridicule de prétendus
prophètes, qui tous annoncent le contraire de Jésus-Christ, selon
ces Juifs, qui seuls entendent la langue de ces prophètes. V.
(89) Enfin, que l'on considère la sainteté de cette religion, sa
doctrine, qui rend raison de tout, jusqu'aux contrariétés qui se
rencontrent dans l'homme....., et qu'on juge, après tout cela, s'il
est possible de douter que la religion chrétienne soit la seule
véritable, et si jamais aucune autre a rien eu qui en approchât.
Lecteurs sages, remarquez que ce coryphée des jansénistes n'a
dit, dans tout ce livre sur la religion chrétienne, que ce qu'ont
dit les jésuites. Il l'a dit seulement avec une éloquence plus
serrée et plus mâle. Port-royalistes et Ignatiens, tous ont
prêché les mêmes dogmes: tous ont crié, croyez aux livres juifs
dictés par Dieu même, et détestez le judaïsme. Chantez les
prières juives que vous n'entendez point, et croyez que le peuple
de Dieu a condamné votre Dieu à mourir à une potence. Croyez que
votre Dieu juif, la seconde personne de Dieu, co-éternel avec
Dieu le père, est né d'une vierge juive, a été engendré par une
troisième personne de Dieu, et qu'il a eu cependant des frères
juifs qui n'étoient que des hommes. Croyez, qu'étant mort par le
supplice le plus infâme, il a par ce supplice même ôté de dessus
la terre tout péché et tout mal, quoique depuis lui et en son nom
la terre ait été inondée de plus de crimes et de malheurs que
jamais.
Les fanatiques de Port-Royal et les fanatiques jésuites se sont
réunis pour prêcher ces dogmes étranges avec le même
enthousiasme; et en même temps ils se sont fait une guerre
mortelle; ils se sont mutuellement anathématisés avec fureur,
jusqu'à ce qu'une de ces deux factions de possédés ait enfin
détruit l'autre.
Souvenez-vous, sages lecteurs, des temps mille fois plus
horribles de ces énergumènes, nommés _papistes_ et _calvinistes_,
qui prêchoient le fond des mêmes dogmes, et qui se poursuivirent
par le fer, par la flamme et par le poison pendant deux cents
années, pour quelques mots différemment interprétés. Songez que
ce fut en allant à la messe que l'on commit les massacres
d'Irlande et de la Saint-Barthélemi; que ce fut après la messe,
et pour la messe, qu'on égorgea tant d'innocents, tant de mères,
tant d'enfants dans la croisade contre les Albigeois; que les
assassins de tant de rois ne les ont assassinés que pour la
messe. Ne vous y trompez pas; les convulsionnaires qui restent
encore en feroient tout autant, s'ils avoient pour apôtres les
mêmes têtes brûlantes qui mirent le feu à la cervelle de Damiens.
O Pascal! voilà ce qu'ont produit les querelles interminables sur
des dogmes, sur des mystères qui ne pouvoient produire que des
querelles. Il n'y a pas un article de foi qui n'ait enfanté une
guerre civile.
Pascal a été géomètre et éloquent; la réunion de ces deux grands
mérites étoit alors bien rare: mais il n'y joignoit pas la vraie
philosophie. L'auteur de l'éloge indique avec adresse ce que
j'avance hardiment. Il vient enfin un temps de dire la vérité. V.
(90) Il faut encore que la véritable religion nous rende raison des
étonnantes contrariétés qui s'y rencontrent.
Cette manière de raisonner paroît fausse et dangereuse; car la
fable de Prométhée et de Pandore, les Androgynes de Platon, les
dogmes des anciens Égyptiens, ceux de Zoroastre, rendroient aussi
bien raison de ces contrariétés apparentes. La religion
chrétienne n'en demeurera pas moins vraie, quand même on n'en
tireroit pas ces conclusions ingénieuses, qui ne peuvent servir
qu'à faire briller l'esprit. Il est nécessaire, pour qu'une
religion soit vraie, qu'elle soit révélée, et point du tout
qu'elle rende raison de ces contrariétés prétendues; elle n'est
pas plus faite pour vous enseigner la métaphysique que
l'astronomie. V.
(91) Sera-ce celle qu'enseignoient les philosophes?
Les philosophes n'ont point enseigné de religion: ce n'est pas
leur philosophie qu'il s'agit de combattre. Jamais philosophe ne
s'est dit inspiré de Dieu; car dès lors il eût cessé d'être
philosophe, et il eût fait le prophète. Il ne s'agit pas de
savoir si Jésus-Christ doit l'emporter sur Aristote; il s'agit de
prouver que la religion de Jésus-Christ est la véritable, et que
celles de Mahomet, de Zoroastre, de Confucius, d'Hermès, et
toutes les autres, sont fausses. Il n'est pas vrai que les
philosophes nous aient proposé, pour tout bien, un bien qui est
en nous. Lisez Platon, Marc-Aurèle, Épictète; ils veulent qu'on
aspire à mériter d'être rejoint à la Divinité dont nous sommes
émanés. V.
(92) J'ai créé l'homme saint, innocent, parfait...... mais il n'a pu
soutenir tant de gloire sans tomber dans la présomption.
Ce furent les premiers bracmanes qui inventèrent le roman
théologique de la chute de l'homme, ou plutôt des anges: et cette
cosmogonie, aussi ingénieuse que fabuleuse, a été la source de
toutes les fables sacrées qui ont inondé la terre. Les sauvages
de l'occident, policés si tard, et après tant de révolutions et
après tant de barbaries, n'ont pu en être instruits que dans nos
derniers temps. Mais il faut remarquer que vingt nations de
l'orient ont copié les anciens bracmanes, avant qu'une de ces
mauvaises copies, j'ose dire la plus mauvaise de toutes, soit
parvenue jusqu'à nous. V.
