Cover of Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 - avec les uniformes des armées de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle. Fac-similés dessinés par P. Sellier d'après les gravures allemandes du temps

Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 - avec les uniformes des armées de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle. Fac-similés dessinés par P. Sellier d'après les gravures allemandes du temps

French 62,592 words 1043h 12m read Apr 14, 2010

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127e demi-brigade : 1792-1802, by Jacques Fricasse

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avec les uniformes des...

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The Project Gutenberg EBook of Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802, by Jacques Fricasse This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 avec les uniformes des armťes de Sambre-et-Meuse et Rhin-en_Moselle. Fac-similťs dessinťs par P. Sellier d'aprŤs les gravures al Author: Jacques Fricasse Editor: Lorťdan Larchey Release Date: April 14, 2010 [EBook #31988] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JOURNAL DU SERGENT FRICASSE *** Produced by Mireille Harmelin, Eric Vautier, Rťnald Lťvesque (html) and the Online Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file was produced from images generously made available by the BibliothŤque nationale de France (BnF/Gallica) JOURNAL DE MARCHE DU SERGENT FRICASSE DE LA 127e DEMI-BRIGADE 1792-1802 Avec les uniformes des armťes de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle, fac-similťs dessinťs par P. Sellier d'aprŤs les gravures allemandes du temps. PUBLI… POUR LA PREMI»RE FOIS PAR LOR…DAN LARCHEY D'APR»S LE MANUSCRIT ORIGINAL PARIS AUX FRAIS DE L'…DITEUR 1882 Authenticitť de ce Journal. Ses enseignements et sa valeur morale.--Les armťes de la Rťpublique glorifiťes par un Marťchal du premier Empire.--Pourquoi nous devons souhaiter la renaissance de leur esprit militaire. Fricasse! Comique est le nom, mais sťrieuse est l'oeuvre, car elle se recommande par une sincťritť rare. Et la sincťritť est beaucoup ŗ cette ťpoque tourmentťe de la premiŤre Rťpublique oý chaque ťcrivain se passionne en prenant parti pour ou contre l'Ťre nouvelle. …loge enthousiaste ou rťquisitoire indigne, il n'y a guŤre de milieu. Le document, publiť ici pour la premiŤre fois, prťsente du moins le mťrite de ne connaÓtre d'autre guerre que celle de l'extťrieur, d'autres ennemis que ceux de la patrie. Il est authentique, et je tiens ŗ la disposition des curieux son manuscrit original, qui est du temps, et qui me fut libťralement donnť par mon ami Jules de Forge de Vesoul. C'est bien un journal de marche; chaque ťtape s'y trouve notťe ŗ son jour, chaque fait de guerre paraÓt ŗ son heure. En un temps oý l'avancement ťtait si rapide, il ne fut pas de plus humble carriŤre que celle de notre hťros, et c'est prťcisťment ce qui m'a intťressť dans une oeuvre que ne recommande, il faut le dire, aucune sťduction littťraire; elle est simple comme le carnet d'un soldat citoyen qui remplit son devoir complŤtement et modestement. De 1792 ŗ 1802, il fait campagne chaque annťe: avec l'armťe de Sambre-et-Meuse, il protŤge nos places du Nord et fait son entrťe ŗ Bruxelles; avec l'armťe de Rhin-et-Moselle, il pousse jusqu'ŗ Munich et accomplit cette retraite devenue fameuse sous le nom de _retraite de Moreau_; avec l'armťe d'Italie, il rťsiste dans GÍnes jusqu'ŗ la derniŤre extrťmitť. Reste le neuviŤme d'une compagnie de cent dix hommes dťtruite par la guerre, rťduit par une blessure ŗ regagner son village, il n'a ni un mot de plainte, ni un mouvement d'humeur ou d'ambition dťÁue. Il reste fier d'avoir servi son pays avec honneur et avec probitť. J'insiste sur ce dernier mot, parce que plusieurs pages de son journal tťmoignent des plus nobles sentiments[1]. La partie descriptive n'en est pas bien riche, les dťveloppements et les rťflexions ne sont jamais poussťs loin, mais si l'esprit de l'auteur est bornť, son ‚me apparaÓt grande et gťnťreuse, on sent qu'il est honnÍte homme et bon FranÁais. On oublie la sťcheresse et la monotonie mÍme du rťcit, parce qu'il vous fait sŻrement connaÓtre l'esprit du soldat et aussi les cruelles nťcessitťs de la guerre. Il est bon de savoir ŗ quel prix on achŤte une victoire. Certes, c'est dťjŗ beaucoup que le courage de faire le coup de feu ou de se lancer sur l'ennemi baÔonnette en avant. Mais que de soldats tombťs sur la route avant de voir luire un jour de bataille! Combien de victimes obscures sont dťvouťes aux marches sans fin, aux misŤres du bivouac, aux privations des siŤges, aux souffrances d'une campagne d'hiver oý la maladie et la faim n'ont pas peur de votre fusil. On ne saurait se faire idťe de cela en voyant dťfiler un rťgiment ni en lisant un rapport officiel. D'autres enseignements ressortent de notre journal. Il s'en dťgage au plus haut degrť l'expression de cette foi rťpublicaine qui n'est pas encore admise sans rťserve. Pour les besoins de certaines causes, on a contradictoirement exaltť et ravalť les volontaires de notre premiŤre Rťpublique. On verra que leur force morale fut ŗ la hauteur de leurs souffrances, sinon de leur discipline. C'est dťjŗ un point important acquis au dťbat qui n'est pas encore terminť, mais qui, pour l'honneur de nos armes, ne perd point ŗ Ítre approfondi. Je le constate sans esprit d'exclusion, car je suis de ceux qui ne voient ni tout en rose, ni tout en noir. Il semble que plus on creuse le passť, moins on devient absolu. En histoire, le bon et le mauvais restent aussi insťparables, dans les faits, que l'ombre et la lumiŤre dans un paysage. On remarque seulement ŗ certaines heures plus de lumiŤre ou plus d'ombre, et c'est dans la mise en valeur de cette inťgalitť que se trouve la vťritť du tableau. Si nos volontaires de 1792 n'ont pas ťtť aguerris du premier coup, ils ont donc montrť vraiment l'esprit national, c'est-ŗ-dire la volontť de faire respecter la France au pťril de leurs vies, ce qui est la premiŤre qualitť d'un soldat. Chez le nŰtre, on constate aussi, et non sans une certaine surprise, que l'amour sincŤre de la Rťpublique est empreint d'un sentiment religieux particulier et dont l'expression se trouve traduite au long dans une priŤre ťcrite ŗ la fin de son oeuvre. Elle a ťtť recueillie avec d'autant plus de soin que c'est un document unique en son genre. Je l'avais cru d'abord copiťe sur quelque texte de l'ťglise constitutionnelle, mais ses incorrections mÍmes annoncent une oeuvre originale; elle surprend moins lorsqu'on se reporte ŗ la jeunesse de l'auteur qui s'est passťe dans le jardin d'un couvent. * * * * * Le _Journal de Fricasse_ a ťtť publiť avec tout le respect possible. J'ai retranchť les rťpťtitions et les mots inutiles, orthographiant ŗ l'occasion, mais sans me permettre d'ajouter quoi que ce soit[2]. Pour mieux ťclairer le texte, j'ai donnť une suite de dessins d'uniformes rigoureusement exacts; ils sont placťs ŗ la fin de ce petit volume avec les ťclaircissements nťcessaires. Au point de vue militaire, je n'avais pas ŗ me prťoccuper de la discussion de faits, mais ce que j'ai lu des relations du temps m'a prouvť que l'auteur disait vrai sur la date et la nature des mouvements dont la portťe lui ťchappe nťcessairement. On sait que, exceptť au grand ťtat-major, c'est ŗ l'armťe qu'on est le moins renseignť sur la marche gťnťrale des opťrations. Toutes prťcises que paraissent les donnťes de notre sergent, un contrŰle ťtait cependant nťcessaire; il nous a ťtť fourni surtout par les _mťmoires_ d'un marťchal d'Empire qui ne saurait Ítre suspect. Soult fut officier dans la mÍme division que Fricasse; il appuie les dťtails donnťs ici par ses propres affirmations, que nous avons frťquemment reproduites. ņ ce propos, on doit rendre hommage ŗ la franchise avec laquelle le duc de Dalmatie paye son tribut d'admiration aux armťes rťpublicaines; il s'honore d'avoir partagť leur pauvretť, leur fiertť, leur ardeur patriotique. Il dťclare que le sort de la Pologne ťtait rťservť ŗ la France rťpublicaine si les engagements pris ŗ Pilnitz avaient pu se rťaliser. ęMais les soldats franÁais, dit-il, ne comptaient pas le nombre de leurs ennemis; ils avaient foi en leur propre valeur. Malgrť les revers qu'ils ťprouvŤrent au commencement, les privations qu'ils eurent ŗ supporter, le frťquent remplacement de leurs gťnťraux, la profonde impression que devaient produire sur eux les cris des factions et les dťchirements de l'intťrieur, toujours au-dessus de leur fortune et de leur situation, ils ne virent que des devoirs ŗ remplir; et, en attirant sur eux les dangers, ils dťtournŤrent les regards du monde des scŤnes de dťsolation qui couvraient la surface de la France.Ľ Puis, parlant de la fortune contraire au dťbut de nos armes, Soult ajoute: ęLes FranÁais payŤrent leurs essais par des dťfaites et subirent les effets inťvitables de l'inexpťrience de leurs gťnťraux, de l'indiscipline des troupes, des vices de leur organisation, de l'imprťvoyance ou de la cupiditť de l'administration, et de l'influence souvent malheureuse des reprťsentants sur les armťes. Ce fut un temps d'ťpreuves difficile ŗ passer, mais quand l'armťe en sortit, elle s'y ťtait retrempťe: les nouveaux chefs qui ťtaient destinťs ŗ fixer la victoire, sentaient sous le coup de ces revers leur intelligence se dťvelopper, mťditaient sur les fautes qu'ils voyaient commettre et se formaient au milieu des rangs.Ľ ņ propos des remaniements que subit en 1794 la constitution de l'armťe, le marťchal Soult entre dans des dťtails non moins attachants sur l'esprit de nos troupes d'alors; ils ne sauraient perdre ŗ Ítre mťditťs de nouveau et peuvent en tout temps fournir un bel exemple. ęLes officiers donnaient l'exemple du dťvouement. Le sac sur le dos, privťs de solde, (car ce fut plus tard seulement, et lorsque les assignats eurent perdu toute leur valeur, qu'ils reÁurent en argent, ainsi que les gťnťraux, huit francs par mois), ils prenaient part aux distributions comme les soldats et recevaient des magasins les effets d'habillement qui leur ťtaient indispensables. On leur donnait un bon pour toucher un habit ou une paire de bottes. Cependant aucun ne songeait ŗ se plaindre de cette dťtresse, ni ŗ dťtourner ses regards du service qui ťtait la seule ťtude et l'unique sujet d'ťmulation. Dans tous les rangs, on montrait le mÍme zŤle, le mÍme empressement ŗ aller au delŗ du devoir: si l'un se distinguait, l'autre cherchait ŗ le surpasser par son courage, ses talents; c'ťtait le seul moyen de parvenir; la mťdiocritť ne trouvait point ŗ se faire recommander. Dans les ťtats-majors, c'ťtaient des travaux incessants embrassant toutes les branches du service, et encore ils ne suffisaient pas; on voulait prendre part ŗ tout ce qui se faisait. Je puis le dire, c'est l'ťpoque de ma carriŤre oý j'ai le plus travaillť et oý les chefs m'ont paru le plus exigeants. Aussi, quoiqu'ils n'aient pas tous mťritť d'Ítre pris pour modŤle, beaucoup d'officiers gťnťraux, qui plus tard ont pu les surpasser, sont sortis de leur ťcole. Dans les rangs des soldats, c'ťtait le mÍme dťvouement, la mÍme abnťgation. Les conquťrants de la Hollande traversaient, par dix-sept degrťs de froid, les fleuves et les bras de mer gelťs, et ils ťtaient presque nus: cependant ils se trouvaient dans le pays le plus riche de l'Europe; ils avaient devant les yeux toutes les sťductions, mais la discipline ne souffrait pas la plus lťgŤre atteinte. Jamais les armťes n'ont ťtť plus obťissantes, ni animťes de plus d'ardeur: c'est l'ťpoque des guerres oý il y a eu le plus de vertu parmi les troupes. J'ai souvent vu les soldats refuser avant le combat les distributions qu'on allait leur faire et s'ťcrier: AprŤs la victoire on nous les donnera!Ľ Le journal de notre sergent porte bien l'empreinte de l'ťlan auquel un marťchal d'Empire a voulu rendre hommage. Rien qu'ŗ ce titre, il mťrite la confiance du lecteur qui cherche la vťritť dans les faits; l'incorrection de leur exposť n'enlŤve rien ŗ la grandeur du sentiment qui les domine. Puisse-t-il faire condamner par nos contemporains cet amour du bien-Ítre ŗ tout prix qui menace de fausser notre jugement des devoirs militaires! Qu'une guerre survienne, ce n'est qu'un concert de cris et de lamentations dans certains journaux, si les vivres n'arrivent pas ŗ l'heure dite et si les malades manquent des premiers soins. Malheur trŤs grand, sans doute, mais inťvitable en campagne. Cependant c'est ŗ qui les analysera de la faÁon la plus navrante pour donner de la couardise ŗ toute une nation. J'ai lu en 1874 certains articles d'ambulanciers que je pourrais citer comme des modŤles de ce genre anti-national au premier chef. En temps de paix, il se manifeste sous une autre forme. Des mŤres de volontaires ťcrivent aux journaux pour se plaindre des corvťes imposťes ŗ leurs fils; certains volontaires eux-mÍmes croient Ítre des hťros d'abnťgation en livrant ŗ la publicitť le rťcit de leurs infortunes de caserne. Pendant l'automne de 1881, un journal n'a-t-il pas poussť la sensibilitť jusqu'ŗ s'attendrir sur la marche d'un rťgiment qui avait fait, _sous la pluie_, l'ťtape de Lagny ŗ Courbevoie!--De tels articles sont ŗ lire dans les rťunions publiques oý la dťsertion du drapeau est proclamťe un devoir social. Dans une classe plus relevťe, je pourrais citer plus d'un cas de dťsertion ŗ l'ťtranger qui n'a pas ťtť flťtri comme il aurait dŻ l'Ítre. En plein salon, n'ai-je pas entendu un ťcrivain de talent dťclarer que le mťtier des armes ťtait abject, et que les FranÁais feraient bien mieux de prendre ŗ leur solde une armťe d'Allemands, que de se faire tuer bÍtement par eux! Simple paradoxe, me dira-t-on. Mais il est des paradoxes aussi humiliants que des aveux. On a ridiculisť dans le _chauvinisme_ l'exagťration enfantine du patriotisme; craignons le ridicule contraire qui serait infiniment plus dangereux. Il est temps de mettre son orgueil ŗ savoir souffrir. ņ ce prix seul, nous pouvons redevenir aussi forts que nos anciens. JOURNAL DE MARCHE DU SERGENT FRICASSE RECUEIL DES CAMPAGNES QUE J'AI FAITES AU SERVICE DE MA PATRIE. R…PUBLIQUE FRAN«AISE UNE ET INDIVISIBLE Je suis nť le 13 du mois de fťvrier 1773, dans le village nommť Autreville, ŗ deux lieues de Chaumont en Bassigny, chef-lieu du dťpartement de la Haute-Marne. Je suis fils lťgitime de Nicolas Fricasse, jardinier, et d'Anne Corniot, de la dite paroisse. ņ peine ťtais-je au monde, mes parents ont ťtť appelťs pour Ítre jardiniers chez le seigneur de Juzennecourt. C'est dans cet endroit que j'ai ťtť ťlevť et que mes parents m'ont appris ŗ connaÓtre ce que devait savoir un honnÍte homme. Puis, mon pŤre fut cultiver les jardins des Bernardins de Clairvaux. Ce changement a fait beaucoup pour mon apprentissage. Mon pŤre ťtait un des maÓtres, et avait sous sa conduite quatre garÁons. AprŤs trois ans, il est retournť reprendre son mťnage, et on m'a confiť le mÍme emploi qu'avait mon pŤre. Je n'oublierai jamais un moine nommť Le Boulanger; il ťtait archiviste et sacristain en chef. Ce digne homme n'a cessť de me procurer l'occasion de m'instruire, mais l'idťe n'y ťtait pas, et je n'ai pas su en profiter. Il me disait souvent: ęVois un peu, tu sais dťjŗ lire et ťcrire. Eh bien! je veux t'apprendre la gťographie: elle est bien utile ŗ une personne qui veut faire quelque voyage.Ľ Dans ce temps, je ne croyais jamais le quitter et je pensais que son grand savoir me servirait sans apprendre. Ah! que j'ai bien connu mes fausses idťes dans la suite! Dans ces annťes, les …tats gťnťraux se sont assemblťs, et on a parlť de la suppression des couvents. Ceci a changť bien des idťes, surtout dans le couvent oý j'ťtais, qui ťtait de quatre-vingt-dix religieux. Les voilŗ donc obligťs de quitter, et moi aussi. Je suis entrť jardinier chez le marquis de Messey, seigneur de Beaux-le-Ch‚tel. Ce seigneur m'a donnť beaucoup de louanges; s'il ťtait content, je ne l'ťtais pas, car la terre de son jardin ťtait trop aride, et j'avais grand'peine ŗ la cultiver. Comme il ťtait premier capitaine d'un rťgiment de cavalerie franÁaise nommť Royal-…tranger, en garnison ŗ DŰle en Franche-Comtť, il part pour rejoindre son rťgiment avec toute sa famille, et nous laisse dans la maison avec un cocher et une servante. J'en reÁus une lettre dans laquelle il me marquait d'avoir soin de son jardin et de ses arbres, et qu'ŗ son retour il me rťcompenserait. Prťsent ou absent, cela ne m'empÍchait pas de faire mon service. AprŤs, j'ai ťtť une infinitť de temps sans recevoir de ses lettres; j'avais beau en attendre, car le marquis avait ťmigrť avec toute sa maison qu'il avait ŗ DŰle. Me voilŗ donc rťsolu de le quitter. On a vendu tous les biens aussitŰt aprŤs mon dťpart. Sortant de cette maison, je savais dťjŗ oý ťtait ma place: j'avais ťtť prťvenu d'avance par le maÓtre et la maÓtresse. Ces aimables gens ťtaient venus voir le jardin, mais je n'avais pu leur promettre que pour la fin de la campagne. Me voilŗ entrť au service du citoyen Quilliard, de Ville-sur-Laujeon (avant la Rťvolution, Ch‚teau-Villain)[3]. C'ťtait des gens vertueux, des coeurs remplis d'humanitť; leur bon caractŤre ťtait peint sur leur visage. Tout cela me faisait croire que je ne pouvais passer que des jours heureux au service de ces gťnťreux citoyens. AprŤs l'ouvrage du jardin, venaient les parties de chasse que le maÓtre de la maison faisait presque tous les jours avec plusieurs bourgeois de la ville; c'ťtait le plus souvent pourchasser les grandes bÍtes, cerfs, chevreuils et sangliers, dans les forÍts immenses que le duc de PenthiŤvre avait dans les environs. Je me voyais chťri de mes maÓtres, mais aussi je faisais en sorte de l'Ítre toujours et de mťriter leur confiance, lorsqu'il a ťtť requis un bataillon dans le dťpartement. En ce temps le citoyen Quilliard commandait la garde nationale du canton; il donne ordre que toutes les communes se rassemblent au chef-lieu le 24 aoŻt 1792. Le 24 au matin, il nous dit: ęVous savez sans doute la besogne que j'ai ŗ remplir: il nous faut plusieurs volontaires, ceux qui veulent quitter mon service sont libres. Si toutefois il ne se trouvait pas assez de volontaires, tous les pŤres de famille et les garÁons seront obligťs de tirer au sort. Si ce n'est pas votre dessein de partir, hť bien! mes amis, je ferai tout ce qui dťpendra de moi pour vous rendre service en en faisant partir d'autres ŗ votre place.Ľ Nous voilŗ donc ŗ la ville oý tous les villages du canton ťtaient rassemblťs. En premier lieu, il ne se trouvait guŤre de volontaires; il ťtait une heure de l'aprŤs-midi que plusieurs compagnies de garde nationale, composťes de cent soixante hommes, n'avaient pas encore fourni l'homme qu'il leur fallait[4]. Dans le nombre, se trouvait la mienne, et je me trouvais rempli d'un dťsir depuis longtemps. Combien de fois j'avais entendu, par les papiers[5], la nouvelle que notre armťe franÁaise avait ťtť repoussťe et battue partout! je brŻlais d'impatience de voir par moi-mÍme des choses qu'il m'ťtait impossible de croire. Vous direz que c'ťtait l'innocence qui me faisait penser ainsi, mais je me disais souvent en moi-mÍme: ęEst-il donc possible que je n'entende dire que des malheurs?... Oui! il me semblait que, si j'avais ťtť prťsent, le mal n'aurait pas ťtť si grand. Je ne me serais pas dit meilleur soldat que mes compatriotes, mais je me sentais du courage et je pensais que, avec du courage, on vient ŗ bout de bien des choses.Ľ En ce moment, pour remplir mon devoir, je me suis prťsentť ŗ la tÍte de la compagnie; je leur ai demandť s'ils me trouvaient bon pour entrer dans ce bataillon. Les cris de toutes parts se sont fait entendre: ęOui! nous n'en pouvons pas trouver un meilleur que vous!Ľ Me voilŗ donc enregistrť par le capitaine et le juge de paix, sans avoir prťvenu mon maÓtre de mon sentiment, dans le moment qu'il s'offrait ŗ me rendre service. Je conviens que ce n'ťtait pas bien fait de ma part, mais j'ťtais timide. La timiditť et la jeunesse empÍchent quelquefois de dire sa faÁon de penser. C'est huit jours aprŤs, le 24 aoŻt, que j'ai quittť la maison; j'ai ťtť dire adieu ŗ mon pŤre et ŗ ma mŤre. Ceci m'a bien attendri de voir verser des pleurs ŗ toute la famille sur mon ťloignement sans leur aveu. Depuis ce moment, je voyage. Le lecteur pensera si j'ai bien ou mal fait. Mon bataillon ťtait requis par le gťnťral Biron; son titre ťtait _Premier bataillon de grenadiers et chasseurs de la Haute-Marne_. L'ordre du dťpart est enfin arrivť; le 2 septembre, je me suis rendu ŗ Chaumont, chef-lieu du dťpartement. Nous y avons nommť des officiers provisoires qui nous ont montrť les premiers principes de l'ťcole du soldat sans armes. Les noms de ces officiers ťtaient: Ruel, capitaine, Barthťlemy, lieutenant; Lemoine, sergent major; tous trois habitants de la ville. L'ordre de former le bataillon venu, nous sommes partis le 5 octobre pour Saint-Dizier. En y allant, nous avons logť ŗ Joinville; l'ťtape nous ťtait fournie ainsi que le logement. ņ Saint-Dizier, on nous a fait prendre des cantonnements dans les environs, en attendant l'organisation. Je me suis trouvť dans la partie envoyťe ŗ Louvemont; dans ces cantonnements, nos officiers de route nous ont montrť le maniement des armes. Parti de Louvemont le 2 novembre, pour retourner ŗ Saint-Dizier, pour notre organisation. C'est dans ce moment que mes compagnons m'ont honorť du grade de caporal dans la sixiŤme compagnie; j'avais pour capitaine Lemoine; pour lieutenant, Mongis; pour sous-lieutenant, Thiťbault. AprŤs que le bataillon a ťtť organisť, on nous a fait cantonner de rechef; mais nos nouveaux cantonnements ťtaient ŗ trois ou quatre lieues plus loin de Saint-Dizier oý notre ťtat-major est toujours restť. Deux villages ťtaient destinťs ŗ notre compagnie: Chamouilley, oý le capitaine est restť avec la premiŤre section, et Bienville oý j'ťtais avec les lieutenants: ces villages sont situťs sur la Marne. Nous ne touchions aucun vivre; on donnait ŗ un caporal vingt-trois sols huit deniers en papier par jour (pendant quelque temps, c'ťtait six sols trois deniers en argent, et dix-huit sols en papier); un soldat avait quinze sols trois deniers par jour, tout compris. Avec ce prÍt, nous ťtions obligťs d'acheter tout ce qui nous ťtait nťcessaire. Les vivres n'ťtaient pas chers dans ce moment-lŗ; nous pouvions vivre raisonnablement. Nous sommes sortis le 21 janvier de ces cantonnements pour rejoindre la premiŤre section, et pour nous disposer ŗ cťlťbrer la bťnťdiction de notre drapeau, ŗ Saint-Dizier. Un jour aprŤs notre arrivťe (le 24), on a donc assemblť le bataillon et on nous a conduits ŗ l'ťglise paroissiale de l'endroit. La bťnťdiction a ťtť faite par notre aumŰnier: aprŤs, on a fait faire le serment de fidťlitť ŗ tout le bataillon devant le drapeau. Le drapeau avait pour emblŤme une ťpťe surmontťe d'un bonnet de libertť, et pour devise: _Huit cents tÍtes dans un bonnet_. Dans ce mÍme moment, on a distribuť ŗ chaque compagnie un fanion sur lequel ťtait son numťro. Comme tout le bataillon ne pouvait rester ŗ la ville, car c'ťtait un lieu de passage, on nous a envoyťs reprendre nos cantonnements. La seconde section, dont je faisais partie, avait eu des difficultťs avec des laboureurs de l'endroit qui ne voulaient pas nous vendre du bled pour du papier. Pour ťviter tout diffťrend, on nous a donnť un autre village appelť Narcy, ŗ une demi-lieue de la Marne. Nous avons achevť d'y passer l'hiver. Notre ťtat major a changť pour aller dans une autre ville nommťe Vassy. Dans ce moment, nous avons changť de cantonnement. C'ťtait le 15 mars; nous ťtions dans les environs de la ville, nous avions pour la compagnie deux villages qui se nommaient Brousseval et Domblain, oý nous avons reÁu notre habillement complet. Notre chef de bataillon, nommť Deprťe, faisait souvent rassembler les compagnies pour faire la manoeuvre. Comme nous ťtions au printemps, plusieurs fois il nous faisait lever dŤs la petite pointe du jour, prendre les armes et mettre le sac au dos; il nous menait ŗ deux ou trois lieues ŗ la promenade militaire. Tout cela se faisait en attendant l'heure du dťpart. Je ne ferai point de grandes observations sur les pays oý nous avons restť. C'est un pays oý le monde est trŤs affable; il produit du pain, du vin et une infinitť d'autres denrťes; chaque particulier y vit content de son labeur. Nous avons quittť ces contrťes pour aller ŗ Metz, le 12 avril, par Bar-sur-Ornain, Saint Mihiel, Pont-ŗ-Mousson. Metz est une ville de guerre trŤs fortifiťe, et, dans ce temps-lŗ, on augmentait encore ses fortifications. Nous avons fait le service de cette place pendant trois mois et demi, et logť au quartier ChambiŤre avec le rťgiment de SuŤde. Nous avons ťtť exercťs ŗ faire les diffťrents feux. Nous sommes partis, le 17 aoŻt, de Metz pour Maubeuge oý ťtait une partie de l'armťe du Nord. Avant de passer plus loin, je dirai que j'ai fait ŗ Metz une maladie qui m'a portť ŗ deux doigts de la mort. J'attribuais la cause de cette maladie ŗ l'air de la ville[6], car j'avais toujours joui du bon air de la campagne. Peut-Ítre aussi la distance de soixante lieues du pays m'a donnť ces six semaines d'hŰpital. Nous en reviendrons ŗ notre armťe du Nord. Nous y voilŗ arrivťs; c'est dans peu qu'il nous faudra mesurer pour la premiŤre fois nos armes avec celles de notre ennemi. Nous n'avons pu loger au camp, car les tentes ťtaient toutes remplies; nous avons ťtť obligťs de rťtrograder jusqu'au village de Beaufort, entre Avesnes et Maubeuge (c'ťtait le 31 aoŻt). Lŗ, nous avons trouvť le rťgiment de Beaujolais. Depuis, ce n'a ťtť que bivouacs et contremarches nuit et jour, car nous avions affaire ŗ un ennemi dont nous n'ťtions pas les maÓtres, et nous n'ťtions que trŤs peu de monde. 7 _septembre_.--Partis de Beaufort pour TťniŤres prŤs de la Sambre, oý l'ennemi venait piller tous les jours. Nous nous sommes opposťs ŗ leur dessein. De lŗ, nous avons ťtť ŗ Avesnes. AprŤs un repos de quatre heures, on a battu la gťnťrale. Nous sommes partis pour Marbaix, sur la route de Landrecies, oý nous avons bivouaquť pendant quarante-huit heures, suivant le mouvement de l'ennemi. 12 _septembre_.--ņ cinq heures du matin, nous sommes arrivťs derriŤre Landrecies. La tÍte de colonne a commencť l'attaque derriŤre la ville, sur la route du Quesnoy. Feu vif de notre part, mais l'ennemi a trŤs bien rťpondu dans la forÍt de Mormal oý il ťtait retranchť. Cependant leurs premiers retranchements ont ťtť enlevťs, mais les abattis de gros arbres nous ont empÍchťs d'aller plus avant. Notre bataillon est entrť dans la forÍt ŗ huit heures du matin. ņ sept heures du soir, la colonne s'est retirťe. On a perdu du monde dans les deux partis. L'armťe de siŤge de l'ennemi venait donner du secours ŗ l'armťe d'observation. C'est ce qui a fait que nous nous sommes retirťs sur les glacis de Landrecies, sans quoi ils nous auraient bloquťs dans la forÍt[7]. Pour notre premiŤre bataille, le succŤs n'a pas ťtť bien grand. Repos de trois heures sur les glacis de Landrecies; on nous a donnť quelques petits rafraÓchissements. La colonne s'est remise en route; chaque corps a ťtť reprendre ses positions du 7 septembre.--Quinze heures de marche. Notre colonne, de douze mille hommes, tant cavalerie qu'artillerie, avait voulu dťbloquer le Quesnoy et lui faire passer des vivres. Il ťtait trop tard: lorsqu'elle est arrivťe pour attaquer l'armťe d'observation de l'ennemi, la ville s'est rendue; son dernier coup de canon ťtait tirť avant le commencement de notre attaque. Revenus ŗ Beaufort, le bivouac a commencť ŗ une heure du matin, ŗ une demi-lieue en avant du village, derriŤre le rťgiment de Beaujolais qui ťtait campť sur une hauteur, ŗ un quart de lieue de la Sambre. On attendait de jour en jour le blocus de Maubeuge. 29 _septembre_.--Nous ťtions ŗ bivouaquer comme de coutume, lorsqu'un dťserteur autrichien est venu au camp de Saint-Remi-malb‚ti; il a dit que l'ordre ťtait donnť dans leur rťgiment de se tenir prÍt ŗ passer la Sambre pour les quatre heures du matin. Le rťgiment de Beauce, nį 68, ťtait ŗ ce camp; il a redoublť son service et s'est mis sur ses gardes. Il faisait un brouillard trŤs obscur: aussi l'ennemi en a bien profitť pour jeter ses pontons pendant la nuit, et, ŗ quatre heures prťcises, ont passť trente mille hommes bien assurťs de la victoire[8]. Les troupes campťes sur les hauteurs prŤs la Sambre ont fait vigoureuse rťsistance, mais n'ont pu tenir contre une colonne si nombreuse, et ont ťtť obligťes de se replier sur nous, qui ťtions en seconde ligne. Nous n'avons pu arrÍter la marche des Autrichiens qui nous attaquaient de tous les cŰtťs. Retraite sur la ville de Maubeuge. Malgrť notre vigoureuse rťsistance, nous n'avons pas tardť ŗ Ítre bloquťs par leur nombreuse cavalerie qui cherchait ŗ s'emparer des villages et des bois oý nous devions passer. Comme nos tirailleurs ne leur donnaient pas assez d'occupation et ne nous laissaient pas le temps de dťfiler, nous avons ťtť obligťs de nous mettre en bataille en avant de la forÍt de Beaufort. ņ l'approche de l'ennemi, nous avons fait le feu de file pendant trois quarts d'heure. Son artillerie nous a forcťs une seconde fois ŗ la retraite, aprŤs avoir perdu un canon et plusieurs canonniers tuťs et blessťs. Vingt hommes de notre bataillon mis hors de combat. Notre route ťtait coupťe; il ne restait plus pour notre retraite qu'ŗ nous enfoncer dans le bois et sortir comme l'on pourrait. Nous voilŗ donc en marche. AprŤs avoir fait une demi-lieue dans cette forÍt, ťtant prÍts de sortir, un rťgiment ennemi qui se dťrobait ŗ notre vue nous force de chercher un autre passage. Sur une autre lisiŤre du bois, l'ennemi nous cerne de mÍme. Ma foi! il n'y avait plus ŗ balancer. Rester prisonnier ne nous accommodait pas; nous avons passť au travers de l'ennemi qui n'a cessť de faire une fusillade continuelle. De cette forÍt, nous avons rejoint la colonne qui se rassemblait dans la plaine, du cŰtť de la route de Frieville. On voulait encore leur faire rťsistance, mais en vain. Il a fallu se mettre ŗ l'abri dans le camp et disposer l'artillerie des redoutes ŗ dťfendre les approches. L'ennemi s'est emparť des villages aux environs de la ville et a pillť nos effets qui y ťtaient restťs. Trente hommes de notre bataillon, restťs dans la forÍt de Beaufort sans avoir pu percer pour nous rejoindre, avaient ťtť obligťs de se renfoncer dans le bois. Chemin faisant, ils ont fait prisonnier une sentinelle autrichienne. Ce soldat, trŤs content d'Ítre prisonnier, a aidť nos hommes ŗ sortir du bois et les a conduits dans un endroit, qui ťtait le moins gardť, oý ils ont pu passer entre les postes ŗ la faveur d'une nuit obscure (30 septembre). Ils ont ťtť faire le service ŗ Avesnes, et nous ont rejoints aprŤs le dťblocus de Maubeuge. La mÍme nuit, vers les dix heures du soir, notre bataillon a pris la garde de la _redoute du Loup_ pour vingt-quatre heures. AprŤs avoir ťtť relevťs, nous avons ťtť prendre position ŗ la gauche du camp retranchť de Falise; c'ťtait le nom du camp de Maubeuge. Nous attendions de jour en jour le siŤge, mais en vain. Il a ťtť rapportť par plusieurs personnes que l'intention du gťnťral Cobourg n'ťtait pas d'assiťger la ville, mais de la faire rendre par famine, car elle n'ťtait pourvue d'aucuns vivres. On comptait vingt mille hommes en ťtat de porter les armes, tant dans le camp que dans la ville; au moment du blocus, on a fait le serment de mourir les armes ŗ la main plutŰt que de se rendre aux ordres d'un tyran. 6 _octobre_.--Sortie de six mille hommes, mais sans succŤs. Ils se sont prťsentťs le triple et le double de ce que nous ťtions. On ne s'en est tirť qu'avec une grande perte. 7.--MÍme insuccŤs. Nous sommes investis de toutes parts sans pouvoir nous donner de l'ťlargissement. Le 5 octobre, ŗ la redoute de gauche, entre le bois du Tilleul et nos avant postes, une sentinelle franÁaise et une sentinelle hollandaise ťtaient ŗ soixante pas l'une de l'autre, ce qui leur donnait facilitť de converser. Quatre soldats de mon poste se sont avancťs; les Hollandais, qui ťtaient dans le bois du Tilleul, ont ťtť portťs par la curiositť ŗ se mÍler de la conversation. Cependant, un FranÁais reconnaÓt, parmi les Hollandais, son frŤre, qui ťtait le plus empressť ŗ demander comment nous ťtions, ce que nous pensions, et si les vivres ne nous manquaient pas. _Rťponse_: ęIl ne manque rien aux rťpublicains.Ľ Par dťrision, ils rťpliquaient que nous mangions dťjŗ nos chevaux, et que, avec notre papier, nos assignats, il fallait mourir de faim. Ils ajoutaient qu'ils nous tenaient dans leurs filets, qu'ils nous feraient danser une derniŤre fois _la carmagnole_. Celui-lŗ disait que, quoique FranÁais, il prendrait plaisir ŗ nous voir arracher la langue. Un volontaire lui dit: ęCamarade, vous ne paraissez pas Hollandais, et sans doute il n'y a pas longtemps que vous Ítes sorti de France. Vous paraissez bien sanguinaire pour une patrie qui renferme vos parents, mais que vous ne devez pas espťrer revoir, car la loi prononÁant votre arrÍt de mort ferait tomber votre tÍte. Voilŗ ce qui est rťservť aux coquins de votre espŤce.Ľ Son frŤre, qui l'avait reconnu, interrompit la conversation en disant: ęLaissez-moi voir ce coquin! C'ťtait autrefois mon frŤre.Ľ L'autre dit: ęSi j'ai ťtť ton frŤre, je le suis encore.Ľ Le volontaire dit que non, qu'il s'en ťtait rendu indigne. ęTu sais, malheureux, ajouta-t-il, que je suis parti volontairement. Qu'il te souvienne de la promesse faite! Tu me promis d'avoir soin de notre mŤre, mais tu as faussť ton serment, tu l'as laissťe sans subsistance et dans le chagrin; tu es indigne de vivre, tu n'es pas un humain, mais un vrai barbareĽ. (Il faut remarquer que ce soldat gťnťreux faisait part ŗ sa mŤre de la moitiť de sa paye.) Les Hollandais, qui entendaient un peu le franÁais, ne manquŤrent pas de le bl‚mer, et le l‚che se retira. Son frŤre arme son fusil, tire et l'attrape ŗ la cuisse. Il se relŤve et s'enfonce dans le bois. Un dragon autrichien, du rťgiment de Cobourg, chargeait un des nŰtres, du 12e dragons. AprŤs avoir tirť chacun leur coup de pistolet, ils s'approchent pour se sabrer. Quelle surprise! Ils se reconnaissent pour frŤres; depuis quinze ans ils ne s'ťtaient vus. ņ l'instant, leurs sabres tombent, ils sautent de cheval et se jettent au cou l'un de l'autre, sans pouvoir dire un seul mot. Un instant aprŤs, ils juraient de ne plus se sťparer et de vivre sous le mÍme ťtendard. Notre dragon fut trouver le gťnťral Jourdan pour le prier de ne point regarder son frŤre comme dťserteur ni comme prisonnier, et le gťnťral consentit ŗ incorporer cet homme dans le rťgiment. Heureuse ťpoque du 18 octobre! C'est ŗ une colonne de quatre-vingt mille hommes[9], commandťe en chef par le gťnťral Jourdan, que nous devons notre libertť. Ils se sont battus, pendant deux jours, avec intrťpiditť. Ce combat s'engageait par une quantitť de tirailleurs avec l'artillerie; la cavalerie et le reste de l'infanterie soutenaient ensuite. Le troisiŤme jour, le brouillard ťtait moins obscur; la lumiŤre a donnť de la force ŗ nos armes, et, malgrť leurs fortes redoutes, notre armťe les a mis en dťroute. Ces quatre-vingt mille hommes venaient de la Vendťe, ťtaient commandťs par un rťpublicain; mais aussi la troupe l'a secondť. Ils ont fait repasser la Sambre ŗ l'armťe autrichienne qui a profitť de la nuit pour disparaÓtre, en laissant une quantitť d'outils servant au travail de leurs redoutes. Je rapporterai ici ce que nous disaient les soldats autrichiens: ęEh! petits _carmagnoles_[10], vous ne sortirez pas d'ici que vous ne soyez en notre pouvoir. Notre gťnťral a dit que si votre bonnet rouge ťtait de force ŗ faire partir l'aigle impťrial, et ŗ faire lever le siŤge, il adopterait votre constitution et serait du parti des rťpublicains[11]. Il ne l'a pas adoptť, mais il a eu la _chasse_ rťpublicaine.Ľ 18 _octobre_.