(93) Si l'homme n'avoit jamais été corrompu, il jouiroit de la vérité
et de la félicité avec assurance. Et si l'homme n'avoit jamais été
que corrompu, il n'auroit aucune idée ni de la vérité, ni de la
béatitude.
Il est sûr, par la foi et par notre révélation, si au-dessus des
lumières des hommes, que nous sommes tombés; mais rien n'est
moins manifeste par la raison. Car je voudrais bien savoir si
Dieu ne pouvoit pas, sans déroger à sa justice, créer l'homme tel
qu'il est aujourd'hui; et ne l'a-t-il pas même créé pour devenir
ce qu'il est? L'état présent de l'homme n'est-il pas un bienfait
du Créateur? Qui vous a dit que Dieu vous en devoit davantage?
Qui vous a dit que votre être exigeoit plus de connoissances et
plus de bonheur? Qui vous a dit qu'il en comporte davantage? Vous
vous étonnez que Dieu ait fait l'homme si borné, si ignorant, si
peu heureux; que ne vous étonnez-vous qu'il ne l'ait pas fait
plus borné, plus ignorant, plus malheureux? Vous vous plaignez
d'une vie courte et si infortunée; remerciez Dieu de ce qu'elle
n'est pas plus courte et plus malheureuse. Quoi donc! selon vous,
pour raisonner conséquemment, il faudroit que tous les hommes
accusassent la Providence, hors les métaphysiciens qui raisonnent
sur le péché originel. V.
(94) Cette duplicité de l'homme est si visible, qu'il y en a qui ont
pensé que nous avions deux âmes.
Cette pensée est prise entièrement de Montaigne, ainsi que
beaucoup d'autres. Elle se trouve au chapitre de l'inconstance de
nos actions. Mais Montaigne s'explique en homme qui doute. Nos
diverses volontés ne sont point des contradictions de la nature,
et l'homme n'est point un sujet simple; il est composé d'un
nombre innombrable d'organes. Si un seul de ces organes est un
peu altéré, il est nécessaire qu'il change toutes les impressions
du cerveau, et que l'animal ait de nouvelles pensées et de
nouvelles volontés. Il est très-vrai que nous sommes, tantôt
abattus de tristesse, tantôt enflés de présomption; et cela doit
être, quand nous nous trouvons dans des situations opposées. Un
animal, que son maître caresse et nourrit, et un autre qu'on
égorge lentement et avec adresse, pour en faire une dissection,
éprouvent des sentiments bien contraires. Ainsi faisons-nous; et
les différences qui sont en nous sont si peu contradictoires,
qu'il seroit contradictoire qu'elles n'existassent pas. Les fous
qui ont dit que nous avions deux âmes pouvoient, par la même
raison, nous en donner trente et quarante. Car un homme, dans une
grande passion, a souvent trente ou quarante idées différentes de
la même chose, et doit nécessairement les avoir, selon que cet
objet lui paroît sous différentes faces. Cette prétendue
duplicité de l'homme est une idée aussi absurde que métaphysique;
j'aimerois autant dire que le chien qui mord et qui caresse est
double; que la poule, qui a tant soin de ses petits, et qui
ensuite les abandonne jusqu'à les méconnoître, est double; que la
glace, qui représente des objets différents, est double; que
l'arbre, qui est tantôt chargé, tantôt dépouillé de feuilles, est
double. J'avoue que l'homme est inconcevable en un sens; mais
tout le reste de la nature l'est aussi: et il n'y a pas plus de
contradictions apparentes dans l'homme que dans tout le reste. V.
(95) Je vois des multitudes de religions..... mais elles n'ont ni
morale qui me puisse plaire, ni preuves capables de m'arrêter.
La morale est partout la même, chez l'empereur Marc-Aurèle, chez
l'empereur Julien, chez l'esclave Épictète, que vous-même admirez
dans Saint-Louis et dans Bondebar son vainqueur, chez l'empereur
de la Chine Kien-Long, et chez le roi de Maroc. V.
(96) Ils (les Juifs) soutiennent qu'il viendra un libérateur pour
tous; qu'ils sont au monde pour l'annoncer.
Peut-on s'aveugler à ce point, et être assez fanatique pour ne
faire servir son esprit qu'à vouloir aveugler le reste des
hommes! Grand Dieu! un reste d'Arabes voleurs, sanguinaires,
superstitieux et usuriers, seroit le dépositaire de tes secrets!
Cette horde barbare seroit plus ancienne que les sages Chinois,
que les bracmanes qui ont enseigné la terre, que les Égyptiens
qui l'ont étonnée par leurs immortels monuments! Cette chétive
nation seroit digne de nos regards pour avoir conservé quelques
fables ridicules et atroces, quelques contes absurdes infiniment
au-dessous des fables indiennes et persanes! Et c'est cette horde
d'usuriers fanatiques qui vous en impose, ô Pascal! et vous
donnez la torture à votre esprit, vous falsifiez l'histoire, et
vous faites dire à ce misérable peuple tout le contraire de ce
que ses livres ont dit! vous lui imputez tout le contraire de ce
qu'il a fait! et cela pour plaire à quelques jansénistes qui ont
subjugué votre imagination ardente et perverti votre raison
supérieure. V.
(97) Ce peuple (les Juifs), quoique si étrangement abondant, est
sorti d'un seul homme.
Il n'est point étrangement abondant. On a calculé qu'il n'existe
pas aujourd'hui six cent mille individus juifs. V.
(98) Ce peuple est le plus ancien qui soit dans la connoissance des
hommes.
Certes, ils ne sont pas antérieurs aux Égyptiens, aux Chaldéens,
aux Perses, leurs maîtres; aux Indiens, inventeurs de la
théologie. On peut faire comme on veut sa généalogie. Ces vanités
impertinentes sont aussi méprisables que communes: mais un peuple
ose-t-il se dire plus ancien que des peuples qui ont eu des
villes et des temples plus de vingt siècles avant lui?
(99) La loi (des Juifs) est tout ensemble la plus ancienne loi du
monde, etc.
Il est très-faux que la loi des Juifs soit la plus ancienne,
puisque avant Moïse, leur législateur, ils demeuroient en Égypte,
le pays de la terre le plus renommé par ses sages lois, selon
lesquelles les rois étoient jugés après la mort. Il est très-faux
que le nom de _loi_ n'ait été connu qu'après Homère; il parle des
lois de Minos dans _l'Odyssée_. Le mot de loi est dans Hésiode;
et quand le nom de loi ne se trouveroit ni dans Hésiode, ni dans
Homère, cela ne prouveroit rien. Il y avoit d'anciens royaumes,
des rois et des juges: donc il y avoit des lois. Celles des
Chinois sont bien antérieures à Moïse.
Il est encore très-faux que les Grecs et les Romains aient pris
des lois des Juifs. Ce ne peut être dans les commencements de
leurs républiques; car alors ils ne pouvoient connoître les
Juifs. Ce ne peut être dans le temps de leur grandeur; car alors
ils avoient pour ces barbares un mépris connu de toute la terre.
Voyez comme Cicéron les traite, en parlant de la prise de
Jérusalem par Pompée. Philon avoue qu'avant la traduction imputée
aux Septante, aucune nation n'a connu leurs livres. V.
(100) C'est une sincérité qui n'a point d'exemple dans le monde, ni
sa racine dans la nature.
Cette sincérité a partout des exemples, et n'a sa racine que dans
la nature. L'orgueil de chaque Juif est intéressé à croire que ce
n'est point sa détestable politique, son ignorance des arts, sa
grossièreté, qui l'ont perdu; mais que c'est la colère de Dieu
qui le punit: il pense, avec satisfaction, qu'il a fallu des
miracles pour l'abattre, et que sa nation est toujours la
bien-aimée du Dieu qui la châtie. Qu'un prédicateur monte en
chaire, et dise aux François: «Vous êtes des misérables qui
n'avez ni cœur, ni conduite; vous avez été battus à Hochstet et à
Ramillies, parce que vous n'avez pas su vous défendre», il se
fera lapider. Mais s'il dit: «Vous êtes des catholiques chéris de
Dieu; vos péchés infâmes avoient irrité l'Éternel, qui vous livra
aux hérétiques à Hochstet et à Ramillies; et quand vous êtes
revenus au Seigneur, alors il a béni votre courage à Denain», ces
paroles le feront aimer de l'auditoire. V.
(101) La création du monde commençant à s'éloigner, Dieu a pourvu
d'un historien contemporain.
Contemporain: ah! V.
(102) Si Moïse eût débité des fables, il n'y eût point eu de Juif qui
n'en eût pu reconnoître l'imposture.
Oui, s'il avoit écrit en effet ces fables dans un désert, pour
deux ou trois millions d'hommes qui eussent eu des bibliothéques.
Mais si quelques lévites avoient écrit ces fables plusieurs
siècles après Moïse, comme cela est vraisemblable et vrai!....
De plus, y a-t-il une nation chez laquelle on n'ait pas débité
ces fables? V.
(103) Au temps où il écrivoit ces choses, la mémoire en devoit encore
être toute récente dans l'esprit de tous les Juifs.
Les Égyptiens, Syriens, Chaldéens, Indiens, n'ont-ils pas donné
des siècles de vie à leurs héros, avant que la petite horde
juive, leur imitatrice, existât sur la terre? V.
(104) Ce n'est pas de cette sorte que l'Écriture, qui connoît mieux
que nous les choses qui sont de Dieu, en parle.
Et qu'est-ce donc que le _Cœli enarrant gloriam Dei_? V.
(105) Lorsque j'ai considéré d'où vient qu'on ajoute tant de foi à
tant d'imposteurs, etc., _et tout le reste de ce long paragraphe_.
La solution de ce problème est bien aisée. On vit des effets
physiques extraordinaires; des fripons les firent passer pour des
miracles. On vit des maladies augmenter dans la pleine lune; et
des sots crurent que la fièvre étoit plus forte, parce que la
lune étoit pleine. Un malade, qui devoit guérir, se trouva mieux
le lendemain qu'il eut mangé des écrevisses; et on conclut que
les écrevisses purifioient le sang, parce qu'elles sont rouges
étant cuites.
Il me semble que la nature humaine n'a pas besoin du vrai pour
tomber dans le faux. On a imputé mille fausses influences à la
lune, avant qu'on imaginât le moindre rapport véritable avec le
flux de la mer. Le premier homme qui a été malade a cru sans
peine le premier charlatan; personne n'a vu de loups garoux ni de
sorciers, et beaucoup y ont cru; personne n'a vu de transmutation
de métaux, et plusieurs ont été ruinés par la créance de la
pierre philosophale; les Romains, les Grecs, les païens, ne
croyoient-ils donc aux miracles dont ils étoient inondés que
parce qu'ils en avoient vu de véritables? V.
(106) Commencez par plaindre les incrédules; ils sont assez
malheureux. Il ne les faudroit injurier qu'en cas que cela servît;
mais cela leur nuit.