--Sortis de notre camp ŗ la dťcouverte, nous nous sommes rendus ŗ Hautmont, village ŗ gauche de Maubeuge, tout en dťsastre. On ťtait aprŤs la moisson; l'ennemi s'est servi des grains pour faire des baraques et donner ŗ manger aux chevaux. C'ťtait la plus grande dťsolation. Les habitations des cultivateurs dťvastťes et mÍme en grande partie brŻlťes. Voyez un peu ce qu'est la guerre. Malheur au pays oý elle est posťe! Les habitants n'y peuvent qu'Ítre malheureux. Quoique nous n'ayons pas ťtť longtemps bloquťs, je dirai que nous sentions dťjŗ notre misŤre, les vivres nous ťtaient retranchťs (rationnťs); la riviŤre passait au bas de notre camp, mais l'ennemi nous avait coupť l'eau; nous ťtions obligťs de la prendre dans les fossťs des retranchements oý on allait faire les nťcessitťs. La pluie, qui tombait continuellement faisait de tout cela un mťlange. Aussi plusieurs de nous y avaient gagnť le flux de sang. Revenons ŗ nos contremarches: l'ennemi a ťtť repoussť, mais il faut garder ses passages. 29 _octobre_.--Partis de Hautmont pour aller ŗ la droite de Maubeuge, dans un village appelť Marpent, sur le bord de la Sambre, oý de temps en temps on se souhaitait le bonjour ŗ coups de fusil avec les postes autrichiens. 14 _novembre_.--Partis de Marpent pour aller au camp de Saint-Remy, sur les hauteurs, jusqu'au 29. Ce dernier jour, nous sommes allťs ŗ Colleret. Annťe 1794 Nous avons quittť Colleret pour Damousies le 12 janvier 1794, deuxiŤme annťe de la Rťpublique. Tous ces villages ťtaient en premiŤre ligne, prŤs des avant-postes ennemis; car les impťriaux avaient un passage sur la Sambre, prŤs de Beaumont de sorte que nous ťtions obligťs de nous garder partout. On allait fourrager pour la cavalerie sur leurs frontiŤres, car les fourrages n'ťtaient pas bien abondants dans des pays oý la troupe est toujours campťe. De Damousies, nous sommes venus, le 19 janvier, au village d'Aibes, toujours en premiŤre ligne oý le bivouac ťtait continuel. Lŗ, je suis passť sergent, par anciennetť de grade, le 26 pluviŰse. Nous avons reÁu dans ce temps des recrues de la rťquisition, et les compagnies ont ťtť au grand complet. ņ peine avait-on le temps de montrer les premiers principes d'exercice ŗ tous ces hommes qu'il fallait aller se battre; aussi, la rigueur de l'hiver nous a causť bien des maux. Dans ces temps lŗ, il n'y avait point d'armistice: hiver comme ťtť, on ťtait toujours en campagne. Quittť Aibes, le 6 germinal, pour nous rendre ŗ Jeumont. La moitiť du bataillon a campť ŗ une demi-lieue ŗ droite, ŗ un bois nommť le _Bois de l'abbaye brŻlťe_. Tous les quatre jours, on relevait les postes ŗ quarante pieds de distance de l'ennemi, et, en d'autres endroits, il n'y avait que la Sambre qui sťparait. Dans cet endroit, bien des fois nous nous sommes souhaitť le bonjour ŗ coups de fusil. On ne cherchait qu'ŗ se surprendre les postes et ŗ enlever les sentinelles. Le 22, nous sommes partis de cette position. L'ennemi faisait de nouvelles tentatives pour bloquer Maubeuge. Encore une demi-heure plus tard, cela en ťtait fait. Mais la brave armťe du Nord ne s'est point dťcouragťe. Nous avons battu en retraite ŗ deux lieues prŤs de Cerfontaine, oý ťtait le quartier gťnťral. Toute la troupe ťtait sur une ligne, disposťe au combat qui a commencť aussitŰt. La colonne autrichienne a ťtť repoussťe au delŗ de ses positions, laissant une trŤs grande quantitť de morts, de blessťs et de prisonniers. Nous avons repris notre position dans le village. Nous y avons trouvť de leurs chasseurs ŗ pied qui avaient passť la Sambre pour piller; nous leur avons fait des prisonniers, et le reste de la journťe s'est passť ŗ se donner des saluts rťpublicains[12]. Avant de quitter les frontiŤres du Hainaut, pour l'autre rive de la Sambre, je parlerai de la situation des habitants. La plupart n'avaient plus d'habitations (et encore combien avaient perdu la vie!). Je compare l'ennemi ŗ une grÍle qui ne laisse rien dans les campagnes oý elle passe. Dans ces contrťes si fertiles, ces habitants vivaient tranquilles; leurs terres produisaient de bon froment, toutes sortes de grains, de fruits et de lťgumes. Le vin, trŤs cher, n'est pas beaucoup en usage; la biŤre est la boisson. Leur maniŤre de vivre est trŤs simple: lait, fromage et fruits, c'est lŗ leur usage. Bťtail ŗ cornes trŤs beau; chaque habitant en possŤde plus ou moins selon son p‚turage; il a des clos entourťs de bois de tous genres desquels il tire du chauffage pour l'hiver; dans ces clos, il coupe le premier foin; aprŤs cela, leurs vaches y restent jusqu'ŗ l'hiver sans rentrer ŗ l'ťcurie. On ne voit presque pas les villages qu'on ne soit dedans; c'est tout clos, avec de grands bois ŗ l'entour et prŤs de chaque maison. La plupart des maisons sont couvertes de paille. Dans ce pays, les deux sexes y sont affables et humains. 8 _florťal_.--Nous sommes entrťs dans la ville de Beaumont aprŤs une bataille avec les ťmigrťs oý il y en a beaucoup de restťs sur le champ. Nous n'en avons faits prisonniers que trŤs peu, car ils ne se rendaient pas volontiers. Nous avons chassť l'ennemi de ses fortes positions autour de la ville; nous nous en sommes emparťs sur-le-champ; elles nous ťtaient avantageuses. 18.--Arrivťs au camp de Beaumont. Repartis le 20 ŗ huit heures du soir, traversant la ville pour aller bivouaquer, jusqu'ŗ la pointe du jour, sur la route de Mons, ŗ deux lieues en avant. ņ la pointe du jour, nous avanÁons sur l'ennemi campť dans la plaine. Ses dispositions pour nous recevoir n'ont pas ťtť assez promptes; il a pris la fuite dŤs notre premiŤre attaque. Dans cette mÍme affaire, j'ai ťtť dťtachť avec des tirailleurs pour dťbusquer les leurs d'un village; nous en avons pris huit et tuť quelques uns. Le reste a pris la fuite. 22.--AprŤs avoir fait plusieurs mouvements, malgrť la pluie qui tombait tous les jours et rendait les routes impraticables, nous nous sommes arrÍtťs dans la plaine de Beaumont pour y passer la nuit. 23.--DŤs la pointe du jour, la troupe a ťtť divisťe en trois colonnes; celles de droite et de gauche ont attaquť l'ennemi avec tant d'ardeur qu'elles l'ont fait se jeter sur nous au centre. Il y avait plus d'une demi-heure que nous entendions ronfler le canon et la fusillade. Il y avait un murmure dans notre colonne de ce qu'on ťtait dans l'inaction. Tout ŗ coup, on a vu l'ennemi manoeuvrer sur nous, ils n'ont pas ťtť reÁus avec moins d'audace. Nous les avons forcť ŗ repasser la Sambre; plusieurs d'entre eux ont bu plus qu'ils n'ont voulu. Nous avons passť aprŤs eux; nous les avons poussťs ŗ plus de deux lieues au pas de charge. Nous avons pris plusieurs canons, quantitť de prisonniers; trŤs grand nombre de tuťs. On n'aurait pas arrÍtť si la nuit n'avait empÍchť de poursuivre. 24.--Nous nous sommes mis en marche dŤs la pointe du jour. Une colonne a longť la Sambre; l'autre avanÁait sur la droite. L'ennemi nous attendait dans ses fortes redoutes. Nous n'avons pas hťsitť. Le feu a commencť par une canonnade trŤs vive. Notre artillerie s'est mis en devoir de rťpondre avec ardeur, elle a ťtť soutenue par le feu de l'infanterie qui s'est avancťe au pas de charge et a enlevť la redoute de vive force, malgrť un feu terrible.--Toute la troupe a montrť un courage digne de vťritables rťpublicains. Nous leur avons pris quatre piŤces de canon et leurs caissons, plusieurs prisonniers et beaucoup de tuťs. Nous les avons poursuivi, baÔonnette aux reins, pendant une demi-heure, ils ont atteint un village derriŤre lequel ils ont pris position, avec un renfort qu'il leur venait du camp de Grisvel sous Maubeuge, ce qui nous a tenu en ťchec devant le village nommť Grand-Reng. On s'est mis en bataille devant le village et on a envoyť une grande quantitť de tirailleurs qui ont de premier abord enlevť le village; il leur a ťtť repris: de rechef, ils y ont rentrť, mais venant ŗ bord de l'autre cŰtť, des piŤces ŗ mitraille ont dťveloppť leur feu sur eux, il ťtait impossible de passer outre. Pendant huit heures, le feu n'a pas cessť d'un cŰtť ŗ l'autre. Le soir venu, les munitions ont manquť, nous avons ťtť obligťs de leur abandonner notre position et de repasser la Sambre. Nous avons perdu assez de monde[13]. Les jours prťcťdents avaient ťtť favorables. Ce jour-lŗ, nous avons perdu presque tout le terrain gagnť, mais nous avons toujours notre passage sur la Sambre. Voici donc de l'ouvrage ŗ recommencer. Voyons si on s'y prendra de la mÍme maniŤre. Il a fallu marcher toute la nuit pour arriver dans la plaine, oý nous ťtions le 22. 25.--Malgrť la pluie et le mauvais temps continuel, nous avons changť de position en nous rapprochant de l'ennemi. Nous n'avions pour couvert que le ciel. 26.--Nous nous sommes avancťs pour nous opposer ŗ la marche de l'armťe autrichienne sur les bords de la Sambre. Le combat s'est engagť par nos tirailleurs tirťs des compagnies ŗ tour de rŰle; l'artillerie les a secondťs du matin au soir avec succŤs; elle a dťfait des pelotons de cavalerie, dťmontť plusieurs piŤces; nos obus ont fait sauter des caissons, tuť beaucoup de soldats et de chevaux. Une partie de nos soldats criait: ęVenez, soldats de l'aigle impťriale, vous ne rťsisterez pas longtemps ŗ l'ardeur des soldats sans-culottes!Ľ Notre perte n'a pas ťtť grande dans cette journťe; un boulet nous a tuť deux chevaux. Nous avons passť la nuit sous les armes. 27.--Pris position au village de Hantes, sur la Sambre. L'ennemi a fait une tentative pour passer dans l'endroit oý nous ťtions, mais il n'a pas rťussi. 30.--Quittť notre position pour nous rendre sur les hauteurs de l'abbaye de Lobbes. Cette abbaye a ťtť brŻlťe ŗ la retraite des Autrichiens. Ier _prairial_.--Nous allons attaquer l'ennemi; l'artillerie et les tirailleurs commencent. Fusillade soutenue de midi ŗ la nuit. Le 2, le combat s'est engagť de mÍme, mais avec beaucoup plus de succŤs; l'ennemi s'est retirť dans ses fortes redoutes prŤs de Grand-Reng, oý le feu a durť jusqu'au soir. Journťe sanglante pour les deux partis; nous nous sommes retirťs sur les hauteurs prŤs de Grand-Reng. On a ťtabli les postes tout prŤs de ceux de l'ennemi. Nous sommes restťs quelques jours dans cette position[14]. 5.--On dťgarnit notre colonne de cavalerie et d'une partie de l'infanterie pour les faire passer ŗ la droite qui ne se trouvait pas assez forte. L'ennemi voit ce mouvement et prťpare le combat. Nous n'avions aucun ordre de prendre les armes le matin. Ordinairement, c'est le matin que les grands coups se faisaient. Nous ťtions tranquilles sous des petits brise-vent que nous avions faits avec des branches d'arbres; un brouillard trŤs ťpais empÍchait nos avant-postes de dťcouvrir les mouvements de l'ennemi quand il les a surpris. AussitŰt, on entend crier de toutes parts: _Aux armes!_ Chacun a couru se ranger en bataille. Ils ťtaient dťjŗ dans notre camp, et leur cavalerie s'avanÁait ŗ grands pas sur la route de Mons. Il y avait une piŤce de douze et une de huit chargťes ŗ mitraille; nos canonniers y ont mis aussitŰt le feu et ont retardť leur marche. Ils ťtaient beaucoup plus forts que nous; nťanmoins, ils ont ťtť reÁus d'une maniŤre rťpublicaine, mais, malgrť notre vigoureuse rťsistance, nous avons ťtť obligťs de battre en retraite et de repasser la Sambre. Dans notre colonne, il n'y avait que le rťgiment de cavalerie nį 22 au moment de la retraite. Nous avons eu cent hommes hors de combat. Le reste de la journťe s'est passť ŗ tirailler. Passť la nuit ŗ Jeumont; le pont qui nous a servi se nomme Solre-sur-Sambre. ņ l'affaire du 5 prairial, prŤs Grand-Reng, le citoyen Mercier, fusilier de la compagnie d'Horiot (3e bataillon), natif de ProvenchŤres, district de Joinville (Haute-Marne), combattit un hussard autrichien. Deux coups de sabre, sur la tÍte, et sur le poignet gauche le terrassŤrent. ęRends-toi, coquin! dit le hussard. --Un l‚che le ferait, dit Mercier. Mais moi, non!Ľ Il se relŤve, prend son fusil de la main droite, met le canon sur la saignťe du bras gauche, pose le doigt sur la dťtente et tue le hussard. Mais les blessures de ce vrai rťpublicain ťtaient trŤs dangereuses. Il est mort un mois aprŤs. J'ai vu dans cette affaire des braves rťpublicains couverts de blessures rassembler toutes leurs forces au moment oý ils allaient exhaler le dernier soupir, s'ťlancer pour baiser cette cocarde, gage sacrť de notre libertť conquise; je les ai entendus adresser au ciel des voeux ardents pour le triomphe des armťes de la rťpublique. Cailac, un de nos capitaines, eut la jambe fracassťe par un boulet, et mourut au bout de trois semaines, disant: ęMa vie n'est rien; je la donnerais mille fois pour que la rťpublique triomphe.Ľ Atteint au ventre d'un ťclat d'obus, un grenadier du bataillon dit ŗ ceux qui voulaient lui porter secours: ęLaissez moi, mes amis, laissez moi mourir! Je suis content, j'ai servi ma patrie.Ľ Et il expire. 7.--DŤs la pointe du jour, nous nous sommes mis en marche et nous avons ťtť baraquer au village de Hantes. Comme les vivres avaient tardť, nous nous sommes mis ŗ battre du blť, aller au moulin et nous avons fait du pain. Je dirai que tous les habitants de ces villages s'ťtaient retirťs dans les bois, car les armťes leur causaient trop de maux. Il semble que le ciel veuille augmenter les nŰtres; la pluie est tous les jours notre partage. 8.--Partis de Hantes pour aller camper sur les hauteurs de l'abbaye de l'Aune. 12.--Sortis de nos positions ŗ huit heures du soir pour aller ŗ l'abbaye de l'Aune, nous y sommes arrivťs ŗ minuit, le mÍme jour. Cette abbaye ťtait entiŤrement dťvastťe et brŻlťe. 14.--Nous avons passť la Sambre, qui est tout prŤs de lŗ. 15.--La troupe s'est mise en marche et nous avons attaquť dŤs la pointe du jour. Combat engagť par une forte canonnade. L'ennemi abandonne ses positions; nous nous sommes emparťs des hauteurs. 16.--Le canon s'est fait entendre de l'armťe des Ardennes, qui est sous les murs de Charleroi. L'ennemi s'y est portť en forces, avec un renfort de cinquante mille hommes, et soi-disant l'empereur ŗ leur tÍte. Ce jour, ils ont dťbloquť la ville, nous ont repoussťs sur le bord de la Sambre prŤs de l'abbaye de l'Aune oý nous restons trois jours. 19.--Nous sommes partis pour Hantes, oý nous arrivons ŗ onze heures du soir, bien fatiguťs de marche continuelles[15]. 21.--Arrivťs ŗ six heures du matin ŗ Thuin, ville d'oý on avait chassť l'ennemi quelques jours avant. 22.--Partis ŗ une heure du matin pour le camp de Baudribut. 24.--DŤs la pointe du jour, nous avons passť la Sambre et campť devant le bourg de Fontaine l'…vÍque. 28.--Levťe du camp. Nous avons attaquť ŗ une heure du matin pour favoriser le siŤge de Charleroi. L'attaque a ťtť vive et s'est engagťe par le feu des tirailleurs. Leur cavalerie, qui ne voyait que des tirailleurs, a chargť sur eux; ce brouillard l'empÍchait de voir les bataillons qui ťtaient embusquťs derriŤre les haies. Lorsqu'ils ont vu que la cavalerie ťtait ŗ une demi-portťe de fusil, ils ont fait un feu de file. Plusieurs tuťs, quelques prisonniers; le reste a pris la fuite. Nous avons suivi, nous avons rencontrť leur infanterie qui n'a pu rťsister ŗ notre ardeur, nous avons fait beaucoup de prisonniers, nous avons pris deux piŤces de canon avec leurs caissons tout attelťs.--AprŤs cette conquÍte, nous sommes revenus ŗ notre position prŤs de Fontaine l'…vÍque; ťtant arrivťs, nous avons reÁu ordre de nous rendre au camp de Baudribut oý ťtait le parc; arrivťs ŗ l'entrťe de la nuit, nous y sommes restťs quelques jours. 30.--Nous avons levť le camp ŗ deux heures du matin et passť la Sambre pour la derniŤre fois ŗ quatre heures. Nous sommes venus nous placer ŗ la gauche de Fontaine l'…vÍque. ņ midi, l'ennemi s'est avancť sur deux de nos compagnies qui ťtaient en avant; il voulait les surprendre. Nos bataillons, qui ont aperÁu la manoeuvre, se sont mis en bataille et se tenaient prÍts ŗ marcher, lorsqu'un ťclaireur est venu nous dire qu'ils battaient en retraite. Sur-le-champ on s'est mis en marche pour les poursuivre; leur cavalerie d'arriŤre-garde a voulu nous charger, pour retarder notre marche, mais elle a ťtť reÁue d'une maniŤre rťpublicaine, une dťcharge leur a fait bien vite partager la retraite. 2 _messidor_.--Nous avons suivi l'ennemi sans trouver de rťsistance; ils nous laissent plusieurs piŤces de canons et caissons tout attelťs. Notre cavalerie fait un grand nombre de prisonniers ŗ l'infanterie autrichienne. La nuit suspend la victoire, mais elle en prťpare une nouvelle en nous laissant faire des contremarches ŗ la faveur de son obscuritť pour se disposer au combat dŤs la pointe du jour. 7.--L'ennemi s'est montrť en force pour dťbloquer Charleroi, mais nous avons portť obstacle ŗ son dessein. Le feu a commencť ŗ quatre heures du matin et a durť une partie de la journťe. Nuit passťe sous les armes ŗ la gauche du camp de Trazegnies.--Partis de ce camp ŗ trois heures du matin pour aller nous rťunir ŗ l'armťe de la Moselle. En marche, on nous a fait rester dans un chemin couvert, devant un village, pas bien loin de Charleroi. C'est dans cet endroit que nous avons appris la reddition de la place (du 7 messidor, ŗ onze heures du matin) avec cinquante mille hommes[16], quatre-vingts bouches ŗ feu et plusieurs petits magasins. Sortie le mÍme jour, la garnison a dťposť devant nous ses armes; elle a ťtť de suite escortťe et conduite en France. Cette ville a ťtť bombardťe sans que nous fassions beaucoup de retranchements, car elle a ťtť dťbloquťe plusieurs fois. 8.--Nous sommes sortis de notre chemin couvert pour nous opposer au dťfilť des colonnes autrichiennes pour nous cerner. Ce jour-lŗ ils avaient rťuni leurs forces de part et d'autre, pour nous donner une _chasse_, et faire lever le siŤge de Charleroi qui ťtait rendu; mais ils n'en ťtaient pas instruits, car ils avaient si bien jetť leur plan qu'ils cherchaient ŗ nous prendre entre deux feux. Il n'y avait plus ŗ balancer; le combat a commencť ŗ huit heures du matin par une forte canonnade, de toutes parts, avec une rapiditť sans ťgale, comme jamais on ne l'avait entendu jusqu'alors. Notre courage semblait dťjŗ nous annoncer la victoire, main hťlas! dans un feu si terrible et si opini‚tre, les munitions ont manquť. Il fallut donc battre en retraite et nous retirer plus vite que nous n'aurions voulu, rencontrant des obstacles, des fossťs, un village dont les rues ťtaient si ťtroites que la troupe ne savait oý passer et se voyait presque au pouvoir de l'ennemi. La colonne autrichienne s'avanÁait avec rapiditť pour nous prendre en flanc. Mais nous avons ťtť plus tŰt qu'elle au sommet de la montagne, et nous avons usť le peu de munitions qui nous restaient. Nous avons retardť leur marche. Je dirai que, en montant cette montagne, il tombait parmi nous des boulets, obus et balles comme grÍle, mais cela a fait trŤs peu d'effet, quoiqu'ils soient bien prŤs de nous. Nous avons perdu trŤs peu de monde et, gr‚ce ŗ la reddition de Charleroi, nous avons battu en retraite sous ses glacis. La retraite de notre colonne, qui ťtait celle du centre, a ťtť favorable ŗ la dťfaite de l'ennemi qui s'est trop aventurť en nous poursuivant, et s'est trouvť pris en flanc. Il ne s'est retirť qu'avec peine et pertes[17]. Lors du siŤge de Charleroi, un canonnier du rťgiment de SuŤde s'ťcriait en mourant: ęCobourg, Cobourg, avec tes nombreux florins, tu n'auras pas payť une goutte de mon sang; je le verse tout aujourd'hui pour la Rťpublique et pour la libertť.Ľ Tous ceux qui ont perdu la vie dans ce siŤge n'ont donnť, au milieu des douleurs les plus aiguŽs, aucun signe de plaintes. Leurs visages ťtaient calmes et sereins; leur derniŤre parole ťtait: Vive la Rťpublique! C'est au lit d'honneur qu'il faut voir nos guerriers, pour apprendre la diffťrence qui existe entre les hommes libres et les esclaves. Les valets des rois expirent en maudissant la cruelle ambition de leurs maÓtres. Le dťfenseur de la libertť bťnit le coup qui l'a frappť; il sait que son sang ne coule que pour la libertť, la gloire et pour le soutien de sa patrie. ņ la colonne de gauche et ŗ celle de droite, qui ťtait l'armťe de la Moselle, le canon n'a cessť de ronfler toute la journťe. Le combat a ťtť sanglant comme il n'avait jamais encore paru[18]. Deux fois la colonne de droite a ťtť repoussťe, et deux fois elle a remportť la victoire; elle leur a pris quinze piŤces de canon de tout calibre. La colonne de gauche a eu le mÍme succŤs. Des fois, qui croit vaincre est vaincu; avec leurs grandes forces ils cherchaient ŗ nous bloquer, et ils ont ťtť pris quand mÍme. Nous avons perdu quelques braves rťpublicains, mais on pourra juger de la perte de l'ennemi, toujours grande pour celui qui est obligť de prendre la fuite. Cette journťe a ťtť une des journťes victorieuses de la Rťpublique, elle portera pour toujours le nom de _bataille de Fleurus_. Dans ce jour mťmorable du 8 messidor, une infortunťe dťlaissťe de son mari qui avait ťmigrť et n'ayant pas de quoi subsister ťtait, sous des habits d'homme, avec son frŤre, ŗ son rang de compagnie. La compagnie ťtant dispersťe en tirailleurs, les tirailleurs ennemis, qui avaient eu un moment un peu d'avantage, sont venus charger les nŰtres, dans la mÍlťe; elle s'est trouvťe avec peu de monde environnťe d'un grand nombre d'Autrichiens. Elle s'en est tirťe en brŻlant la cervelle de celui qui la tenait, ne cessant de dire que jamais elle ne se rendrait, que sa vie ťtait sacrifiťe ŗ sa patrie. Ces tyrans lui promettaient d'avoir ťgard ŗ son sexe et de ne la prendre que comme prisonniŤre. Cette femme ťtait, avec son frŤre, dans le 22e rťgiment de cavalerie, qui a rťparť ce jour lŗ la faute qu'il avait faite prŤs de Grand-Reng. Avant la prise de Charleroi, pendant que nous ťtions ŗ bivouaquer sur les hauteurs de Fontaine-l'…vÍque, l'ennemi ne se croyant pas en force se contenta de nous envoyer des boulets et des obus. Nous perdÓmes plusieurs hommes, entre autres un tambour du bataillon. Un ťclat d'obus traversa son sac de peau et son cŰtť; il resta mort sur la place; deux autres soldats furent blessťs du mÍme coup. Un hussard Chamborant passant dans la place, prit la caisse du tambour et s'est mis derriŤre un chÍne, battant la charge avec le manche de son couteau, ce qui a mis l'ennemi en fuite. 9.--Nous sommes venus prendre les positions que nous avions auparavant. 12.--Nous avons marchť toute la journťe pour aller bivouaquer devant la ville de Binche. Arrivťs ŗ onze heures du soir, nous avons passť le reste de la nuit sous les armes. L'attaque a commencť par une forte canonnade. 15.--Nous sommes partis pour attaquer l'ennemi en retraite vers Mons. ņ huit heures du matin, les tirailleurs se sont avancťs au pas de charge avec deux piŤces, ils ont poursuivi les Autrichiens si vivement qu'ils n'ont pas eu le temps d'entrer dans la ville de Mons. Notre cavalerie s'est emparťe des passages dans les environs de la ville et aussitŰt des bataillons y sont entrťs, baÔonnette en avant. Dans cette journťe on a fait environ deux cents prisonniers.--Les autres colonnes ont encore poursuivi pendant deux heures. La nuit a tendu ses voiles[19]; il a fallu arrÍter notre marche. Nous avons passť la nuit sous les murs de Mons. 16.--La ville rendue, nous avons ťtť prendre position devant le village nommť Beausoir. 17.--Partis de cette position dŤs la pointe du jour, croyant trouver les Autrichiens, mais nous avons fait cinq lieues sans rencontrer personne. Campť devant Braine-le-Comte, situť sur la route de Mons ŗ Bruxelles. Nous sommes entrťs dans la ville avec les plus vifs applaudissements de tous les bourgeois qui faisaient entendre les cris: ę_Vivent les soldats rťpublicains franÁais!_Ľ 21.--Nous avons levť le camp pour continuer notre route. Nous sommes entrťs dans la ville de Hal avec les mÍmes applaudissements; nous avons campť en avant de la ville jusqu'au 23. Nous sommes partis dŤs la pointe du jour, croyant trouver ceux qui nous menaÁaient quelques jours auparavant. Notre avant-garde suffisait pour les faire disparaÓtre. 23.--Nous sommes entrťs dans la ville de Bruxelles, de mÍme avec les plus vifs applaudissements de tous les bourgeois: ęVive les soldats rťpublicains!Ľ Comme nous ťtions ŗ la tÍte de la colonne, nous sommes restťs ŗ la place, sous les armes, pendant que la colonne a dťfilť. Cela a durť toute la nuit. 24.--Le reste de la colonne a passť. De suite, on a fait entrer les troupes dans les casernes, mais la moitiť restait toujours sous les armes. Notre bataillon ťtait au quartier du Vieux Marchť; et les deux autres bataillons ťtaient dans de grosses maisons bourgeoises. Il y avait avec nous le rťgiment de SuŤde et le bataillon du Haut-Rhin. Nous ťtions sans aucune fourniture[20]. 30.--Nous sommes partis ŗ une heure du matin. Nous avons ťtť camper devant Louvain. J'ťtais parti trois jours auparavant avec un piquet de vingt-cinq hommes pour escorter des bateaux que nous avons ťtť chercher ŗ Villebruck, sur le canal qui vient ŗ Bruxelles. Nous avons ťtť bien reÁus dans cet endroit qui est ŗ cinq lieues. Nous sommes arrivťs le 30 avec ces bateaux chargťs de foin et d'avoine pour les magasins de Bruxelles, et j'ai rejoint, avec mon piquet, la demi-brigade qui ťtait campťe devant la ville de Louvain. Ier _thermidor_.--Partis dŤs la pointe du jour, nous sommes venus nous placer devant la ville de Tirlemont, oý nous avons trouvť notre ennemi, nous l'avons attaquť sans plus de cťrťmonie et nous l'avons poursuivi ŗ deux lieues. Nous sommes revenus ŗ notre position. 7.--Partis au jour, nous sommes allťs nous placer devant la ville de Saint-Tron. 9.--Nous avons fait un mouvement, nous avons ťtť camper dans une grande plaine assez prŤs de Tirlemont, oý nous entendons ronfler le canon de notre avant-garde, qui ne laisse pas ŗ l'armťe autrichienne le temps de se rallier. 16.--Partis de ce camp, nous sommes venus au camp de Berlingen. 29.--Nous avons fait un mouvement d'un quart de lieue ŗ l'entrťe de la nuit. Nous avons traversť un village qui sťparait notre camp du camp de Looz. Toutes ces plaines oý nous ťtions campťs ťtaient retranchťes du cŰtť de l'ennemi par de fortes redoutes. Ier _fructidor_.--C'est dans ce camp que nous avons ťtť amalgamťs avec le rťgiment de Beauce et un bataillon du Haut-Rhin[21]. Les officiers et sous-officiers se sont assemblťs; on a fait la fÍte pendant deux jours, on a bu le vin d'alliance, on s'est jurť de mÍme que la fraternitť rťgnerait entre nous jusqu'ŗ la mort; et comme on servait la mÍme patrie, on s'est promis de vivre toujours en paix comme des frŤres et de vrais soutiens de la Rťpublique franÁaise. Le numťro que cette demi-brigade a eu dans ce moment ťtait 127; elle a ťtť commandťe en premier-lieu par le gťnťral de brigade Richard et le gťnťral de division Poncet. Dans ce camp, nous avons appris la reddition de Valenciennes. On a trouvť dans cette place 227 bouches ŗ feu et quantitť de poudre et autres magasins bien approvisionnťs, plus qu'on n'en avait trouvť lorsqu'ils avaient ťtť livrťs. 14 _fructidor_.--Nous sommes partis ŗ deux heures du matin: nous avons ťtť camper dans la plaine de MaŽstricht, et nous en ťtions encore ŗ trois lieues en seconde ligne. La paille a ťtť dťlivrťe ŗ toute la colonne. On nous a annoncť la reprise de Condť; on a trouvť dans cette place 1,600 prisonniers, 130 bouches ŗ feu, des munitions de bouche pour six mois, 6,000 paquets de cartouches, un trŤs grand magasin de poudre ŗ canon, 6,000 bombes, 6,000 boulets, et cette place en bon ťtat de dťfense. Le mÍme jour, a passť dans notre camp un colonel anglais avec toute son escorte et trente chevaux, qui avaient ťtť pris aux environs de MaŽstricht par notre avant-garde. C'est dans ce mÍme camp que nous avons fait la rťjouissance de la reddition de toutes nos villes que les Impťriaux nous avaient ravies: le Quesnoi, Landrecies, Valenciennes, Condť. Voici la maniŤre dont la rťjouissance s'est faite dans l'armťe de Sambre et Meuse. La fÍte a ťtť annoncťe ŗ six heures du matin par trois coups de canon des piŤces de position qui se sont trouvťes dans chaque division. ņ sept heures et demie, les mÍmes piŤces ont rťpťtť la mÍme chose. La musique de chaque demi-brigade ťtait placťe sur le front de bandiŤre, oý elle jouait diffťrents airs patriotiques pendant toute la cťrťmonie. ņ huit heures et demie un feu de bataillon a ťtť exťcutť dans chaque division en commenÁant ŗ la droite d'icelle. Ce feu fini, le gťnťral de brigade a passť devant chaque bataillon en criant: _Vive la Rťpublique!_ Nous nous sommes unis ŗ sa voix. La distribution de l'eau-de-vie a ťtť donnťe ŗ toute la troupe. L'ordre a ťtť donnť que chacun rentre dans ses baraques. Ce n'ťtait pas sans en avoir besoin, car depuis minuit nous ťtions sous les armes. Ier _vendťmiaire, an_ III.--Nous sommes partis du camp, dont c'ťtait la premiŤre fÍte _sans culottine_, pour nous rapprocher de MaŽstricht, et nous joindre ŗ notre avant-garde qui ťtait sous ses murs et s'ťtait vaillamment battue. La ville de MaŽstricht a ťtť bloquťe et cernťe entiŤrement. Nous y sommes restťs quelques jours, et de lŗ nous nous sommes mis en marche. Nous avons passť la Meuse, au-dessus de MaŽstricht sur des pontons pour rejoindre notre avant-garde, et aller ŗ la poursuite des Autrichiens. Il est restť une partie de notre armťe pour contenir la garnison de MaŽstricht en attendant que nous ayons repoussť l'armťe autrichienne au delŗ du Rhin. Nous avons marchť plusieurs jours sans rencontrer aucun vestige de l'armťe autrichienne. Arrivťs ŗ une forte riviŤre nommťe la RoŽr, c'est lŗ qu'ils espťraient remporter la victoire et nous empÍcher de passer. Ils ťtaient bien retranchťs dans les endroits oý on aurait pu passer. Malgrť plusieurs obstacles qui se trouvaient devant cette riviŤre, nous n'avons pas hťsitť un seul moment pour attaquer. La bataille a ťtť sanglante aux deux partis, et a durť depuis le matin jusqu'au soir; ŗ la nuit, on a fait abandonner la riviŤre ŗ l'ennemi. Nous avons eu dans ce jour plusieurs centaines d'hommes de blessťs. Nos piŤces de position, au nombre de quarante, ťtaient aux environs de la riviŤre et n'ont dťcessť de jouer; la fusillade a fait de mÍme. L'ennemi a rťpondu au feu d'enfer que faisaient les rťpublicains. Le soir, lorsque le feu a cessť, nous nous sommes retirťs un peu en arriŤre, dans la plaine qui touche la riviŤre, pour passer la nuit. Nous les avons vus qui faisaient de grands feux, car ils brŻlaient leurs baraques; nous avons jugť par-lŗ qu'ils allaient prendre la fuite. C'ťtait rťel: vers minuit, ils se sont mis en marche. On a travaillť toute la nuit ŗ faire des ponts avec des voitures, des chariots attachťs avec des gros arbres, qui ťtaient sur le bord de la riviŤre; on a mis des planches sur ces constructions et le matin, ŗ la pointe du jour, nous avons passť au milieu de leurs retranchements, qui ťtaient remplis de cuisses, bras et corps entiers qu'ils avaient laissťs sans les enterrer. Plusieurs pauvres blessťs criaient misťricorde; on les a portťs de suite ŗ l'ambulance avec les nŰtres. Notre colonne de droite avait passť la riviŤre avant nous. Nous avons ťtť plusieurs jours pour arriver au Rhin, mais aucun Autrichien ne s'est trouvť devant nous. Le soir du passage de la riviŤre, le gťnťral de brigade Richard nous a annoncť la prise de Juliers avec vingt-quatre piŤces de 27 en bronze. Depuis cette ťpoque, nous n'avons plus vu d'Autrichiens que sur l'autre rive du Rhin, prŤs de DŁsseldorf[22]. Notre dernier camp a ťtť dans la plaine prŤs de la ville de Neus. Voilŗ la maniŤre dont nous avons fait la conduite ŗ l'armťe autrichienne avec les honneurs de la guerre, ŗ grands coups de canon. Notre voyage ne nous a pas ťtť bien favorable: une pluie continuelle et froide, un vent qui nous glaÁait les sens, et point d'autre couverture que le ciel. Notre ennemi est de l'autre cŰtť du Rhin, tranquille, et nous, mous allons retourner sur nos pas pour aller faire le siŤge de MaŽstricht[23]. Arrivťs devant cette ville, on s'est tout de suite occupť ŗ faire les travaux; on a fait des redoutes pour soutenir et rťpondre aux sorties qu'ils pourraient faire pendant qu'on ouvrirait les boyaux: on travaillait ŗ ces ouvrages nuit et jour. Malgrť leur mitraille, nous avons ouvert les boyaux ŗ une portťe de pistolet de leur bastion. Nous y avons ťtť, pour notre tour, cinq fois pour les ouvrir. On n'a pas perdu tant de monde que l'on croyait pour faire le siŤge d'une ville si forte. Notre commandant de bataillon a ťtť blessť d'un ťclat de grenade, et plusieurs officiers et soldats. Tous les jours, les ouvrages se multipliaient, et nous rendions par ce moyen l'asile des assiťgťs plus ťtroit. Les jardiniers de la ville avaient plantť beaucoup de lťgumes d'hiver dans leurs jardins; mais c'est nous qui en avons fait la rťcolte. Tous les matins, ils se trouvaient enfermťs plus ťtroitement; s'il n'y avait pas eu des fossťs, nous aurions ťtť les prendre dans leurs palissades. Les ouvrages allaient Ítre achevťs; on a commencť ŗ bombarder la ville le 12 brumaire; cela a durť trois jours. Le 14, la ville de MaŽstricht s'est rendue, ŗ deux heures du matin. Un des officiers supťrieurs de la ville est venu sur les bastions et a demandť le gťnťral qui commandait en chef le siŤge, pour capituler[24]. Pendant qu'on est allť le chercher, les canonniŤres et les bombardiŤres redoublaient le feu jusqu'au moment oý ils ont reÁu l'ordre du gťnťral de le cesser. Au moment oý il a demandť ŗ capituler, le feu ťtait dans un magasin d'huile, de lard, de farine, etc. ņ la pointe du jour, on voyait tous les bourgeois sur les remparts et plusieurs nous apportaient des bouteilles d'eau-de-vie. Nous avons tenu MaŽstricht bloquťe pendant quarante-quatre jours. Pendant ce blocus, les assiťgťs nous ont envoyť quarante-cinq mille boulets, trente-quatre mille tant bombes qu'obus, quatorze mille grenades. Ils nous envoyaient toutes ces pommes dans nos travaux, sans que cela fasse beaucoup d'effet. Le feu cessť, on a ťtť trois jours pour arranger la capitulation. La garnison est sortie de la ville le 17 brumaire; entre dix et onze heures du matin, les troupes impťriales sont sorties par la porte d'Allemagne, et ont passť la Meuse au milieu des assiťgeants, qui formaient la haie de chaque cŰtť de la route oý ils devaient passer. Ils sont sortis avec les honneurs de la guerre: tambour battant, mŤche allumťe et enseigne dťployťe. Lorsqu'ils ont ťtť presqu'ŗ la fin de la colonne, ils ont dťposť leurs armes devant nous; la cavalerie et l'infanterie ont emportť leurs sabres. Il y avait de la troupe toute prÍte pour les conduire au delŗ du camp. La troupe hollandaise est sortie le mÍme jour, mais un peu plus tard, car il fallait le temps ŗ la colonne franÁaise de venir se placer en haie sur la route par laquelle ils devaient passer, qui ťtait d'une extrťmitť de la ville ŗ l'autre. Ils sont sortis de mÍme avec les honneurs de la guerre comme la troupe autrichienne. Ils ont ťtť reconduits dans leur pays par nos chasseurs ŗ cheval, ils ont conservť leurs sabres comme la troupe impťriale. Les officiers composant la garnison de MaŽstricht ont emmenť leurs chevaux et tout leur bagage. La Ville de MaŽstricht est trŤs forte; elle a un fort qui la commande et qui la dťfend. La Meuse flotte contre ses murs, et donne de l'eau dans ses fosses; elle a aussi des forts qui sont construits dans le milieu de la Meuse, qui dťfend son approche du cŰtť de l'Allemagne. Il y a dans les environs de grandes plaines trŤs fertiles en blťs, orge, avoine, pommes de terre, etc.; elle est frontiŤre de la Hollande. C'ťtait le gťnťral Klťber qui commandait le siŤge en chef; nous ťtions du cŰtť gauche de la ville, sous les ordres du gťnťral Duhesme. 18 _brumaire_.--Nous sommes partis des alentours de MaŽstricht pour aller sur les bords du Rhin. 20.--Nous avons passť dans la ville de Juliers, jolie petite ville trŤs fortifiťe; les maisons d'une assez belle construction, les rues trŤs larges. Il y a aussi de trŤs belles plaines trŤs fertiles en blťs et en toute sorte de grains; on y boit aussi de bonne biŤre, on y rťcolte aussi de trŤs bons fruits. Cette ville est la capitale du duchť de son nom. 22.--Nous sommes arrivťs ŗ Cologne; nous y avons campť en arrivant. 29.--Nous sommes sortis de ce camp pour aller cantonner sur le bord du Rhin au village nommť Langel. Nos postes ťtaient placťs sur le bord du Rhin; nous ťtions une compagnie par ferme, trŤs serrťs ŗ cause de la grande quantitť de troupes qui ťtaient dans les environs. J'ai ťtť voir la ville de Cologne; elle est trŤs grande, bien peuplťe, les rues larges; il y a une quantitť de clochers. J'ai remarquť que sur une tour trŤs haute, il y avait une grue peinte en vert. Le Rhin flotte contre les murs, et fait une partie de leur commerce. La ville n'est point fortifiťe, elle est entourťe d'un simple mur trŤs haut. C'ťtait lŗ que l'ťlecteur faisait sa rťsidence. 12 _frimaire_.