Et vous les avez injuriés sans cesse. Vous les avez traités comme
des jésuites! Et en leur disant tant d'injures, vous convenez que
les vrais chrétiens ne peuvent rendre raison de leur religion;
que, s'ils la prouvoient, ils ne tiendroient point parole; que
leur religion est une sottise; que, si elle est vraie, c'est
parce qu'elle est une sottise. O profondeur d'absurdités! V.
(107) A ceux qui ont de la répugnance pour la religion, il faut
commencer par leur montrer qu'elle n'est pas contraire à la raison.
Ne voyez-vous pas, ô Pascal! que vous êtes un homme de parti qui
cherchez à faire des recrues? V.
(108) De se tromper en croyant vraie la religion chrétienne, il n'y a
pas grand'chose à perdre: mais quel malheur de se tromper en la
croyant fausse!
Le flamen de Jupiter, les prêtres de Cybèle, ceux d'Isis, en
disoient autant. Le muphti, le grand-lama, en disent autant. Il
faut donc examiner les pièces du procès. V.
(109) Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaîment que quand
on le fait par un faux principe de conscience.
Les crimes, regardés comme tels, font beaucoup moins de mal à
l'humanité que cette foule d'actions criminelles qu'on commet
sans remords, parce que l'habitude, ou une fausse conscience,
nous les fait regarder comme indifférentes, ou même comme
vertueuses.
1^o. Combien, depuis Constantin, n'y a-t-il pas eu de princes qui
ont cru servir la Divinité en tourmentant, de supplices cruels,
ceux de leurs sujets qui l'adoroient sous une forme différente!
Combien n'ont-ils pas cru être obligés de proscrire ceux qui
osoient dire leur avis sur ces grands objets, qui intéressent
tous les hommes, et dont chaque homme semble avoir le droit de
décider pour lui-même!
Combien de législateurs ont privé des droits de citoyen quiconque
n'étoit pas d'accord avec eux sur quelques points de leur
croyance, et forcé des pères de choisir entre le parjure, et
l'inquiétude cruelle de ne laisser à leurs enfants qu'une
existence précaire! Et ces lois subsistent! Et les souverains
ignorent que chaque mal qu'elles font est un crime pour le prince
qui les ordonne, qui en permet l'exécution, ou qui tarde de les
détruire!
2^o. En ordonnant la guerre, qui n'est pas nécessaire pour la
sûreté de son peuple, un prince se rend responsable de tous les
maux qu'elle entraîne, et il est coupable d'autant de meurtres
que la guerre fait de victimes. Combien cependant de guerres
inutiles sont regardées comme justes, et entreprises sans
remords, sur de frivoles motifs d'intérêt politique ou de dignité
nationale!
3^o. C'est un usage reçu en Europe, qu'un gentilhomme vende, à
une querelle étrangère, le sang qui appartient à sa patrie; qu'il
s'engage à assassiner, en bataille rangée, qui il plaira au
prince qui le soudoie; et ce métier est regardé comme honorable.
4^o. Tout juge qui décerne une peine de mort, sans y être
condamné par une loi expresse, est un assassin. Ni une loi vague,
qui permettroit de prononcer même la mort, suivant l'échéance des
cas, ni ce qu'on appelle la jurisprudence des arrêts, ne peuvent
le justifier: car la permission de tuer un homme n'en donne pas
le droit: et c'est mal se justifier d'un meurtre, que de dire
qu'on est dans l'habitude d'en commettre.
Tout juge qui décerne une peine capitale pour une action qui ne
blesse aucune des lois de la nature; pour une action ou
indifférente, ou blâmable, mais qui n'est un crime qu'aux yeux
des préjugés; pour une action imaginaire enfin, se rend coupable
de meurtre. La loi l'oblige, dit-il, de prononcer ainsi: mais la
loi ne l'oblige pas d'être juge, et la nature lui défend d'être
absurde et barbare. Il vaut mieux renoncer à la charge de
président à mortier qu'à la qualité d'homme.
Nous oserons demander si les juges d'Anne du Bourg, de Dolet, de
Morin, de Petit d'Herbé, des bergers de Brie, de Moriceau, de La
Chaux, de Lalli, de La Barre, etc., ont été fidèles à ces règles,
dictées par la nature et la raison, qui sont plus anciennes et
plus sacrées que les registres _olim_.
5^o. Arracher des hommes de leur pays par la trahison et par la
violence, pour les exposer en vente dans des marchés publics,
comme des bêtes de somme; s'accoutumer à ne mettre aucune
différence entre eux et les animaux; les contraindre au travail,
à force de coups; les nourrir non pour qu'ils vivent, mais pour
qu'ils rapportent; les abandonner dans la vieillesse ou dans la
maladie, lorsque l'on n'espère plus de regagner par leur travail
ce qu'il en coûteroit pour les soigner; ne leur permettre d'être
pères que pour donner le jour à des enfants destinés aux mêmes
misères, devenus comme eux la propriété de leur maître, qui peut
les leur arracher et les vendre; que pour voir leurs femmes et
leurs filles exposées à toutes les insultes de ces hommes sans
humanité comme sans pudeur! Voilà comme nous traitons d'autres
hommes; ce seroit une horrible barbarie si ces hommes étoient
blancs; mais ils sont noirs, et cela change toutes nos idées. Le
trafiquant en Amérique oublie que les nègres sont des hommes; il
n'a avec eux aucune relation morale; ils ne sont pour lui qu'un
objet de profit: s'il les plaint, s'il évite de leur faire
souffrir des maux inutiles, son insolente pitié est celle que
nous avons pour les animaux qui nous servent: et tel est l'excès
de son mépris stupide pour cette malheureuse espèce, que, revenu
en Europe, il s'indigne de les voir vêtus comme des hommes, et
placés à côté de lui. Mais je n'ai pas tout dit: en vain les
lois, en consacrant cet usage qu'aucune loi positive ne peut
rendre légitime, parce qu'il viole les droits de la nature; en
vain les lois ont-elles voulu mettre une borne à la cruauté des
maîtres; leur ingénieuse barbarie élude toutes les lois. Le
colon, renfermé dans sa plantation; seul avec quelques
satellites, au milieu de ses noirs, est sûr de n'avoir que des
témoins dont la loi rejette le témoignage. Là, juge à la fois et
partie, il prodigue en sûreté les tortures et les supplices; le
noir qu'il croit coupable est déchiré, tenaillé, jeté vivant dans
des fours ardents, aux yeux de ses tristes compagnons, qui,
tremblant d'être traités comme complices, n'osent même montrer
une stérile pitié.
La jeune Américaine assiste à ces supplices; elle y préside
quelquefois; on veut l'accoutumer de bonne heure à entendre sans
frémir les hurlements des malheureux; on semble craindre qu'un
jour sa pitié ne tente de désarmer le cœur de son époux.
Ces crimes sont publics, la loi les tolère, l'opinion ne les
flétrit pas. On ose même en faire l'apologie; sans cela, dit-on,
nous ne pourrions avoir de sucre. Eh bien, si on ne peut en avoir
qu'à force de crimes, il faut savoir se passer de sucre, il faut
renoncer à une denrée souillée du sang de nos frères. Mais qui a
dit qu'on ne pouvoit en avoir qu'à ce prix? Quelles tentatives
a-t-on faites pour s'en procurer autrement? Quoi! c'est sur la
foi d'un préjugé qu'on ne daigne pas même examiner, que la loi a
autorisé cette horrible violation des droits de la nature, et
qu'on exerce ou qu'on tolère tranquillement ces barbaries. A
peine quelques philosophes ont-ils osé élever, de loin en loin,
en faveur de l'humanité, des cris que les gens en place n'ont
point entendus, et qu'un monde frivole a bientôt oubliés.
Pourquoi ne pas faire cultiver nos colonies par des blancs? La
terre se plaît à être cultivée par des mains libres; et combien
de malheureux en Europe qui fatiguent en vain un sol stérile et
épuisé, iroient chercher en Amérique une terre féconde et
nouvelle! Alors, à ce petit nombre de colons corrompus et
barbares, qui ne vivent dans nos colonies que pour avoir de l'or,
parce qu'en Europe la considération s'achète avec de l'or, nous
verrions succéder un peuple nombreux de citoyens laborieux et
honnêtes, qui, regardant les colonies comme leur patrie,
sauroient combattre pour les défendre.
Pourquoi ne pas remplir nos îles de ces galériens inutiles, des
déserteurs, des voleurs domestiques, des faux-sauniers, qui ont
vendu au peuple, à bas prix, une denrée nécessaire, des filles
qui ont mieux aimé risquer leur vie que d'avouer leur honte; de
tant d'autres condamnés à la mort par des lois que l'excès de
leur sévérité rend inutiles? Ces hommes à qui on distribueroit
des terres, devenus cultivateurs et propriétaires, perdroient,
avec les motifs du crime, la tentation de le commettre. Est-ce
qu'en rendant aux nègres les droits de l'homme, ils ne pourroient
pas cultiver, comme ouvriers ou comme fermiers, les mêmes terres
qu'ils cultivent comme esclaves? Ils peupleroient alors, et l'on
ne seroit pas obligé, chaque année, d'aller chercher en Afrique
de nouvelles victimes.
Et qu'on ne dise pas qu'en supprimant l'esclavage, le
gouvernement violeroit la propriété des colons. Comment l'usage,
ou même une loi positive, pourroit-elle jamais donner à un homme
un véritable droit de propriété sur le travail, sur la liberté,
sur l'être entier d'un autre homme innocent, et qui n'y a point
consenti? En déclarant les nègres libres, on n'ôteroit pas au
colon sa propriété; on l'empêcheroit de faire un crime, et
l'argent qu'on a payé pour un crime n'a jamais donné le droit de
le commettre.
On dit que les nègres sont paresseux: veut-on qu'ils trouvent du
plaisir à travailler pour leurs tyrans? Ils sont bas, fourbes,
traîtres, sans mœurs: eh bien, ils ont tous les vices des
esclaves, et c'est la servitude qui les leur a donnés. Rendez-les
libres: et plus près que vous de la nature, ils vaudront beaucoup
mieux que vous.
Ne pourroit-on pas, si on n'osoit être juste tout-à-fait, changer
l'esclavage personnel des nègres en un esclavage de la glèbe, tel
que celui sous lequel gémissent encore les habitants d'une partie
de l'Europe? L'exécution de ce projet seroit plus aisée. Le sort
des nègres deviendroit plus supportable; et cet ordre politique
une fois bien établi, seroit aisément remplacé par une liberté
entière; il y auroit servi de degré, il adouciroit ce passage de
la servitude à la liberté, qui, sans cela, seroit peut-être trop
brusque.
Sait-on si la Sardaigne, et surtout la Sicile, ne sont pas
propres à la culture des cannes à sucre, et ne suffiroient point
pour l'approvisionnement de l'Europe?
Et si, au lieu d'apprendre aux nègres d'Afrique à vendre leurs
frères, nous leur avions appris à cultiver leur sol; si, au lieu
de leur apporter nos liqueurs fortes, nos maladies et nos vices,
nous leur avions porté nos lumières, nos arts et notre industrie,
croit-on que l'Afrique n'eût pas remplacé nos colonies!