--Sortis de Hangel pour passer ŗ la droite de la Logne. Suivant les bords du Rhin ŗ une demi-lieue de la Logne, nous cantonnons au village nommť Nille? Nous avons reÁu des ordres pour nous rendre ŗ Bonn, soi-disant pour passer le reste de l'hiver; nous sommes partis le 13; lorsque nous avons ťtť prŤs des murs de ladite ville, nous avons reÁu des ordres pour aller cantonner dans les villages ŗ une lieue et demie ŗ la droite de Bonn. Nous sommes arrivťs dans ces cantonnements le 17, dans un village nommť Melheim, situť sur le Rhin. Notre ťtat-major est restť dans ce village; notre compagnie a ťtť dťtachťe ŗ une demi-lieue en arriŤre ŗ un village nommť Lanesdorf, situť auprŤs de grosses montagnes; nous montions tout de mÍme la garde sur le Rhin. Quel froid nous avons endurť ťtant de garde dans ces endroits! Des sentinelles sont mortes en faction; cependant on les relevait toutes les demi-heures. Le Rhin ťtait tout en glace; pendant vingt-quatre heures, on ťtait obligťs de jeŻner, car nos vivres ťtaient gelťs, durs comme de la pierre. Je ne veux pas peindre les maux que nous avons soufferts dans ces diffťrentes occasions; ils seraient faits pour attendrir un coeur de roche. Que l'on se souvienne de la rigueur des froids des diffťrents hivers, de la raretť des vivres et du vÍtement; cela suffira pour dire que nous avons ťtť malheureux. 17 _nivŰse_.--Sortis de ce cantonnement pour aller au village nommť Keising, ŗ une demi-lieue de Bonn. …tant dans ce village, je suis allť voir la ville de Bonn; je dirai qu'elle est trŤs belle: des rues larges et bien propres, des maisons d'une belle construction, trŤs ťclairťes, de belles places bien grandes, un superbe ch‚teau ŗ l'entrťe de la ville, situť au midi et appartenant ŗ l'ťlecteur. Le Rhin flotte contre ses murs: elle n'est fermťe que par des petits remparts, trŤs bien construits. Dans les environs de la ville, il y a de belles avenues de marronniers et de tilleuls, environnťes de belles plaines. …tant au village de Keising, nous avons fait l'anniversaire de la mort de Capet. Cela a eu lieu le 2 pluviŰse, ŗ dix heures du matin. Le bataillon ťtant rassemblť, on a fait trois dťcharges et les piŤces d'artillerie en ont fait de mÍme. Cela s'est fait dans l'armťe de Sambre-et-Meuse, dans nos cantonnements sur le bord du Rhin. Nous sommes partis de Keising le 5 pluviŰse 1795 (vieux style). Journťe odieuse et fatigante pour aller ŗ Aix-la-Chapelle. Au moment oý nous nous sommes mis en route, il tombait de la pluie; il y avait longtemps qu'il faisait de fortes gelťes; ce jour-lŗ il paraissait faire un dťgel universel. Jamais FranÁais et autres n'ont vu une pareille journťe, elle a durť vingt-quatre heures. Toute la troupe ťtait fatiguťe. On enfonÁait dans la terre jusqu'aux genoux, on faisait trois ou quatre pas, et il fallait s'arrÍter pour reprendre haleine; aussi plusieurs soldats y ont perdu la vie, et mÍme les chevaux, avec rien sur leur dos, avaient bien de la peine ŗ s'en tirer. Ce n'ťtait pas cependant dans des marais, c'ťtait dans des champs de gravier; on aurait prťfťrť marcher dans l'eau jusqu'aux reins, plutŰt que dans de pareils chemins; mais il n'y avait pas de choix; il fallait que la route se fasse. Nous avons ťtť dans cette triste situation depuis le matin jusqu'au soir ŗ la nuit. …tant arrivťs ŗ une petite ville nommťe Bruhl, toute la demi-brigade n'y a pu loger. Il ťtait nuit: il nous a fallu aller loger ŗ une demi-lieue de Bruhl, dans un village. Pour faire cette demi-lieue, nous avons ťtť deux heures; en arrivant, les billets de logement nous ont ťtť distribuťs, mais on a eu bien de la peine ŗ les trouver, par rapport ŗ la nuit. Le lendemain, la route ťtait plus favorable, la gelťe avait remplacť le dťgel, la nuit avait raffermi la route, et le matin il tombait de la neige qui a durť jusqu'ŗ midi. Nous sommes partis de nos logements ŗ sept heures du matin vers Aix-la-Chapelle. Nous avons logť en y allant ŗ Norwenig, ŗ Duren, ŗ Eschviller. ņ Aix-la-Chapelle, nous avons logť chez le bourgeois. Nous y sommes restťs un mois pendant lequel les officiers et sous-officiers ont ťtť plusieurs fois chez le gťnťral de division Poucet pour apprendre la thťorie. L'armťe de Sambre et Meuse passait alors pour Ítre si peu disciplinťe, parmi les FranÁais, que l'on croyait que les gťnťraux n'osaient livrer aucun combat faute de discipline et de subordination. Le tout venait de la part des ennemis de la libertť, qui cherchaient ŗ mettre le dťsordre parmi nos troupes, en faisant naÓtre l'idťe que le droit de la guerre ťtait de piller tout pays conquis. Mais le FranÁais a su se comporter plus vaillamment, car c'est la discipline qui a fait tous nos succŤs, et qui a excitť l'admiration de toute l'Europe. Voilŗ pourquoi les ennemis de la Rťpublique voulaient nous entraÓner au pillage; les perfides savaient bien qu'une armťe sans discipline est une armťe vaincue; ils savaient par eux-mÍmes que des brigands ne sont jamais qu'une troupe de l‚ches. Nous avons dťmenti cette calomnie par notre conduite; l'amour de l'ordre et de la discipline, le respect pour les personnes et les propriťtťs, distingueront toujours l'armťe de Sambre et Meuse. Voici un discours du reprťsentant du peuple Gillet aux habitants d'Aix-la-Chapelle, qui prouve la gťnťrositť des FranÁais: ęHabitants d'Aix-la-Chapelle, ĽDes actes de cruautť ont ťtť commis dans votre ville envers des soldats franÁais lors de la retraite de l'armťe au mois de mars 1793: des soldats malades et blessťs ont ťtť jetťs par les fenÍtres dans la rue; d'autres ont ťtť fusillťs par des bourgeois qui se tenaient cachťs dans leurs maisons. Nous n'userons point des droits que pourraient nous donner de justes reprťsailles. ęSi les ennemis de la France se sont couverts de tous les crimes, le FranÁais s'honorera toujours d'Ítre gťnťreux. Mais le sang de nos frŤres cruellement massacrťs demande vengeance. Sans doute ces actes de barbarie ont ťtť dťsavouťs par la majoritť des citoyens, et ne peuvent Ítre l'ouvrage que d'un petit nombre. Nous demandons que les coupables nous soient livrťs dans les vingt-quatre heures; vous nous devez cette justice, vous la devez ŗ vous-mÍmes sous peine d'Ítre rťputťs complices des plus atroces forfaits. Signť: ęGILLET.Ľ Le 10 ventŰse, nous avons cťlťbrť la fÍte de la prise de la Hollande[25], et, ce mÍme jour-lŗ, les nobles et ceux qui avaient des titres de noblesse les ont brŻlťs en notre prťsence, sous les armes. Je dirai qu'Aix-la-Chapelle est trŤs grand et bien peuplť: il y a beaucoup de manufactures en tout genre; on y trouve de bonne eau vulnťraire pour boire et prendre des bains; il y a de belles maisons trŤs ťlevťes, de belles rues larges et de belles grandes places. Elle n'est fermťe que de plusieurs simples murs; c'est une ville trŤs ancienne. Nous sommes partis d'Aix-la-Chapelle le 11 ventŰse pour aller cantonner aux environs d'Aix-la-Chapelle, au bourg nommť Eschviller; notre compagnie a ťtť dťtachťe ŗ un village nommť Nolberg. Je dirai que dans les campagnes de ces pays, ils sont assez ŗ leur aise. Ils vivent bien avec de la choucroute, du bon lard; leur soupe est faite avec de l'orge mondť, de la viande de boeuf salť; ils mangent beaucoup de carottes, de navets; prennent le matin beaucoup de cafť avec du beurre frais et des confitures; leur boisson est de la bonne biŤre et du _chenik_. Leurs maisons sont trŤs propres, lavťes tous les samedis; leur batterie de cuisine est en fer noir et jaune, trŤs bien ťclaircie, et mÍme leur crťmaillŤre; pincettes et pelle ŗ feu, tout est dans la plus grande propretť. Le sexe des deux sortes y est trŤs affable; les hommes, leur costume n'est pas diffťrent du nŰtre; mais les femmes ont un dťshabillť assez long; pour coiffure, des petits bonnets de velours ou autre couleur, bordťs sur le devant avec une dentelle en or; leurs cheveux en plusieurs tresses qu'elles roulent derriŤre leur bonnet comme un escargot, et tenus avec une grande ťpingle en argent, large comme les deux doigts. Leur parler est l'allemand. Tout ce pays est trŤs fertile pour toutes choses. Nous sommes partis de Nolberg le 25 ventŰse pour revenir sur les bords du Rhin; nous avons logť en y allant ŗ Duren, ŗ Norwenigbourg, ŗ Bruhl-ville. De lŗ, nous avons ťtť prendre nos cantonnements sur le bord du Rhin, au village nommť Nieder-Weslingen. C'ťtait le 27; dans cet endroit on nous a diminuť les vivres; nous avions par jour une livre de pain et une once de riz; avec ces vivres nous ťtions une partie de la nuit sur pied et montions la garde d'un jour ŗ l'autre. Voilŗ comme les soutiens de la patrie avaient toutes leurs aises. 7 _germinal_.--Sortis de Nieder-Weslingen. Ce jour-lŗ, nous avons appris le traitť avec le roi de Prusse[26]. Notre marche ťtait dirigťe sur Coblentz. Nous avons logť, en y allant, ŗ Bonn, ŗ Breisig, ŗ Kretz. Lŗ nous sommes restťs huit jours. 16.--Arrivťs ŗ Coblentz oý nous n'avons pas logť; notre logement a ťtť ŗ gauche de la ville, au village nommť Kesselheim, situť sur le bord du Rhin. 17.--Entrťs dans la ville de Coblentz ŗ huit heures du matin. Nous avons ťtť logťs dans des maisons d'ťmigrťs toutes dťvastťes, et ŗ peine avions nous de la paille pour reposer nos pauvres membres tout navrťs de fatigue, avec notre livre de pain et notre once de riz[27]. Bien des fois, on ne pouvait pas avoir du pain et trŤs peu de viande bien maigre; nous ne pouvions trouver aucune chose pour notre papier, car personne ne s'en souciait, et pour un pain de trois livres, il fallait donner vingt-cinq francs en papier[28]. La ville de Coblentz est grande et trŤs peuplťe; il y a beaucoup de rues trŤs larges, mais aussi il y en a oý les voitures ne peuvent pas passer; il y a de belles places et principalement la place d'Armes, entourťe de bornes de pierre avec de grosses chaÓnes de fer. Deux rangs de tilleuls forment un berceau couvert tout autour de la place; elle est environnťe de belles grosses maisons trŤs hautes et d'une belle construction. Et mÍme dans une partie de la ville, en sortant de la place d'Armes, on voit un boulingrin et une superbe maison toute neuve, que l'Electeur de cette ville a fait b‚tir; elle nous servait d'hŰpital du temps que nous ťtions dans ces contrťes. Cette maison est sur le bord du Rhin, environnťe de grands jardins nouvellement plantťs. Il y a aussi de magnifiques promenades. Cette ville est du cŰtť du nord, bornťe par la Moselle qui tombe de lŗ dans le Rhin, vis-ŗ-vis du fort, et, au levant, le Rhin flotte contre ses murs. Cette ville avait de forts bastions et de gros cavaliers qui dťfendaient son approche, entre le Rhin et la Moselle; ces fortifications ont ťtť dťmolies dans le temps que nous ťtions lŗ, de sorte qu'elle n'est maintenant fermťe que d'un simple mur, du cŰtť du Rhin. Il y a un fort trŤs haut qui peut brŻler la ville; c'est un morceau qui ne peut Ítre pris que par la famine. Les FranÁais y sont entrťs lorsqu'ils ont poussť l'armťe autrichienne au delŗ du Rhin. Nous avons construit des forts et des retranchements bien palissadťs ŗ une demi-lieue de la ville entre la Moselle et le Rhin, dans la plaine. Le costume des deux sexes est le mÍme que celui d'Aix-la-Chapelle. 5 _florťal_.--Partis de Coblentz ŗ deux heures du matin pour nous rendre ŗ Rhense, ville situťe sur le Rhin, sur le versant d'une petite colline.--Quelques jours avant de sortir de Coblentz, on nous a annoncť la paix avec le roi de Prusse, ce qui a donnť bien du contentement ŗ toute la troupe de voir que leur ouvrage commenÁait ŗ produire[29]. 10.--Partis de Rhense pour revenir ŗ Capellen, sur le bord du Rhin, au pied de grosses montagnes. 18.--Partis de Capellen pour revenir camper sur une hauteur prŤs de la ville de Coblentz, ŗ droite du camp nommť le camp de la Chartreuse; il portait le nom du couvent qui ťtait sur le bout de la montagne, prŤs de la ville. Ce couvent ťtait tout dťvastť et servait ŗ mettre les chevaux de l'artillerie. C'est dans ce camp que noua avons encore fait pťnitence. La misŤre augmentait tous les jours pour les dťfenseurs de la patrie; nous avons ťtť rťduits ŗ douze onces de pain par jour, et bien des fois on ne pouvait pas en avoir. Il fallait cependant faire son service, bivouaquer et monter la garde trŤs souvent. Mais le printemps nous produisait des plantes pour un peu nous soutenir, qui ťtaient des feuilles de pois sortant ŗ peine de terre, des coquelicots ou _feu-d'enfer_, du sarrasin, des pissenlits. Avec tous ces herbages, nous en faisions une farce que nous mangions en guise de pain; et lorsque le seigle est venu en grains, on allait lui couper la tÍte et on le faisait griller sur le feu. Les pommes ŗ peine dťfleuries nous servaient aussi de nourriture. C'ťtait vraiment une grande misŤre, on voyait plusieurs soldats cachťs derriŤre des haies, attendant que le laboureur qui plantait des pommes de terre fendues en quatre pour en rťcolter pour l'hiver prochain, fŻt parti de son champ. AussitŰt les soldats affamťs parcouraient le champ, cherchant dans la terre les petits morceaux de pommes de terre, et revenaient au camp avec leur petite proie, et les faisaient cuire[30]. Huit ou dix jours aprŤs on reparcourait les champs, les morceaux de pommes de terre qui avaient ťchappťs ŗ la premiŤre recherche commenÁaient ŗ sortir de terre; on les enlevait avec beaucoup de contentement de se voir quelques petits morceaux de pommes de terre pour se sauver la vie. Le matin on battait la breloque pour le pain, la viande, mais on revenait souvent sans viande[31]. Le soir, ŗ l'entrťe de la nuit, pas tous les jours, on revenait avec un pain pour quatre hommes. Tout le monde sortait de ses baraques et la gaÓtť renaissait pour un moment dans le camp; dans la journťe tout le monde ťtait comme mort, sur sa pauvre paille, prenant la misŤre en patience et s'amusant ŗ dťtruire sa vermine. AprŤs une misŤre pareille et des maux si longs et si pťnibles, quelques-uns diront: ęles soldats ne sont que des voleurs. Voyez comme ils allaient dťvaster les travaux des pauvres laboureurs!Ľ Nous sentions bien la perte que nous causions, mais lequel pouvait-on prťfťrer dans un pareil cas, de mourir? Non, mais je crois, de vivre et d'Ítre utile! Dans le courant de prairial, an III de la Rťpublique franÁaise, les officiers, sous-officiers et soldats de la 127e demi-brigade de l'armťe de Sambre-et-Meuse ont ťcrit ŗ la Convention nationale, s'exprimant en ces termes: ęQue venons-nous d'apprendre? Quoi! les factieux s'agitent encore autour de la Reprťsentation nationale; le reste impur des complices de la Terreur ose de nouveau provoquer au pillage, ŗ l'assassinat, au mťpris de l'humanitť, ŗ la violation des droits du peuple. ęQue veulent donc ces hommes tťmťraires? et quels sont leurs projet perfides, leurs aviditťs cruelles? Ils cherchent des prťtextes. Mais ce n'est pas du pain qu'ils demandent, c'est du sang. Ils sont jaloux du repos du peuple, ils ont soif de son avenir heureux; leur rage scťlťrate veut ensevelir la libertť publique, sous les corps enlacťs des victimes, et dominer sur ces dťbris. ęLťgislateurs, conservez l'attitude imposante que vous avez prise! rappelez-vous toujours ce qu'est le peuple et que le peuple ne veut pas Ítre opprimť par une poignťe de factieux; songez que les agitateurs qui osent vous menacer, ne sont pas citoyens de Paris, et que les citoyens de Paris ne sont eux-mÍmes qu'une petite fraction de la Rťpublique! ęSi l'audace des uns croissait avec leur criminel espoir, et si le courage des autres s'amollissait par la crainte; si les premiers oubliaient leur premier devoir et les derniers leur ancienne gloire; s'il fallait enfin que des colonnes s'ťbranlassent des armťes victorieuses pour aller dťfendre la Convention nationale; parlez, lťgislateurs! Nous volons autour de vous, les factieux ne parviendront jusqu'ŗ vous qu'en marchant sur nos cadavres. ęUne rťpublique fondťe sur les moeurs et sur la justice est impťrissable comme la nature[32].Ľ Le 22 prairial, on nous a annoncť la prise de Luxembourg. Les 29 et 30 prairial, et le 1er messidor, nous avons vu passer la garnison du dit Luxembourg, au nombre de douze mille, qui ont passť le Rhin ŗ Coblentz, aprŤs avoir passť devant nous. Le 9 du mois de thermidor, nous avons reÁu trois drapeaux tricolores oý ťtait le numťro de la demi-brigade. Avec les rťpublicains qui composaient ce corps, nous avons jurť dans ce moment de ne jamais abandonner ces drapeaux qu'ŗ la mort, comme nous avions fait jusqu'alors des prťcťdents. On nous a fait dans ce mÍme moment du feu avec les morceaux des anciens qui avaient ťtť fracassťs au blocus de Maubeuge et au siŤge de MaŽstricht; ils ressemblent ŗ des vieux guerriers qui ťtaient devenus bien caducs en acquťrant de la gloire et en parcourant les champs de Bellone. 10 _thermidor_.--Partis du camp de la Chartreuse par une grande pluie qui a durť deux jours; les ordres ťtaient donnťs pour nous rendre ŗ Creutznach. Le 14, nous avons logť, en y allant, ŗ Ventzenheim oý nous avons eu sťjour; le 15, ŗ Kircheim-Bolanden. Dans cette ville, le prince de Weilburg a un superbe ch‚teau de plaisance; il est environnť de jardins oý il y a des arbres de toute espŤce, il y a un parc bien distribuť: de belles cascades d'eau, des promenades bien agrťables, et des piŤces de gazon trŤs bien garnies. La vue ne peut pas se contenter d'examiner toutes ces belles choses, qui semblent Ítre faites par la nature. 16.--Logť ŗ Pitzersheim. Avant d'arriver ŗ ce village, on voit les tours de Mannheim: il est seulement ŗ trois quarts de lieues de Neustadt. 17.--ņ Neustadt; 18, ŗ Nuzdorff, premier village de France, venant de Coblentz et frontiŤre du Palatin[33]. Ce village est trŤs grand et situť ŗ une demi-lieue de Landau. 19.--ņ Altenstadt, village ŗ un quart de lieue de Wissembourg, oý nous avons eu sťjour. 21.--ņ Beinheim, village situť sur la route de Lauterbourg[34] ŗ Strasbourg. 22.--Partis ŗ sept heures du matin pour nous rendre au fort Vauban, seulement le premier bataillon, les deux autres ont ťtť camper dans la plaine de Beinheim. Nous avons relevť au fort un bataillon de la 92e demi-brigade, ci-devant d'Artois. Cette place se nommait, avant la Rťvolution, le Fort-Louis; elle ne pouvait Ítre prise que par famine, mais elle a ťtť livrťe aux Prussiens en 1792. Les FranÁais ont repris cette place, la mÍme annťe, aprŤs le dťblocus de Landau. Durant le temps que les Prussiens sont restťs au dit fort, ils ont minť le quartier et autres fortifications[35]. Au moment oý il a fallu les abandonner, ils ont fait sauter toutes les mines; il restait encore quelques maisons oý ils ont mis le feu en partant, de sorte que maintenant cette place est comme un dťsert. Nous ťtions logťs dans des vieilles masures, comme tout le bataillon, parce que le Rhin avait dťbordť, et les baraques ťtaient encore pleines d'eau. Le mauvais air qui rťgnait dans cette place a fait que tout le bataillon, et mÍme les deux autres, ont ťtť pris de maladie; c'ťtait comme une peste. Jusqu'ŗ dix hommes par compagnie ťtaient obligťs d'aller ŗ l'hŰpital, car ils ťtaient attaquťs d'une fiŤvre trŤs violente. De soixante hommes que nous ťtions dans notre compagnie, nous sommes restťs ŗ deux qui n'ont pas ťtť malades. La fiŤvre ťtait mauvaise, car il y en a beaucoup qui en sont morts. Nous avons fait notre purgatoire dans cette place; nuit et jour nous ťtions tourmentťs, il y avait des petites mouches que l'on nomme des _cousins_, qui nous faisaient bien de la peine, il y en avait si ťpais qu'on les aurait coupťs avec des sabres; les puces et les poux n'y manquaient pas. …tant dans cette place, nous avons fait la rťjouissance de l'anniversaire de la Fťdťration. Le 23 thermidor[36], chaque piŤce de canon a tirť trois coups, et chaque soldat de mÍme. La rťjouissance s'est faite de cette maniŤre dans l'armťe de Rhin et Moselle. 12 _fructidor_.--Sortis du fort; il est dans une Óle, et le Rhin passe tout autour. Les Prussiens avaient brŻlť une partie du pont qui conduit ŗ un petit fort qui est du cŰtť de l'Alsace; il en porte le nom: ce pont traverse un bras du Rhin et conduit au grand fort: dans ce temps, pour y entrer, il n'y avait qu'un pont volant. Sortant de cet endroit, nous avons ťtť camper au camp prŤs de Beinheim. Les gardes n'ont point ťtť relevťes en partant, ŗ cause de la grande maladie; nous avons ťtť relevťs par un de nos bataillons. 14.--Nous sommes partis du camp pour nous rendre ŗ Strasbourg. J'ai fait rencontre d'un vieux bourgeois qui m'arrÍte et me dit: ęMon ami, je ne peux m'empÍcher de rire, vu le costume que la Rťpublique vous donne, car vous ressemblez plutŰt ŗ un capucin qu'ŗ un soldat.Ľ Je lui dis que l'habit ne faisait pas le moine et qu'il pouvait continuer sa promenade; qu'il ne serait plus si ťtonnť, car il en verrait beaucoup de cette couleur. Il n'avait pas tout ŗ fait tort, car je portais une capote couleur marron que j'avais reÁue devant Cologne[37]. Nous avons ťtť loger chez le bourgeois en arrivant. Le 15, nous sommes entrťs dans la caserne de Finkmatt. Partis de Strasbourg le 16; les gardes n'ont point ťtť relevťes en partant, car il n'y avait point de garnison. 16 et 17.--Nous avons logť ŗ Plobsheim et ŗ Rhinau, villages situťs ŗ un quart de lieue du Rhin, mais tout de mÍme nos postes y ťtaient ťtablis. C'est dans cet endroit que j'ai commencť ŗ faire le service de sergent-major. 19.--Nous avons pris les armes pour recevoir notre nouvelle Constitution; on nous en a fait la lecture, et ťtant finie, tous ceux qui savaient signer ont ťtť signer le procŤs-verbal, pour envoyer ŗ la Convention, pour lui prouver le contentement que nous avions de l'ouvrage qu'ils venaient de nous achever. L'on est rentrť de suite. 4 _complťmentaire_[38].--Partis de Rhinau pour la Wantzenau, grand village situť sur la route de Strasbourg ŗ Lauterbourg. 1 _vendťmiaire_ an IV[39].--Partis de la Wantzenau pour nous rendre ŗ Offendorf, ŗ un quart de lieue du Rhin, sur la gauche de Strasbourg. 28.--Partis d'Offendorf pour Berg, village prŤs de Lauterbourg, ŗ une demi lieue. 2 _brumaire_.--Partis de Berg, pour Woerth, village sur le Rhin. Dans tous ces endroits, depuis la Wantzenau jusqu'ŗ Mannheim, je reconnais que la guerre a bien causť de la misŤre dans tous les villages et bourgs; l'armťe impťriale et la nŰtre n'ont cessť de se battre le long de ces bords. Les villages sont dťvastťs; une partie des habitants a ťmigrť lorsque l'ennemi est venu dans les environs de Strasbourg. 3.--Partis de Woerth pour Spire, grande ville sur le bord du Rhin, dans le Palatinat. Cette ville n'est fermťe que par de simples murs, mais cependant entourťe de fossťs remplis d'eau; c'est une ville trŤs commerÁante et environnťe de grandes plaines. Notre logement dans cette ville ťtait dans des maisons d'ťmigrťs toutes dťvastťes; et, pour coucher, de la paille trŤs courte. Nous sommes arrivťs ŗ dix heures du soir. 8.--Partis de Spire pour Otterstadt, toujours en descendant le Rhin. 12.--Partis de Otterstadt pour Waldsee, village anciennement fortifiť; maintenant on y voit encore les anciens fossťs, une partie du mur et le cintre des portes. 13.--Partis de Waldsee pour Muhlrhein, ŗ une demi lieue sur la droite de Mannheim. Je suis allť voir cette ville; elle est peuplťe, mais elle n'a pas beaucoup d'ťtendue; il y a de belles rues larges et trŤs propres, et bien alignťes; les maisons de toute beautť, hautes, mais pas plus l'une que l'autre; de chaque croisťe on voit le rempart ŗ chaque bout des rues, il n'y a point de carrefour. Les rues et places sont trŤs bien illuminťes: de chaque cŰtť des rues, ŗ distance de trente pas, il y a un rťverbŤre: la place est grande, et la maison du prince de Mannheim[40] est situťe sur la place. Les approches sont bien dťfendues par de bonnes avancťes et de bons bastions garnis de forts canons. Dans ce temps lŗ, l'armťe autrichienne en faisait le siŤge; les fortifications du cŰtť du Rhin sont un seul rempart. Le pont qui traversait le Rhin ťtait composť de cinquante-quatre gros bateaux; la longueur de ce pont ťtait de huit cent quarante quatre pieds: il y avait un fort qui dťfendait l'approche du Rhin de ce cŰtť. Mais les FranÁais l'ont dťmoli la premiŤre fois qu'ils ont pris cette ville; ils ont de suite construit des batteries dans la mÍme place pour battre la ville. 19.--Partis de Mannheim pour retourner sur nos pas[41], nous sommes venus au village de Waldsee oý nous ťtions le 12. …tant dans ce village, les Autrichiens bombardaient la ville de Mannheim; le feu ťtait dans le ch‚teau du prince. Nos gens avaient ťtť repoussťs devant Mayence: toute l'armťe battait en retraite. Il y a eu encore une forte bataille dans les environs de Frankendal; mais comme l'armťe autrichienne ťtait trois fois plus nombreuse que la nŰtre, il a fallu leur cťder le pas, et battre en retraite sur la ville de Landau, et Mannheim n'a pas tardť ŗ Ítre bloquť. Nous avons ťtť obligťs de nous retirer sur nos frontiŤres; l'armťe autrichienne passait sur plusieurs ponts le Rhin et tentait de grands coups[42]. 24.--Partis de Waldsee pour venir au camp prŤs de Spire. Partis de ce camp le 29. Comme nous ťtions dans un circuit du Rhin, l'armťe autrichienne s'avanÁait ŗ grands pas; nous nous serions trouvťs bloquťs. Ils ne cherchent pas ŗ nous faire abandonner le Rhin, et leur colonne se glisse le long des montagnes des Vosges. Nous sommes donc sortis du camp ŗ deux heures du matin pour nous rendre aux lignes de Guermersheim oý nous sommes restťs campťs jusqu'au 9 frimaire. Dans cet endroit, les vivres nous ont manquť pendant cinq jours de suite ŗ cause du grand nombre de troupes, et il n'y avait encore aucune administration d'ťtablie pour les vivres. Pendant ces cinq jours, nous nous sommes nourris avec des pommes de terre que nous allions chercher sous la neige, dans des trous, au milieu des champs de cultivateurs[43]. 9 _frimaire_.--Partis de ce camp pour entrer en cantonnement ŗ Belheim, grand village situť sur les lignes de Guermersheim. 16.--Partis pour aller cantonner au village de Hoerdt, mais nous bordions toujours les lignes qui aboutissaient au Rhin. 20 _nivŰse_.--Partis de ce village pour faire un mouvement vers Strasbourg. Le mÍme jour nous avons ťtť loger ŗ Auenheim, village en arriŤre du Rhin. Partis de Auenheim par une grande pluie, avec un dťgel qui nous faisait une bien mauvaise route. Le 22, ŗ sept heures du matin; nous avons logť ŗ Hagenbach, bourg, nous y avons eu sťjour. 24.--Partis pour Neubourg; grand village sur le Rhin, environnť de marais. 28.--Partis pour Berg, ŗ une demi-lieue de Lauterbourg, lŗ oý nous avions logť en allant ŗ Mannheim. …tant dans ce village, il est venu un arrÍtť du Directoire exťcutif pour que toutes les troupes de la Rťpublique prennent les armes le 2 pluviŰse, et renouvellent le serment d'Ítre fidŤles ŗ la nation franÁaise et de mÍme pour cťlťbrer l'anniversaire de notre dernier roi de France. C'est ce que nous avons exťcutť le 2 pluviŰse 1796. J'ai cessť le service de sergent-major. 17 _pluviŰse_.--Partis de Berg pour Niderroedern oý nous sommes arrivťs le mÍme jour. 20.--Partis pour Sonffeldheim. 21.--Partis pour Beschwiller, bourg ŗ cinq lieues ŗ gauche de Strasbourg. 22.--Partis pour Reichstett, village sur la route, ŗ une demi-lieue de Strasbourg. 29.--Nous nous sommes mis en route pour nous rendre ŗ la Wantzenau ŗ deux lieues ŗ gauche de Strasbourg. 30.--Partis pour nous rendre ŗ la plaine prŤs de Kirchheim, en arriŤre du Rhin et ŗ trois lieues de Strasbourg. C'ťtait le lieu de rassemblement oý la 127e et la 91e se sont rťunies pour former des deux une seule demi-brigade. Voici la maniŤre dont cet embrigadement s'est fait. L'on a formť deux haies; on a fait ouvrir les rangs dans chacune d'icelle; le gťnťral de division en a passť la revue. De suite on a fait serrer les rangs; le quartier-maÓtre a appelť tous les capitaines, lieutenants, sous-lieutenants au centre des deux demi-brigades pour tirer parmi eux les plus anciens de grade et les placer dans leur camp respectif. Il en a ťtť de mÍme des sous-officiers et caporaux; et tous ceux qui se sont trouvťs surnumťraires, on en a formť une compagnie auxiliaire. Ensuite on a fait rompre par pelotons les deux demi-brigades; la 127e s'est jointe avec la 91e en commenÁant par les premiŤres compagnies, et insensiblement de suite. AprŤs ce mťlange, on a fait former le carrť pour nous faire connaÓtre nos chefs. AprŤs que toute la cťrťmonie a ťtť faite, nous avons dťfilť devant les gťnťraux, dans la boue jusqu'ŗ mi-jambe, car il tombait du brouillard qui ressemblait bien ŗ de la pluie et qui faisait dťgeler les terres. Dans ce jour, la 127e a perdu son numťro et a ťtť mariťe avec la 91e dont elle a pris le nom. J'ai vu que lorsqu'on faisait des mariages, que rien ne manquait pour cťlťbrer cette heureuse fÍte; mais parmi nous il n'en ťtait pas de mÍme, car ce jour-lŗ nous n'avions pas de pain. Cela ne nous surprenait pas, car ce n'ťtait pas la premiŤre fois. Chacun a ťtť reprendre ses cantonnements; la 5e, derniŤre compagnie au 1er bataillon, ŗ la Wantzenau; et la 1re ŗ Kilstett. Ce jour-lŗ, j'ai changť de compagnie; j'ai ťtť dans la 5e du 1er (capitaine Mondragon). 2 _ventŰse_.--Sortis de la Wantzenau pour rejoindre la tÍte de notre bataillon au village de Kilstett le 3, pour appuyer ŗ gauche en descendant le Rhin; notre premier bataillon tenait depuis la Wantzenau jusqu'ŗ l'Ill le long du Rhin. Cette ťtendue ťtait de six lieues; notre compagnie ťtait au village d'Offendorf et faisait le service sur le Rhin. 17.--Partis d'Offendorf pour Weyersheim, oý tout le bataillon venait cantonner pour un mois; aprŤs, on retournait faire quinze jours dans ces mÍmes cantonnements sur le Rhin, et on revenait faire un mois sur les derriŤres. «a se faisait ŗ tour de bataillon. 21 _germinal_--Sortis de Weyersheim pour reprendre nos cantonnements sur le Rhin; nous avons ťtť de mÍme ŗ Offendorf.--26. Partis d'Offendorf pour aller ŗ l'armťe du Haut-Rhin, nous avons logť en y allant ŗ Hoenheim, ŗ une petite lieue ŗ gauche de Strasbourg. Le lendemain 29, le matin, nous avons passť ŗ Strasbourg et nous avons logť ŗ Erstein, ville; le 30 germinal, ŗ Kuenheim; le 1er florťal, ŗ Andolshein, village ŗ deux lieues ŗ gauche de Brisach et ŗ une lieue de Colmar, ŗ droite; nous y avons eu sťjour. 3.--ņ Herrlisheim, situťe ŗ une lieue et demie de Colmar. 4.--ņ deux heures du matin, partis pour Ensisheim. 5.--ņ une heure du matin, partis pour Huningue. Nous ne sommes pas entrťs dans la ville; nous avons reÁu des ordres pour cantonner dans les villages aux environs. Nous avons pris la traverse, et nous avons ťtť cantonner au village nommť Attenschwiller sur une petite colline ŗ une lieue de B‚le, du mÍme cŰtť et ŗ deux lieues de Huningue. …tant dans ce village, nous occupions les postes de sauvegarde du canton de B‚le. Personne ne passait ŗ ces postes sans Ítre muni d'une permission signťe du gťnťral en chef. Si cela ne s'ťtait pas fait de la sorte, on aurait enlevť une partie des vivres et des marchandises de la France. Les frontiŤres de la Suisse ťtaient bornťes avec de grands poteaux de bois, ŗ distance d'un tiers de quart de lieue; il ťtait inscrit sur une plaque de fer blanc: _Sauvegarde de Basel_.--Cette ťpitaphe ťtait incrustťe en haut de la potence. Dans le courant du mois de florťal, nous avons appris la paix avec le roi de Sardaigne. Nous avons aussi cťlťbrť la fÍte, le 10 prairial, des victoires remportťes par toutes les armťes de la Rťpublique[44]. Cette fÍte a commencť ŗ six heures du matin. Dans ce mÍme moment, on a battu la gťnťrale: ŗ huit heures on s'est assemblť; on a ťtť de suite sur le terrain choisi par le chef de bataillon pour cette fÍte. On a fait quelque temps l'exercice; aprŤs, on nous a annoncť les victoires remportťes par l'armťe d'Italie. C'est dans ce moment que nous avons jurť d'un commun accord de seconder leurs efforts, et qu'ŗ l'exemple de nos frŤres d'armes d'Italie, bientŰt les succŤs de l'armťe de Rhin-et-Moselle ťgaleraient les leurs. On est rentrť dans le village aux cris de _Vive la Rťpublique!_ Ce jour-lŗ, la Rťpublique nous a passť le pain, la viande, l'eau-de-vie double.--Voilŗ quel ťtait l'ordre du gťnťral en chef. 13 _prairial_--Partis d'Attenschwiller pour Hagenheim, dans une petite colline, et ŗ une demi-lieue d'Attenschwiller et mÍme distance d'Huningue; ce village est en grande partie habitť par des juifs. 17.--Partis d'Hagenheim ŗ cinq heures du matin pour entrer en garnison ŗ Huningue. Elle n'est pas beaucoup ťtendue, mais forte par ses bastions garnis de gros canons qui dťfendent d'approcher; les rues y sont larges et bien ťclairťes; il y a beaucoup de casernes pour loger les soldats; les maisons bourgeoises ne sont pas beaucoup hautes, mais elles ne se dťpassent pas; le Rhin flotte contre ses bastions et donne de l'eau dans les fossťs. Il y a une belle place qui a bien cent soixante-dix pieds au carrť, elle est environnťe de pavillons qui servent ŗ loger les officiers de la garnison. Cette ville est ŗ une demi-lieue de B‚le; ŗ chaque porte il y a trois forts pont-levis et de bonnes barriŤres. Le temps que nous ťtions dans la ville, nous n'avions que des paillasses et des bois de lit pour toute fourniture, mais, en rťcompense, les puces ne manquaient pas. 8 _messidor_.--Sortis ŗ huit heures du soir pour nous rendre ŗ Ottmarsheim; oý nous sommes arrivťs ŗ trois heures du matin; le village est ŗ une portťe de fusil du Rhin, et sur la route d'Huningue ŗ Brisach. 9 _messidor_.--Tous les cantonnements qui ťtaient pour garder le Rhin depuis Huningue jusqu'aux lignes de Guermersheim, ont reÁu l'ordre de prendre les armes ŗ dix heures du soir. C'est la nuit du 5 au 6 messidor qu'on avait choisie pour se faire un passage sur le Rhin. Voilŗ la ruse que l'on a employťe pour ce fait: Vers minuit, il y a eu plusieurs compagnies de grenadiers en des barques, qui ont traversť le Rhin, oý ils ont ťgorgť plusieurs postes ennemis. L'attaque a ťtť gťnťrale dans toute l'ťtendue de la ligne du Rhin, car la canonnade s'est fait entendre, de mÍme que la fusillade, depuis les deux heures du matin jusqu'ŗ quatre heures. On criait: _En avant telle et telle colonne! allons! embarquons-nous! Le passage est ŗ nous!_ On faisait reconnaÓtre diffťrents rťgiments de cavalerie et d'artillerie pour faire voir que nous ťtions bien du monde. L'endroit destinť pour le passage ťtait au fort de Kehl, prŤs de Strasbourg, oý cette attaque n'avait pas lieu, et l'ennemi ne savait pas oý nous avions l'intention de passer[45]. Ce n'ťtait pas lŗ oý l'on faisait le plus de bruit qu'on voulait passer. Le passage s'est effectuť sans avoir essuyť la moindre perte; on les a si bien surpris et trompťs par nos manoeuvres, que l'on a pris le commandant du fort de Kehl avec sa garnison prisonniers de guerre. 17 _messidor_--Sortis de Ottmarsheim, ŗ quatre heures du matin, pour nous rendre ŗ Balgau, village ŗ deux lieues de Brisach, ŗ droite. La nuit du 18 au 19, tous les cantonnements ont pris les armes pour faire la mÍme attaque que celle du 5 au 6. 19.--Sortis de Balgau, ŗ huit heures du matin, pour nous rendre ŗ Neuf-Brisach, ville forte oý il y a une belle place entourťe de quatre entrťes, fermťes chacune de quatre ponts levis; les barriŤres, les maisons et les casernes ne dťpassent pas le premier rempart. Il y a une belle place entourťe de quatre rangs de peupliers qui sont coupťs de maniŤre ŗ ce qu'ils ne fassent point dťcouvrir la place en dehors; ŗ chaque coin de cette place, il y a un puits, et tout au milieu de la place, on voit les quatre portes; les rues sont bien alignťes ainsi que les maisons. Sous tous les remparts sont des casemates, et sur ces casemates est une belle promenade qui fait le tour de la ville. Ces remparts sont garnis de forts canons; l'eau vient dans les fossťs par un canal qui vient de la riviŤre. 21.--Sortis de Brisach pour aller ŗ Marckolsheim, bourg ŗ quatre lieues de lŗ, sur la mÍme route. 25.--Partis de Marckolsheim ŗ dix heures du matin pour nous rendre dans les environs de Neuf-Brisach pour y faire une fausse attaque. C'ťtait la nuit du 25 au 26, ŗ cŰtť du Vieux-Brisach, dans une Óle du Rhin; une centaine d'hommes se sont embarquťs pour passer le Rhin, ils ont fait fuir plusieurs postes ennemis; ils en ont surpris un prŤs d'une batterie, ils l'ont ťgorgť. En un autre, ils ont pris un canonnier, deux charretiers et trois chevaux. Sur la pointe du jour, le canon s'est fait entendre de droite et de gauche sur la rive du Rhin. Vers les quatre heures du matin, l'ennemi nous a ripostť plusieurs coups de canon. Vers les sept heures du matin, les hommes embarquťs sont rentrťs et nous avons cessť l'attaque: elle ťtait faite pour ťtablir un pont ŗ Rhinau.