Compteroit-on pour rien l'avantage d'arracher à la barbarie et à
la misère une des quatre parties du monde? Et quand même il n'y
auroit pas à gagner pour tous les peuples dans un tel changement,
les nations ne devroient-elles pas se lasser de suivre, dans leur
conduite, une morale dont le particulier le plus vil rougiroit
d'adopter les principes?
6^o. Personne n'a jamais douté que ce ne soit un délit grave de
ravager un champ cultivé. Au dommage fait au propriétaire se
joint la perte réelle d'une denrée nécessaire à la subsistance
des hommes. Cependant il y a des pays où les seigneurs ont le
droit de faire manger par des bêtes fauves le blé que le paysan a
semé; où celui qui tueroit l'animal qui dévaste son champ seroit
envoyé aux galères, seroit puni de mort; car on a vu des princes
faire moins de cas de la vie d'un homme que du plaisir d'avoir un
cerf de plus à faire déchirer par leurs chiens. Dans ces mêmes
pays, il y a plus d'hommes employés à veiller à la sûreté du
gibier qu'à celle des hommes; souvent il arrive que, pour
défendre des lièvres, les gardes tirent sur les paysans; et comme
tous les juges sont seigneurs de fiefs, il n'y a point d'exemple
qu'aucun de ces meurtres ait été puni. Là, des provinces entières
y sont réservées aux plaisirs du souverain. Les propriétaires de
ces cantons y sont privés du droit de défendre leur champ par un
enclos, ou de l'employer d'une manière pour laquelle cette
clôture seroit nécessaire. Il faut que le cultivateur laisse
l'herbe qu'il a semée pourrir sur terre jusqu'à ce qu'un
garde-chasse ait déclaré que les œufs de perdrix n'ont plus rien
à craindre, et qu'il lui est permis de faucher son herbe. Il y a
long-temps que ces lois subsistent; il est évident qu'elles sont
un attentat contre la propriété, une insulte aux malheureux, qui
meurent de faim au milieu d'une campagne que les sangliers et les
cerfs ont ravagée. Cependant aucun confesseur du roi ne s'est
encore avisé de faire naître à son pénitent le moindre scrupule
sur cet objet.
7^o. Les impôts sont une portion du revenu de chaque citoyen,
destinée à l'utilité publique. Dans toute administration bien
réglée, le nécessaire physique de chaque homme doit être exempt
de tout impôt; mais, au contraire le crédit des riches a fait
retomber ce fardeau sur les pauvres, dans presque tous les pays
où le peuple n'a point de représentant. Ainsi toute portion de
l'impôt qui n'est point employée pour le public doit être
regardée comme un véritable vol, et comme un vol fait aux
pauvres. Ainsi, pour qu'un homme puisse croire avoir droit à
cette portion, il faut qu'il puisse se rendre ce témoignage,
qu'il fait à l'état un bien au moins équivalent à la somme qu'il
reçoit pour salaire, ou plutôt au mal que cette partie de l'impôt
fait souffrir au peuple sur qui elle se lève. Cela même ne suffit
pas; car l'homme riche doit compte à la nation de l'emploi de son
temps et de ses forces; ce n'est même qu'à ce prix qu'il peut lui
être permis de jouir d'un superflu sans travail, tandis que
d'autres hommes manquent souvent du nécessaire malgré un travail
opiniâtre. Il faut donc, pour avoir droit à une part sur le
trésor public, que cette part soit employée, par celui qui la
reçoit, d'une manière utile à la nation. Si ce principe d'équité
naturelle n'avoit pas été étouffé par l'habitude, si l'opinion
flétrissoit celui qui s'en écarte, alors les impôts cesseroient
d'être un fardeau pénible, le peuple respireroit, le prix de son
travail lui appartiendroit tout entier; et l'on ne verroit plus
les premiers hommes de chaque pays se dévouer uniquement au
métier de corrompre les rois pour s'enrichir de la subsistance du
peuple.
8^o. Le souverain n'a pas le droit de rien détourner du trésor
public, pour satisfaire ou ses fantaisies, ou son orgueil; ce
trésor n'est pas à lui, il est au peuple. Une partie du superflu
du riche peut sans doute être employée à consoler le chef d'une
nation des peines du gouvernement; mais cet emploi du tribut
devient criminel, du moment où une partie de l'impôt se lève sur
le peuple. Les courtisans parlent sans cesse des dépenses
nécessaires à la majesté du trône. J'ignore toutefois si la vue
d'un prince uniquement occupé du bonheur de ses peuples, menant
une vie simple et frugale, sans gardes, sans appareil, sans
courtisans, que quelques sages livrés aux mêmes soins que lui;
j'ignore si un tel prince n'offriroit point un spectacle plus
attendrissant, plus imposant même que celui de la cour la plus
brillante, et par conséquent la plus ruineuse pour la nation qui
la paye; mais du moins faut-il avouer qu'il est plus nécessaire à
un peuple d'avoir du pain que d'éblouir les étrangers par la
triste représentation d'une cour somptueuse. Cette morale devroit
être celle de tous les rois. Presque aucun cependant ne l'a
connue; et ceux qui ont paru s'en souvenir quelquefois dans leurs
discours, l'ont oubliée dans leur conduite.
9^o. L'usage d'ouvrir les lettres des citoyens, de leur arracher
les secrets qu'ils n'ont pas confiés, ne peut être regardé que
comme une violation ouverte de la foi publique. Il est clair
encore que cette infamie n'a aucune autre utilité que de fournir
un aliment à la curiosité du prince, ou aux petites passions des
ministres, et de donner au chef des espions les moyens de nuire à
qui il veut auprès du gouvernement. Aucun secret important ne
peut se connoître par cette voie, parce que cet espionnage est
public, et que, si l'on confie encore quelquefois à la poste des
réflexions ou des épigrammes, on n'y livre ni ses projets, ni ses
complots. Les espions répandus dans les maisons particulières
sont un autre ressort de la police moderne, aussi infâme et aussi
inutile. On raconte qu'un ministre de Charles I^er d'Angleterre,
Falkland, dédaigna de recourir à aucun de ces vils moyens, que
jamais il n'intercepta une lettre, que jamais il n'employa un
espion: mais, malheureusement pour l'espèce humaine, cet exemple
est unique jusqu'ici, et l'usage contraire, proscrit par la
raison, par l'équité, par l'honneur, subsiste presque partout; on
l'exerce sans remords, et même sans honte. L'opinion flétrit, à
la vérité, les espions subalternes; mais elle s'arrête là, et
elle ne dévoue pas à l'opprobre ceux qui les emploient, et qui,
calomniant la nation auprès du prince, osent lui faire accroire
que ces infâmes abus du pouvoir sont des précautions nécessaires.
J'ai choisi pour exemples des actions qui peuvent influer sur la
prospérité publique: et je ne les ai choisies que dans nos mœurs.
J'aurais pu étendre cette liste; et si j'avois parcouru
l'histoire de toutes les nations, si j'avois voulu m'arrêter sur
les actions particulières, cette liste auroit été immense.
Cela prouve, selon moi, que, pour donner aux hommes une morale
bien sûre et bien utile, il faut leur inspirer une horreur pour
ainsi dire machinale de tout ce qui nuit à leurs semblables;
former leur âme de manière que le plaisir de faire du bien soit
le premier de tous leurs plaisirs; que le sentiment d'avoir fait
leur devoir soit un dédommagement suffisant de tout ce qu'il leur
en a pu coûter pour le remplir. Il faut allumer, dans ceux que
l'enthousiasme des passions peut égarer, un enthousiasme pour la
vertu, capable de les défendre. Alors qu'on laisse à leur raison
le soin de juger de ce qui est juste et de ce qui est injuste, et
que leur conscience ne se repose pas sur un certain nombre de
maximes de morale, adoptées dans le pays où ils naissent; ou sur
un code dont une classe d'hommes, jalouse de régner sur les
esprits, se soit réservé l'interprétation. C.
On voit bien, dans cette terrible note, que le _louant_ est plus
véritablement philosophe que le _loué_: cet éditeur écrit comme
le secrétaire de Marc-Aurèle, et Pascal comme le secrétaire de
Port-Royal. L'un semble aimer la rectitude et l'honnêteté pour
elles-mêmes, l'autre par esprit de parti. L'un est homme, et veut
rendre la nature humaine honorable; l'autre est chrétien, parce
qu'il est janséniste. Tous deux ont de l'enthousiasme et
embouchent la trompette; l'auteur des notes pour agrandir notre
espèce, et Pascal pour l'anéantir Pascal a peur, et il se sert de
toute la force de son esprit pour inspirer sa peur. L'autre
s'abandonne à son courage, et le communique. Que puis-je
conclure? Que Pascal se portoit mal, et que l'autre se porte
bien.
Bonne ou mauvaise santé
Fait notre philosophie. V.
(110) Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font
égorger.
La difficulté n'est pas seulement de savoir si on croira des
témoins qui meurent pour soutenir leur déposition, comme ont fait
tant de fanatiques; mais encore si ces témoins sont effectivement
morts pour cela, si on a conservé leurs dépositions, s'ils ont
habité les pays où on dit qu'ils sont morts; pourquoi Josèphe, né
dans le temps de la mort du Christ, Josèphe, ennemi d'Hérode,
Josèphe, peu attaché au judaïsme, n'a-t-il pas dit un mot de tout
cela? Voilà ce que Pascal eût débrouillé avec succès. V.
(111) Nous naissons injustes; car chacun tend à soi: cela est contre
tout ordre.
Cela est selon tout ordre; il est aussi impossible qu'une société
puisse se former et subsister sans amour-propre, qu'il seroit
impossible de faire des enfants sans concupiscence, de songer à
se nourrir sans appétit. C'est l'amour de nous-mêmes qui assiste
l'amour des autres; c'est par nos besoins mutuels que nous sommes
utiles au genre humain: c'est le fondement de tout commerce;
c'est l'éternel lien des hommes; sans lui, il n'y auroit pas eu
un art inventé, ni une société de dix personnes formée. C'est cet
amour-propre que chaque animal a reçu de la nature, qui nous
avertit de respecter celui des autres. La loi dirige cet
amour-propre, et la religion le perfectionne. Il est bien vrai
que Dieu auroit pu faire des créatures uniquement attentives au
bien d'autrui. Dans ce cas, les marchands auroient été aux Indes
par charité, le maçon eût scié de la pierre pour faire plaisir à
son prochain, etc. Mais Dieu a établi les choses autrement:
n'accusons point l'instinct qu'il nous donne, et faisons-en
l'usage qu'il commande. V.
(112) _Paragraphe LXXVII._
On voit ici l'homme de parti un peu emporté. Si quelque chose
peut justifier Louis XIV d'avoir persécuté les jansénistes, c'est
assurément ce paragraphe. V.
(113) Si mes Lettres sont condamnées à Rome, ce que j'y condamne est
condamné dans le ciel.
Hélas! le ciel, composé d'étoiles et de planètes, dont notre
globe est une partie imperceptible, ne s'est jamais mêlé des
querelles d'Arnauld avec la Sorbonne, et de Jansénius avec
Molina. V.