--Nous sommes retournťs dans nos cantonnements qui ťtaient depuis Brisach jusqu'ŗ Rhinau, oý deux de nos bataillons ont passť le Rhin. 28.--Nous avons quittť ces cantonnements ŗ dix heures du soir pour nous rendre ŗ Brisach, oý nous sommes arrivťs ŗ dix heures du matin. Nous nous sommes transportťs vis-ŗ-vis le Vieux-Brisach pour y passer le Rhin; nous l'avons passť sur un pont volant vers les trois heures de l'aprŤs-midi du 29 messidor. Nous avons logť dans de grosses baraques que les Autrichiens avaient fait construire du temps que les FranÁais assiťgeaient la ville du Vieux-Brisach. Ces logements ťtaient couverts en terre et derriŤre le Vieux-Brisach, hors de portťe du canon. 30.--Nous avons repassť le Rhin ŗ dix heures du matin pour aller le passer ŗ Huningue; nous avons logť en y allant ŗ Ottmarsheim. 1er _thermidor_.--Partis ŗ quatre heures du matin, nous sommes arrivťs ŗ Huningue, et nous avons passť le Rhin vers les dix heures du matin. Nous avons ťtť au premier village oý le vin nous a ťtť distribuť. De lŗ, nous avons ťtť loger ŗ Lorrach, bourg dans le Marquisat. Je dirai que nous avons passť le Rhin sur un pont volant, et aprŤs cela nous avons ťtť obligťs de passer un bras du Rhin avec des petites barques, ce qui nous a tenus bien du temps. 3.--Partis de Lorrach ŗ deux heures du matin pour aller ŗ Schopfheim, petite ville entre deux montagnes garnies de beaux bois; la colline est garnie de beaux prťs bien entretenus et tout de niveau oý ils mettent l'eau quand ils jugent ŗ propos. Cet endroit a beaucoup d'usines, tant en forges, manufactures de fils de fer, papeteries, etc. Je remarquerai aussi que les Autrichiens avaient quittť les bords du Rhin le 27 messidor, parce que la colonne qui avait passť ŗ Strasbourg les prenait par derriŤre les montagnes du Brisgau pour leur couper leur retraite. 9.--Partis de Schopfheim, ŗ deux heures du matin, pour aller ŗ Sackingen. Nous avons repassť le Rhin ŗ Laufenburg. Dans cet endroit, le Rhin fait un grand saut au bas du pont; il passe entre deux rochers, il est extrÍmement rapide. Les ponts sous lesquels on passe sont tous couverts et bien construits. Sackingen et Laufenburg sont deux petites villes prŤs des frontiŤres suisses et situťes ŗ sept lieues de Schopfheim. 10.--Partis de Sackingen ŗ deux heures du matin pour Eibrechsferengel? Nous en sortions le onze ŗ deux heures du matin pour nous rendre ŗ Fiezen, village situť ŗ huit lieues. 12.--Partis de Fiezen ŗ trois heures du soir pour nous rendre ŗ Singen, oý nous sommes arrivťs le treize ŗ quatre heures du soir. 14.--Partis de Singen ŗ dix heures du matin pour Esplingen, village sur le lac de Constance. 15.--Partis le 15 ŗ quatre heures du matin pour nous rendre auprŤs de l'abbaye de Salmonswiler, situťe de mÍme sur le lac, dans la Souabe. C'est lŗ que nous avons aperÁu l'arriŤre-garde d'une colonne ennemie. On a dťtachť des tirailleurs de droite et de gauche pour fouiller les environs de notre route; aprŤs avoir tirť plusieurs coups de fusil, ils ont continuť leur retraite. C'est dans l'abbaye, ou pour mieux dire dans la plaine au-dessus, que nous avons commencť ŗ camper. Je dirai que tous les villages dont j'ai parlť ci-devant et oý nous avons logť, sont situťs sur les frontiŤres de la Suisse, en venant sur le lac de Constance. La colonne du gťnťral Fťrino[46] chassait les ennemis de diverses places situťes sur le lac de Constance, ŗ droite du cŰtť de la Suisse et s'emparait de la ville de Brťgenz oý se trouvaient une trentaine de piŤces de canon de divers calibres[47]. Je remarquerai que nous avons passť au pied du fort de Randenburg, situť sur une montagne en pain de sucre, qui n'est commandť d'aucun cŰtť, qui se rendit sans rťsistance; on y trouva un arsenal bien garni, quarante-trois bouches ŗ feu en bronze, et quantitť de munitions. Je dirai que nous ťtions sous le commandement du gťnťral Palliard. Notre colonne a pris ŗ gauche du lac de Constance; nous sommes sortis du camp prŤs l'abbaye de Salmonsweiler le 16, ŗ huit heures du matin par une grande pluie qui avait commencť ŗ trois heures du matin, pour aller ŗ la poursuite de l'ennemi. Nous avons ťtť camper prŤs du village nommť Eriskirch, sur le bout du lac, dans un bois oý notre artillerie a ťtť obligťe de tirer quelques coups de canon. Dans ses environs, il s'est trouvť plusieurs obstacles: des fossťs, des petits marais et des bois; mais l'ennemi a ťtť forcť de prendre sa retraite. Nous sommes partis du camp le 19 ŗ quatre heures du matin pour aller ŗ la poursuite des ennemis vers la ville de Lindau, faisant partie du cercle de Souabe. Arrivťs dans cette position, comme nous avions suivi les cŰtes de la Suisse avec un bataillon de la 38e demi-brigade et un dťtachement de hussards du 8e, nous avons quittť cette colonne le 20 thermidor pour aller rejoindre nos deux autres bataillons de la 3e demi-brigade de ligne. Nous avons logť en y allant ŗ Waldsee, ville oý nous sommes arrivťs ŗ la nuit; nous avons ťtť loger dans un couvent oý nos prisonniers de guerre ťtaient dťtenus avant que nous passions le Rhin; mais ils avaient ťtť ťvacuťs ŗ notre approche. 21.--Partis du Waldsee ŗ quatre heures du matin, nous avons ťtť bivouaquer ŗ une lieue en avant de la ville, et ŗ une lieue de Wartzack, oý nous avons retrouvť les deux bataillons qui avaient passť le Rhin ŗ Rhinau. 22.--Partis de ce bivouac ŗ quatre heures du matin pour aller ŗ la poursuite de l'ennemi qui ťtait la lťgion de Condť, nous avons campť ce mÍme jour dans un bois faisant partie de la forÍt Noire, prŤs d'un village nommť Itett(?) qui fait partie du cercle de Souabe. 23.--Partis du camp ŗ trois heures du matin pour aller camper une lieue en avant. ņ notre approche, l'ennemi a pris sa retraite. 25.--Sortis du camp ŗ quatre heures du matin, nous avons passť ŗ Memmingen, ville grande et belle, entourťe de petits bastions et de grands jardins tous remplis de houblon; elle est au duc de Wurtemberg. Ce mÍme jour, nous avons ťtť camper en avant d'un village oý les ťmigrťs sont venus nous attaquer ŗ cinq heures du matin, le 26, mais ils ont ťtť repoussťs avec vigueur et on leur a fait quelques prisonniers. J'ai remarquť dans cette contrťe la grande mortalitť des bÍtes ŗ cornes; c'ťtait la peste qui ťtait dans ce pays, car on ne pouvait en sauver aucune. Le mÍme jour, vers les six heures du soir, nous avons fait un mouvement pour appuyer ŗ gauche, pour donner du renfort ŗ la troisiŤme ligne qui avait ťtť attaquťe pendant la nuit par les chevaliers de la lťgion de Condť, oý ces derniers ont perdu bien du monde car dans le mouvement que nous avons fait, nous en avons vu dans des places plus d'un cent, et beaucoup qui ťtaient rťpandus dans les bois, et beaucoup qui ťtaient enterrťs que nous ne voyions pas. Ceux qui ťtaient hors de terre ťtaient des hommes qui avaient en partie des cheveux gris. Leur attaque a ťtť singuliŤrement combinťe, ils sont venus croyant surprendre nos gens; lorsqu'ils ont ťtť ŗ une portťe de fusil d'eux, ils ont fait le demi-tour, et faisaient les feux de peloton en retraite, et leurs canons envoyaient des obus en l'air. …tant assez prŤs de nos troupes pour Ítre reconnus, aussitŰt nos troupes ont fait un feu de file sur ces messieurs. Comme cette petite avant-garde ne se voyait pas assez forte, elle a battu en retraite pour un moment; mais aussitŰt ils ont eu du renfort de la 74e qui ťtait campťe derriŤre eux, et ils les ont repoussťs avec toute la chaleur rťpublicaine. Comme je l'ai dit, plusieurs cents ont mordu la poussiŤre. Cette bataille s'est donnťe, la nuit du 25, dans le bois prŤs le village d'Obergein. Nous y avons campť le 26 au soir, nous avons eu la pluie pendant deux jours. 29.--Partis de ce camp ŗ quatre heures du matin pour aller en avant, nous avons ťtť camper sur la hauteur, prŤs du village de Meltheim, prŤs d'une petite riviŤre et derriŤre une grosse ferme oý ťtait logť le gťnťral. 2 _fructidor_.--Sortis de ce camp ŗ huit heures du soir pour aller ŗ la poursuite des ťmigrťs, nous avons pris la route ŗ gauche de Meltheim et nous avons campť dans la plaine. 4.--Partis ŗ onze heures du matin, nous avons ťtť camper prŤs d'une abbaye, dans la BaviŤre. Partis le 5, ŗ deux heures de l'aprŤs midi pour nous rendre au camp ŗ trois lieues de la ville d'Augsbourg, ville capitale des cercles de Souabe. Nous ne suivions pas de route directe, c'ťtait en partie tous chemins de traverse; il y a un peu de temps que nous n'avons vu notre ennemi. Nous sommes obligťs de marcher ŗ grandes journťes, encore ne peut-on pas le rattraper. Nous sommes campťs sur le bord d'une riviŤre et dans un bois dont je ne connais pas les noms, mais je mettrai un nom ŗ ce camp, et la troupe qui a campť dans ce camp ne pourra pas me dťmentir; je le nomme _le camp de la fourmiliŤre_, car vraiment il n'y avait pas une place oý la terre n'en soit couverte, et tous les arbres en ťtaient garnis; on pourrait encore l'appeler _le camp de la pťnitence_. 7.--Sortis de ce camp ŗ six heures du matin, sans regret, pour aller passer la riviŤre oý nous avons trouvť l'armťe autrichienne; sur l'autre rive, ils avaient coupť tous les ponts et nous attendaient sur la hauteur. Quoique les ponts fussent coupťs, cela n'a point arrÍtť notre marche; nous l'avons franchie avec tout le courage possible. Comme elle ťtait rapide et que quelques rťpublicains ont voulu la traverser, il y en eut quelques-uns de noyťs. La profondeur ŗ l'endroit oý nous passions ťtait de trois pieds quelques pouces; nous avons mis un quart d'heure pour passer ces obstacles. C'ťtait sur la droite d'Augsbourg, entre dix et onze heures du matin. AprŤs ce dťfilť, et ťtant de l'autre cŰtť, on s'est formť en colonne et on a marchť sur l'ennemi qui s'est vu forcť d'abandonner ses fortes positions. Notre division a fait ce jour-lŗ huit cents prisonniers et pris seize piŤces de canon. Au moment oý ils ont pris la fuite, on les a poursuivis ŗ quatre lieues de la ville d'Augsbourg. Notre avant-garde a gardť sa position, et l'armťe est revenue camper ŗ deux lieues en avant d'Augsbourg, et ŗ une lieue de Fridberg. Partis de ce camp ŗ neuf heures du matin pour appuyer ŗ droite et suivre la marche de l'ennemi, ce jour-lŗ nous avons campť prŤs d'un village, dans les environs d'un superbe ch‚teau appartenant ŗ un colonel de cavalerie autrichienne. Ce ch‚teau est remarquable pour la troupe qui ťtait campťe dans les environs; on y a trouvť quantitť de biŤre, d'eau-de-vie et toutes sortes d'effets; toute la maison ťtait partie ŗ l'approche de l'armťe franÁaise, et on s'est emparť de tout ce qu'il y avait dans la dite maison. 10.--Partis de ce camp ŗ dix heures du matin pour aller camper ŗ une demi-lieue. C'est dans ce camp qu'on nous a annoncť la trÍve avec le duc de BaviŤre. 13.--Partis ŗ cinq heures du matin pour nous rendre au camp, prŤs de Dachau. 17.--Partis ŗ six heures du matin pour aller camper dans la plaine de Munich. Je dirai qu'on avait laissť une certaine quantitť de soldats avec un officier dans notre camp de Dachau, pour allumer des feux comme s'il y avait eu de la troupe. Ce camp ťtait aperÁu depuis les hauteurs en avant de Munich, c'ťtait pour faire voir ŗ l'ennemi que nous ťtions en forces. Nous ťtions campťs dans la plaine de Munich prŤs les parcs du duc de BaviŤre. Je peux dire que ces parcs ťtaient superbes et grands, entourťs de planches trŤs hautes et renfermant toutes sortes de bÍtes sauvages et d'oiseaux. C'ťtait si bien construit que c'ťtait vraiment amusant; mais la guerre dťtruit tout; on a enlevť les planches pour se construire des abris dans le camp: de suite on s'est mis ŗ donner la chasse aux bÍtes, comme lapins, liŤvres, chevreuils, biches, cerfs; les oiseaux ne s'en sont pas ťchappťs; tout cela se prenait ŗ la main, avec des b‚tons. Je dirai que dans les environs, ŗ droite et ŗ gauche de la ville de Munich, le duc de BaviŤre a de superbes ch‚teaux trŤs vastes et bien construits; il a aussi de superbes parcs fermťs de murs, oý il a toutes sortes d'animaux que l'on puisse imaginer; il y a aussi de beaux jets d'eau et de superbes avenues, promenades, etc. Plusieurs qui les ont vus comme moi ont dit qu'il n'y avait que le ch‚teau de Versailles qui pouvait le surpasser; tout cela ťtait fait pour enchanter. 19.--Sortis du camp ŗ huit heures du matin pour appuyer ŗ gauche de Munich, nous avons campť ŗ trois lieues. C'est pendant que nous ťtions dans ce camp, que les ťmigrťs ont passť l'Isar et sont venus prendre un parc de munitions qui ťtait derriŤre Dachau. Nous y avions une ambulance oý ťtaient nos blessťs; ils en ont pris une partie, nos chirurgiens, nos bouchers et une compagnie de notre demi-brigade qui ťtait pour garder le parc. Ceux qui ne voulaient pas se rendre, ils les hachaient; aprŤs qu'ils ont eu fait cette capture, ils sont retournťs dans leurs positions qui ťtaient sur le Ridau, en avant de Munich, le long de l'Isar[48]. 21.--Sortis de ce camp ŗ onze heures du matin pour nous rendre sous les murs de Munich, lŗ oý notre avant-garde s'ťtait battue la nuit sur l'Isar. Alors, les ťmigrťs voulaient passer devant Munich; mais ils n'ont rien gagnť. Ce mÍme jour, nous avons campť prŤs le faubourg de cette ville. Les faubourgs y sont grands et il y a de belles maisons; les rues larges. La ville de Munich n'est pas extrÍmement ťtendue, mais bien peuplťe, les maisons fort hautes, les rues larges et bien ťclairťes; dans le milieu de la place, il y a un beau jet d'eau. Elle est fermťe par des bastions environnťs de fossťs, mais elle n'est point dans le cas de soutenir un siŤge; c'est la capitale de la BaviŤre. Dans la bataille de la nuit du 20 au 21 que nos troupes ont eue avec les ťmigrťs, on a brŻlť des tanneries, qui ťtaient sur le bord de la riviŤre, et plusieurs gros magasins de bois. Lorsque les ťmigrťs ont vu que Áa ne pouvait servir ŗ rien, ils ont cessť le feu. Je dirai qu'ils avaient une maison sur la route du pont, qui a ťtť aussi brŻlťe. Le duc de BaviŤre avait dans la ville, pour garnison, dans ce temps, douze mille hommes, tant cavalerie qu'infanterie. Les soldats franÁais pouvaient entrer dans la ville avec une permission par ťcrit du colonel. La riviŤre qui passe prŤs de la ville de Munich porte le nom de l'Isar. La gauche de notre division avait dťjŗ passť l'Isar ŗ cinq ou six lieues de Munich, sur la droite; lorsqu'on apprit la retraite du gťnťral Jourdan qui commandait l'armťe de Sambre-et-Meuse. Nos troupes ont ťtť obligťes de repasser la riviŤre et de se disposer ŗ la retraite. 26 _fructidor_.--ņ une heure du matin, nous avons commencť notre retraite, sans cependant y Ítre forcťs par l'ennemi de notre cŰtť. Nous avons pris la route de Munich ŗ Dachau, bourg situť ŗ six lieues; nous sommes restťs environ quatre heures sous ses murs pour nous reposer et attendre la gauche de notre division qui est arrivťe une heure aprŤs. Je dirai que notre retraite a commencť par un temps de pluie. Nous nous sommes donc mis en marche, toute la division, et nous sommes venus camper ŗ neuf lieues de Munich, dans la position du 7 fructidor. 28.--Sortis de cette position ŗ sept heures du matin pour exťcuter plusieurs mouvements, sur la droite d'Augsbourg et de la riviŤre. ņ huit heures du soir du mÍme jour, nous sommes revenus prendre une position ŗ une lieue de Fridberg, en avant. Nous ťtions en ce moment d'arriŤre-garde, et mÍme nous nous sommes vus bloquťs de toute part; il fallait nous battre de tous les cŰtťs et plus particuliŤrement derriŤre nous qu'en avant; nous aurions eu plus de facilitť de retourner ŗ Munich que du cŰtť de la France. Et quels ťtaient ceux qui nous bloquaient? C'ťtait une partie des paysans qui servaient ŗ prendre nos parcs, les convois de malades et de pauvres blessťs; ils prenaient ce qu'ils pouvaient avoir et de suite les mettaient ŗ mort. Ils nous coupaient les routes dans lesquelles nous devions passer, par de grands fossťs et des abattis d'arbres qu'ils croisaient dans la route, pendant que les Autrichiens et la lťgion de Condť nous faisaient user le reste de nos munitions afin d'avoir plus de facilitť de nous prendre. Ils se croyaient les plus forts, mais ils s'ťtaient bien trompťs, car si ce n'est qu'on a voulu en sortir avec tous les vivres et convois, composťs de quantitť de voitures chargťes de toutes sortes, l'armťe impťriale ne nous aurait pas arrÍtťs un seul jour. Ils avaient de mÍme envoyť des proclamations dans tous les pays que nous avions conquis, oý ils disaient aux paysans que l'armťe franÁaise ťtait presque toute en leur pouvoir; qu'ils en avaient pris une grande partie entre Augsbourg et Munich; qu'il n'y avait plus que trois mille hommes qui s'ťtaient ťchappťs, et qu'ils ne savaient pas oý battre en retraite; voilŗ pourquoi les paysans s'ťtaient empressťs de s'armer contre nous. …tant dans cette position, nous avons fait encore plusieurs mouvements, allant du cŰtť de Munich, mais nous n'avons rencontrť aucune troupe. 2 _complťmentaire_[49]. Nous avons ťtť ŗ quatre lieues, suivant la route de Munich, et nous avons campť prŤs du village d'Andelheim. 3.--Partis en retraite sur Fridberg; oý nous avons passť la riviŤre nommťe le Negel; le mÍme jour les ponts ťtaient rťtablis. Nous ne sommes pas passťs dans la ville d'Augsbourg, nous en avons fait le tour; elle a des remparts trŤs hauts. Le mÍme jour, nous sommes venus camper ŗ deux lieues de ce cŰtť-ci, sur la route de Gunzbourg. 4.--Sortis ŗ deux heures du matin pour venir sur les hauteurs de Gunzbourg oý nous avons campť dans les terres labourťes. 5.--Partis ŗ huit heures du matin, nous avons passť dans la ville de Gunzbourg; nous avons ťtť prendre une position ŗ trois lieues de lŗ, bordant le Danube. 1er _vendťmiaire_, an V.--Partis ŗ huit heures du soir pour la ville d'Ulm, oý nous sommes arrivťs ŗ deux heures du matin. Nous avons traversť la dite ville ŗ six heures pour venir prendre une position tout prŤs. C'est lŗ que tous les parcs et convois se sont rťunis; et l'armťe est venue passer pour que chaque division prenne la marche indiquťe par le gťnťral Moreau pour faire un dťbouchť pour le passage des convois, partie de la troupe se battait en attendant que l'autre partie dťfil‚t avec les parcs[50]. Notre position ťtait ŗ la droite de la ville, qui n'a que de petites fortifications et n'est pas capable de soutenir un siŤge. Nous sommes partis de notre position le 3, ŗ onze heures et demie du soir, pour continuer notre retraite sur Fribourg en Brisgau. Nous avons campť ŗ une demi-lieue d'Ulm; nous avons pris la traverse pour favoriser l'ťvacuation de nos parcs. 4.--Nous sommes arrivťs prŤs d'un passage du Danube, ŗ huit heures du soir, oý l'ennemi voulait forcer notre ligne et nous couper notre retraite. Depuis le matin jusqu'ŗ neuf heures du soir, la fusillade et le canon n'ont cessť de jouer, de sorte qu'ils n'ont pas pu passer. Nous avons campť ce jour-lŗ dans un bois, ŗ sept lieues d'Ulm. …tant dans cette position, nous avons fait plusieurs mouvements tant de jour que de nuit pour en imposer ŗ nos ennemis. 6.--Sortis de ce camp ŗ une heure de l'aprŤs-midi, nous sommes venus camper auprŤs d'une grosse abbaye qui est ŗ cinq lieues de Waldsee, en avant. 7.--Partis ŗ une heure du matin, nous sommes allťs camper ŗ deux lieues de Waldsee, sur la gauche. 8.--Sortis de ce camp ŗ une heure du matin pour nous rendre sur des hauteurs ŗ gauche de Ahldorf; ce village est situť prŤs des grands marais et vis-ŗ-vis d'un parc. C'est dans ces environs que notre colonne s'est rťunie, de maniŤre que lorsque la colonne se mettait en marche, elle ťtait divisťe sur plusieurs points, pour deux ou trois jours; et aprŤs il y avait un point de ralliement. Je dirai que dans ce village de Ahldorf le feu a pris ŗ une grosse maison pendant la nuit. 9.--Partis ŗ dix heures du matin. La troupe, qui marchait avant nous, a fait rencontre de l'ennemi, ce qui a un peu ralenti notre marche. ņ la premiŤre attaque, il a fait beaucoup de rťsistance, mais aprŤs quelques heures de combat il a ťtť obligť de se reployer, mais sans abandonner la route sur laquelle nos convois devaient passer. Notre avant-garde s'est avancťe et leur a fait abandonner leurs positions. Nous avons campť ce jour-lŗ prŤs le village de Berg, hauteur assez considťrable, du cŰtť opposť ŗ l'ennemi, qui ťtait sur la route immťdiatement prŤs l'abbaye de Vincastel, dans la Souabe. Durant le temps que nous avons occupť cette position prŤs le village de Berg, nous avons fait plusieurs mouvements de droite et de gauche pour nous ťclairer sur la marche de nos ennemis. Le gťnťral Moreau, qui voyait que ces mouvements de la part de l'ennemi rendaient sa retraite dangereuse, les fit attaquer le 1er octobre sur toute la ligne prŤs de Biberach, et lui enleva vingt canons, des drapeaux et environ cinq-mille prisonniers, parmi lesquels soixante-cinq officiers; ŗ cette affaire, c'ťtait le gťnťral Latour qui commandait les Autrichiens. 14.--Partis de Berg ŗ huit heures du matin, nous sommes venus camper ŗ six lieues en avant de Stockach. 15.--ņ quatre heures du matin, nous sommes venus camper sur les hauteurs, ŗ deux lieues de Stockach. Il faut remarquer que nous ne pouvions faire beaucoup de chemin parce qu'il fallait que notre avant-garde fÓt une ouverture parmi l'ennemi, et dťbarrass‚t les routes pour faire passer nos convois. 16.--Partis ŗ cinq heures du matin pour camper sur les hauteurs, ŗ un quart de lieue de Stockach, du cŰtť de la route de Fribourg. Je dirai que c'est dans ces environs que nous avons eu plusieurs convois de malades ou de blessťs ťgorgťs. Ces pauvres malheureux ťtaient couverts de blessures et sans dťfense. Les inf‚mes se vengeaient sur eux des flťaux de la guerre qui avait dťvastťe leur contrťe. Mais qu'ont-ils gagnť, ces esprits faibles qui se sont laissť sťduire par les ťcrits que leurs seigneurs et leurs ťmigrťs leur avaient envoyťs en leur disant que s'ils pouvaient nous arrÍter, la guerre serait bientŰt finie et qu'ils seraient affranchis pendant deux ans de tout impŰt? Ils ťtaient tellement pťnťtrťs qu'il n'y avait plus qu'ŗ serrer la main pour nous prendre, qu'ils quittaient tous leurs chaumiŤres et se mettaient de tous les cŰtťs sur la route, les chemins. Tout ťtait bien gardť. Les femmes, les filles, les enfants, enfin tous s'y mettaient, et l'armťe autrichienne les secondait dans leurs mauvais desseins. Ils sont venus un jour pour prendre notre magasin de poudre qui ťtait prŤs de cette ville avec plusieurs piŤces d'artillerie de rťserve, et aussi celles que l'on avait prises ŗ l'ennemi et que l'on n'avait pas eu le temps d'ťvacuer; mais ils ont ťtť bien reÁus. Il s'est trouvť quelques-unes de nos troupes dans les environs, ils ont ťtť repoussťs et se sont retirťs dans les bois des environs. Dans les villages d'oý ces misťrables ťtaient partis pour nous couper notre route, on a brŻlť quelques unes de leurs maisons et on a pillť les autres. Nous sommes sortis du camp de Stockach aprŤs que tout a ťtť sur des voitures, et qu'il ne restait plus rien dans le magasin. C'ťtait le 17, ŗ onze heures du matin, que nous avons suivi la route de Fribourg, et que nous sommes venus camper ŗ deux lieues et demie de ce cŰtť-ci de Stockach, prŤs d'un village oý tous les habitants ťtaient partis dans les bois pour nous couper notre retraite. Dans cet endroit, nous avons eu des blessťs ťgorgťs; pendant la nuit quelqu'un a mis le feu ŗ une maison. …tant dans cette position, nous avons passť en avant du village et nous avons attendu notre arriŤre-garde. 18.--ņ une heure de l'aprŤs-midi, nous avons campť sur les hauteurs en avant de Lemmingen oý on nous faisait espťrer des vivres; on a trouvť dans cette ville un seul homme et point de vivres. Je dirai qu'on a brŻlť environ vingt-quatre maisons; la pluie nous avait pris prŤs de la ville de Hoch, et la nuit que nous avons ťtť camper sur les hauteurs de la ville de Lemmingen a ťtť abominable; la pluie emmenait toute la terre de notre camp dans la colline. 19.--Partis ŗ une heure du matin, nous avons dťfilť au milieu des maisons tout en feu, et nous sommes venus camper sur une montagne trŤs haute. 20.--Descendus de cette montagne, pour aller camper dans la plaine prŤs le Danube oý l'ennemi nous est venu attaquer vers les huit heures du matin. Le 21, aprŤs plusieurs heures de combat, nous les avons repoussťs; aprŤs, nous avons continuť notre retraite. Le combat ŗ notre droite a ťtť plus engagť que le nŰtre, mais ils n'ont pas pu percer notre ligne qui ťtait prŤs la route oý nos parcs et convois dťfilaient. Nous avons continuť notre retraite, mais je dirai que, l'ennemi nous suivant de prŤs, nous avons ťtť obligťs, par plusieurs reprises, de marcher en colonne et de nous mettre en bataille lorsqu'il se trouvait des obstacles oý l'on ne pouvait pas tous marcher ensemble; les uns battaient en retraite et les autres observaient. Ce jour-lŗ, nous sommes venus camper prŤs d'une petite ville, ŗ trois lieues de Neustadt; lŗ nous sommes arrivťs la nuit par une pluie continuelle et des chemins presque impraticables. 22.--Partis de cette position ŗ trois heures du matin, pour venir camper du cŰtť de Neustadt, le long du revers de la montagne, dans une gorge de la forÍt Noire, sur la route de Fribourg. 23.--Sortis ŗ midi, nous sommes venus camper sur le revers d'une colline, ŗ gauche de la route de Fribourg. 26.--Partis ŗ dix heures du matin pour venir camper dans la gorge de Fribourg. ņ une demi-lieue, sur la route, il y avait de grands hangars qui servaient de magasins pour l'armťe impťriale, et comme ils ťtaient vides, nous nous en sommes servis pour nous mettre ŗ couvert. Notre arriŤre-garde s'est bien battue dans cette gorge, aux environs de Neustadt. 28.--Partis ŗ midi, nous sommes passťs prŤs des faubourgs de Fribourg; de suite nous avons ťtť camper dans une gorge tenant ŗ gauche de la route de Brisach. Notre position ťtait prŤs d'un couvent de religieuses, qui ťtait dans le fond de la gorge. 30.--Sortis le 30, ŗ deux heures du matin, nous avons pris la route de Huningue. Vers huit heures du matin, notre arriŤre-garde a ťtť attaquťe par l'ennemi, prŤs du faubourg de Fribourg. Au petit point du jour, on nous a mis en bataille derriŤre un village situť prŤs la route de Huningue et au pied de la montagne de Fribourg. L'attaque du matin a durť toute la journťe; en nous retirant, nous avons campť ce jour lŗ dans la broussaille, le long de la montagne, ŗ quatre lieues de la ville de Fribourg, sur la gauche de la route de Brisach. 1er _brumaire_.--Nous avons pris la traverse dans les montagnes du marquisat du Brisgau, pays de Bade, tenant ŗ la forÍt Noire. Nous sommes venus camper sur les hauteurs d'une montagne ŗ quatre lieues d'Huningue. 2.--Nous avons fait un mouvement ŗ huit heures du matin. Nous sommes venus camper dans le fond du vallon, ŗ une demi-lieue du village. Nous ťtions divisťs sur plusieurs points pour observer les manoeuvres de l'ennemi (mais en cas d'attaque, on se rťunissait sur un point). 8.--ņ cinq heures du matin, l'ennemi est venu nous attaquer sur diffťrents points; en premier lieu nous avons repoussť l'ennemi; il nous a repoussť un instant aprŤs dans notre position oý ils nous ont fait quelques prisonniers. On a soutenu longtemps dans le mÍme endroit, mais comme ils avaient beaucoup d'artillerie dans une belle position sur la hauteur, qui leur donnait beaucoup d'avantages sur la nŰtre, ŗ peine pouvait-on trouver un emplacement pour se mettre. La pluie continuelle rendait le terrain trŤs mouvant, et comme il y avait diffťrentes collines ŗ garder, dans des bois oý l'on n'y voyait pas la moindre clartť, l'ennemi ne cherchant qu'ŗ nous couper notre retraite sur Huningue (car sur la route de Brisach, le canon s'est fait entendre, comme sur notre colline, et je crois mÍme encore plus fort), je dirai que le feu a ťtť trŤs soutenu de part et d'autre toute la journťe; nous avons perdu quelques hommes, mais la plupart ťtaient des blessťs. Nous avons exťcutť plusieurs marches sur la droite et sur la gauche de la colline; une grande partie des bataillons ťtaient en tirailleurs, lorsque le soir est venu. On a cťdť le village devant lequel nous ťtions. Je crois, si ce jour-lŗ n'avait pas eu de nuit, que le feu n'aurait pas cessť. C'est l'obscuritť qui a fait la fin de notre journťe. La pluie a commencť avec l'attaque et a durť vingt-quatre heures; vers la fin, ŗ peine la poudre voulait-elle prendre. On croirait peut-Ítre comme on s'est battu toute la journťe, que l'ennemi nous a poussťs bien loin; eh bien, dans toute la journťe nous avons reculť d'une demi-lieue; voilŗ tout le progrŤs de l'ennemi. Pour la perte des hommes, je crois qu'elle a ťtť ťgale. ņ sept heures du soir, nous avons pris notre retraite. La route sur laquelle nous devions passer traversait le village que l'ennemi occupait, et, pour la rejoindre, il y avait plusieurs obstacles, mais tout de mÍme il a fallu les franchir. 3 _brumaire_.--ņ sept heures du soir, nous nous sommes mis en marche pour rejoindre la route: nous avons traversť un bois; de lŗ, nous sommes descendus dans le fond d'une colline trŤs profonde oý nous avons trouvť une riviŤre qui avait environ quinze pieds de large et trois pieds de profondeur; cela n'a pas longtemps retardť notre marche (nous ťtions dťjŗ percťs de la pluie de la journťe), nous avons franchi cet obstacle. Il se trouvait encore un petit ruisseau au pied d'une assez forte ťminence qui ťtait garnie de ronces et d'ťpines; il fallait y monter ŗ quatre pattes; et bien des fois, ťtant presque en haut on retombait en bas. En haut on trouvait la route, mais une patrouille de sept cavaliers ennemis venait ŗ notre rencontre. AussitŰt notre adjudant major, nommť Scherer, crie au premier: _Qui vive!_--Il rťpond dans sa langue: _Verda!_--Ledit adjudant lui dit: _Prisonnier!_--_Nix prisonnier._--_Rends-toi, coquin!_ lui dit-il.--_Nix coquin!_ AussitŰt il pique des deux et va rejoindre ses camarades qui ťtaient encore plus avant dans la route. AussitŰt, ils sont revenus au grand galop et ont passť parmi nous, sans recevoir un coup de fusil, car les armes ťtaient si mouillťes de toute la journťe et du passage de la riviŤre, qu'elles ne pouvaient plus faire feu, et puis on n'y voyait pas clair. Dans la boue ŗ mi-jambes, nous avons continuť notre retraite, environ ŗ deux lieues d'Huningue. Tout mouillťs que nous ťtions et sans vivres, nous avons campť dans des sapins tout prŤs de la route. 4.--De cette position, ŗ quatre heures du matin, nous sommes venus sur les hauteurs prŤs de Lorrach pour camper. L'ennemi ťtait sur nos traces et voulait passer avant nous le Rhin, mais comme le pont nous appartenait, nous avons voulu y passer avant eux. 5.--Partis ŗ minuit pour nous rendre prŤs le pont d'Huningue vers cinq heures et demie du matin. Lorsque est venu notre tour, ŗ huit heures du matin, nous avons passť le pont qui ťtait construit de trente-sept grosses barques.--Je dirai que nous ťtions de la division du gťnťral Fťrino pendant la campagne de l'autre rive du Rhin. Pendant notre retraite, nous avons eu vingt jours de pluies continuelles. Lorsque nous avons eu repassť le Rhin, nous avons ťtť nous reposer prŤs le village de Bourgfeld, sur la route de B‚le et d'Huningue, pendant cinq heures. Le soir, nous avons ťtť loger au Village-Neuf, sur le Rhin, ŗ une demi-lieue ŗ gauche d'Huningue. Pendant que nous ťtions sur l'autre rive du Rhin, on avait dťcouvert les anciennes fondations d'un fort qui ťtait sur le bord du Rhin et prŤs le territoire de B‚le, on avait relevť l'ouvrage ŗ cornes et le fort oý on avait mis de fortes piŤces pour dťfendre la tÍte du pont. Cet ouvrage ťtait enclos d'un bon fossť plein d'eau; on avait aussi commandť une forte redoute en avant d'Huningue, pour dťfendre l'approche du fort nouvellement construit.--Ces ouvrages ont retenu la colonne autrichienne pendant tout l'hiver[51]. Comme nous voilŗ rentrťs en France, et que l'ennemi ne nous poursuit plus, je vais faire un petit dťtail sur le costume des deux sexes du Brisgau et de la ForÍt-Noire. La situation des habitants de la frontiŤre est trŤs simple, et ils vivent contents dans leurs petites chaumiŤres; le bois ne manque pas, mais, pour la terre, elle n'y est pas bien commune: ils en ont quelque peu sur le sommet de quelques hautes montagnes, oý ils sŤment du seigle avec un peu de blť; dans la vallťe, ils plantent des pommes de terre. Le p‚turage y est assez frais, aussi ils ont presque tous des vaches. Les maisons ne sont pas bien ťpaisses et construites en bois; lorsqu'un pŤre de famille marie ses enfants, il leur construit des petites maisons aux environs de la sienne; mais ils font cela quand la famille ne peut plus tenir dans la maison paternelle. C'est un vrai dťsert, aussi le monde qui l'habite est aussi brute que sont leurs habitations; la plupart n'ont aucune ťducation; comme la nature les a crťťs, ils restent. Les hommes sont habillťs grossiŤrement, ils portent sur la tÍte un petit chapeau de paille, des cheveux courts et tout hťrissťs; leurs chemises de toile trŤs forte sans cols, car on ne leur voit jamais rien autour du cou. Leur culotte, trŤs large avec des plis tout autour qui leur font des genoux gros comme la tÍte, est froncťe comme une bourse. Ils ne portent rien aux jambes, et aux pieds ils ont des souliers aussi durs que du bois; les semelles ont deux doigts d'ťpais, et bordťes de gros clous tout autour. Ils ont des gilets qui leur tombent au milieu des cuisses; des habits moins courts qui se boutonnent tout le long; et les poches battent au bas du ventre. Cet habillement est tout en toile, la plupart du temps tout noir; aussi ils ressemblent ŗ des charbonniers. Les femmes et les filles ont pour coiffure un petit chapeau de paille ŗ quatre cornes, comme une espŤce de _carquelin_[52]. Elles portent leurs cheveux en deux tresses tirťes trŤs prŤs de la tÍte, qui est grosse comme celle d'un veau de deux mois; une encolure de mÍme; leur gorge est parťe par une grosse chemise, brodťe d'une grosse dentelle, avec un corset rouge oý sont enfermťs des appas trŤs gros, qu'elles fagottent comme un fagot. Les jupes qu'elles portent sont de diffťrentes couleurs: elles en mettent trois, la plus grande ne passe pas les genoux, la deuxiŤme un peu plus haut, la troisiŤme va au bas du nombril; elles sont brodťes chacune d'une tresse large de diffťrentes couleurs. Le plus souvent elles vont toutes dťchaussťes; elles ont des souliers hauts avec de forts clous. Leur nourriture est le lait, le lard et la choucroute. Nous avons logť dans leurs maisons en allant sur le lac de Constance; ils avaient toujours les yeux sur nous, parce que nous ťtions costumťs diffťremment qu'eux. Dans le Brisgau, le peuple n'est pas si grossier, ni le costume non plus; la terre y est plus fertile et il y a encore du beau seigle, mais la mode du costume n'est guŤre diffťrente. 6 _brumaire_.--Sortis du Village-Neuf, ŗ midi, pour venir cantonner au Grand-Kembs, village situť ŗ une demi-portťe de fusil du Rhin, ŗ trois lieues ŗ gauche d'Huningue, sur la route. Pendant notre retraite, nous avons eu vingt jours de pluie continuelle. 14.--Sortis du Grand-Kembs pour appuyer ŗ gauche ŗ huit heures du matin, nous avons logť ŗ Sausheim, le 15, ŗ Blodelsheim; le 21, avec quatre compagnies, cantonnť ŗ Fessenheim. Ces villages sont entre Huningue et Brisach, sur la route suivant le Rhin. 25.--Partis de Fessenheim pour venir cantonner ŗ Biesheim, tout le bataillon. Ce village est ŗ une demi-lieue de Brisach, ŗ gauche. 7 _frimaire_.--Partis de Biesheim, ŗ onze heures du matin, pour Witternheim, ŗ sept lieues de Strasbourg et ŗ deux lieues du Rhin. 11.--Sortis de Witternheim, nous sommes venus loger ŗ Nordhausen, ŗ quatre lieues de Strasbourg. 12.--Sortis ŗ deux heures du soir pour nous rendre au fort de Kehl. Lŗ, nous avons relevť la 31e demi-brigade qui ťtait campťe ŗ gauche du fort, dans une Óle du Rhin. La 31e nous a relevťs au bout de trois jours: de sorte que tous les trois jours, nous nous relevions, jusqu'ŗ l'ťpoque du 30 frimaire, oý nous avons commencť ŗ nous relever tous les quatre jours parce que le froid n'ťtait plus si dur. Mais aussi, plus on se relevait souvent, plus on perdait de monde, car l'ennemi tirait sans cesse, nuit et jour; cela semblait un orage. Lorsqu'on ťtait relevť, on allait passer autant de jours dans le village de Bischheim; il y avait deux lieues de chemin pour passer sur le pont et gagner notre camp qui ťtait ŗ deux lieues de Strasbourg, ŗ gauche. 9 _nivŰse_.--Le gťnťral a fait assembler les officiers de notre bataillon qui ťtait le premier, et les a conduits sur la droite de Kehl pour leur faire voir le retranchement de l'ennemi que nous devions enlever pendant la nuit. Les dits officiers ont pris les mesures nťcessaires pour conduire leurs compagnies sur le terrain, et s'acquitter de cette besogne. Tous les obstacles ťtaient prťvus; ils ont prťvenu leurs compagnies de ce qu'elles avaient ŗ faire pendant la nuit. On a fait la distribution de nouvelles cartouches et pierres ŗ feu; et de suite une ration d'eau-de-vie par chaque homme, ŗ minuit. Dans ce moment, on a assemblť les compagnies dans le plus grand silence, et le bataillon s'est mis en route sur-le-champ pour aller sur le terrain qui ťtait ŗ une demi-lieue de notre camp, ŗ la droite du fort, oý nous sommes arrivťs ŗ deux heures du matin. …tant vis-ŗ-vis le retranchement que nous devions prendre, on nous a formťs en bataille ŗ une portťe de pistolet, on nous a fait porter ŗ droite et, dans le mÍme moment, on a fait front et on s'est portť sur le retranchement de l'ennemi en exťcutant un feu de peloton; on le leur a pris sans beaucoup de rťsistance de leur part, et on leur a fait quelques prisonniers. Pour le nombre des blessťs et des morts, on ne l'a su que par des dťserteurs qui ont rapportť qu'ils avaient eu dans cette affaire environ 400 hommes hors de combat. Nous nous sommes retirťs sans y Ítre forcťs; nous sommes venus derriŤre nos retranchements: nous avons laissť les lieux tels que nous les avions trouvťs. Notre bataillon a perdu dans cette affaire quarante-huit hommes tant tuťs que blessťs. Ceci a eu lieu le 10, ŗ trois heures du matin et nous sommes rentrťs dans notre camp ŗ six heures et demie du matin. Nos deux autres bataillons ont fait la mÍme chose les jours suivants, mais avec moins de pertes. Nous avons continuť le service de cette place jusqu'au 20 nivŰse, oý nous avons ťtť relevťs ŗ quatre heures du matin. Car depuis que les Autrichiens nous avaient pris un camp retranchť qui ťtait ŗ la droite du fort, leur mitraille mettait en piŤces tout ce qu'ils voyaient sur le pont dŤs la pointe du jour. Ils ont fait un feu avec leurs canons que la terre en tremblait. Entre sept et huit heures du matin, il y avait quatre barques de brisťes ŗ notre pont. Dans ce moment, il est venu un parlementaire au gťnťral qui commandait le fort et le sommait d'ťvacuer. Les gťnťraux se sont assemblťs, et se voyant dans l'impossibilitť de conserver ledit Kehl plus longtemps sans y perdre bien du monde, ŗ cause des canons de notre ennemi, sont convenus qu'on allait ťvacuer le fort. Cela s'est fait dans les vingt-quatre heures, du 20 au 21 nivŰse; et les troupes de l'empereur en ont pris possession suivant les arrangements convenus entre les deux puissances. En sortant de Kehl, nous sommes venus loger dans nos campements ordinaires qui ťtaient ŗ Bischheim. Je dirai que ce siŤge nous a donnť bien de la peine. La rigueur de l'hiver semblait seconder nos maux; la neige, la pluie glacťe venaient s'appesantir sur notre lťger habillement, et c'ťtait lŗ le temps qu'il a fait pendant ce siŤge. Nous devrions Ítre bien habituťs au froid; nous ťtions campťs sur le sable et nous ne pouvions pas avoir de bois pour faire notre soupe; nous arrachions quelques petites racines du sol qui nous faisaient plutŰt de la fumťe que du feu; vraiment c'ťtait misŤre et compassion[53]. Nos prÍts ťtaient arriťrťs de plusieurs mois et nous ne recevions pas un sou. C'est pendant cette quarantaine que le vrai rťpublicain s'est distinguť, en y tenant son rang avec bravoure, malgrť le temps rigoureux de la saison d'hiver et la misŤre qui nous poignardait de tous cŰtťs. Oui, beaucoup de citoyens le diront comme moi, sans se compromettre, que c'est dans ce poste d'honneur que l'on a pu connaÓtre les vrais soldats, et l'amour qu'ils avaient pour le maintien de leur pays. L'endroit ťtait pťrilleux. Un peu de pain glacť ťtait lŗ toute notre nourriture, cet endroit ne permettait pas d'y trouver du bois pour pouvoir un peu rťchauffer nos pauvres membres tous navrťs de froid au bivouac. Pour nous, pauvres hťros, les habillements et les chaussures manquaient depuis trŤs longtemps, sans pouvoir en avoir; et la plupart de nous n'ayant pas d'argent pour s'aider d'aucune maniŤre; car il y avait trois mois qu'on n'avait touchť de solde. AprŤs avoir fait mention de nos gťnťreux guerriers, je parlerai de ceux qui ont, dans ce moment, abandonnť si l‚chement leurs drapeaux pour retourner dans leurs foyers. Ils ont profitť du moment oý leur patrie avait le plus besoin de leurs services pour exťcuter leurs projets. Ce ne sont pas les plus misťrables soldats qui ont agi de la sorte; c'est ceux qui avaient tenu une conduite de brigands de l'autre cŰtť du Rhin, qui avaient pillť et assassinť des hommes paisibles dans leurs foyers. Ils avaient de l'argent dans les mains, c'est pourquoi ils ont fui devant l'ennemi. Mais ces l‚ches ont ťtť bien peu regrettťs, on a regardť cela comme du venin qui sortait du corps d'un homme qui ťtait empoisonnť, et ils se sont rendus indignes du nom franÁais, et de l'estime de leurs camarades. Je sais qu'il n'y a pas beaucoup de citoyens soldats qui ne dťsirent retourner au centre de leurs familles, mais enfin ce sera-t-il en quittant nos drapeaux et en nous sauvant comme des brebis ťgarťes, que nous soumettrons ŗ la paix des hommes orgueilleux. Ils savent bien qu'elle leur serait utile, cette paix, mais la demanderont-ils en voyant la dťsunion dans nos troupes? Non! Je crois qu'il n'y a que l'union et la fermetť dans nos entreprises qui les forcera ŗ nous demander la paix. C'est dans le courant du mois de frimaire, an V de la Rťpublique, que les dťsertions pour l'intťrieur de la France ťtaient frťquentes dans l'armťe de Rhin-et-Moselle. Kehl ťtait une belle petite ville, trŤs commerÁante; pendant le siŤge elle a ťtť rasťe de fond en comble; des bourgeois y ťtant venus, ne reconnaissaient pas l'emplacement de leurs maisons. Nous avons entretenu l'armťe autrichienne pendant une partie de l'hiver, oý elle a ťpuisť une partie de ses forces. Ce siŤge a ťtť soutenu par notre armťe pour favoriser la prise de Mantoue qui ťtait bloquťe par l'armťe d'Italie, il y avait dťjŗ longtemps, et le prince Charles n'a pu lui porter du secours. 24 _nivŰse_.--Nous sommes partis de nos cantonnements des environs de Strasbourg ŗ sept heures du matin; nous avons ťtť loger au village d'Obenheim, situť ŗ cinq lieues de Strasbourg. 25.--Sortis ŗ quatre heures du matin pour loger au village de Bootzheim, ŗ quatre lieues de Brisach. 29.--Partis ŗ onze heures du matin pour aller prendre notre rang de bataille ŗ Artolsheim, village ŗ quatre lieues de Brisach, ŗ gauche sur la route. …tant dans ces cantonnements, nous bordions le Rhin. 25 _pluviŰse_.--Partis pour aller ŗ Sundhausen, village ŗ une lieue du Rhin, sans y faire de service. 5 _ventŰse_.--Sortis pour aller au village de Westhausen. C'ťtait un commissaire du pouvoir exťcutif du canton qui nous y avait fait aller, soi-disant qu'il ne voulait pas payer ses contributions. Ce village est situť ŗ une demi-lieue de Benfeld, ŗ gauche, prŤs la route de Strasbourg. 6.--Partis ŗ huit heures pour retourner dans notre cantonnement, ŗ Sundhausen. 10.--Partis ŗ cinq heures du matin pour cantonner au village d'Artzenheim, ŗ une lieue de Markolsheim sur le Rhin. 17.--Partis, nous avons ťtť loger ŗ Biesheim, village ŗ une demi-lieue de Brisach, oý tout le bataillon ťtait rťuni. Nous sommes partis le 19 pour nous rendre ŗ Wihr, village situť ŗ trois quarts de lieues de Colmar. 22.--Sortis de Wihr pour loger ŗ Colmar. Pendant notre sťjour dans cette ville nous avons passť la revue du gťnťral Schauenbourg, qui ťtait pour le moment inspecteur gťnťral de toute l'infanterie de Rhin-et-Moselle. Nous avons ťtť cinq jours pour la passer. Le 23, au soir, chaque capitaine a ťtť placť par son anciennetť de grade dans chaque bataillon; de sorte que la compagnie de Mondragon, qui ťtait la cinquiŤme du 1er bataillon, est devenue la troisiŤme du 2e; les autres jours se sont passťs ŗ faire les grandes manoeuvres, avec la 56e demi-brigade. 27.--Partis pour aller cantonner ŗ Wettolsheim, derriŤre Colmar, au pied des montagnes. …tant dans ce village, nous avons ťtť faire deux fois les grande manoeuvres avec la 56e demi-brigade, dans les prťs prŤs de Colmar. Le 3 germinal, nous avons fait l'exercice ŗ feu, les deux demi-brigades ensemble; chaque soldat avait quinze coups ŗ tirer. AprŤs ces grandes manoeuvres on est rentrť dans ses cantonnements. 5 _germinal_.--Logť ŗ Reguisheim, village situť ŗ trois quarts de lieue de Ensisheim, ŗ gauche. 6.--Cantonnť ŗ Blodelsheim pour faire le service sur le Rhin; ce village est ŗ trois lieues de Brisach. 27 _germinal_.--Partis de Blodelsheim le 27 germinal pour passer le Rhin. Les postes sur le bord du Rhin de tous nos cantonnements n'ont pas ťtť relevťs: on les a laissť tels qu'ils ťtaient, et on a pris la route en arriŤre du Rhin. Nous avons ťtť loger le mÍme jour ŗ Sainte-Croix, ŗ cinq lieues du Rhin; le 28 ŗ Merckviller; le 29 ŗ Ch‚tenois, bourg dans la montagne, prŤs de Schelestadt; le 30 ŗ Nordhausen. 1er _florťal_.--Nous sommes arrivťs ŗ Kilstett: endroit dťsignť pour le rassemblement de l'armťe de Rhin-et-Moselle. Nous avons campť en arrivant dans une Óle prŤs le Rhin, sur la droite du village. La nuit du 1er au 2, ŗ quatre heures du matin, nous avons reÁu les ordres de passer le Rhin. DŤs le 1er florťal, on avait inquiťtť l'ennemi dans diffťrents endroits sur le Rhin, afin qu'il ne se doute pas dans quel endroit on devait passer, ce qui a rendu notre passage plus aisť ŗ exťcuter, et avec moins de pertes. Nous avons donc, malgrť la grande rťsistance d'une colonne autrichienne, passť le Rhin ŗ quatre heures du matin, le 2 florťal. …tant parvenus sur l'autre rive, et l'ennemi s'ťtant retirť dans plusieurs Óles du Rhin, favorisť par des bois trŤs ťpais, on a disputť pendant deux jours avec une intrťpiditť incroyable. Mais, aprŤs un si long combat, l'ennemi a ťtť forcť d'abandonner ses positions, aprŤs avoir ťprouvť des pertes considťrables, tant blessťs que tuťs ou prisonniers; ils ont ťtť en dťroute complŤte. Nous avons aussi ťprouvť quelques pertes ŗ ce passage; entre autres deux gťnťraux de blessťs[54]. Mais les soldats rťpublicains qui n'ont point succombť sous les coups de l'ennemi, ont su se venger du malheur arrivť ŗ leurs frŤres d'armes; on leur a fait voir que si on ťtait moins en nombre, on n'ťtait pas moins en courage. 3 _florťal_.--Ils ont abandonnť le Rhin ŗ cinq lieues, en nous laissant une partie de leur artillerie et bagages; et sans les bois qui favorisaient leur retraite, toute la colonne serait tombťe en notre pouvoir. Ce passage a ťtť exťcutť en plein jour et de vive force, l'ennemi ťtant rangť en bataille sur l'autre rive. On lui a enlevť 20 piŤces de canon, plusieurs drapeaux et fait de trois ŗ quatre mille prisonniers, parmi lesquels deux gťnťraux[55]. Le fort de Kehl, devant lequel le prince Charles avait ťpuisť ses forces, a ťtť repris par les FranÁais aprŤs une rťsistance de quelques heures de la part de l'ennemi[56]. Pendant que le vainqueur de l'Italie stipulait les articles prťliminaires de la paix, les armťes des gťnťraux Hoche et Moreau chassaient l'ennemi partout oý il osait lui disputer le terrain. 4 _florťal_.--ņ quatre heures du soir, nous avons ťtť devant la ville d'Offenbourg, oý nous sommes arrivťs ŗ onze heures du soir. ņ huit heures du matin, le gťnťral Bonenfant a reÁu une lettre du gťnťral de division, qui ťtait pour annoncer ŗ ses frŤres d'armes qu'une armistice ťtait conclue avec l'armťe autrichienne, et que dŤs ce jour les hostilitťs devaient cesser entre les deux armťes; mais qu'on garderait toujours ses postes tels qu'ils ťtaient ťtablis, jusqu'ŗ ce que la paix fut conclue. Ce jour-lŗ, on a reÁu l'ordre de cantonner les troupes, et vers les cinq heures du soir, nous sommes sortis du camp devant Offenbourg, pour aller cantonner dans les villages aux environs, ŗ droite. Notre deuxiŤme bataillon ťtait au village de Weier, ŗ une lieue. 6.--Sortis ŗ cinq heures du matin pour camper en avant, ŗ Offenbourg. 7.--Partis ŗ neuf heures du matin pour cantonner dans les hameaux de la ForÍt-Noire, ŗ deux lieues ŗ gauche d'Offenbourg. 9.--Partis ŗ cinq du matin pour venir au village de Odelshofend, ŗ une lieue en avant de Kehl. Tout le temps que nous avons ťtť dans ce village, on allait dťmolir les retranchements que les Autrichiens avaient construits pour le siŤge du fort de Kehl; ces travaux ťtaient immenses; ajoutťs l'un au bout de l'autre, il y en aurait eu quinze lieues de long. Nous avons cťdť la place ŗ une autre demi-brigade, chacun y faisant son tour. 20.--Logť ŗ Ortenberg, ŗ une lieue en avant d'Offenbourg. 23.--Cantonnť ŗ Ottenheim, ŗ un quart de lieue du Rhin et ŗ deux lieues de la petite ville de Lahr appartenant au Margraviat. Cette principautť ťtait neutre depuis l'an IV ou 1796. 1er _prairial_.--Partis ŗ quatre heures du matin pour nous rendre vis-ŗ-vis Rhinau pour y passer le Rhin sur un pont volant qui ťtait rťtabli. C'est lŗ que la demi-brigade s'est rťunie, et en mÍme temps a passť le Rhin; elle a ťtť loger ŗ Herbsheim prŤs le bourg de Benfeld, ŗ quatre heures de Strasbourg. 2.--Cantonnť au village de Roderen, ŗ deux lieues de Schlestadt, au pied des montagnes. 3 _messidor_.--Sortis pour aller en garnison ŗ Neuf-Brisach et cantonner sur les bords du Rhin; en y allant nous avons logť ŗ Wihr, village ŗ une lieue de Colmar. 4.--Partis ŗ sept heures du matin, nous sommes venus loger ŗ Biesheim, grand village ŗ une demi-lieue de Brisach. Nous sommes entrťs cinq compagnies du deuxiŤme bataillon et cinq du premier en garnison ŗ Brisach. Le 5 messidor, ŗ dix heures du matin, la fourniture de notre casernement n'ťtait pas bien brillante: c'ťtait de la paille sur le pavť et quelques couvertes. 5 _thermidor_.--…tant dans cette ville, nous avons cťlťbrť la fÍte de l'anniversaire de la rťvolution. La fÍte a commencť ŗ six heures du matin. On a battu _la gťnťrale_ dans toute la ville; ŗ six heures et demie _l'assemblťe_; ensuite le _rappel_. Il a ťtť envoyť un dťtachement de canonniers aux piŤces, prŤs la porte de Strasbourg. Toute la garnison a pris les armes, ainsi que la garde nationale, et tous se sont rendus sur la place pour former le carrť, en face de l'autel de la patrie, qu'on avait construit la veille du cŰtť de la porte de B‚le. Le cortŤge est arrivť sur la place ŗ sept heures: la marche ťtait ouverte par un peloton de cavalerie de la garde nationale; ensuite, les tambours et la musique. AprŤs, une compagnie de grenadiers de la garde nationale avec la nŰtre; aprŤs, c'ťtait notre colonel, le commandant de la place, la municipalitť de Brisach et des villages voisins, dťcorťs de leurs ťcharpes. Pour fermer la marche, c'ťtait un peloton d'infanterie et un de cavalerie de la garde nationale. C'est au moment de leur entrťe sur la place qu'on a tirť plusieurs coups de canon de siŤge. Une partie de nos officiers, les municipalitťs et plusieurs bourgeois de la ville sont montťs sur l'autel de la patrie; y ťtant assemblťs, un des membres y a fait un discours, qui rappelait entiŤrement la maniŤre que la Rťvolution franÁaise avait eu lieu, et comment les prÍtres et les ťmigrťs s'y ťtaient pris pour faire une contre-rťvolution, que nous avions su dťjouer, mais qu'il fallait Ítre toujours ferme dans notre opinion de soutenir la nouvelle constitution. Ceci ťtait les voeux de la garnison: nous n'avions pas fait tant de sacrifices pour abandonner notre patrie ŗ de vils tyrans. Il faut cependant dire que la joie n'ťtait pas gťnťrale, ŗ cause des peines que nous souffrions. Cette fÍte ťtait cependant glorieuse pour les FranÁais, mais les soutiens de la patrie manquaient du plus strict nťcessaire; le prÍt ťtait arriťrť de plusieurs mois, on ne dťlivrait aucun vÍtement, enfin nous manquions presque de tout. Ceci pouvait bien faire rťgner la mťlancolie parmi les troupes; aussi la fÍte ressemblait ŗ un enterrement. La fin du discours s'est terminť par: _vivre libre ou mourir!_ et _vive la Rťpublique!_ Ces cris n'ont ťtť rťpťtťs que par ceux qui ťtaient sur l'autel de la patrie; ensuite on a commencť l'hymne de la _Marseillaise_ qui ťtait rťpťtťe par notre musique, mais les voix n'ťtaient pas unanimes, et cela a fini. Le cortŤge a ťtť reconduit de la mÍme maniŤre qu'il avait ťtť amenť, et la garnison est rentrťe dans ses quartiers. ņ neuf heures du soir, le mÍme jour, notre musique s'est rendue sur la place oý elle a jouť diffťrents airs. Au mÍme moment, les artificiers ont fait partir des feux en l'air et plusieurs marrons se sont fait entendre, et plusieurs autres fusťes ont ťtť envoyťes parmi les spectateurs qui ťtaient sur la place. Ces derniŤres serpentaient parmi le monde, ce qui a donnť le plus de divertissement de toute la fÍte; les femmes, qui sont ordinairement si curieuses, fuyaient ŗ l'aspect de ces fusťes, car elles craignaient que cela n'entr‚t sous leurs jupes. AprŤs cela fait, les officiers de la garnison ont donnť un bal pour finir la fÍte. 11 _thermidor_.--Nous sommes sortis de Brisach ŗ huit heures du soir pour aller cantonner ŗ Ammerschwihr, village ŗ trois lieues de Colmar, ŗ gauche, au pied des montagnes. Nous y sommes arrivťs ŗ cinq heures du matin, le 12. Toute cette contrťe ťtait attaquťe d'une grande maladie sur les bÍtes ŗ cornes, comme vaches et boeufs. Des villages ťtaient dťpeuplťs entiŤrement de ce bťtail; on ne trouvait point de remŤde pour cette maladie, ce qui affligeait beaucoup les habitants et les cultivateurs. Toutes ces montagnes ne sont que des vignobles qui sont d'un grand rapport; il y a aussi beaucoup de fruits de toutes espŤces. Dans le bas de ces villages, venant sur le Rhin, il y a de belles plaines, qui sont assez fertiles en toutes sortes de grains et en pommes de terre. 10 _fructidor_.--Partis ŗ quatre heures du matin pour nous rendre sur le Rhin, au village de Baltzenheim, ŗ deux lieues de Brisach. Arrivťs le mÍme jour ŗ dix heures du matin. Dans ce village, nous avons appris qu'on avait fait la dťcouverte des conspirateurs du repos public et de la trahison de Pichegru[57] qui avait commandť ŗ l'armťe du Nord, oý il avait remportť de si brillantes conquÍtes. Il voulait perdre dans un moment ce qui nous coŻtait tant de peines; il voulait livrer nos places fortes aux Impťriaux et ŗ Condť, qui voulaient que ce fŻt lui seul qui fÓt la contre-rťvolution en France. Mais aussi la trahison de Pichegru a manquť, gr‚ce ŗ toutes nos armťes qui avaient fait une pťtition au Directoire exťcutif, ce qui a ranimť les coeurs des bons rťpublicains quand ils ont vu que les armťes ťtaient encore pour le bon parti. Le 1er _vendťmiaire_ an VI.--Jour qui ne devait plus Ítre consacrť ŗ la Rťpublique, selon le complot des conspirateurs. Nous avons cťlťbrť avec beaucoup de pompe la fÍte de l'anniversaire de la fondation de la Rťpublique. Voici le dťtail de la maniŤre dont nous l'avons cťlťbrťe. Cette fÍte a ťtť annoncťe la veille au soleil couchant par une dťcharge d'artillerie de position, et le lendemain une pareille dťcharge a ťtť faite au soleil levant. Vers les dix heures, la gťnťrale a ťtť battue dans tous les endroits oý il y avait de la troupe; chacun a pris les armes et s'est rendu sur la place de Brisach. Nos grenadiers ťtaient avec la garde nationale de Brisach qui ťtait composťe de deux compagnies et de deux pelotons de cavalerie. Notre musique et tous les tambours ont ťtť ouvrir la marche du cortŤge qui ťtait composť de gťnťraux, chefs de brigade, officiers et autoritťs civiles de Brisach. La marche a ťtť ouverte par un peloton de cavalerie, et, aprŤs, un peloton de grenadiers; ensuite les tambours et la musique. Puis une compagnie de chasseurs ŗ pieds de la garde nationale, qui ťtait formť de petits garÁons de dix ŗ douze ans trŤs instruits, venait aprŤs. Puis, une soixantaine de jeunes citoyennes du mÍme ‚ge marchaient sur deux rangs; elles ťtaient vÍtues en blanc, avec un ruban tricolore en ťcharpe et tenaient dans leurs mains des panetiŤres, remplies de fleurs, de branches de chÍne et d'olivier. Quatre petits garÁons, aussi habillťs de blanc, marchaient en tÍte et portaient entre eux une grosse couronne de chÍne, de laurier et d'olivier surmontťe d'un bonnet de libertť. AprŤs, venaient les gťnťraux, la municipalitť, les commandants, les officiers, puis un peloton de grenadiers de ligne et la garde nationale; ensuite un assez grand nombre d'hommes de cinquante ŗ soixante ans, armťs de piques. Un peloton de cavaliers fermait la marche. Toute la troupe et le cortŤge s'est rendu dans cet ordre sur la place, devant l'autel de la patrie qui avait ťtť ťtabli le matin. Cet autel ťtait construit par derriŤre avec des branches de chÍne; il avait douze pieds de diamŤtre; les balustrades ťtaient couvertes de tapis de diffťrentes couleurs; sur l'autel, ťtaient placťs des vases remplis d'encens, avec la dťesse au milieu. Sur le coin, devant l'autel ťtaient ťlevťs des pilastres de marbre, aprŤs lesquels ťtaient attachťs huit drapeaux blancs sur lesquels ťtait peinte une urne renversťe avec le b‚ton royal; sur d'autres ťtait un capucin tenant dans une de ses mains une croix, et dans l'autre une torche ardente; sur le haut des pilastres ťtaient un drapeau tricolore et un bonnet de libertť. Les principaux membres du cortŤge sont montťs sur l'autel, et un d'entre eux a fait un discours sur la fondation de la Rťpublique, aprŤs quoi des jeunes citoyennes qui ťtaient assises devant l'autel ont chantť une hymne rťpublicaine. Cela fait, les troupes ont dťfilť de la place pour se rendre sur les glacis de la ville, ŗ droite de la porte de Strasbourg. ņ l'arrivťe des troupes sur la place qui avait ťtť dťsignťe, plusieurs dťcharges d'artillerie ont ťtť faites. Les troupes ťtant rangťes en bataille, le gťnťral a fait mettre par divisions, en colonnes; puis il nous a fait un discours pour nous fťliciter de notre bravoure et de notre intrťpiditť, en nous exhortant ŗ continuer. C'est ŗ ce moment qu'il a renouvelť son serment d'Ítre fidŤle ŗ la nouvelle constitution; toute la troupe a aussi promis. De suite, il a fait dťployer la colonne pour faire des feux de bataillons et de file; le canon faisait de mÍme; chaque soldat avait douze coups ŗ tirer. AprŤs ces feux finis, toute la troupe est rentrťe dans ses quartiers. ņ huit heures du soir, trois coups de canon ont ťtť tirťs. Un dťtachement armť de grenadiers s'est rendu prŤs le feu d'artifice qui ťtait entre le Vieux-Brisach et le Neuf. Sur les glacis, toute la troupe y a assistť sans armes, ainsi que toute la population de Neuf-Brisach et des environs. Ce feu d'artifice a durť une heure et demie. Le feu fini, chacun est rentrť dans ses foyers. Pour cťlťbrer cette fÍte, il y avait deux bataillons de notre demi-brigade, une compagnie d'artillerie lťgŤre, une compagnie ou deux de grosse cavalerie. Nous avons fait le service de la place de Brisach pendant quelque temps. Ceux qui ťtaient ŗ la ville venaient relever ceux qui ťtaient dans les villages sur la rive du Rhin, et ceux des villages revenaient ŗ la ville, car la garnison n'ťtait pas bonne. De la paille sur le pavť et des couvertes servaient pour coucher; l'hiver il y faisait froid, et l'ťtť c'ťtait rempli de puces; mais, dans les villages, quoiqu'ils fussent pauvres, on y ťtait encore mieux. Nous ťtions une compagnie par village selon le service qu'il y avait ŗ faire sur le Rhin. 17 _vendťmiaire_.--Sortis de Baltzenheim pour aller en garnison ŗ Brisach, nous y sommes arrivťs ŗ sept heures du matin. On nous a annoncť que l'armťe de Sambre-et-Meuse et celle du Rhin-et-Moselle ne faisaient plus qu'une, qui se nommait armťe d'Allemagne, commandťe en chef par le citoyen Augereau. Dťtails de la fÍte qui a eu lieu le 30 vendťmiaire an VI de la Rťpublique franÁaise. Nous l'avons cťlťbrťe ŗ Neuf-Brisach, en l'honneur du gťnťral Hoche, un des grands hommes que la Rťpublique a perdus. Il est mort dans les environs de Paris[58]. Cette fÍte de reconnaissance a ťtť annoncťe la veille par plusieurs dťcharges d'artillerie; le lendemain 30, ŗ six heures du matin, une dťcharge d'artillerie s'est faite de quart d'heure en quart d'heure; les cloches de la ville ont ťtť sonnťes pendant une heure. ņ dix heures, les autoritťs civiles et militaires se sont assemblťes et se sont rendues ŗ la maison communale oý tout le monde devait se rťunir. Quand tout a ťtť prÍt, on s'est mis en marche; le cortŤge ťtait ouvert par un dťtachement de cavalerie de la garde nationale, ensuite venaient les vieillards rangťs sur deux rangs; le premier qui marchait ŗ la tÍte portait une banniŤre sur laquelle ťtait ťcrit: _Nos enfants suivront son exemple_. Marchaient aprŤs eux des jeunes femmes habillťes de blanc, un crÍpe en ťcharpe; un petit garÁon de sept ŗ huit ans portait une banniŤre, sur laquelle ťtait ťcrit: _Il ťtait bon pŤre et bon ťpoux_.--AprŤs eux marchaient une quantitť de jeunes filles de huit ŗ onze ans, aussi habillťes de blanc; elles portaient dans leurs mains des guirlandes de laurier et de chÍne, et de petites corbeilles remplies de toutes sortes de fleurs. AprŤs venait notre musique qui jouait des airs funŤbres; aprŤs venait un char de triomphe attelť de deux chevaux gris-souris avec harnachements de deuil; aux quatre coins ťtaient placťs quatre jeunes citoyennes ‚gťes de onze ŗ douze ans, bien mises, coiffťes en cheveux, avec une guirlande de roses par dessus; un ruban trŤs large, tricolore, mis en ťcharpe. Ces quatre citoyennes portaient chacune une banniŤre, sur laquelle on avait inscrit: 1e _Il allait Ítre le Bonaparte du Rhin_; 2e _Immortel aprŤs sa destinťe_; 3e _Il a inspirť la terreur aux rois.--Son ennemi fuit devant sa vaillance_.--Au milieu du char ťtait placť en effigie le cercueil couvert d'un drap mortuaire; dans l'un des bouts ťtait ťcrit: _ici git Hoche_. Son portrait ťtait au bas de cet ťcriteau; au milieu dudit cercueil ťtait placť un chapeau bordť en or, avec le panache tricolore qui est la coiffure de nos gťnťraux. Les coins du drap mortuaire ťtaient portťs par les quatre plus anciens de service, pris parmi les officiers et soldats indistinctement. Les estropiťs qui se sont trouvťs dans les dťpŰts, qui ťtaient ŗ Brisach, suivaient le char. Ensuite, venaient les tambours voilťs en noir, qui exťcutaient de temps en temps des roulements sombres. Ensuite venaient les gťnťraux, les officiers de la garnison et les autoritťs civiles; il y avait un dťtachement de cent hommes faisant la haie, et un dťtachement de grenadiers qui suivait le cortŤge sur deux rangs; le reste de la troupe ťtait sans armes. AprŤs avoir fait le tour de la ville en dedans, tout le cortŤge a ťtť conduit ŗ l'ťglise; on a placť l'effigie de cercueil sur un autel de la patrie qui avait ťtť prťparť, et tout le tour ťtait dťcorť de larmes. La musique a jouť plusieurs airs funŤbres. Puis on nous a fait le dťtail de la maniŤre dont on avait fait l'enterrement ŗ Paris, et comment toutes les communes de la Rťpublique devaient cťlťbrer une fÍte de reconnaissance pour le gťnťral Hoche. Ce discours fini, les jeunes citoyennes ont chantť plusieurs hymnes funŤbres et rťpublicaines. Puis notre chef de demi-brigade a fait un discours oý il a rappelť plusieurs traits de bravoure du citoyen Hoche; ensuite la musique a jouť ŗ plusieurs reprises, pendant que toutes les jeunes citoyennes porteuses de guirlandes, de couronnes de laurier et de branches de chÍne, les dťposaient autour du cercueil et par-dessus. Ceci a ťtť exposť plusieurs jours ŗ l'ťglise, et chacun s'est retirť dans ses logements. Dans le mÍme temps, nous avons appris la paix avec l'empereur. C'ťtait le 5 brumaire (27 octobre), par une lettre venant du Vieux-Brisach, qui avait ťtť envoyťe au commandant des troupes autrichiennes qui ťtaient pour le moment dans la principautť du Margraviat. Cette lettre disait que la paix ťtait faite avec la Rťpublique franÁaise depuis le 17 octobre 1797[59]. Nous l'avons appris de nouveau par les gazettes qui venaient de Paris le 12 brumaire. Cette paix nous a ťtť publiťe le 25 brumaire (15 novembre), ŗ dix heures du matin, ŗ Neuf-Brisach. On n'a fait aucune rťjouissance pour le moment; la fÍte a ťtť remise au 30 nivŰse, elle s'est cťlťbrťe avec toute la pompe possible, selon les prťparatifs. 1er _frimaire_.--Partis de Brisach pour nous rendre dans nos cantonnements sur la ligne du Rhin; notre compagnie ťtait toujours ŗ Baltzenheim. 1er _nivŰse_.--Partis de nos cantonnements pour nous rendre ŗ Neuf-Brisach pour relever nos quatre compagnies. 25.--Partis de Brisach, le 25 nivŰse, pour nous rendre ŗ Strasbourg, toute la demi-brigade. Nous avons logť en y allant, le 25, ŗ Schelestadt; le 26 ŗ Erstein, le 27 ŗ Strasbourg; lŗ on a reÁu des ordres pour aller cantonner dans des villages ŗ trois ou quatre lieues de Strasbourg, sur la gauche; le 28, nous avons ťtť chacun dans les villages qui nous ťtaient dťsignťs; notre compagnie ťtait ŗ Kirchheim, ŗ trois lieues de Strasbourg. 6 _pluviŰse_.--Sortis de ce village pour aller cantonner au village d'Herrlisheim, sur la route de Lauterbourg. Je remarquerai que c'est le 1er pluviŰse qu'on nous a retirť notre viande, quoique nous eussions six dťcades de prÍts arriťrťs, mais cela n'a pas durť longtemps car nous sommes bientŰt rentrťs en campagne. 11 _pluviŰse_.--Partis d'Herrlisheim pour aller ŗ Strasbourg. Le lendemain de notre arrivťe, le gťnťral Schauenbourg a rassemblť les officiers et sous-officiers de plusieurs demi-brigades, et nous a fait faire la grande manoeuvre. 13.--Il est venu des ordres pour marcher vers la Suisse; nous sommes partis tout de suite; nous avons logť ŗ HŁttenheim, prŤs de Benfeld; le 15 ŗ Schlestadt; le 16 ŗ Oberhergheim, village entre Colmar et Ensisheim; le 17 ŗ Baldersheim ŗ une lieue et demi ŗ droite d'Ensisheim, sur la route de B‚le. Le 18 ŗ Rantzwiller, en arriŤre et prŤs de Sierentz, dans la vallťe d'Altkirch; le 19 ŗ SuŽnaÔ? village dans la colline du mont Terrible, ŗ trois lieues de Reinach, ŗ droite, et ŗ quatre lieues de Delťmont; le 20 ŗ Viques dans la plaine de Delemont; le 21 ŗ Eschert, petit hameau situť ŗ trois lieues de Delemont, et ŗ une demi-lieue de Moutier. Pour arriver dans cette colline, nous avons traversť deux lieues de montagnes de roche ŗ perte de vue. Ces endroits sont habitťs et forment plusieurs petites communes. On avait donnť la libertť ŗ cette vallťe quelques mois avant que les FranÁais y aient ťtť cantonnťs, ils ťtaient autrefois alliťs avec les Suisses; ils ferment la frontiŤre du canton de Soleure. Cette vallťe a aussi appartenu au prince du Porontruy; on y parle un patois que nous comprenions assez. Leurs maisons sont toutes construites en bois, en grande partie; tout leur commerce est en boeufs, vaches, chevaux; ils ont trŤs peu de terres labourables. Comme les hameaux n'ťtaient pas bien grands, ils logeaient une compagnie. Nous sommes partis d'Eschert le 3 ventŰse pour nous rendre ŗ Moutier, chef-lieu de canton et faisant partie du dťpartement du Mont-Terrible; une partie de notre compagnie a ťtť dťtachťe ŗ Belpraon, hameau prŤs de ces cantonnements. Le 5, ŗ huit heures du matin, nous avons ťtť loger ŗ Soncelboz, village oý nous avons eu bien de la peine ŗ arriver, car il y avait trois jours qu'il tombait de la neige, et ce jour-lŗ il en est tombť toute la journťe, de sorte que nous en avions jusqu'aux genoux. Dans le mÍme village, il y avait deux annťes de suite que la grÍle avait tout ravagť. 8.--Partis pour aller ŗ la Hutte, (tous ces villages sont dans la mÍme vallťe, sur la route de Bienne.) En allant ŗ la Hutte, nous avons passť sous la Roche-Percťe. La Hutte ťtait le lieu oý notre demi-brigade s'est rassemblťe avant d'aller attaquer les Suisses. La vallťe que nous quittions se nommait l'Erguel; notre colonne en portait le nom jusqu'au moment oý elle entrait en Suisse. Partis de la Hutte le 9 ŗ cinq heures du soir, nous avons suivi la route de Bienne. Nous avons ťtť camper ŗ trois lieues sur la gauche du dit Bienne, entre la route de Bienne et Soleure et ŗ gauche de la riviŤre nommťe l'Aar, ŗ une demi-portťe de fusil du village de Lengnau oý ťtaient les avant-postes suisses. Les mesures ťtaient prises pour attaquer les Suisses ŗ trois heures du matin le 10 ventŰse; mais l'attaque n'a pas eu lieu. Les gťnťraux suisses ont fait une demande au gťnťral Schauenbourg qui commandait l'armťe franÁaise en Suisse, de leur accorder une suspension d'attaque pour vingt-quatre heures, et elle a durť jusqu'au 12, lequel jour on les a attaquťs. 12 _ventŰse_.--L'attaque a commencť ŗ quatre heures du matin; leurs avant-postes, qui ťtaient ťtablis au village de Lengnau, ont ťtť enlevťs. L'armťe, qui ťtait dans le canton, n'a pu rťsister ŗ l'ardeur de la colonne rťpublicaine: leur artillerie a ťtť enlevťe de prime abord; car l'attaque a ťtť vive de notre part. Dans ce combat, plusieurs Suisses ont perdu la vie, et la plus grande partie ťtait des pŤres de famille: ceux auxquels j'ai parlť, qui n'avaient que la cuisse ou les jambes fracassťes, regrettaient les ťpouses et les enfants qu'ils avaient laissťs dans leurs maisons pour venir exposer leur vie sur les frontiŤres. Notre camp ťtait ŗ trois lieues de la capitale de ce canton, qui est Soleure. Quoique fortifiťe, elle s'est vu forcťe de se rendre ŗ l'arrivťe de notre colonne, sans tirer un coup de canon, quoique ses remparts en soient bien garnis. Nous sommes entrťs ŗ Soleure entre dix et onze heures du matin, le 12 ventŰse. Nous sommes restťs deux bataillons de notre demi-brigade pendant que notre colonne a dťfilť. Le premier soir nous avons ťtť bivouaquer sur les remparts jusqu'au lendemain ŗ quatre heures du soir, oý nous sommes rentrťs dans nos logements chez les bourgeois. Nous y avons ťtť reÁus on ne peut pas mieux. Notre troisiŤme bataillon a ťtť camper sur la route de Lucerne, prŤs d'un village, ŗ une portťe de canon de la ville, pendant que la colonne marchait sur Berne. …tant dans la ville de Soleure, le gťnťral Schauenbourg a fait rendre les armes ŗ tous les bourgeois de la ville et ŗ tous les habitants de ce canton. Il arrivait tous les jours des voitures chargťes de fusils, de gibernes et de toutes sortes d'armes, que l'on plaÁait dans l'arsenal pour Ítre de suite envoyťes en France. On a trouvť dans cette ville un arsenal assez bien garni de diffťrentes armes, une quantitť de bouches ŗ feu en bronze qui avaient ťtť fondues ŗ Strasbourg; beaucoup de belle poudre de deux qualitťs. Cette ville est assez grande, il y a de belles rues, mais il y a plusieurs hauteurs qui dťparent un peu leur beautť. Elle renferme beaucoup de marchands de toutes sortes. La construction des maisons est fort belle et assez ťlevťe. J'ai remarquť sur la place oý nous avons plantť l'arbre de la libertť, une horloge dont le cadran portait les douze mois de l'annťe, et les signes de chacun. Lorsqu'ils arrivaient, la touche se posait dessus, et il y avait un autre petit cadran qui marquait les heures. Au moment oý le marteau frappait, il y avait la mort qui tenait une lampe dans sa main gauche, elle faisait un tour et de mÍme remuait la tÍte. De l'autre cŰtť, il y avait une espŤce d'homme, qui avait du repentir, car ŗ chaque coup que le marteau frappait, il frappait un coup sur sa poitrine de sa main droite. C'ťtait un guerrier, car il avait le sabre. Au cŰtť, entre les deux, ťtait un vieillard avec une grande barbe noire; il ouvrait la bouche ŗ chaque coup; et tenait de sa main gauche le b‚ton royal qu'il balanÁait de tous les cŰtťs. La riviŤre de l'Aar passe Soleure, et la partage en deux parties inťgales. Nous sommes sortis un bataillon de la ville. Comme elle n'ťtait pas assez considťrable pour contenir deux bataillons, notre bataillon a ťtť cantonnť dans les environs de la ville, dans les villages. C'ťtait le 20 ventŰse que chaque compagnie a ťtť prendre les cantonnements qui leur ťtaient dťsignťs, mais toujours dans le mÍme canton. Je citerai seulement les endroits oý je me suis trouvť. Notre compagnie ťtait cantonnťe ŗ Subingen, village ŗ une lieue et demie de Soleure, sur la route qui conduit de Soleure ŗ Lucerne, de l'autre cŰtť de l'Aar. Nous avons changť plusieurs fois de cantonnements, dans le mÍme canton. Sortis de Subingen le 2 germinal pour cantonner au village d'Aschi? et ŗ deux lieues et quart de Soleure. 8 _germinal_.