(114) S'il ne falloit rien faire que pour le certain, etc.
Vous avez épuisé votre esprit en arguments pour nous prouver que
votre religion est certaine, et maintenant vous nous assurez
qu'elle n'est pas certaine; et après vous être si étrangement
contredit, vous revenez sur vos pas; vous dites qu'on ne peut
avancer «qu'il soit possible que la religion chrétienne soit
fausse.» Cependant c'est vous-même qui venez de nous dire qu'il
est possible qu'elle soit fausse, puisque vous avez déclaré
qu'elle est incertaine. V.
(115) Les inventions des hommes, etc.
Je voudrois qu'on examinât quel siècle a été le plus fécond en
crimes, et par conséquent en malheurs. L'auteur de la félicité
publique a eu cet objet en vue, et a dit des choses bien vraies
et bien utiles. V.
(116) Il faut avoir une pensée de derrière, etc.
Sur un autre papier, Pascal avoit écrit: J'aurai aussi mes
pensées de derrière la tête. C.
L'auteur de l'Éloge est bien discret, bien retenu, de garder le
silence sur ces pensées de derrière. Pascal et Arnauld
l'auroient-ils gardé, s'ils avoient trouvé cette maxime dans les
papiers d'un jésuite? V.
1: Dans une note à ce sujet, j'ai déjà essayé d'interpréter
l'intention de Pascal. J'ajouterai ici que peut-être il n'a voulu
qu'imiter le langage des auteurs sacrés, qui, sans prétendre rien
décider sur ce point, parlent suivant l'opinion commune des hommes,
pour être également entendus de tous. (_Note de l'Éditeur._)
2: Il est vrai que dans les mouvements subits des grandes passions,
on sent vers la poitrine des convulsions, des défaillances, des
agonies, qui ont quelquefois causé la mort; et c'est ce qui fait que
presque toute l'antiquité imagina une âme dans la poitrine. Les
médecins placèrent les passions dans le foie. Les romanciers ont mis
l'amour dans le cœur. V.
3: C'est apparemment dans le paragraphe où M. de V.... s'étonne, avec
juste raison, qu'un homme tel que Pascal ait pu dire: «Nous sommes
incapables de connoître si Dieu est». Ce ne peut être qu'une
inadvertance dans ce grand homme[a].
a: Ce n'est point une inadvertance. Pascal, comme nous l'avons dit,
n'écrivoit ses pensées que pour lui. Si Voltaire et Condorcet avoient
saisi l'idée du dialogue contenu dans cet article III de la seconde
partie, ils n'auroient pas pris le change sur les propositions que
l'auteur y met en avant. (_Note de l'Éditeur._)
4: Dans un exemplaire de l'édition de Condorcet, je trouve, au lieu
de ce _non_, le mot _modeste_ écrit de la main de d'Alembert.
J'indique cette correction qui me semble heureuse. R.
5: Le plus beau seroit de ne songer ni à les montrer, ni à les
cacher. C.
6: L'observation de Voltaire s'appliquoit, avec raison, au passage
tel qu'on le lit dans l'édition de Condorcet, où il est tronqué; mais
elle devient inutile pour la mienne, où ce paragraphe est rectifié,
et conforme au manuscrit de Pascal. (_Note de l'Éditeur._)
7: Platon n'a point eu ces idées, monsieur, c'est vous qui les avez.
Platon fit de nous des androgynes à deux corps, donna des ailes à nos
âmes, et les leur ôta. Platon rêva sublimement, comme je ne sais
quels autres écrivains ont rêvé bassement. V.
8: Il ne faut pas commencer d'un ton si impérieux. V.
9: Elle seroit bien hardie. V.
10: Voilà une plaisante façon d'enseigner. Suivez-moi, car je marche
dans les ténèbres. V.
11: En employant les expressions mêmes de ces deux savants, ne
pourroit on pas dire: _Il est étrange_ que Voltaire et Condorcet se
soient mépris à ce point sur l'intention de Pascal? _Est-il possible_
que leur méprise n'ait pas été volontaire, puisqu'un peu d'attention
leur eût fait lire l'article comme je l'ai présenté dans cette
édition. _Voyez_, au surplus, l'article même et ma note.
(_L'Éditeur._)
NOTE DU TRANSCRIPTEUR
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Helas a été remplacé par Hélas
Editeur par Éditeur
dès par des
nombe par nombre
Nai-je par N'ai-je
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Blaise Pascal and François-Marie Arouet and Marie Jean, marquis de Condorcet and François de Neufchateau
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Notes de Voltaire et de Condorcet sur les pensées de Pascal
by
Voltaire
,
Pascal, Blaise
,
François de Neufchâteau, Nicolas Louis, comte
,
Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de
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Excerpt
The Project Gutenberg EBook of Oeuvres de Blaise Pascal, by
Blaise Pascal and François-Marie Arouet and Marie Jean, marquis de Condorcet and François de Neufchateau
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Title: Oeuvres de Blaise Pascal
Nouvelle Édition. Tome Second....
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— End of Notes de Voltaire et de Condorcet sur les pensées de Pascal —
Book Information
- Title
- Notes de Voltaire et de Condorcet sur les pensées de Pascal
- Author(s)
- Voltaire, Pascal, Blaise, François de Neufchâteau, Nicolas Louis, comte, Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de
- Language
- French
- Type
- Text
- Release Date
- August 23, 2009
- Word Count
- 19,622 words
- Library of Congress Classification
- B
- Bookshelves
- FR Philosophie, Religion et Morale, Banned Books from Anne Haight's list, Browsing: Philosophy & Ethics, Browsing: Religion/Spirituality/Paranormal
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