--Nous sommes partis pour aller cantonner ŗ Langenthal, bourg situť ŗ une demi-lieue des frontiŤres du canton de Lucerne et ŗ dix lieues de Berne. J'ai ťtť voir un couvent de Bernardins qui ťtait sur les frontiŤres du canton de Lucerne, oý j'ai parlť un peu du couvent de Clairvaux; il ťtait du mÍme ordre de Citeaux. …tant dans ce cantonnement, nous avons ťtť ŗ Soleure pour y faire l'exercice ŗ feu. Nous avons couchť le 29, en y allant, ŗ Nider-Bipp, village dans le canton de Berne, sur la route de B‚le. 30 _germinal_.--Nous nous sommes rendus ŗ Soleure; lŗ nous avons fait l'exercice ŗ feu pendant trois heures; nous ťtions cinq bataillons, de l'artillerie et de la cavalerie; c'ťtait le gťnťral Schauenbourg qui commandait. AprŤs l'exercice fini, chacun est retournť volontiers dans ses cantonnements. 6 _florťal_.--Sortis de Langenthal ŗ six heures du matin pour aller ŗ Zurich, nous avons logť en y allant ŗ Olten, ville dans le canton de Soleure, sur l'Aar, oý diffťrentes routes se trouvent pour B‚le, Zurich, etc. Je dirai que lorsque nous sommes entrťs dans ce canton, les Suisses avaient brŻlť un superbe pont qui traversait l'Aar pour entrer ŗ la ville de Halte; on ťtait ŗ le rťtablir lorsque nous y avons logť. 7 _florťal_.--Partis de Olten ŗ cinq heures du matin, nos fourriers ont ťtť comme de coutume pour nous prťparer nos logements. Lorsqu'ils se sont prťsentťs au village dťsignť pour y loger quatre compagnies, on y ťtait sous les armes et on a dit ŗ nos fourriers de s'en retourner, que la paix n'ťtait pas faite avec eux, et qu'ils ne voulaient pas nous loger. C'ťtait au village de Bagglingen, nous avons rencontrť nos fourriers qui nous ont dit que si on voulait Ítre logť, il fallait gagner les villages. AussitŰt, le plus ancien de grade des officiers des quatre compagnies, a disposť la troupe pour entrer dans les villages. On leur a envoyť demandť s'ils voulaient nous loger: ils ont rťpondu que non et que l'on se retire, ou qu'ils allaient faire feu. Dans ce moment, on a envoyť des tirailleurs et aussitŰt le feu a commencť; ils nous voyaient peu de monde et croyaient que nous serions bientŰt vaincus, mais ils ont ťtť bien trompťs, car nous les avons chassťs de leurs villages, et ils ont ťtť en grande partie se rťfugier dans les bois. Il y en avait plusieurs qui avaient cachť leurs armes et se trouvaient devant nous; on les renvoyait dans leurs maisons. Les femmes se sauvaient avec leurs petits enfants au berceau; tout cela faisait pitiť au coeur humain; mais aussi toutes celles que l'on rattrapait, on les faisait retourner dans leurs foyers. La plupart avaient un fusil dans une main et un chapelet dans l'autre. Lorsqu'ils ont ťtť repoussťs hors de leurs villages, nous sommes revenus prendre une position en arriŤre. Peut-Ítre une heure aprŤs, ils sont venus une colonne d'environ quinze cents hommes avec deux piŤces de canon, et ont tirť deux coups qui n'ont pas fait d'effet. Il nous est aussi venu du renfort, de l'infanterie lťgŤre et un dťtachement de hussards. Rťunis tous ensemble ŗ l'entrťe de la nuit, nous les avons mis en dťroute et nous avons ťtť maÓtres de nos cantonnements, oý nous avons bivouaquť. Ce village de Bagglingen est dans le bailliage nommť anciennement Canton-libre-infťrieur. Nous en sommes partis le 9, ŗ huit heures du matin, pour aller ŗ Zurich oý nous sommes arrivťs le mÍme jour. Cette ville porte le nom du canton oý elle est situťe, sur le bout du lac du mÍme nom, et de ce lac sort une riviŤre qui passe dans Zurich, et se nomme Limmat, et fait jonction avec deux autres riviŤres qui se nomment, l'une la Reuss, qui sort du canton de Lucerne, et l'autre l'Aar, qui sort du canton de Berne. Ces trois riviŤres sont rťunies prŤs d'une petite ville qui se nomme Brugg, et de lŗ tombent dans le Rhin. 11 _florťal_.--Partis de Zurich[60] ŗ midi, nous avons ťtť loger au village nommť Thalwyl, situť sur le lac et ŗ deux lieues de la ville, sur la droite. 12.--ņ deux heures du matin, nous avons ťtť camper prŤs le village nommť Lachen et de mÍme situť sur le lac dans le canton de Schwytz. 13.--Partis ŗ neuf heures du matin pour retourner sur nos pas et cantonner au village de Frienbach; nous ťtions quatre compagnies, les mÍmes qui s'ťtaient trouvťes ŗ Bagglingen. Ce village et les autres qui ont ťtť nommťs sont sur le lac, ŗ droite. En sortant de Zurich, nous n'avons pas ťtť sitŰt arrivťs dans le cantonnement, qu'une attaque s'est formťe entre les Suisses du canton de Schwytz et quelques compagnies de la 76e demi-brigade de ligne, vers les onze heures du matin. Dans le mÍme moment, le citoyen Mondragon, qui ťtait le plus ancien de grade des capitaines du dťtachement, a aussitŰt donnť ordre de battre les coups doubles, pour assembler les compagnies et pour marcher vers l'endroit de l'attaque. Au lieu d'aller oý on se battait, ledit capitaine nous a fait monter une montagne prodigieuse, pour les prendre par derriŤre. Par le fait, la montagne a ťtť franchie avec beaucoup de courage; arrivťs au sommet, le commandant de la troupe a fait battre la charge. Je dirai qu'avant d'Ítre au sommet de la montagne, nous ťtions dťjŗ assaillis de coups de fusil. Pendant que la charge se battait, on a commencť le feu sur les Suisses, qui sont venus nous disputer le terrain; mais il a fallu qu'ils cŤdent, ou ils auraient tout payť. Dans cette affaire, plusieurs pŤres de famille sont restťs sur le champ de bataille; aprŤs, les plus hautes montagnes ne les rassuraient plus, ils abandonnaient leurs chaumiŤres et s'allaient retirer dans des lieux inhabitables. Le mÍme jour, au soleil couchant, nous avons descendu la montagne et nous sommes revenus dans notre cantonnement. 14.--Partis ŗ deux heures du matin, pour nous disposer ŗ de nouvelles poursuites. Nous avons pris la route qui conduit ŗ Notre-Dame-des-Hermites; nous avons montť une fort haute montagne, et, ťtant au sommet, prŤs d'une grosse auberge, nous avons occupť la position que les Suisses avaient abandonnťe la veille. Cette montagne se nomme Etzel, et est ŗ une lieue du couvent de Notre-Dame-des-Hermites, oý on la voit facilement. Dans les environs de ce couvent, on n'y rťcolte point de grains; il est de mÍme environnť de montagnes couvertes de neige. Dans cette contrťe, il y a des p‚turages pour les bÍtes ŗ cornes; aussi voilŗ ce qui les nourrit: quelques pommes de terre, du fromage et du lait. 16.--Nous sommes revenus prendre les cantonnements du 13. 21--Partis de Frienbach ŗ huit heures du matin, notre marche a ťtť dirigťe sur la Rťpublique ligurienne en Italie. Je dirai que nous avons passť ŗ la ville nommťe Rapperswyl, situťe sur le lac, du cŰtť gauche. Avant d'entrer dans la ville, il y a un pont qui a une demi-lieue[61]. Je vais citer seulement les endroits oý nous avons logť; car le voyage est si long et le temps si court que je ne puis pas faire beaucoup d'observations. 21 _florťal_.--Arrivťs au village nommť Thatwyl, ŗ la pointe du jour, nous en sommes partis le 22 ŗ huit heures du matin; nous sommes passťs ŗ Zurich ŗ dix heures; nous avons poursuivi notre route en traversant plusieurs hautes montagnes et nous sommes venus loger dans les environs de Mellingen, bourg situť sur la Reuss dans le village oý nous ťtions; ce village se nommait Waltenschwyl. 23.--Partis de ce village ŗ six heures du matin, nous sommes venus loger ŗ Aarburg, dans le canton de Berne, situť sur l'Aar, oý il y a un fort assez important. 24.--Partis ŗ sept heures du matin, nous sommes venus loger dans les environs d'Herzogenbachsee; nous ťtions ŗ Niederhaus; notre compagnie de mÍme dans le canton de Berne. 25.--Partis ŗ cinq heures du matin. Logť dans la ville de Berne. J'ai remarquť qu'il y avait une belle grande rue; il est vrai qu'elle va un peu en montant, et, ŗ la distance de quatre-vingts pieds, il y a une fontaine. J'ai vu une horloge assez curieuse: tout le temps que le marteau frappe sur la cloche, il y a auprŤs du cadran un tour fait comme une table ronde sur laquelle il y a des ours qui dťfilent la parade, avec des instruments de guerre; il y en a qui sont montťs sur des chevaux: enfin cela est amusant. Toutes les rues de cette ville sont ornťes de belles arcades oý il y a toutes sortes de marchands. Au-dessus de la porte, du cŰtť de Lausanne, la personne de Guillaume Tell est reprťsentťe. 27 _florťal_.--Partis ŗ quatre heures du matin. Logť ŗ Morat, ville situťe sur le lac de ce nom. 28.--Partis ŗ six heures du matin. Logť aux environs de Payerne; nous ťtions au village de Fťtigny. 29.--Partis ŗ trois heures du matin. Logť ŗ Moudon dans le pays de Vaux, ci-devant alliťe avec Berne, et situťe sur le bord de la Broye. Cette ville ťtait anciennement la capitale du pays; on y voit encore aujourd'hui une ancienne tour qui a ťtť b‚tie du temps de Jules Cťsar. 30.--Partis ŗ quatre heures du matin, nous sommes venus loger ŗ Lausanne, capitale de son canton, situťe au pied d'une montagne, sur le bord du lac de GenŤve. Tous les endroits oý nous sommes passťs sont en grande partie des vignobles. 1er _prairial_.--Partis ŗ trois heures du matin, nous avons suivi le lac, et sommes venus loger ŗ Villeneuve et dans les environs. Cette ville est situťe sur le bout du lac de GenŤve; notre compagnie ťtait logťe dans un village ŗ une lieue de Villeneuve, et entre des montagnes extrÍmement hautes, oý il y a toujours au sommet une quantitť de neige. 3.--Partis ŗ huit heures du matin, nous sommes venus loger ŗ Saint-Maurice, dans le bas Valais. Avant d'entrer dans la ville, on passe sur un pont qui traverse le RhŰne et va tomber dans le lac de GenŤve. 4.--Partis ŗ six heures du matin. Logť ŗ OrsiŤres dans le bas Valais, sur la route qui conduit au grand Saint-Bernard. 5.--Partis d'OrsiŤres ŗ sept heures du matin. Couchť ŗ Saint-Pierre, village situť sur le sentier qui conduit au mont Saint-Bernard; c'est depuis ce village que la route ne forme plus qu'un sentier trŤs mauvais pour marcher; les voitures n'y peuvent plus passer qu'elles ne soient dťmontťes, et portťes par des mulets ŗ dix lieues, oý est la citť d'Aoste. Je dirai que tous les endroits oý nous sommes passťs depuis Villeneuve sont situťs entre des grandes et trŤs hautes montagnes, au sommet couvert de neige; mais cependant la colline est cultivťe. J'ai remarquť qu'ŗ deux lieues de Saint-Maurice il y a des rochers trŤs ťlevťs; ŗ cent pieds de haut, il sort de l'eau en quantitť; en la voyant tomber elle paraÓt blanche comme du lait, elle se brise sur des pierres qui sont dans le bas de ce rocher et passe dans le chemin aussi claire que du cristal. Cet endroit se nomme le Pisse-vache. 6.--Partis de Saint-Pierre, le dernier village du bas Valais, ŗ deux heures du matin pour monter au village de la montagne du Saint-Bernard qui monte pendant trois heures, et descend d'autant; dans cette montagne, il y a plus de neige que dans les autres. Nous avons passť par des endroits (et surtout avant d'Ítre au couvent) oý il y en avait plus de quarante pieds, mais c'est tout neige gelťe. En arrivant prŤs du couvent, nous montions ŗ quatre pattes sur la neige; vraiment c'est des chemins affreux; aussi beaucoup de voyageurs meurent-ils en route. Le couvent, qui est au sommet de cette montagne, est lŗ pour donner du secours aux voyageurs; il y a des chiens que j'ai vus; ils sont extrÍmement forts et instruits. Lorsqu'il fait des orages ou mauvais temps, ces chiens vont au travers des neiges sur le chemin; ils ont au cou un linge dans lequel il y a une petite bouteille d'eau-de-vie avec un morceau de pain; s'ils rencontrent quelqu'un qui soit tombť en faiblesse ou qui ait perdu courage et qu'il soit saisi par le froid, qu'il soit sur une roche ou ailleurs, ces chiens vont auprŤs, le prennent par son habillement et le remuent; et s'il n'est pas mort, ils lui prťsentent le cou pour qu'il prenne ce qui est dans le linge pour lui donner des forces. Quelquefois, ils en trouvent qui sont couchťs dans la neige, et comme il y a des domestiques qui les suivent de loin, ils retournent auprŤs d'eux et les conduisent oý les hommes sont tombťs. …tant au couvent, on peut y rester un jour; toute la troupe qui y a passť a reÁu par homme un verre de vin, un petit morceau de pain et aussi de la viande salťe. On a continuť la route, car on aurait bien gelť si on y ťtait restť un quart d'heure; enfin, dans les environs de ce couvent, ce sont de vťritables prťcipices. Notre chemin ťtait marquť avec des morceaux de bois, sans quoi il y en aurait eu de nous qui auraient perdu la vie. Ce jour-lŗ, nous sommes venus loger ŗ Saint-Oyen, village sur la route de Sardaigne. Dans ces villages, et mÍme avant de gravir le Saint-Bernard, les habitants ne cuisent qu'une fois par an; s'ils cuisent deux fois, c'est qu'ils sont bien ŗ leur aise; leur pain est ťpais d'un pouce et d'un pied de diamŤtre et dur comme du bois; c'est le lait et les pommes de terre qui sont en grande partie leur nourriture. 7.--Partis de Saint-Oyen ŗ cinq heures du matin, nous sommes venus loger dans la citť d'Aoste, ville de Sardaigne, frontiŤre de la Savoie et de la Suisse. 9.--Partis d'Aoste ŗ deux heures du matin, nous sommes venus loger ŗ Verres, ville dans la vallťe d'Aoste et de mÍme dans la Sardaigne. 10.--Partis de Verres ŗ trois heures du matin. Logť ŗ Ivrťe, sur la riviŤre nommťe Doire, dans le Piťmont. 11.--Partis ŗ quatre heures du matin. Logť ŗ Livorne. 12.--Partis ŗ quatre heures du matin. Logť ŗ Verceil, sur la riviŤre la Sesia. 13.--Partis ŗ six heures du matin. Logť ŗ Gailliata, ŗ huit lieues de Milan, et ŗ une lieue de Trecate. 15.--Partis ŗ deux heures du matin. Logť ŗ Vigevano, sur la route d'Alexandrie. 16.--Partis ŗ minuit, nous avons passť le PŰ ŗ midi, et nous sommes venus loger ŗ Voghern. 17.--Partis ŗ deux heures du matin. Logť ŗ Alexandrie, ville forte donnťe en otage aux FranÁais lorsque le roi de Sardaigne a fait la paix; cette ville est situťe sur la riviŤre de Tanaro qui passe entre la citadelle et les murs de cette ville. 19.--Partis d'Alexandrie ŗ dix heures du matin. Logť ŗ Novi, ville du Piťmont, frontiŤre de la Rťpublique ligurienne. 20.--Partis ŗ trois heures du matin. ņ sept heures nous avons passť au bas du fort de Gavi, oý nous avons fait halte. Je dirai que nous sommes passťs au milieu de l'armťe gťnoise et piťmontaise qui ťtait campťe dans les environs du fort de Gavi. Dans ce temps, les Liguriens avaient la guerre avec le Piťmont. Le mÍme jour, campť prŤs de Voltagio, sur la route de GÍnes. 21.--Sortis du camp ŗ trois heures du matin. Campť ŗ deux lieues de GÍnes. C'est de lŗ que notre premier bataillon est parti pour aller ŗ GÍnes, et notre troisiŤme est retournť sur ses pas pour aller ŗ Novi; nous, nous avons couchť dans ce village. 22.--Partis ŗ trois heures du matin pour retourner sur les frontiŤres de la Rťpublique ligurienne; nous avons logť ce jour ŗ Voltagio. 23.--Partis ŗ deux heures du matin, nous avons pris la traverse et avons ťtť loger ŗ Ovada, ville frontiŤre de la Rťpublique ligurienne, menacťe par les troupes piťmontaises d'Ítre mise au pillage. Voilŗ pourquoi notre bataillon a ťtť s'emparer de la ville pour la soustraire ŗ un pareil malheur; cette ville est entourťe par deux riviŤres qui s'appellent Stura et Orba. Je dirai que pendant que nous ťtions dans cette ville, nous avons ťtť dťtenus vingt-six sous-officiers en prison pour avoir fait une rťclamation; nous avons ťtť douze jours ŗ _l'ombre_[62]. 19 _messidor_.--Partis pour Camfredo, ville de la Ligurie. 20.--Partis ŗ une heure du matin. Logť ŗ Voltri, ŗ huit lieues et demie de GÍnes. 23.--Logť ŗ Varazze, de mÍme sur la mer. 24.--Logť ŗ Savone, oý il y a un port marchand; il y a aussi un fort qui dťfend bien son approche et peut battre la ville. 25.--Logť ŗ Final-Borgo. 26.--Partis ŗ deux heures du matin. Logť ŗ Albenga. Tous les endroits oý nous avons logť sont situťs sur la mer. 28.--Partis ŗ une heure du matin pour une petite ville nommťe La PiŤve, situťe dans la mÍme vallťe et ŗ six lieues de la mer. Nous avons relevť ŗ La PiŤve la garnison piťmontaise qui s'ťtait emparťe de cette ville au moment oý ils avaient la guerre ensemble. La France a mis fin ŗ cette guerre, qui ne pouvait que mettre la famine dans le pays.--Comme cette contrťe ressemble ŗ la plus grande partie de la Rťpublique ligurienne dont elle fait partie, je vais faire une petite description de la situation du pays. Ce ne sont que montagnes trŤs hautes, la plupart sont couvertes de ch‚taigniers, d'oliviers, de figuiers et d'autres arbres ŗ fruits de toutes sortes d'espŤces; il y a aussi de la vigne plantťe trŤs clair et haute, parmi laquelle ils sŤment du blť et d'autres grains, qui leur servent ŗ faire du pain; mais ces derniers n'y sont pas trŤs abondants. Tout ce pays est occupť en grande partie par le commerce qui y est bon, par rapport ŗ la mer. Il n'y a rien ŗ voir de curieux dans la campagne; leurs maisons sont trŤs antiques et toutes voŻtťes, pour parer aux chaleurs qui se font dans ce pays durant l'ťtť. Il n'y a rien de remarquable dans leurs mťnages, la plupart n'ont pas de meubles, mais seulement un coffre pour mettre le peu d'habillements qu'ils ont. Le dedans des maisons est trŤs obscur et la plupart n'ont pas de vitres; un simple volet ferme le jour. On n'y voit presque point de cheminťes: ils font le feu dans l'un des coins de la maison. Les deux sexes sont vÍtus assez antiquement; les femmes et les filles portent sur la tÍte un grand voile pour aller ŗ l'ťglise. Ce peuple est traÓtre de son naturel, il a toujours cachť sous lui une arme tranchante et trŤs aiguisťe, et ŗ la moindre difficultť on est frappť de cet outil. 8 _frimaire_.--Partis de la PiŤve pour GÍnes, nous avons ťtť loger ŗ Loano; le 9, ŗ Varazze; le 10, ŗ GÍnes. …tant dans cette ville nous avons fourni un dťtachement de trois cents hommes pour aller s'emparer de la ville d'Oneglia, appartenant au Piťmont. La garnison piťmontaise a ťtť dťsarmťe et envoyťe ŗ GÍnes, mais de suite on leur a envoyť leurs armes, pour partir sur les frontiŤres d'Italie. Ceci s'est fait au moment de la rťvolution du Piťmont. Le dťtachement dont je faisais partie est sorti de GÍnes le 20 frimaire, ŗ une heure de l'aprŤs-midi; nous avons logť en allant ŗ Oneglia, ŗ Voltri, ŗ Savone, ŗ Finalborgo, ŗ Alassio. Il y avait avec nous trois cents Liguriens. Cette ville s'est rendue ŗ notre approche; nous y sommes entrťs le 24 frimaire ŗ quatre heures du soir. Le reste de notre bataillon, qui ťtait ŗ GÍnes, est venu nous rejoindre le 15 nivŰse; il est seulement restť ŗ Oneglia deux compagnies, et les autres ont appuyť ŗ gauche le long de la mer. Ce mouvement s'est fait le 15. Notre compagnie ťtait ŗ Diano-Marino et ŗ Alassio. Partis de ces cantonnements le 1er pluviŰse, nous sommes venus le 5 ŗ GÍnes, lieu de rassemblement de notre demi-brigade pour en former deux bataillons de guerre et un de paix. Ce dernier ťtait composť d'hommes impotents, infirmes, qui ne pouvaient plus faire campagne et complťtťs avec des conscrits. Les deux bataillons de guerre ťtaient formťs d'hommes aguerris et en ťtat de faire campagne avec une vingtaine des plus adroits des conscrits par compagnie, tirťs dans le troisiŤme bataillon. Dans cet amalgame, nous sommes devenus la troisiŤme compagnie du premier bataillon. Cet embrigadement s'est fait ŗ GÍnes, le 8 pluviŰse. Le premier bataillon est parti de GÍnes le 9 pour se rendre ŗ Reggio; le deuxiŤme bataillon le 10, pour la mÍme route. Je n'ai point ťtť de ce dťpart, je suis entrť ŗ l'hŰpital le 10; j'avais une maladie qui m'interdisait la marche. 20 _ventŰse_.--Partis de la ville de GÍnes pour me rendre ŗ Reggio. En quittant le pays de la Ligurie, je laisse un pays assez abondant en oliviers, ch‚taigniers; ils rťcoltent aussi une certaine quantitť de vin et de grains; la plus grande occupation des habitants est le commerce. Ils ťlŤvent quantitť de vers ŗ soie nourris par les mŻriers qui poussent dans ce pays.--Me voilŗ entrť dans le Piťmont en sortant de Novi; j'ai logť le 23 ŗ Tortone, ville fortifiťe et accompagnťe d'un fort assez considťrable, sur une hauteur qui commande la ville; le 24, ŗ Voghera; le 25, ŗ Castel-San-Giovani, bourg dťpendant du roi d'Espagne; le 26, ŗ Plaisance, belle grande ville au roi d'Espagne, magnifiquement b‚tie. Il y a lŗ une superbe place sur laquelle sont placťs deux piťdestaux sur lesquels sont deux chevaux en bronze avec leurs guerriers. Elle est trŤs bien dťcorťe par de belles maisons; les rues sont trŤs larges et bien proportionnťes. Autrefois, cette ville ťtait fortifiťe, mais il ne reste plus que de vieux remparts qui tombent en ruine. 27.--Logť ŗ Borgo-San-Domino, de mÍme dans les …tats du roi d'Espagne. 28.--ņ Parme, appartenant au duchť de son nom; la riviŤre du mÍme nom, Parma, passe dans ladite ville et la partage en deux parties inťgales; la construction en est assez belle, les rues larges, il y a aussi d'assez jolies places. 29.--ņ Reggio, ville grande et bien peuplťe, maintenant ŗ la Rťpublique cisalpine; il y a une belle place, des rues trŤs larges; elle ťtait autrefois fortifiťe, maintenant il existe encore une vieille citadelle qui tombe en ruines et qui ne pourrait pas tenir longtemps. J'ai eu sťjour dans cette ville. 1er _germinal_.--ņ ModŤne; la ville est plus longue que large: les rues sont larges, les maisons assez ťlevťes et d'une belle construction; il y a de belles grandes places. Cette ville est encore actuellement un peu fortifiťe. 3.--ņ Buondeno, village dans les environs de Ferrare. 4.--ņ Finale, bourg sur le canal de la ville de ModŤne. 5.--ņ la Mirandole, petite ville assez bien faite oý il y a une belle place. 6.--ņ Saint-Benedetto, village ŗ cinq lieues de Mantoue. 7.--ņ Mantoue, belle grande ville trŤs peuplťe; elle est environnťe de grandes piŤces d'eau qui dťfendent son approche d'une demi-lieue; du cŰtť oý l'eau n'est pas d'une aussi grande largeur, il y a de fortes citadelles qui dťfendent la ville; les alentours de cette place, aussi bien que les forts, sont garnis de nombreux gros canons qui rendent cette ville imprenable, autrement que par la famine. Le fleuve nommť PŰ passe dans ses murs, et lui donne quantitť d'eau; la construction des maisons est belle, on y trouve de belles places. J'y ai vu un beau pont couvert et construit tout en pierres de taille; il y a sur ce pont sept ŗ huit moulins trŤs bien construits. Cette place appartient ŗ la Rťpublique cisalpine; elle a ťtť prise par les FranÁais qui ťtaient commandťs par Bonaparte, dans le courant du mois de pluviŰse an V. Le 8, j'ai passť ŗ Villefranche, sur la route de Vťrone, oý j'ai trouvť notre bataillon, qui ťtait campť ŗ deux lieues et demie de la ville, prŤs de la route. Ils y ťtaient venus aprŤs l'affaire du 6 germinal, auquel jour ce terrible flťau de la guerre s'est rallumť avec l'empereur. Notre division, commandťe par Montrichard, a fait son attaque prŤs du village de Legnago, situť sur l'Adige. L'attaque a ťtť vive au premier abord de notre part: il a semblť avant midi que la victoire nous ťtait annoncťe; mais, comme le destin ne dťcide pas en un instant, nous avons vu, vers les trois heures du soir, que nous avions eu affaire ŗ un corps d'armťe autrichien qui ťgalait le nŰtre. Sur le soir, un renfort leur est arrivť; c'est ŗ ces derniers, rťunis aux premiers, qu'il a fallu cťder la victoire qui nous avait ťtť favorable toute la journťe. Beaucoup de fossťs remplis d'eau nous ont fait ťprouver quelques pertes. Je ne dirai pas les pertes des autres corps, j'ai vu celles de mon bataillon qui se montaient ŗ 148 hommes hors de combat, y compris dix officiers et dix sous-officiers. En attendant le siŤge, nous avons fait plusieurs mouvements ŗ droite et ŗ gauche le long de l'Adige, oý le corps d'armťe autrichien ťtait bien retranchť. Voilŗ le 16 germinal arrivť[63]. Vers les dix heures du matin, l'ennemi s'ťtait mis en marche pour nous attaquer; le gťnťral en chef donna ordres ŗ toutes nos troupes de se mettre en marche pour de mÍme attaquer l'ennemi, ce qui a ťtť exťcutť sur-le-champ. AussitŰt, nous avons rencontrť les colonnes autrichiennes; le feu a ťtť vif dans les deux partis; au premier abord, il semblait que notre division allait cťder ŗ la force de la colonne autrichienne. Le soldat n'a pas mesurť sa force sur celles de son ennemi, mais sur son courage: il a mis la colonne ennemie en dťroute, en lui faisant quelques cents de prisonniers. Nous les avons poursuivis aux portes de Vťrone; mais la retraite des autres divisions nous a bientŰt appris que nous devions aussi nous y disposer pendant la nuit, et nous retirer dans les environs de Mantoue, ce qui a ťtť fait dans la nuit du 16 au 17, car un corps considťrable de l'armťe autrichienne s'avanÁait pour couper notre retraite au delŗ de Mantoue. Nous sommes arrivťs ŗ sept milles de Mantoue vers les minuit, dans la nuit du 17 au 18. Sur le croisement de la route qui conduit ŗ Villefranche, le 18, nous avons fait un mouvement pour appuyer ŗ gauche de Mantoue. Nous sommes venus camper prŤs d'une petite ville situťe sur le Mincio; elle est environnťe de fortes positions. Lorsque la garnison de Mantoue a ťtť ťtablie dans ses postes, l'armťe s'est mise en mouvement et a passť le Mincio pour aller se montrer dans la plaine oý Bonaparte a eu de grands combats, lorsqu'il a fallu cerner la ville de Mantoue. Nous sommes restťs dans cette plaine, qui aboutit sur la rive du Mincio, jusqu'ŗ huit heures du soir. C'ťtait la nuit du 20 au 21 que notre colonne a commencť son mouvement pour la retraite, le soir du 21 vers les six heures, par un temps abominable, une pluie continuelle qui ne cessait de tomber et nous traversait jusqu'aux os. Nous avons campť prŤs la petite ville d'Asola; ses alentours sont garnis de bastions qui n'ťtaient pas entretenus. 22 _germinal_.--Campť ŗ trois mille de Pontevico; le 24, nous sommes venus camper en avant de cette petite ville, situťe sur le bord de la riviŤre nommťe Oglio, sur la route de Brescia et Milan. Dans ce moment, nous ťtions d'arriŤre-garde; nous avons coupť les routes pour empÍcher la colonne autrichienne de nous poursuivre de si prŤs. 25.--Nous avons passť l'Oglio sur un pont levis qui ťtait au bas d'une ancienne citadelle: les troupes et les bagages passťs, on a dťmontť le pont en le faisant glisser dans l'eau. Ce jour-lŗ, nous sommes venus au village de Rodierco, situť sur l'Oglio et ŗ un mille de Pontevico, sur la grande route de Milan. La nuit du 25 au 26, nous nous sommes mis en marche et nous sommes arrivťs ŗ Palazzolo le 26 au soir. Il faut observer que la colonne autrichienne prenait des dťtours et suivait les montagnes de la Suisse italienne et ne cherchait qu'ŗ nous couper notre retraite. 28.--Nous avons fait un mouvement en avant de Palazzolo, ŗ six mille dans les montagnes, prŤs le lac d'Iseo. 29.--Nous sommes revenus ŗ Palazzolo; le 30, nous en sommes repartis pour nous former sur la ligne en bataille, en avant dudit lieu. Le gťnťral en chef Scherer nous a passťs en revue. Nous avons passť la nuit dans ce mÍme emplacement. Je dirai que la Ville de Palazzolo est situťe sur l'Oglio et sur la grande route de Brescia. En partant, les ponts ont ťtť coupťs et renversťs dans la riviŤre. 2 _florťal_.--Nous avons fait un mouvement pour nous retirer en arriŤre de Palazzolo, oý nous avons campť, sur les bords de l'Oglio; nos avant-postes ont eu quelques petites affaires avec l'ennemi, qui s'est venu prťsenter pour passer le pont oý ťtaient nos canonniers, pour le faire sauter par des mines; on est parvenu ŗ le faire sauter vers les dix heures du matin. La nuit du 4 au 5, ŗ neuf heures du soir, notre division, qui ťtait celle du gťnťral Serrurier, s'est mise en marche et a ťtť dirigťe vers la ville de Bergame. Nous avons passť une nuit affreuse dans l'eau et la boue jusqu'aux genoux, et, pour la faire complŤte, une pluie continuelle nous arrosait. Nous sommes passťs dans la ville de Bergame, ŗ onze heures du matin, le 3. Cette ville est trŤs considťrable, belle et riche: on y construisait une fort belle place; elle est divisťe en ville haute et ville basse. La ville haute est fortifiťe et a de fort belles positions dans ses environs, sur des hauteurs considťrables. Notre division ne s'y est point arrÍtťe; une partie soutenait l'arriŤre-garde, qui ťtait suivie[64] des troupes russes. Le mÍme jour, notre colonne a continuť sa marche jusqu'ŗ cinq heures du soir; nous sommes arrivťs sur le bord du lac, oý nous avons passť la nuit dans des espŤces de petits hameaux environnťs de montagnes fort hautes. Le lendemain 6 courant, ŗ quatre heures du matin, nous avons repris notre marche vers le pont de Lecco, et toujours suivis de prŤs par l'avant-garde ennemie. La ville de Lecco est environnťe de rochers trŤs hauts; elle est situťe sur le bord du lac. Notre division a passť le pont le jour oý l'ennemi y est arrivť. Une partie de notre division a gardť la tÍte du pont, et l'autre partie s'est ťtendue sur les bords de la riviŤre, pour correspondre avec la division du gťnťral Delmas; notre bataillon ťtait de cette partie; nous tenions dans ce moment la droite de la division. Nous sommes venus prendre notre position, la nuit du 6 au 7, ŗ Vaprio, oý nous sommes arrivťs ŗ onze heures du matin. Cette ville est situťe sur le bord de la riviŤre nommťe l'Adda; elle est forte par sa position: il y avait un pont volant ťtabli qu'on a fait couler ŗ fond lorsqu'on a quittť la riviŤre. Vers les deux heures de l'aprŤs-midi, une colonne assez considťrable de l'armťe autrichienne a fait un mouvement pour se disposer ŗ passer la riviŤre pendant la nuit, ce qui leur a ťtť facile, car la riviŤre n'ťtait presque pas gardťe. Vers les quatre heures du matin, comme notre bataillon ťtait ŗ bivouaquer dans un village ŗ une lieue et demie de Vaprio, une ordonnance est venue dire au gťnťral qui commandait ce poste, que l'armťe autrichienne avait passť la riviŤre[65] toute la nuit et dirigeait sa marche sur Milan. AussitŰt, il nous fut ordonnť de nous retirer sur Vaprio, pour nous joindre ŗ la division du gťnťral Delmas, en laissant de distance en distance des compagnies en ťchelons; jusqu'ŗ ce que nous avons trouvť une route de Vaprio ŗ Milan, qui ťtait dťjŗ coupťe par l'ennemi. Le combat s'est aussitŰt engagť sur la rive gauche de l'Adda, dans les environs de Vaprio et Casale; il a ťtť opini‚tre des deux cŰtťs. Le gťnťral Delmas est venu ordonner aux bataillons qui soutenaient l'attaque, qui ťtaient les nŰtres et un de la 3e demi-brigade, de foncer sur l'ennemi, et il a dit que sa division allait arriver pour nous soutenir. AussitŰt l'ordre donnť, les deux bataillons se sont mis en marche pour l'exťcution; dans l'instant la victoire nous a souri en leur faisant environ deux cents hommes prisonniers; mais, dans le mÍme moment, un renfort considťrable leur ťtant arrivť, ils ont forcť le bataillon qui ťtait ŗ notre droite, sur le bord de la riviŤre, et ils n'ont pas tardť ŗ prendre le nŰtre par le flanc et le front. Dans ces dťmÍlťs plus chauds qu'ŗ l'ordinaire, j'ai reÁu une balle qui m'a traversť l'avant-bras gauche et m'a mis hors de combat, d'oý je me suis tirť avec beaucoup de peine, car nous ťtions pris de tous les cŰtťs. Mais la division est arrivťe dans ce moment et nous a donnť du large; la journťe est devenue terrible aux deux partis. Dans un moment oý la division Delmas a donnť, elle a repoussť l'ennemi ŗ la tÍte du pont; il y avait un village oý l'ennemi ťtait retranchť dans les murs des jardins et nos gens ťtaient tout autour; l'ennemi voyant qu'il ne pouvait plus tirer ŗ cause de la hauteur des murs, prit les pierres des murs pour les jeter sur la tÍte des FranÁais, mais l'ardeur rťpublicaine qui bouillait dans les veines des soldats, ne souffrit pas longtemps l'insulte des Allemands; aussitŰt entrťs dans le village la baÔonnette en avant, ils en renversŤrent une grande quantitť et firent sept cents prisonniers. Les rues du village ont ťtť ce jour-lŗ abreuvťes du sang des Allemands, car le sang ruisselait dans lesdites rues, comme lorsqu'il tombe un orage. Le combat n'a cessť que lorsque la nuit a tendu ses voiles dans les environs oý il avait commencť. Mais on s'est retirť sur Milan; la ville de Casale en est encore ŗ sept lieues et une partie des blessťs a ťtť obligťe de suivre la colonne; les routes ťtaient interceptťes. Nous sommes arrivťs dans les environ de minuit ŗ Milan, du 8 au 9. La colonne a passť ŗ Milan entre huit et neuf heures du matin, le 9. Quoique nos plaies n'aient point ťtť pansťes et que la marche nous fÓt de grandes douleurs nous avions prťfťrť suivre notre colonne qui venait sur les bords du Tessin que de nous voir prendre prisonniers par des troupes inhumaines. Il n'est restť que de la troupe au ch‚teau de Milan. C'est sur les bords du Tessin que j'ai quittť avec regret mes compagnons de misŤre, mais ma blessure le demandait. J'ai laissť en partant, aprŤs trois batailles, un fourrier, un caporal et six fusiliers, dans une compagnie qui ťtait, le 6 germinal, composťe de cent dix hommes. Notre armťe de Mantoue est obligťe, par une force supťrieure d'ennemis, d'ťvacuer cette partie de l'Italie, et de se retirer sur les villes fortes du Piťmont. Les hŰpitaux n'ťtant plus assez considťrables pour contenir tous les blessťs, il faut donc rentrer en France. Avant de quitter cette partie de l'Italie, je veux faire une petite description sur la situation des habitants et sur la fertilitť des terres de cette contrťe. Depuis le Mont-Cenis ŗ Mantoue, c'est un terrain plat et sablonneux; il est plantť de toutes sortes d'arbres, mais ce sont les mŻriers qui dominent; la vigne y est trŤs commune et est plantťe au pied de tous ces arbres: elle produit d'excellents vins; on y voit dans aucunes contrťes les vignes attachťes au-dessus de fort gros arbres, et cette vigne rapporte une quantitť considťrable de raisins. Les habitants du pays coupent tous les ans les branches de ces arbres pour faire cuire leurs aliments. Ils sŤment sous ces vignes des grains de toutes sortes d'espŤces qui y viennent encore assez bien par rapport aux arbres et aux vignes qui leur donnent de la fraÓcheur, sans quoi ils ne pourraient rien rťcolter ŗ cause de la grande chaleur du pays. Dans le Piťmont et autres contrťes, ils sŤment beaucoup de riz qui fait une partie de leur nourriture qu'avec le vermicelle; enfin ils ne se nourrissent presque qu'avec des p‚tes. L'occupation de ces habitants est en grande partie le commerce, et l'ťlevage des vers ŗ soie qui leur fait avoir une grande quantitť de manufactures. Il y a, dans cette partie de l'Italie, d'assez beaux sexes des deux cŰtťs, mais extrÍmement jaloux et traÓtres. Il y a aussi de fortes riviŤres et des mťdiocres qui arrosent les plaines de riz. La construction des maisons est assez agrťable, elles sont presque toutes voŻtťes, mais les vitres y sont rares, car ŗ peine peut-on avoir des verres pour boire. Dans cette contrťe sont enfermťs plusieurs petits …tats et rťpubliques, ce qui fait qu'il y a plusieurs monnaies, mais qui ne valent pas celle de France, exceptť celle du Piťmont qui vaut mieux. Autrefois, ce pays ťtait fort riche, mais il a eu affaire ŗ plusieurs maÓtres qui lui ont Űtť toute sa richesse, et la guerre a achevť sa ruine. Je ne ferai pas grande observation sur les endroits oý j'ai passť, ayant ťvacuť de Milan ŗ Dijon. Le 5 prairial, nous sommes arrivťs ŗ Dijon, lieu de destination pour les blessťs; nous sommes entrťs ŗ l'hŰpital militaire, tout nouvellement prťparť pour recevoir les blessťs qui arrivaient tous les jours en grand nombre. Je suis restť onze jours ŗ cet hŰpital de Dijon, oý ma plaie a ťtť pansťe deux fois par jour. Pendant ce temps, j'ai fait plusieurs demandes aux officiers de santť pour obtenir une convalescence. Comme je n'ťtais plus qu'ŗ vingt-quatre heures de mon foyer et qu'il y avait sept ans que je n'ťtais rentrť chez moi, je me suis vu avoir un peu d'espoir de revoir encore une fois mes pŤre et mŤre, ainsi que mes autres parents. J'ai reÁu des officiers de santť de l'hŰpital militaire de Dijon, une convalescence de deux dťcades pour aller cicatriser ma plaie dans mes foyers; elle m'a ťtť dťlivrťe le 16 prairial. Je me suis rendu le 19 ŗ Longchamp en passant par Langres; de lŗ j'ai pris la traverse pour couper au plus court. Je suis donc arrivť la veille de la fÍte que l'on cťlťbrait pour les plťnipotentiaires qui avaient ťtť ťgorgťs ŗ Rastadt. Le commissaire du pouvoir exťcutif et le prťsident m'ont fait l'honneur de me mettre de la cťrťmonie; ils m'ont rendu les honneurs en m'envoyant chercher par un dťtachement de la garde nationale; de suite on m'a offert une place d'honneur qui ťtait ŗ cŰtť du prťsident, que j'ai acceptťe. AprŤs la cťrťmonie, j'ai ťtť admis au repas que les administrateurs se donnaient. J'ai ťtť reÁu avec toute la pompe et les honneurs dus ŗ un dťfenseur qui n'avait jamais abandonnť son drapeau. Ma convalescence ťtant expirťe et n'ťtant point en ťtat d'aller rejoindre, je suis allť voir l'officier de santť du canton; ne trouvant pas mon bras assez bien rťtabli, il me donna un dťlai de six dťcades, lesquelles ťtaient finies le 30 fructidor, j'ai demandť ma feuille de route pour aller rejoindre mon corps et partager avec mes anciens camarades, l'honneur que j'ai partagť dťjŗ, l'espace de sept ans. J'espŤre que l' tre suprÍme bťnira nos travaux pour le salut de toute la France[66]. Je suis parti de Longchamp le 1er vendťmiaire an VIII de la Rťpublique, pour aller rejoindre mon corps sur les frontiŤres d'Italie. Mon dťpart fut retardť d'un mois ŗ Chaumont oý je suis restť pour montrer l'exercice ŗ une compagnie de conscrits de ce dťpartement. AprŤs l'organisation de ce bataillon, j'ai repris ma route pour la frontiŤre d'Italie. Je suis parti de Chaumont le 16 brumaire de l'an VIII, accompagnť de mon jeune frŤre qui avait quittť le 9e chasseurs ŗ cheval, pour venir prendre du service dans la 3e demi-brigade de ligne qui ťtait en ce moment en Italie. Nous avons fait la route assez agrťablement de Chaumont ŗ Aix en Provence. Je passerai sous silence les ťtonnements de mon frŤre pendant cette route, de se trouver dans une contrťe si dťserte et aussi peu fertile, sous les rochers de la Provence. J'en ferai une petite description. AprŤs avoir parcouru plusieurs contrťes de la Provence, ťtant rendus ŗ notre dťpŰt, ŗ Aix, le 21 frimaire, nous avons ťtť ŗ trois lieues de lŗ, sur la Durance, ŗ un village nommť Peyrolles, jusqu'au 1er thermidor. Nous ťtions lŗ pour faire rejoindre les conscrits et les rťquisitionnaires; aussi pour y empÍcher les assassinats que des bandes de brigands exerÁaient souvent dans plusieurs de ces contrťes; en un mot, ces bandes de scťlťrats portaient la dťsolation chez plusieurs pŤres de famille. Nous sommes partis d'Aix le 5 thermidor pour nous rendre dans une autre contrťe de la Provence, une ville nommťe Draguignan, oý nous sommes arrivťs le 9. Cette ville est situťe au milieu d'une plaine environnťe de hautes montagnes; la contrťe est charmante, on y voit une quantitť prodigieuse d'oliviers; les coteaux qui environnent la ville forment un amphithť‚tre plantť d'oliviers qui forment une tapisserie, verte hiver comme ťtť, ce qui rťjouit la vue, et donne un beau coup d'oeil. La plaine qui environne la ville est plantťe de vignes entre lesquelles on sŤme plusieurs sortes de grains et de lťgumes. Les eaux y sont trŤs bonnes, la contrťe ťtant abreuvťe par des fontaines venant des montagnes. La ville est fermťe par une simple muraille, trŤs haute; les rues sont d'une largeur proportionnťe ŗ leur longueur, mais bien mal entretenues comme propretť: on y laisse pourrir toutes sortes d'herbes venant des montagnes pour faire des engrais pour la terre. Dans la Provence, il y a trŤs peu de _commoditťs_, ce qui fait qu'on jette toutes les ordures dans les rues; c'est ce qui rend le pays malsain; on y respire de mauvaises odeurs. On rapporte qu'ils ne se donnent pas l'aisance des _commoditťs_ ŗ cause de la quantitť des conduits de leurs fontaines qui traversent leurs habitations.--Les maisons sont d'une assez belle construction, hautes de trois ťtages, plus ou moins; les habitants sont grossiers naturellement et peu humains. (Qu'ils se le disent!) Ce qui fait remarquer leur peu d'humanitť envers leurs concitoyens, c'est que dans ces contrťes et mÍme dans toute l'ťtendue de la Provence, il s'y produit une rťelle quantitť considťrable de brigands qui ne cessent d'assassiner journellement les voyageurs sur les grandes routes. Je me suis laissť dire que cela s'ťtait fait de tout temps, mais cependant pas aussi souvent que maintenant. Le costume des hommes n'est pas bien diffťrent de celui de notre pays: la mode est de porter presque tous des vestes; les femelles s'habillent presque comme ici, sinon que leurs jupes sont fendues par derriŤre; leur caractŤre n'est pas meilleur que celui des hommes. La maniŤre dont je dťpeins la contrťe de Draguignan servira de modŤle pour toute la Provence plus ou moins fertile en aliments de tout genre. Je me rappelle que l'air de la campagne y est plus chaud que dans nos pays; les rťcoltes s'y font de meilleure heure qu'ici, mais aussi ils plantent tout l'ťtť car la culture ne pourrait jamais alimenter la population retirťe en ce pays. Le pain y est presque toujours ŗ quatre et cinq sous la livre de quatre onces. Le vin y est ŗ bon compte, mais les orages y sont frťquents; aussi leur terre cultivťe est-elle souvent ravagťe. Le grain qu'ils rťcoltent, ils le font fouler aux pieds des mulets et des boeufs pour en retirer les semences. Je dirai que les maux que j'ai endurťs depuis huit annťes de service militaire pour ma patrie, ont ťtť marquťs jour par jour par de nouveaux sacrifices que je ne peux oublier. Ces souffrances ont ťtť renouvelťes ŗ plusieurs ťpoques. Ainsi je vais, dans cette feuille, tracer une esquisse de ce qui s'est passť ŗ GÍnes pendant le blocus. Je dirai donc que notre ennemi, voulant nous Űter tout espoir de retourner en Italie, a rťuni de grandes forces pour investir GÍnes et enfermer notre armťe. AprŤs plusieurs combats sanglants de part et d'autre, et ŗ plusieurs reprises notre ennemi nous ayant forcť notre ligne sur Savone, il nous a coupť la communication que nous avions encore sur terre, et les Anglais croisant sur mer oý l'on ne pouvait que difficilement passer, nous voilŗ donc obligťs de nous retirer sous la ville de GÍnes, en attendant quelques renforts qui n'arrivŤrent pas assez tŰt. Il faut donc comprendre la misŤre que nous avons souffert[67] dans ce blocus. Si les habitants de la nation doivent une reconnaissance ŗ ses dťfenseurs, ils la doivent en particulier aux troupes qui composaient la garnison de GÍnes, soit par leurs souffrances, soit par leur intrťpiditť ŗ dťfendre la ville malgrť le manque de nourriture. Un peu de pain fabriquť avec de la paille hachťe, du son, du cacao, un peu de miel pour pouvoir lier ce mťlange ensemble; et quand on le retirait du four tombait-il en poussiŤre. La viande ťtait du mulet bien maigre; les chiens et les chats faisaient nos meilleurs repas. Gr‚ce au jus de Bacchus! sans cela nous serions tous restťs pour otages sous les murs de GÍnes. Si la ville a capitulť, c'est le dťfaut de vivres et la grande mortalitť qui en a ťtť la seule cause. Au moment de la capitulation, on recevait par homme six onces de cette mauvaise fabrication de pain, mais toujours une bouteille de vin. La capitulation a ťtť honorable pour nous; nous avons emmenť autant d'artillerie qu'il nous a ťtť possible, tous nos bagages et autres armements; tous nos malades et nos blessťs ont ťtť apportťs en France sur les b‚timents anglais. C'est aprŤs la fameuse bataille de Marengo que les FranÁais sont rentrťs ŗ la ville de GÍnes et qu'il y a eu une suspension d'armes, pour en venir ŗ une conclusion de paix; de sorte que l'ennemi a eu la ville de GÍnes trois jours en possession, puis elle a ťtť rendue par arrangement avec six autres villes et forts. Dans ce moment, ťtant revenus ŗ Draguignan ŗ notre dťpŰt, nous avons ťtť envoyťs ŗ Digne, dans les Basses-Alpes, pour y prendre les eaux thermales oý j'en ai fait usage sans en Ítre soulagť, de sorte que j'ai ťtť renvoyť dans mes foyers, le 5 vendťmiaire an IX. Je suis arrivť ŗ Longchamp-sur-Laujon le 29 vendťmiaire. PRI»RE DU SOLDAT R…PUBLICAIN N. B. Cette priŤre termine le manuscrit, elle est aussi de la main de Fricasse. ņ premiŤre vue, elle nous avait paru l'extrait d'un sermon de prÍtre constitutionnel, mais nous avons changť d'idťe en voyant le tour incorrect de certaines phrases, lignes 16, 17, 23, et surtout les derniŤres lignes. Elle peut parfaitement Ítre l'oeuvre d'un sergent, et surtout d'un sergent qui a dťbutť au couvent comme jardinier. On doit reconnaÓtre qu'il y a dans le second paragraphe une pensťe juste et noble. PRI»RE DU SOLDAT R…PUBLICAIN FRAN«AIS Dieu de toute justice, Ítre ťternel et suprÍme souverain, arbitre de la destinťe de tous les hommes, toi qui es l'auteur de tous biens et de toute justice, pourrais-tu rejeter la priŤre de l'homme vertueux qui ne te demande que justice et libertť? Ah! si notre cause est injuste, ne la dťfends pas! La priŤre de l'impie est un second pťchť, c'est t'outrager toi-mÍme que de te demander ce qui n'est pas conforme ŗ ta volontť sainte. Mais nous te demandons que la puissance dont tu nous as revÍtus soit conforme ŗ ta volontť. Prends sous ta protection sainte une nation gťnťreuse qui ne combat que pour l'ťgalitť. ‘te ŗ nos ennemis dťtestables la force criminelle de nous nuire; brise les fers des despotes orgueilleux qui veulent nous les forger. Bťnis le drapeau de l'union sous lequel nous voulons tous nous rťunir pour obtenir notre indťpendance. Bťnis les gťnťreux citoyens qui exposent leur vie et leur fortune pour dťfendre leur patrie. Bťnis les mŤres respectables de ces vertueux enfants de la patrie qui te prient de leur accorder victoire. Ouvre les yeux de ceux qui sont ťgarťs dans nos foyers afin qu'ils rentrent ŗ la raison, pour jouir avec nous des prťcieux fruits de l'ťgalitť et de la libertť, et chanter avec nous les cantiques et les louanges dťdiťs ŗ l' tre suprÍme. Nous adorons Dieu chacun ŗ notre maniŤre, sous la protection des lois et sous la surveillance de l'autoritť constituťe, et nous n'en sommes que meilleurs Rťpublicains. SUPPL…MENT I LA LEV…E EN MASSE Extrait des _Mťmoires sur Carnot_ Le projet d'une levťe en masse avait fait hťsiter d'abord la Convention: il l'ťtonnait par sa hardiesse; elle le renvoya ŗ l'examen du Comitť de salut public. C'ťtait le 12 aoŻt. Le 14, Carnot fut adjoint au comitť; le 16 le dťcret fut rendu au milieu des acclamations universelles; le 23, une loi organisa en ces termes la _rťquisition permanente de tout les FranÁais pour la dťfense de la patrie_: ęLes jeunes gens iront au combat; les hommes mariťs forgeront les armes et transporteront les subsistances; les femmes feront des tentes, des habits, et serviront dans les hŰpitaux; les enfants mettront le vieux linge en charpie; les vieillards se feront porter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers, prÍcher la haine des rois et l'unitť de la Rťpublique; ęLes maisons nationales seront converties en casernes, les places publiques en ateliers d'armes; le sol des caves sera lessivť pour en extraire le salpÍtre; ęLes armes de calibre seront exclusivement remises ŗ ceux qui marcheront ŗ l'ennemi: le service de l'intťrieur se fera avec des fusils de chasse et l'arme blanche; ęLes chevaux de selle sont requis pour complťter les corps de cavalerie; les chevaux de trait et autres que ceux employťs ŗ l'agriculture conduiront l'artillerie et les vivres. ęLe Comitť de salut public est chargť de prendre les mesures nťcessaires pour ťtablir sans dťlai une fabrication extraordinaire d'armes de tous genres, qui rťponde ŗ l'ťlan et ŗ l'ťnergie du peuple franÁais.Ľ La France offrit bientŰt ŗ ses adversaires le tableau que BarŤre avait ainsi tracť d'avance. ņ Valmy, ŗ Jemmapes encore, l'armťe rťguliŤre avait jouť l'unique rŰle; mais, ŗ dater du temps que nous racontons, elle fut absorbťe par la multitude des volontaires et des rťquisitionnaires. Dťsormais la Rťpublique sera moins servie sur les champs de bataille par des militaires de profession que par des citoyens destinťs ŗ quitter l'uniforme aprŤs l'accomplissement de leur croisade: grand exemple qui rťvťla aux FranÁais leur aptitude ŗ acquťrir promptement les qualitťs du soldat. Ce n'est pas que, dans les premiers moments, ces conscrits qui ne savaient pas tenir leur arme, qui s'ťlanÁaient follement et se dťbandaient au moindre choc, ne donnassent de la tablature aux gťnťraux; la correspondance des reprťsentants est toute semťe de plaintes et d'inquiťtude ŗ leur sujet; mais leur noviciat ne fut pas long: ęDŤs la fin d'aoŻt, dit Jomini, les effets de la nouvelle levťe se firent sentir; le dťblocus de Dunkerque et celui de Maubeuge en furent les premiers rťsultats, et la grande rťquisition acheva de nous assurer la supťrioritť.Ľ Il faut ajouter que cette grande rťquisition rencontra moins de difficultťs que le recrutement de trois cent mille hommes au mois de mars prťcťdent. Le mouvement rťvolutionnaire s'ťtait ťtendu, et l'idťe rťpublicaine que tout citoyen doit le service ŗ son pays avait gagnť les esprits. Toutefois, ce n'est pas avec des bandes tumultueuses que la France aurait vaincu l'Europe; il fallait que la nation se transform‚t en armťe. C'est alors que se dťploya surtout l'activitť de Carnot. Il s'agissait d'organiser, selon le principe d'unitť, une multitude aussi peu homogŤne dans ses ťlťments que dans sa constitution. Elle se composait d'anciens soldats et de conscrits amenťs, soit par la levťe des trois cent mille hommes, soit par la levťe en masse, sans compter les engagťs volontaires de toutes les dates, les dťbris des compagnies franches et les ťtrangers. Certains corps ťtaient restťs comme avant la Rťvolution, tandis que plusieurs gťnťraux avaient formť les leurs en demi-brigade selon le mode nouveau; puis il existait des lťgions franÁaises ou ťtrangŤres, mťlange de toutes armes. Il y avait des bataillons aguerris, expťrimentťs, d'autres entiŤrement novices; il y avait des diffťrences considťrables d'effectif entre les corps de mÍme espŤce; il y avait des grades irrťguliŤrement acquis et en nombre exagťrť; des soldats incorporťs ŗ la h‚te, sans qu'ils fussent aptes au service; les ťtats manquaient ŗ peu prŤs complŤtement. Quant ŗ l'irrťgularitť des fournitures et de la comptabilitť, on aurait de la peine ŗ s'imaginer ce qu'elle ťtait. Par quel moyen ce chaos fut-il dťbrouillť? c'est ce que nous ne pourrions dire sans surcharger une simple biographie de dťtails qui appartiennent ŗ l'histoire gťnťrale de l'armťe franÁaise. Ce qui est certain, c'est que cette armťe ne tarda pas ŗ devenir la plus homogŤne de l'Europe. Effacer toute distinction extťrieure fut un des premiers objets de sollicitude. La troupe de ligne avait en grande partie conservť l'ancien uniforme blanc, tandis que les nouveaux arrivťs portaient l'habit national: source fťconde en mťsintelligence. DŤs le 29 aoŻt, un arrÍtť prescrivit l'unitť du costume. L'arme du gťnie reÁut une organisation nouvelle, dont Carnot s'occupa tout spťcialement. Les nombreuses compagnies de canonniers volontaires, qui s'ťtaient formťes et remarquablement bien exercťes, furent incorporťes dans l'artillerie. On rťussit mÍme ŗ improviser une cavalerie. La disette des chevaux ťtait extrÍme: des achats faits dans toutes les contrťes ťtrangŤres oý nos agents purent pťnťtrer, une levťe extraordinaire dans les cantons et les arrondissements de la Rťpublique, et des dons spontanťs nombreux, permirent de mettre en ligne des cavaliers capables de se mesurer avec les formidables escadrons des coalisťs. En fťvrier 1792, la France n'avait qu'un effectif de 228,000 hommes (204,000 sous les armes); avant le mois de mai, gr‚ce ŗ l'activitť dťployťe, elle comptait 471,000 soldats (prťsents 397,000); au 15 juillet 479,000, si l'on s'en rapporte ŗ une note de Saint-Just, conservťe pour sa propre instruction, et dont nous possťdons l'autographe. Le tableau officiel que nous consultons prťsente un chiffre qui s'en ťloigne peu, 483,000 (inscrits, 599,000). En dťcembre, l'effectif de l'armťe s'ťlevait ŗ 628,000 hommes (prťsents sous les drapeaux, 554,000). Ce nombre alla croissant jusqu'ŗ 1,026,000 (732,000 sur terrain du combat en septembre 1794). Il n'y a pas de raison sťrieuse pour contester ces ťtats, publiťs ŗ une ťpoque oý l'exagťration ne pouvait profiter de rien (1797). Cependant on a dit que les phalanges rťpublicaines n'avaient jamais comptť au delŗ de 600,000 hommes, un ťcrivain les a rťduites ŗ 500,000, un autre ŗ 400,000, en ajoutant qu'ils n'ťtaient ni armťs, ni nourris, ni vÍtus. EspŤre-t-on, par de telles assertions, rabaisser le mťrite des dictateurs rťvolutionnaires? on l'ťlŤve au contraire. Moins on leur supposera de ressources entre les mains, plus admirable apparaÓtra le rťsultat obtenu: la coalition vaincue ne doit pas de reconnaissance aux auteurs des nouveaux calculs. ęRien ne peut effacer cette vťritť historique, que la Convention a trouvť l'ennemi ŗ trente lieues de Paris, et qu'on a dŻ ŗ ses prodigieux efforts de conclure la paix ŗ trente lieues de Vienne.Ľ C'est Benjamin Constant qui dit cela: Benjamin Constant est un esprit de 1791; partisan des principes, il est gťnťralement peu admirateur des faits de la Rťvolution. II LEV…E DU BLOCUS DE MAUBEUGE ET COMBAT DE WATIGNIES Extrait des _Mťmoires sur Carnot_ Des nouvelles alarmantes arrivaient du Nord. Malgrť la victoire d'Hondschoote, qui promettait de donner aux armťes franÁaises une prťpondťrance dťcisive, mais dont le gťnťral Houchard n'avait pas su tirer parti, la situation faite par Norwinde avait peu changť. Le Quesnoy ťtait dans les mains des coalisťs; maÓtres dťjŗ de Valenciennes et de Condť, ils possťdaient l'Escaut; leur ambition allait maintenant ŗ dominer ťgalement la Sambre, en s'emparant de Maubeuge, qui serait devenue leur base d'opťrations. Cette place tombťe, rien n'arrÍtait sťrieusement leur marche vers la capitale. Le 29 septembre, le prince de Cobourg forÁa le passage de la riviŤre par six colonnes, investit Maubeuge, et porta son armťe d'observation sur Avesnes et Landrecies. La place de Maubeuge, assez mťdiocre, ťtait couverte par un camp retranchť, avantageusement situť, oý venaient de se rallier vingt mille hommes, qui se trouvŤrent bloquťs du mÍme coup. Peut-Ítre le gťnťral autrichien avait-il commis une imprudence en laissant se grouper cette force imposante dont il ne pouvait prťvoir la malheureuse immobilitť. Mais il n'ignorait pas que les approvisionnements de la ville seraient bientŰt insuffisants pour des bouches aussi nombreuses. Les troupes, en effet, furent d'abord rťduites ŗ la demi-ration: au bout de peu de jours la disette ťtait complŤte. Des maladies ťclatŤrent, et les hŰpitaux ne pouvant plus contenir les malades, il fallut les dťposer sous les hangars des faubourgs. Cependant les assiťgeants ťlevaient des travaux formidables, trois batteries de vingt piŤces de 24, et le cercle de leurs canons se resserrait tellement que les boulets passaient en sifflant au-dessus du camp retranchť, pour aller porter la mort et la destruction dans la ville. Beaucoup d'habitants des environs s'y ťtaient rťfugiťs, et ils augmentaient les alarmes, en racontant le pillage de leurs fermes et l'incendie de leurs demeures. Trois commissaires de la Convention s'efforÁaient de soutenir les courages. Ils voulurent faire connaÓtre au gouvernement la situation critique de Maubeuge: l'un deux, Drouet, dŤs les premiers moments du blocus, tenta, avec plus d'audace que de prudence, de franchir les lignes ennemies: il fut pris et alla expier dans les cachots le souvenir de Varennes. Quelques jours aprŤs, treize dragons se dťvouŤrent; ils traversŤrent la Sambre ŗ la nage et parvinrent ŗ gagner Philippeville. Mais la Rťpublique n'avait pas attendu cet appel de dťtresse pour secourir ses enfants, les sauveurs approchaient. Dans la soirťe du 14 au 15 octobre, les assiťgťs entendirent, ŗ travers le feu des Autrichiens, une canonnade plus lointaine. Ils n'osaient pas encore se livrer ŗ la joie, les uns craignant que ce bruit n'annonÁ‚t le bombardement d'Avesnes, d'autres redoutant un piŤge de l'ennemi pour attirer nos soldats hors du camp et les mettre aux prises avec une armťe qui les ťcraserait de sa supťrioritť. Au milieu de ces incertitudes, les dťfenseurs de Maubeuge demeurŤrent inactifs, et ne secondŤrent pas, comme ils l'auraient pu faire, les efforts de leurs libťrateurs. Car cette canonnade ťtait bien celle de l'armťe franÁaise, qui arrivait au secours de la ville. Voici ce qui s'ťtait passť: Les opťrations militaires importantes et rapides qui devaient Ítre exťcutťes dans le Nord, avaient fait sentir la nťcessitť d'une main plus jeune et plus forte que celle de Houchard. Carnot, tťmoin de la belle conduite de Jourdan ŗ Hondschoote, le dťsigna au Comitť. Son choix ayant ťtť ratifiť, il se rendit lui-mÍme prŤs du nouveau gťnťral pour lui porter sa commission, qui rťunissait sous son commandement les forces disponibles des armťes du Nord et des Ardennes. Jourdan esquissa un projet, que Carnot approuva dans ses donnťes principales, et qui fut utilisť plus tard, mais qui ne lui paraissait pas en rapport avec l'imminence du danger. De retour au sein du Comitť, il proposa d'aller attaquer directement l'ennemi dans sa redoutable position, afin de dťlivrer Maubeuge; c'ťtait presque une question de vie et mort pour la Rťpublique. Ses collŤgues trouvŤrent l'entreprise trop audacieuse pour la confier ŗ un gťnťral qui commandait en chef pour la premiŤre fois, et ils ne consentirent ŗ l'adopter qu'ŗ la condition que Carnot irait lui-mÍme en prendre la direction. Celui-ci ne se donna pas mÍme le temps d'aller dire adieu ŗ sa famille. Il partit dans la nuit, aprŤs avoir envoyť un courrier ŗ Pťronne, oý rťsidait son frŤre Feulins, prťvoyant qu'il aurait besoin de lui pour quelque sorte de dťvouement. ņ la demande de Carnot, on lui avait adjoint le conventionnel Duquesnoy, qui l'avait si bien secondť ŗ l'attaque de Furnes, et qui allait ťgalement retrouver son frŤre sous les murs de Maubeuge. Tous, ainsi que Jourdan, se rencontrŤrent ŗ Pťronne le 7 octobre, et ils se transportŤrent ŗ Guise, lieu du rendez-vous gťnťral, qui prit de lŗ le nom de Rťunion-sur-Oise. Carnot ťcrit: ęLes soldats ont confiance en lui et ne demandent qu'ŗ se battre; nous espťrons ne pas les faire languir. L'affaire sera chaude; mais nous vaincrons et la patrie sera sauvťe.Ľ Et puis: ęIl nous faudrait au moins quinze mille baÔonnettes pour charger l'ennemi ŗ la franÁaise.Ľ AprŤs une confťrence entre Jourdan et les commissaires de l'Assemblťe, le quartier gťnťral fut portť rapidement de Guise ŗ Avesnes, ŗ deux lieues des postes avancťs du prince de Cobourg. Quarante-cinq mille soldats environ, tirťs des camps de Gavarelle, de Cassel et de Lille, composaient l'armťe franÁaise oý les nouvelles levťes ťtaient encore trŤs imparfaitement organisťes: Cobourg avait de soixante-quinze ŗ quatre-vingt mille hommes, partagťs en deux corps, l'un d'investissement (quarante mille au moins), autour de Maubeuge; l'autre d'observation (trente-cinq mille), au sud de cette ville, dans les positions de Wattignies, Doulers, Saint-Rťmy et autres villages, le long d'un petit affluent de la Sambre, le Tarsy. Fortement postťs sur des hauteurs hťrissťes de batteries, couverts par des fossťs palissadťs par des haies trŤs ťlevťes, par d'immenses coupes d'arbres renversťs avec leurs branches, et toutes les routes ťtant rompues, les Autrichiens semblaient dans une position tellement inexpugnable, que leur gťnťral, en accŤs de jactance, dit ŗ ses officiers: ęLes FranÁais sont de fiers rťpublicains, mais, s'ils me chassent d'ici, je me fais rťpublicain moi-mÍme.Ľ Cette bravade fut portťe dans l'autre camp, oý elle stimula vivement l'amour-propre national. Nos soldats se rťpťtaient gaiement qu'ils iraient sommer le citoyen Cobourg de tenir sa parole. Le lendemain, 14 octobre, reconnaissance des positions ennemies par Jourdan et Carnot, fusillade engagťe sur la ligne et terminťe par quelques coups de canon, qui retentirent jusqu'ŗ Maubeuge et allŤrent porter l'espoir dans le coeur des assiťgťs. Le 15 au matin, les FranÁais s'ťbranlent: la division Fromentin, dťtachťe ŗ l'aile gauche, s'avance par l'ancienne voie romaine de Reims ŗ Bavai, vers le village du Monceau. Au centre le gťnťral Balland, avec plusieurs batteries de 16 et de 12, dťbouche au travers la haie d'Avesnes, terrain fort inťgal et couvert de bois (il l'est aujourd'hui de p‚turage) et vient occuper les hauteurs en face de Doulers et de Saint-Aubin. Le gťnťral Duquesnoy, frŤre du dťputť, commandait la droite, prend possession du village de Beugnies. Le quartier gťnťral est portť au point oý la route de Soire-le-Ch‚teau vient s'embrancher sur celle d'Avesnes ŗ Maubeuge. Les opťrations projetťe avaient pour appui les places de Rocroy, Marienbourg, Philippeville, et les dťtachements qui s'avanÁaient de ce cŰtť par les ordres de Jourdan: car nous avons dit que, dans ces graves circonstances, le Comitť avait mis l'armťe des Ardennes ŗ sa disposition. Vers sept heures du matin, le gťnťral en chef s'avance, accompagnť des deux reprťsentants de la Convention. Le signal de l'attaque est donnť sur tous les points ŗ la fois. Le plan adoptť avait pour but, en quelque endroit que l'on fŻt victorieux, de se prťcipiter vers Maubeuge pour donner la main au camp retranchť. Mais en cas de revers, on conservait toujours la route de Guise. Les deux ailes devaient marcher rapidement, tandis qu'au centre, ŗ Doulers, on se bornerait ŗ une canonnade. Des batteries, postťes devant ce village, dťmontŤrent celles que l'ennemi avait ťtablies au delŗ, derriŤre les habitations qui bordent la grande route. Les boulets des deux artilleries se croisaient par-dessus le village situť ŗ mi-cŰte. Plusieurs de nos piŤces, servies par les braves canonniers de la commune de Paris, firent merveille, comme ŗ l'ordinaire. Tout sembla marcher d'abord ŗ souhait: le gťnťral Fromentin, ŗ la tÍte de douze mille fantassins, dťlogea les tirailleurs autrichiens des hauteurs qui couronnent les villages de Saint-Remy et de Saint-Waast. Duquesnoy gagnait ťgalement du terrain sur la droite; maÓtre de Dimont et de Dimechaux, il commenÁait dťjŗ le feu contre Wattignies. Nos ailes semblaient devoir se joindre par un mouvement concentrique, qui mettait l'armťe ennemie dans le plus grand pťril. ņ la nouvelle de ces succŤs, capables d'amener la perte totale des Autrichiens, la canonnade de Doulers fut transformťe en une attaque de vive force. L'entreprise ťtait difficile. La division Balland (environ treize mille hommes) voyait sur tous les points culminants, au delŗ du village, dťjŗ puissamment dťfendu, une masse de bouches ŗ feu menaÁantes, et aux abords de toutes les routes une cavalerie impatiente de s'ťlancer. Rien pourtant ne fit hťsiter les rťpublicains: ils coururent ŗ l'ennemi en chantant la Marseillaise, ayant ŗ leur tÍte, avec le gťnťral en chef, les reprťsentants du peuple, dont l'exemple les enthousiasmait; ils franchirent impťtueusement les premiers obstacles du terrain, pťnťtrŤrent ŗ la baÔonnette dans le village et s'emparŤrent du ch‚teau; ils s'apprÍtaient ŗ escalader les hauteurs qui sont au delŗ du vallon de la BracquiŤre, lorsqu'une ťpouvantable mitraille vint les arrÍter. Menacťs en mÍme temps par la cavalerie prÍte ŗ charger sur leurs flancs, ils furent contraints d'abandonner les positions conquises avec tant d'hťroÔsme. La rapiditť avec laquelle ces positions avaient ťtť enlevťes par nos jeunes soldats permettait cependant de grandes espťrances pour une seconde tentative. Leur ťlan ťtait irrťsistible. Les commissaires de l'Assemblťe voulurent le mettre ŗ profit. Le gťnťral balanÁait. Carnot, dans un mouvement d'impatience, laissa ťchapper ces mots: ęPas trop de prudence, gťnťral!Ľ--Jourdan, blessť au vif (et blessť justement, il faut en convenir), donne aussitŰt le signal d'une nouvelle attaque, et la fait appuyer par une colonne de cavalerie, chargťe de tourner la position. Cette cavalerie, trouve toutes les issues barricadťes. Pendant ce temps l'assaut recommence: mÍmes efforts, mÍme succŤs d'abord mÍme issue fatale. Cette fois, ce fut Jourdan, piquť d'honneur, qui voulut absolument retourner ŗ la charge, mais sans meilleur rťsultat: les Autrichiens venaient de recevoir du renfort de leur droite, oý nos affaires s'ťtaient g‚tťes. Le gťnťral Fromentin, enivrť par ses premiers avantages, au lieu de longer la lisiŤre du grand bois Leroy, comme on lui avait recommandť de le faire, afin de pouvoir s'abriter contre la cavalerie supťrieure de l'ennemi, s'ťtait imprudemment aventurť dans la plaine de Berlaimont, avec des troupes de nouvelle levťe; les escadrons autrichiens, dťbouchant tout ŗ coup des bois de Doulers, les assaillirent et jetŤrent dans leurs rangs la panique et la dťroute. DŤs que ces f‚cheuses nouvelles furent connues au centre, on dut renoncer ŗ l'attaque de Doulers, calculťe sur les progrŤs des deux ailes. Il fallait changer le plan, que l'ťchec de Fromentin venait de compromette. Le premier cri de Jourdan fut celui-ci: ęAllons au secours de l'aile gauche!Ľ l'ordre en ťtait dťjŗ donnť, lorsque Carnot survint: ęGťnťral, dit-il avec vivacitť, voilŗ comme on perd une bataille!Ľ et l'ordre fut rťvoquť. La nuit ťtait venue, la fusillade cessa; les deux armťes bivaquŤrent sur le champ du combat. Le conseil s'ťtant rassemblť, Jourdan dťveloppa son opinion: selon les principes de l'ancienne guerre, il proposait d'abandonner toute pensťe d'attaque sur le centre de l'ennemi, et de diriger des forces vers notre aile gauche, afin d'y rťtablir l'ťquilibre. Carnot soutint au contraire qu'il fallait rappeler la division Fromentin, et concentrer nos efforts sur la droite, dťjŗ en voie de succŤs, manoeuvre qui nous conservait les avantages de l'offensive, si importante pour de jeunes soldats, peu faits aux chances de la guerre. ęQu'importe, s'ťcria-t-il, que nous entrions ŗ Maubeuge par la droite ou par la gauche?Ľ --C'est lŗ que nous devons triompher?Ľ ajouta-t-il en mettant le doigt sur le plan au point de Wattignies. Wattignies ťtant plus rapprochť que Doulers de la ville et du camp, cette position enlevťe, l'autre devenait sans importance. D'ailleurs les corps dťtachťs de l'armťe des Ardennes, qui s'avanÁaient sous les ordres des gťnťraux Elie et Beauregard, vers l'extrÍme gauche de l'ennemi, allaient bientŰt se trouver en mesure d'appuyer le mouvement proposť par Carnot. ęSi nous cťdons ŗ l'avis du reprťsentant du peuple,Ľ dit Jourdan, ęje le prťviens qu'il en prend la responsabilitť.--Je me charge de tout, et mÍme de l'exťcution,Ľ s'ťcria Carnot avec une ardeur qui entraÓna le conseil. Jourdan eut le bon esprit de faire sienne l'idťe qu'il venait de combattre, et la seconda avec autant d'intelligence que d'empressement. Carnot comptait sur la nature d'un terrain trŤs escarpť et trŤs boisť, qui cacherait notre marche, et qui, cette marche dťcouverte, permettrait de se dťfendre avec des forces peu considťrables, soutenues par la place d'Avesnes. Il comptait aussi sur le caractŤre connu du gťnťral allemand, qui ne prťsumerait jamais, de la part de ses adversaires, une manoeuvre aussi ťloignťe de la stratťgie en usage, et duquel on ne devait guŤre attendre non plus un trait hardi et improvisť. Il faut ajouter qu'un heureux hasard vint favoriser les FranÁais: un brouillard ťpais, phťnomŤne frťquent dans cette saison, s'ťleva entre eux et celui qui avait tant d'intťrÍt ŗ observer leur mouvement; il dura jusque vers midi. DerriŤre ce rideau, six ou sept mille hommes, partis du centre et de la gauche, passŤrent ŗ la droite; cette manoeuvre donna ŗ notre armťe une direction perpendiculaire ŗ celle qu'elle avait eue la veille. Le prince de Cobourg, qui nous croyait dans l'ancienne disposition, n'avait rien changť ŗ la sienne. Pendant le mÍme temps; le gťnťral Beauregard, aprŤs s'Ítre emparť des villages de Berelles et d'Eccles, vint se placer derriŤre Obrechies, pour seconder l'attaque que l'on mťditait. Afin de mieux dťrouter l'ennemi, les gťnťraux Balland et Fromentin entretinrent le feu de leurs batteries du cŰtť de Doulers, feignant de vouloir renouveler les tentatives de la veille, tandis que Jourdan et les reprťsentants du peuple marchaient au plateau de Wattignies, qui allait devenir le but d'un effort concentrique. Vingt-quatre mille hommes allaient y combattre. Les Autrichiens demeurŤrent stupťfaits lorsque le brouillard s'ťtant dťchirť, un soleil splendide leur montra une masse d'assaillants gravissant vers eux au cri de Vive la Rťpublique! Carnot et Duquesnoy s'avanÁaient ŗ la tÍte d'une des trois colonnes d'attaque, leurs chapeaux de reprťsentant sur la pointe de leurs sabres. La position des Autrichiens ťtait trŤs forte. Le village de Wattignies, qui donna son nom ŗ la bataille, est situť sur un plateau ťlevť, qu'entourent des vallons profonds et des cours d'eau, et ces obstacles naturels avaient encore ťtť augmentťs par de nombreux retranchements. Le plateau lui-mÍme se trouve dominť par les hauteurs de Clarye, aujourd'hui cultivťes, mais alors couvertes de bruyŤre et ťgalement occupťes par l'ennemi. L'infanterie franÁaise marchait, soutenue par des batteries de campagne, dont les boulets lui ouvraient la voie: ęDe l'aveu des Autrichiens, dit un historien (Toulongeon), jamais ils n'avaient vu une si terrible exťcution d'artillerie. Ils dirent qu'ils entendaient, pendant les dťtonations des bouches ŗ feu, retentir dans les rangs rťpublicains les chants belliqueux et les airs patriotiques.Ľ Cependant le feu de l'ennemi, n'ťtait ni moins bien nourri, ni moins meurtrier que le nŰtre; les tirailleurs du gťnťral Duquesnoy, refoulťs, renversťs, mitraillťs, reculŤrent. En ce moment le colonel Carnot-Feulins aperÁut un bataillon de nouvelles recrues qui s'ťtait rťfugiť dans un pli du terrain, ŗ l'abri des coups, les soldats groupťs autour de leur commandant, ęcomme des poulets effrayťs par un oiseau de proie.Ľ C'est l'expression dont se servait mon oncle en racontant cet ťpisode. AprŤs leur avoir vainement ordonnť de marcher, Carnot-Feulins saisit l'officier par le collet de son habit et l'entraÓne au pas de son cheval jusque sous la mitraille; le bataillon, qui l'a suivi, rachŤte par une charge vigoureuse cette minute de poltronnerie. Deux fois les FranÁais sont repoussťs avec des pertes considťrables. Enfin un assaut gťnťral semble nous donner la victoire partout en mÍme temps: Fromentin oblige son adversaire Bellegarde d'abandonner les redoutes de Saint-Waast et de Saint-Aubin; Balland chasse les grenadiers bohÍmes des hauteurs de Doulers, qui foudroyaient Wattignies; nos tirailleurs redoublent d'efforts. Le village de Wattignies est pris et repris ŗ la baÔonnette, malgrť les haies et les palissades qui entourent ces jardins; trois rťgiments autrichiens sont anťantis; l'ennemi se retire en dťsordre sur les hauteurs de Clarye, oý il trouve une position dangereuse encore pour les vainqueurs. Cobourg a compris le nouveau plan de ses adversaires; il a rappelť vers le centre une portion de son aile droite, et au moment oý une brigade franÁaise, sous les ordres du gťnťral Gratien, s'avance en tiraillant au milieu des bruyŤres, les cavaliers impťriaux accourent sur elle l'ťpťe haute; elle ne soutient pas le choc, elle se dťbande et ouvre une large trouťe, par oý les chevaux se prťcipitent. Le gťnťral lui-mÍme commande la retraite. Cet acte de faiblesse et de dťsobťissance (car Gratien avait des ordres formels qui lui prescrivaient de se porter en avant), pouvait dťmoraliser nos soldats et compromettre tous leurs avantages. Carnot, l'aÓnť, s'en aperÁoit, il s'ťlance vers la brigade Gratien, la fait mettre en bataille sur un plateau ťlevť, en vue de toute l'armťe, et destitue solennellement le chef qui venait de reculer devant l'ennemi, puis il saute ŗ bas de son cheval et forme cette brigade en colonne d'assaut. En ce moment son regard dťcouvre un pauvre conscrit, blotti derriŤre une haie et tremblant de tous ses membres, Carnot s'approche de lui, ramasse son fusil, le dťcharge sur l'ennemi, puis ramŤne le jeune homme et le place dans les rangs. Prenant ensuite l'arme d'un grenadier blessť, il marche ŗ la tÍte d'une colonne, tandis que son collŤgue Duquesnoy, comme lui revÍtu de l'ťcharpe nationale et du costume de reprťsentant, s'avance avec Jourdan ŗ la tÍte de l'autre. Les soldats honteux de leur fuite, veulent en effacer le souvenir par un redoublement de courage en prťsence des commissaires de l'Assemblťe: ils s'ťlancent avec impťtuositť. Le colonel Carnot-Feulins fait en ce moment une manoeuvre dťcisive: il porte rapidement une batterie de douze piŤces sur le flanc de la cavalerie autrichienne, qui venait de nous faire tant de mal: son feu, bien dirigť, renverse les escadrons. L'ennemi s'arrÍte, recule et fuit dans la direction de Beaufort. La position, cette fois, ťtait enlevťe. Les deux reprťsentants du peuple atteignirent en mÍme temps le sommet du plateau; vainqueurs tous deux, ils s'embrassŤrent aux yeux des soldats enivrťs, et un immense cri de Vive la Rťpublique! apprit ŗ l'armťe franÁaise son triomphe, ŗ l'ennemi sa dťfaite. Belle journťe, qui arracha cette exclamation patriotique ŗ un ťmigrť, Chateaubriand: ęLes FranÁais recouvrŤrent ŗ Wattignies ce brillant courage qu'ils semblaient avoir perdu depuis Jemmapes. ęOn les vit se prťcipiter avec cette ardeur qui distingue leur premiŤre charge de celle des autres peuples.Ľ Le soir mÍme, le prince de Cobourg, jugeant prudent de ne pas attendre un second choc de ces soldats rťpublicains, qu'il qualifiait d'enragťs dans son bulletin, prit le parti de repasser la Sambre, bien que ses lieutenants, Haddick et Benjowski, eussent obtenu d'assez notables avantages ŗ l'aile gauche, sur les gťnťraux franÁais …lie et Beauregard, et bien que le duc d'York accourŻt ŗ son aide, ce qui peut-Ítre eŻt fait tourner la chance en sa faveur. Un brouillard comme celui qui avait favorisť la veille notre heureuse ťvolution couvrit celle que dut faire l'ennemi pour se mettre hors de notre portťe. Il avait perdu trois mille hommes, et nous moitiť de ce nombre. Beaucoup d'officiers s'ťtaient distinguťs: parmi eux le brave d'Hautpoul, tuť plus tard ŗ Eylau, et Mortier, futur marťchal de France, blessť ŗ l'attaque de Doulers. Celui-ci reÁut de Carnot, pendant qu'on le pansait ŗ l'ambulance, le grade d'adjudant gťnťral. Quant aux soldats, le rapport de Jourdan rťsume leur conduite en un mot: ęC'ťtaient autant de hťros!Ľ La nuit avait couvert le champ de bataille. Carnot, ťloignť des siens, privť de monture, excťdť de besoins et de lassitude ťtait demeurť seul, tourmentť par la pensťe que sa prťsence pouvait Ítre nťcessaire au quartier gťnťral pour arrÍter les dispositions du lendemain; car il ignorait encore la fuite de l'ennemi. Il fut heureusement rencontrť par un dťtachement de cavalerie, dont le chef lui fit accepter son cheval et l'escorta jusqu'ŗ Avesnes. L'alarme s'y ťtait dťjŗ rťpandue: on craignait que l'un des reprťsentants de l'Assemblťe ne fŻt au nombre des morts, et l'on avait envoyť ŗ sa dťcouverte. ęLe 17,Ľ raconte un historien local, ęles vainqueurs de Wattignies longeaient le cours de la Sambre et entraient ŗ Maubeuge, au milieu des transports d'une joie frťnťtique. La fumťe de la poudre, la poussiŤre des bivacs, ainsi que le dťsordre de leurs vÍtements,--joints ŗ l'assurance que procure la victoire, leur donnaient un air martial et terrible, qui contrastait avec l'abattement et le dťpit des troupes du camp, honteuses de leur inaction, et ne sachant comment rťpondre aux reproches amŤres qui leur ťtaient adressťs!...Ľ Sans cette dťplorable inaction, en effet, notre victoire eŻt ťtť beaucoup plus complŤte, et toute l'artillerie de l'ennemi serait probablement tombťe entre nos mains. La Convention, la Rťpublique entiŤre joignirent leurs acclamations reconnaissantes ŗ celles des habitants de Maubeuge: la Rťvolution venait d'ťchapper ŗ l'un de ses plus grands pťrils. Carnot repartit pour Paris immťdiatement; et, dŤs le surlendemain, il ťcrivait ŗ l'armťe pour la fťliciter de son triomphe, sans donner ŗ entendre, mÍme indirectement, qu'il en avait ťtť spectateur et acteur. Il semblait n'avoir pas quittť son bureau. III …VACUATION DE KEHL Extrait d'un _Mťmoire militaire sur Kehl_, par un officier supťrieur de l'armťe. Strasbourg, Levrault, 1797. Ainsi finit, aprŤs cinquante jours de tranchťe ouverte et cent quinze jours d'investissement, un des siŤges mťmorables que puisse offrir l'histoire. En effet, on voit d'une part une armťe de soixante-dix bataillons aguerris, fiŤre d'avoir forcť son ennemi ŗ la retraite, dťployer tout l'appareil d'un grand siŤge contre des retranchements informes, supplťant ŗ l'audace qui lui manque par l'immensitť de ses travaux, faisant le siŤge de quelques ouvrages dťtachťs, dťployant une artillerie formidable contre des masures occupťes par des tirailleurs; nťanmoins son adversaire dispute le terrain pied ŗ pied; elle est forcťe de donner un assaut ŗ chaque partie d'ouvrage oý elle veut se loger et perd en dťtail plus de soldats qu'une attaque gťnťrale ne lui on eŻt coŻtť. Enfin elle arrive ŗ son but aprŤs avoir perdu six mille hommes et consommť les munitions nťcessaires au siŤge d'une place de premiŤre ligne. De l'autre cŰtť, une place construite ŗ la h‚te, en terre, dont quelques parties seulement sont revÍtues, sans b‚timents, sans magasins, sans abris; liťe ŗ un camp retranchť d'un grand dťveloppement, mais dont les principales dťfenses consistant en flaques et en marais se trouvent rťduits ŗ rien par la gelťe. ņ la vťritť, elle a l'avantage de ne pouvoir Ítre entiŤrement bloquťe et de conserver une communication facile avec Strasbourg, ce qui en impose assez ŗ l'ennemi pour l'engager ŗ ne rien donner au hasard: quoique dťfendue par des troupes harassťes d'une longue retraite, auxquelles on ne peut fournir les objets d'habillement et les soulagements les plus indispensables, le terme de sa dťfense dťpasse de beaucoup celui qu'on eŻt pu lui prescrire... Presque toutes les palissades ťtaient renversťes, les fossťs comblťs en partie par les ťboulements des parapets, et l'arrivťe des renforts devenue trŤs difficile... On se dťcida donc ŗ ťvacuer... On n'eut guŤre que vingt-quatre heures pour tout enlever. Nťanmoins on y mit une telle activitť qu'on ne laissa pas ŗ l'ennemi une seule palissade; tout fut ramenť ŗ la rive droite, jusqu'aux ťclats de bombes et d'obus, et aux bois des plates-formes. UNIFORMES FRAN«AIS (ARM…ES DE SAMBRE-ET-MEUSE ET RHIN-ET-MOSELLE) Je tenais particuliŤrement ŗ donner avec ce journal des dessins d'uniformes franÁais dont l'authenticitť fŻt ťgale ŗ celle du texte. Bien qu'il n'y ait pas encore un siŤcle ťcoulť depuis 1792, la chose ťtait malaisťe. Il est plus facile de retrouver la tenue exacte d'un fantassin du quinziŤme siŤcle que celle d'un soldat de l'armťe de Rhin-et-Moselle. AprŤs l'avoir vainement cherchťe en France, c'est en Allemagne que je l'ai rencontrťe, gr‚ce ŗ mon confrŤre Raffet, du Cabinet des Estampes de la BibliothŤque nationale. Pour bien connaÓtre certains secrets de la vie parisienne, il convient souvent de lire les correspondances des journaux ťtrangers. De mÍme, il faut voir les gravures allemandes de 1792 ŗ 1802 pour se faire une idťe de la tenue qu'avaient alors nos troupiers en campagne. Rien de plus imprťvu ni de plus dťcousu; on se figure aisťment la surprise des bons Germains habituťs ŗ la correction de tenue et de mouvements des armťes disciplinťes ŗ la prussienne. Leurs dessinateurs ont aussitŰt voulu en fixer le souvenir; ils n'ont rien dissimulť des habits dťchirťs, des chemises en lambeaux, des souliers trouťs; ils ont mis ŗ nu toutes les misŤres de ces conquťrants affamťs, qu'ils personnifient souvent en la personne d'un maigre fantassin ouvrant la bouche pour avaler cette boule ronde qui reprťsente le monde, avec l'inscription: _il y passera_. Les Allemands devaient sentir cruellement la prťsence de ces bandes qui vivaient gťnťralement sur leurs conquÍtes, et cependant ils ne peuvent donner d'air fťroce ŗ leurs oppresseurs. Autant ils prÍtent une mine grognonne ŗ leurs compatriotes en armes, autant ils conservent un air souriant ŗ ces endiablťs qui veulent absolument boire leur vin et danser avec leurs filles, non sans leur prodiguer les caresses les plus cavaliŤres. Ils ont mÍme voulu sans doute faire honte aux faiblesses des femmes qui ont fini par sourire ŗ ces gueux, car une de leurs caricatures favorites reprťsente un pantalon d'uniforme franÁais dont chaque jambe est tirťe en sens contraire par deux commŤres rivales. D'autres sujets favoris sont le dťpart du rťgiment, les femmes en pleurs, et des petits berceaux oý le nouveau-nť montre une tÍte miraculeusement coiffťe d'un bonnet de grenadier. Il faut avouer que les sťducteurs n'avaient que la figure pour eux et qu'il leur fallait une amabilitť prodigieuse pour masquer les dťsastres de leur uniforme. Des artistes de talent ont, aprŤs coup, naturalisť en France un type _correct_ du soldat rťpublicain; il porte moustaches, a le cou dťcouvert, la cravate noire; son chapeau est mis _en colonne_ et son pantalon a des raies roses; mais en rťalitť c'est moins coquet. D'abord le chapeau ŗ cornes, considťrť comme gÍnant, est coiffť cr‚nement en bataille comme celui des gendarmes, et le plus souvent ŗ rebours, bien en arriŤre, cocarde et panache du cŰtť du dos. La ganse de la cocarde sert de ratelier ŗ divers menus objets. TantŰt c'est la pipe qu'on y passe; tantŰt la cuiller et la fourchette ŗ deux pointes s'y croisent en maniŤre de pompon gastronomique. Quelquefois la cuiller change de place et se passe ťlťgamment dans deux boutonniŤres du revers d'habit. Le casque et le bonnet de hussard sont ťgalement rejetťs en arriŤre de la tÍte. La moustache est une exception. La cravate monte trŤs haut, fait plusieurs tours et ses bouts retombent avec un gros noeud sur les buffleteries. Cette forte cravate, presque toujours rayťe, est plus souvent jaun‚tre que noire. Comme on le verra, l'habit boutonne peu et les coudes, parfois trouťs, donnent une triste idťe de la blancheur que pouvaient avoir conservťe les revers et le gilet. Le pantalon est ŗ pont, plus ou moins bien boutonnť; s'il est rayť, ses rayures affectent toutes les dispositions et toutes les couleurs; les carreaux, les losanges, les zťbrures se remarquent dans l'uniforme des volontaires, et certains officiers, qui portent le sac au dos comme leurs soldats, ont de vťritables chausses collantes, rayťes horizontalement de rouge, blanc et bleu maintenues par des sous-pieds fort longs qui vont chercher le pantalon au-dessus de la cheville. Les chaussures, dont nous avons rempli tout exprŤs une page, sont presque toujours dans le plus triste ťtat; un chasseur ŗ pied que nous reproduisons plus loin, paraÓt n'avoir plus que des semelles fixťes par des laniŤres. Un autre a les pieds complŤtement nus. La cavalerie n'en est pas encore aux habits ŗ pans ťcourtťs, mÍme dans certains rťgiments de hussards, elle reste fidŤle aux pans longs agrťmentťs de passepoils et de force boutons; la basane qui protŤge quelques pantalons a des contours ŗ la grecque; le bonnet des hussards est surmontť d'un panache presque aussi long, et le casque sans visiŤre des dragons disparaÓt avec une partie du visage sous une criniŤre ťchevelťe qui leur donne un aspect fťroce. L'artillerie ne se distingue que par sa tenue complŤte de drap bleu; son aspect sťvŤre est relevť par les soutaches rouges du gilet dans l'artillerie ŗ cheval. Le havre-sac de beaucoup de soldats n'a rien de la forme rťguliŤre d'aujourd'hui. C'est un sac ordinaire en cuir ou en toile brune, serrť ŗ la gorge par une ficelle, maintenu par des bretelles; et il descend presque sur les reins du patient, ce qui devait augmenter le poids. Un seul soldat porte le bonnet de police ŗ flamme longue avec un havre sac vraiment militaire, mais dont les courroies retiennent tout un monde. Dans le haut s'ťtale une oie; son cou est serrť par la bretelle, et sa tÍte retombe mťlancoliquement dans la direction d'une marmite ballottant ŗ hauteur de la giberne. Le centre est barrť par un pain long, et un flacon pend sur le cŰtť droit. On voit que l'assortiment est complet et que nos zouaves n'ont rien inventť. Les officiers ont des pistolets ŗ la ceinture, et portent le hausse-col retenu par une chaÓnette ou par un cordon plus long qu'on ne l'a portť depuis; c'est avec le sabre le seul insigne qui annonce le grade sur la longue capote de campagne. Presque tous les tambours sont des enfants ou des adolescents; comme ‚ge, Barras n'ťtait pas une exception. J'ai parlť de la surprise causťe de l'autre cŰtť du Rhin par l'apparition des armťes rťpublicaines. On a peine ŗ croire qu'elle se soit traduite d'une faÁon flatteuse pour nos armes, et cela au coeur mÍme des pays allemands. Rien n'est cependant plus certain quand on peut Ítre mis en prťsence d'une sorte d'album, in-quarto oblong imprimť ŗ Leipzig en 1794 pour le compte du libraire Friedrich August Leo. Le texte allemand et franÁais est prťcťdť des deux titres gťnťraux que voici: _Abbildung und Beschreibung Verschiedener Truppen des franzosischen armee, mit illuminirten Kupfern_. Reprťsentation et description de diffťrentes troupes de l'armťe franÁaise, avec des planches coloriťes. Le texte est sur deux colonnes. Voici le titre particulier de la partie franÁaise: ęDescription des quelques corps composant les armťes (franÁaises), par un tťmoin oculaire. _Leipzig, bei Friedrich August Leo_, 1794.Ľ Cette description nous a paru si intťressante et mÍme si surprenante au point de vue politique que nous la reproduisons intťgralement ici. Son rapport avec notre sujet est direct, et les dťtails donnťs sont d'une exactitude prťcieuse[68]. L'auteur allemand s'exprime en ces termes: ęL'ťnergie, la bravoure et la constance avec laquelle les troupes franÁaises font une guerre qui n'a pas encore d'exemple dans l'histoire, doivent faire rťflťchir toute tÍte ŗ laquelle les intťrÍts de ce bas monde ne sont pas indiffťrents. ęCombien de choses jusqu'ŗ prťsent a-t-on cru sur parole indispensables ŗ une armťe pour la rendre victorieuse et dont se sont passť depuis quatre ans les armťes franÁaises? ęLa sťvŤre discipline que Frťdťric II avait introduite parmi ses troupes a fait beaucoup d'imitateurs et trouvť une infinitť de partisans. Trompť par l'apparence, on s'est imaginť que la sťvťritť poussťe jusqu'ŗ la plus inhumaine contrainte, rendait des automates invincibles ou victorieux. On en aurait jugť bien autrement dans le temps des succŤs de Frťdťric, si on avait eu le mot de l'ťnigme... ęLa guerre prťsente est bien capable de dťtruire une prťvention qui fait gťnťralement ŗ chaque soldat une victime dťvouťe aux coups de b‚ton de toute une ťchelle de supťrieurs. ęPartout on prťtend que les armťes agissent et partout le soldat est une crťature passive qui ne peut ni se mouvoir ni agir. En garnison on accoutume le soldat ŗ s'humilier sous le b‚ton, et quand on a la guerre on prťtend qu'il soit sensible ŗ l'affront d'une dťfaite dont la honte ne retombe jamais sur lui. ęC'est cependant avec des hommes ainsi dťgradťs qu'on prťtend vaincre des troupes qui ne connaissent de diffťrences entre les individus que celles des fonctions qui leurs sont confiťes; de discipline que le devoir du degrť oý chacun se trouve placť, et de subordination que celle qu'imposent la loi et l'avantage du service. Jamais en avilissant l'homme on ne lui fera faire de grandes choses; ce n'est qu'en lui montrant qu'il est digne de cet honneur qu'on lui fait venir l'envie de l'acquťrir. ęLes hommes sont ce qu'on les fait. C'est ŗ ceux qui les emploient ŗ savoir les manier, les former tels qu'ils doivent Ítre pour remplir ce qu'on en attend. Mais on ne doit pas s'attendre qu'on les intťresse ŗ faire rťussir des projets qui ne leur offrent aucune perspective avantageuse pour eux ou les leurs contre des hommes qui se sont donnť une maniŤre d'Ítre qu'ils trouvent bonne et qu'ils croient avoir droit de dťfendre envers et contre tous... ęEntre princes, la guerre est un jeu de hasard oý le dernier ťcu dťcide. Entre princes et nation c'est le lion enveloppť d'un filet: la souris n'est pas toujours lŗ pour en ronger les mailles. On perd quelquefois de vue que l'on ne peut rien si l'on n'est soutenu de cet accord gťnťral qui fait voler toutes les volontťs vers un mÍme but. Vouloir agir dans cet ťtat d'erreur, c'est s'exposer ŗ des disgr‚ces, ou tout au plus ŗ des succŤs ťphťmŤres. C'est ce que prouve l'expťrience de tous les temps. Les princes crťent des armťes, mais que de peines et de dťpenses il leur en coŻte... combien d'intťrÍts privťs il faut mťnager dans la levťe des recrues! Combien de temps s'ťcoule avant que ces nouvelles levťes puissent entrer en campagne! Le mal n'est pas grand si c'est contre un prince que l'on est en guerre. Est-ce au contraire contre une nation? Elle se lŤve et marche, et il est facile de voir de quel cŰtť sera l'avantage. ęUne nation levťe ainsi n'a pas, il est vrai, ce coup d'oeil flatteur qu'offre un ancien rťgiment lorsqu'il est rangť en parade, oý tous les soldats semblent coulťs dans le mÍme moule. Cette rigoureuse uniformitť en impose, mais elle n'est pas, comme on le voit ŗ prťsent, indispensablement nťcessaire ŗ la victoire. La garde nationale n'est pas une troupe moins courageuse, bien qu'irrťguliŤrement vÍtue, que celles de cette ligne, oý cette rťgularitť s'observe plus exactement. ęAnimťs du mÍme esprit, ces diverses troupes combattent avec la mÍme bravoure, bravent la mort avec le mÍme courage, supportent en commun travaux et fatigues. ęL'on ose donc croire que le public ne verra pas avec indiffťrence l'image de quelques-uns des corps dont les armťes rťpublicaines sont composťes. Les figures enluminťes sont reprťsentťes au naturel, telles que les a vues un tťmoin oculaire. Nous nous sommes contentť d'en multiplier les copies sans y rien changer. ęLes dragons font en France un service tout autre que dans les armťes des autres souverains. On les place sur les ailes, dans des postes avancťs, au passage des riviŤres, aux dťfilťs ou aux tÍtes de pont. Mais leur vťritable place, un jour de bataille, est au corps de rťserve, ŗ cause de la vitesse avec laquelle on peut les faire mouvoir et de la vivacitť avec laquelle ils chargent l'ennemi. On les emploie encore diversement dans les siŤges et dans une infinitť de cas oý on les fait supplťer ŗ l'infanterie aussi bien qu'ŗ la cavalerie. Aussi leur fait-on ťgalement bien apprendre les exercices de ces deux armes. Jusqu'ŗ la fin de la guerre de Sept ans, ils furent habillťs de rouge; mais depuis on les a habillťs de vert. Leur uniforme est: habit vert, parements, revers, collet et doublure rouges, veste et culotte blanches ou ventre de biche, casque de laiton poli surmontť d'une touffe de crins noirs pendant sur l'arriŤre de la tÍte, bottes molles et sabres recourbťs ŗ la housarde. Leurs chevaux sont ordinairement de quatre pieds ŗ quatre pieds deux pouces. ņ cheval, leurs armes sont un fusil, deux pistolets et le sabre; ŗ pied, ils n'ont que le fusil et le sabre. On n'y admet que des jeunes gens vigoureux, lestes, bien faits et qui montrent beaucoup d'adresse. ęLes grenadiers ŗ cheval durent leur premiŤre crťation ŗ Louis XIV. Pour mettre le lecteur ŗ mÍme de juger de quels hommes cette troupe a toujours ťtť composťe, c'est que, pour la former chaque capitaine de grenadiers fut tenu de fournir un homme de la taille requise, gťnťralement reconnu pour fort et brave et portant moustache. Cet esprit de corps, ce courage ŗ toute ťpreuve ne se sont jamais dťmentis. Leur uniforme est bleu foncť, parements, revers et collet ťcarlates, boutons blancs sur lesquels est imprimť l'arbre de la libertť avec le bonnet et autour l'inscription: _Rťpublique franÁaise_; veste et culottes blanches blanc d'argent et aussi des culottes de peau. Bonnet de poil ŗ fond rouge, cordons et crťpines tressťs des couleurs nationales. Au milieu du front, une plaque sur laquelle est imprimť en relief le sceau constitutionnel avec des trophťes et ŗ chaque cŰtť de la plaque une grenade enflammťe. Le poil de ces bonnets est renversť de haut en bas, afin que l'eau de la pluie s'y arrÍte moins. La doublure de l'habit est de serge blanche. Au bas des pans oý sont les crochets pour les retrousser, il y a une grenade de drap rouge, et, au lieu de flamme, il y a de petits glands qui en descendent pendus ŗ des cordons de la mÍme couleur. Ils ont des aiguillettes tressťes de rouge et de blanc, des cols noirs, des bottes molles, mais des genouillŤres fortes. Leurs armes sont la carabine, deux pistolets, et un sabre dont la lame droite a prŤs de deux pouces de large et se termine en pointe trŤs aiguŽ, dont le double tranchant a environ huit pouces de long, et tout le sabre entre quarante et quarante-cinq. Ils le portent en bandouliŤre. Ils ont un porte-cartouches de cuir brun avec une plaque blanche sur laquelle est imprimť en relief l'arbre de la libertť avec le bonnet, mais sans inscription. Enfin, ils ont un grand manteau bleu bordť d'un cordonnet rouge, muni d'un ample rabat qui leur sert de capuchon. Dans l'action, principalement quand ils sont attaquťs, ils s'abaissent fort avant sur leurs chevaux et savent adroitement se servir de la pointe de leur sabre, au maniement duquel ils s'appliquent singuliŤrement dans leurs moments de loisir, ce qui leur procure un avantage dťcisif sur leurs ennemis, qui n'ont ni la mÍme dextťritť ni la mÍme vitesse quand mÍme ils auraient la mÍme bravoure. ęLes chasseurs ŗ cheval sont de crťation moderne et forment dans les armťes franÁaises une trŤs nombreuse cavalerie. Leur service approche assez de celui des dragons, exceptť qu'on les employe plus communťment ŗ la dťcouverte; ŗ battre les bois toujours en avant de l'armťe. Leur uniforme est un habit vert foncť ŗ collet droit, parements, revers et boutons blancs comme ceux des grenadiers ŗ cheval, culotte de peau et veste blanche. Leur habit un peu court a la doublure blanche, les poches en long avec trois boutons sur les pattes. Ils portent des bottes molles, genouillŤres de mÍme. Il n'est pas possible de donner une description exacte de leur bonnet ou casque. Il a la forme du bonnet de libertť, il est de cuir fortement battu et surmontť d'une touffe de crins de cheval ou de peau d'ours de la largeur de la main. Cette coiffure est entourťe d'une bande de toile cirťe jaune et tigrťe. De chaque cŰtť, une chaÓne de laiton qui, en remontant, forme un angle aigu. Autour du cou, ils ont des cols ou des cravates noires. Les bas officiers se distinguent dans ce corps comme dans celui des grenadiers ŗ cheval par quelques ganses sur les manches, mais qui dans ce corps-ci sont tressťes des couleurs nationales. Leurs armes sont le mousqueton carabine, deux pistolets, un long sabre ŗ monture de laiton dont la pointe a huit pouces de double tranchant. Ils le portent en bandouliŤre ŗ un ceinturon de cuir. Le porte-cartouches est de cuir noir avec une plaque jaune et le sceau constitutionnel en relief. Ils ont des manteaux de la couleur de l'habit: l'un et l'autre sont bordťs d'un cordonnet rouge. Ils ont des chevaux de douze ŗ treize paumes. C'est la partie la plus nombreuse de la cavalerie. ęL'on n'a rien changť au reste de la cavalerie, l'ajustement et les armes sont les mÍmes, aux boutons prŤs qui sont comme ceux des grenadiers et des chasseurs; les cavaliers ont une cocarde avec une aigrette tricolore ŗ leur chapeau. ęL'habillement des chasseurs ŗ pied est peu diffťrent de celui des chasseurs ŗ cheval, si ce n'est que l'habit est plus long et va jusqu'aux genoux. Ils ont les mÍmes casques, ainsi que vestes et culottes; et des bottines trŤs lťgŤres de cuir de boeuf. Les bas officiers ont deux ťpaulettes pour les distinguer des simples chasseurs. Ils ont pour armes un fusil avec une baÔonnette et un sabre comme celui des grenadiers qu'ils portent en bandouliŤre. Le porte-cartouches est de cuir noir avec une plaque jaune aux armes de la patrie. Les chasseurs et les troupes de ligne forment l'ťlite de l'infanterie. Il y a par bataillon ou par compagnie un certain nombre de chasseurs de profession, armťs de carabines et de poignards; au lieu de giberne, ils ont une flasque (poire ŗ poudre). Ils sont distinguťs des autres par un collet rouge sur l'habit et une ťpaulette tricolore sur l'ťpaule droite. Cette troupe rend de trŤs grands services en ce qu'elle est ťgalement propre au service des troupes de ligne et des troupes lťgŤres. ęIl n'est pas aisť de donner une description exacte des gardes nationales ni de les ranger dans une classe quelconque. Mais l'on doit Ítre convaincu qu'elles se battent bien, quoiqu'il s'en trouve parmi qui ne sont vÍtus que de jaquettes et chemisolles, de _sareaux_ de toile ou d'habits de toute couleur, des vestes de piquť ou d'indienne, et des culottes de toute faÁon. La plupart cependant ont des habits d'un bleu foncť avec collets rouges ou blancs, boutons jaunes ou blancs, oý le bonnet ou l'arbre de la libertť est empreint. En partie, ils portent des _gamaches_ ou guÍtres; beaucoup vont en souliers et en bas de soye; mais tous gťnťralement portent ŗ leur chapeau de petits objets qui font allusion ŗ la Libertť et ŗ l'…galitť. Ils ont tous un fusil et une baÔonnette; quelques uns ont des porte-cartouches, d'autres n'en ont point, il en est de mÍme de l'ťpťe. Au lieu de havre-sac, ils ont un sac de poche dans quoi ils portent leurs hardes. ęL'on appelle ŗ prťsent _lťgion_ des troupes de cultivateurs franÁais, partie mis en rťquisition et partie gens de bonne volontť. Leur habillement n'est autre que le vÍtement ordinaire aux gens de la campagne. Ils sont coiffťs de bonnets, de chapeaux de diffťrentes formes, mais toujours avec la cocarde nationale. Tous ont des bas bleus avec une jarretiŤre bouclťe de faÁon que le bas fait auprŤs du genou une espŤce de petit bourrelet. Leurs culottes sont toutes diffťrentes les unes des autres: de drap, de toile de toute sorte de couleur jusqu'ŗ de peau noire. Leurs souliers sont fermťs avec des attaches bleues ou noires. Leurs armes sont la lance ou la pique dont le manche a ŗ peu prŤs six pieds et est peint des couleurs nationales. Quelques-uns ont un fusil avec la baÔonnette. D'autres ont autour du corps une ceinture, ŗ la gauche de laquelle est attachť un pistolet. Ce sont pour la plupart ceux qui portent des piques. Plusieurs ont, outre cela, des ťpťes de parade, des poignards ou autres armes blanches pendues au cŰtť. Il y a auprŤs de chaque armťe une ou deux lťgions, selon que l'armťe est nombreuse. Chaque lťgion est forte d'environ sept mille hommes. Ce sont des officiers et des bas officiers tirťs des invalides qui les commandent, avec quelques autres qu'ils ont ťlus eux-mÍmes parmi eux. ņ chaque lťgion se trouve un gťnťral de brigade ou un brigadier. ęCes lťgions ne reÁoivent ni pain ni paye; elles pourvoyent elles-mÍmes ŗ leur entretien. Les hommes y sont tenus ŗ un an de service; elles ne se montrent jamais en rase campagne et ne se rangent point en bataille. Elles ne laissent pas que d'inquiťter beaucoup les armťes ennemies...Ľ PLANCHES I G…N…RAL DE DIVISION D'aprŤs une gravure de la collection Dubois de l'…tang, (Ensemble rťduit aux deux tiers de l'original.) Plumet tricolore surmontant trois plumes rouges. Habit bleu ŗ collet rouge rabattu; galon d'or au chapeau, aux manches, aux poches et au collet. Culotte blanche, bottes noires; ťcharpe rouge ŗ frange dorťe. Dragonne dorťe ŗ la poignťe du sabre; le fourreau est garni de cuivre dorť. Cette figure jeune ne doit pas surprendre ŗ l'ťpoque oý un simple officier pouvait franchir quatre grades en vingt-quatre heures pour perdre aussitŰt le commandement s'il ne justifiait pas cette confiance par une victoire. [Illustration: I] II ADJUDANT G…N…RAL MÍme provenance ęEn tenue de campagneĽ, dit la lťgende. Le ceinturon dorť, le chapeau ŗ plumes et ŗ glands contrastent bien un peu avec la sťvťritť de cette longue capote bleue ŗ collet rouge rabattu. Mais il ťtait bon que l'adjudant gťnťral fŻt aperÁu de tous, car c'ťtait un vťritable chef d'ťtat-major, classť hiťrarchiquement au-dessous du gťnťral de brigade, mais au-dessus du colonel. [Illustration: II] III HUSSARD D'aprŤs un recueil d'uniformes gravťs ŗ Augsbourg en 1802. (Bibl. nat. Estampes O 34 B. A.) Shako noir entourť d'une flamme de drap noir ŗ passepoil bleu. Panache vert et rouge. Cordon blanc avec gland retombant ŗ droite du shako. Dolman brun-marron soutachť de blanc et fourrť de noir. Culotte bleue soutachťe de blanc. Sabretache orangťe avec ornements de cuivre. Demi-bottes noires. L'inclinaison prononcťe du shako paraÓt un peu forcťe par les dimensions du panache: elles sont telles que l'ťquilibre serait compromis si la verticale ťtait conservťe. [Illustration: III] IV OFFICIERS ET SOLDATS D'INFANTERIE MÍme provenance. L'officier porte un panache rouge. Habit bleu ŗ col et parements rouges. Revers blancs ŗ passe poil rouge. Gilet et pantalon collant blancs. Sac au dos. Hausse col dorť. La main droite s'appuie sur une canne. Le fantassin placť derriŤre lui a les guÍtres noires et la culotte de nankin. Habit bleu ŗ revers blancs. Le bonnet ŗ poil du grenadier rappelle trop celui des grenadiers autrichiens pour ne pas avoir ťtť pris dans un magasin de l'ennemi. Ce qui confirmerait dans cette idťe, c'est qu'il est visiblement trop ťtroit pour la tÍte de notre homme. Gilet rayť blanc et rouge; cravate rayťe blanc et bleu; celle-ci encadre le menton comme une cravate ŗ la Garat. …paulette rouge; plumet tricolore; pantalon nankin. MÍme habit que le prťcťdent. [Illustration: IV] V SOLDAT D'INFANTERIE MÍme provenance. Celui-ci offre un specimen du genre nťgligť. Il a le mÍme habit et le mÍme chapeau, mais son pantalon quadrillť bleu‚tre porte au genou une forte piŤce d'ťtoffe diffťrente. Des souliers, il n'a conservť que les semelles sur lesquelles l'empeigne taillťe fait l'office de courroies de sandales. Pas de gilet. Cravate l‚che. L'habit ouvert laisse largement passer la chemise. [Illustration: V] VI CAVALIERS MÍme provenance. Habit bleu ŗ revers rouges. Collet, culotte et buffleteries blancs. Bottes et chapeau noirs. Panaches roses. Cravate jaun‚tre. On sait qu'il y avait alors ŗ cŰtť des hussards, des dragons, et des chasseurs, des rťgiments de _cavalerie_ proprement dite. C'ťtait, moins la cuirasse et le casque, ce que nous avons appelť ensuite la grosse cavalerie. [Illustration: VI] VII OFFICIERS D'ARTILLERIE MÍme provenance. L'un de ces deux officiers semble appartenir ŗ l'artillerie lťgŤre; il porte le casque de cuivre du dragon ornť d'un panache rouge, ce qui dut Ítre une exception; l'autre a conservť le chapeau ŗ cornes en usage dans l'artillerie ŗ pied. Leurs uniformes sont complŤtement bleus avec passepoil rouge. Des soutaches rouges ornent le pantalon et le gilet. Les poignťes de sabre affectent des formes diverses, les bottes sont de mÍme fortes et lťgŤres. Ce qui ne varie point, c'est le type des figures, qui sont rasťes et ornťes seulement de petits favoris trŤs courts. [Illustration: VII] VIII CHASSEUR ņ CHEVAL D'aprŤs les _Abbildung franzŲsischen_, Leipzig. 1794. Casque noir ŗ courte criniŤre semblant retomber devant et derriŤre. Habit et pantalon collant vert avec passepoil rouge; des galons rouges, blancs et bleus sont disposťs sur la chausse de faÁon ŗ former une pointe tricolore. On trouve dans le supplťment _Uniformes_ une description plus complŤte de l'armement et de l'uniforme de cette cavalerie. [Illustration: VIII] IX VOLONTAIRE DU 1er BATAILLON DE PARIS MÍme provenance. Casque noir ŗ demi-criniŤre droite et ŗ ornements de cuivre; il est entourť d'une bande tigrťe, habit bleu, avec revers et retroussťs blancs. Culotte blanche, guÍtres noires, ťpaulettes vertes. Voir ťgalement dans notre supplťment _Uniformes_ les dťtails qui concernent les gardes nationaux volontaires. [Illustration: IX] X DRAGON ET HUSSARD Bibl. nat. OB. 32 V Le dragon est conforme au type dťcrit dans notre supplťment. Son casque est sans visiŤre; une ťpaisse criniŤre augmente encore le caractŤre ťnergique d'un profil dotť de longues moustaches. Son compagnon le hussard nous offre le profil de cette coiffure ťtonnante qu'on a dťjŗ vue planche III. Le panache rouge n'a rien perdu de ses dimensions: il est nťgligemment entourť d'une flamme marron ŗ passepoil rouge. Dolman et pantalon verts; collet et soutaches rouges. Les gants sont jaunes; le fourreau du sabre est en cuir garni de cuivre. [Illustration: X] XI HUSSARD MÍme provenance. Les hussards rťpublicains qu'on reprťsente d'ordinaire sont conformes au type de nos planches III et X. Celle-ci prouve qu'il y en avait un autre ne portant pas le dolman ŗ tresses, mais un habit vert ŗ revers et ŗ pans longs, collet et parements roses. Pantalon et gilet verts; le pantalon est protťgť par une basane fauve dont les bords sont dťchiquetťs ŗ la grecque. Il boutonne sur le cŰtť selon le modŤle qui fut baptisť du nom de _chutmari_. La bande est rouge. La coiffure reste seule identique: tresses de cheveux tombant sur le devant pour encadrer le visage, shako entourť d'une flamme noire ŗ passe poil rouge que fixe un cordon blanc; panache rouge. D'oý part le sous-pied qui rattache le pantalon dťboutonnť ŗ ce soulier muni d'ťperon?... MystŤre! [Illustration: XI] XII GRENADIER ņ CHEVAL D'aprŤs les _Abbildung franzŲsischen_, Leipzig. 1794. (Bibl. nat. Estampes OA, 106. C.) Son uniforme, son armement et son ťquipement rťpondent ŗ la description trŤs complŤte donnťe dans notre supplťment. Bonnet ŗ poil brun avec plaque blanche, plumet et cordon rouges. Rabat bleu ŗ revers et collet rouges, retroussis et basques, gilet et culotte blancs. Bottes noires, gants ŗ manchettes de buffle. Schabraque bleue galonnťe de jaune. [Illustration: XII] XIII TAMBOUR D'aprŤs un recueil gravť ŗ Augsbourg en 1802. (Bibl. nat. Estampes OB, 32. A.) Le baudrier de buffle flotte tout avachi: l'enfant a dťcrochť son gros tambour retenu sur l'ťpaule ŗ l'aide d'une bretelle qui devrait aller rejoindre le cercle de la caisse. Cette charge n'est pas commode, son corps ballotte dans son habit bleu qui est trop large; son chapeau ŗ pompon rouge est aplati comme un chapeau d'arlequin. Le pantalon de nankin laisse voir des chevilles nues, les souliers sont devenus savates, mais cela n'empÍche pas le gamin de marcher fiŤrement ŗ grandes enjambťes. La planche XX montre que presque tous nos tambours ťtaient alors des enfants. Et quand on pense qu'un ministre de la guerre a rognť nos tambours de moitiť avant 1870 pour ne pas incommoder des hommes faits! [Illustration: XIII] XIV FANTASSIN ET SOUS-OFFICIER D'aprŤs une gravure allemande de 1796. (BibliothŤque nationale Estampes, collection Hennin.) L'air posť et la tenue presque rťguliŤre du sous-officier contrastent avec la pose lamentable du soldat. La cravate pend; les manches de son habit vert sont dťchirťes; il n'a plus qu'un bas de couleur brune, le pan de sa culotte nankin menace ruine. Une cuiller et une fourchette ŗ deux pointes, croisťes derriŤre sa cocarde de chaque cŰtť du pompon, complŤtent son air de soldat maraudeur. Un mouchoir serrť au biceps semble protťger une blessure. Type analogue ŗ nos numťros X et XVII. [Illustration: XIV] XV CHASSEURS ņ PIED D'aprŤs un recueil gravť ŗ Augsbourg en 1802. (Bibl. nat. Estampes OB, 32. A.) Ces chasseurs diffŤrent un peu du type dťcrit dans notre supplťment. L'un, qui semble un caporal, porte le casque de volontaire. Son habit court est de couleur noire ŗ parements bleus. Pantalon bleu‚tre ŗ raies bleu foncť. Cravate jaune. …paulettes rouges. Galons blancs sur la manche. Son voisin a l'uniforme complŤtement noir, avec collet et retroussis bleu clair. Son chapeau est placť ŗ rebours. …paulettes et panaches rouges; buffleteries jaun‚tres. Les souliers ont ťtť transformťs en savates retenues par des cordelettes croisťes au-dessus de la cheville du pied qui est un comme toujours. [Illustration: XV] XVI GRENADIER DE LA LIGNE D'aprŤs les _Abbildung franzŲsischen_, Leipzig. 1794. (Bibl. nat. Estampes OA, 106. C.) Bonnet ŗ poil noir avec plaque de cuivre. Habit, veste et culotte blancs. Les revers, le collet et les parements sont rouges, les guÍtres noires. Il ne porte point de havre-sac mais on voit une sorte de besace pendre ŗ cŰtť de sa giberne. C'est un dernier ťchantillon de l'ancienne armťe qui va prendre l'habit bleu au moment oý l'embrigadement fondra les rťgiments et les bataillons de volontaires. [Illustration: XVI] XVII VOLONTAIRES D'aprŤs une gravure allemande de 1796. (BibliothŤque nationale Estampes, collection Hennin.) Le volontaire casquť sent d'une lieue son faubourg. Ami d'un certain luxe, il a retroussť sa manche pour montrer un bout de manchette, il fait exhibition d'un mouchoir de poche ťlťgamment nouť ŗ sa buffleterie et une breloque de parure descend sur sa cuisse gauche. Le noeud coquet de sa grosse cravate, la cuiller qui montre sa tÍte au revers de l'habit et le pain empalť dans sa baÔonnette sont autant de dťtails caractťristiques. L'un de ses souliers est retenu par une boucle. L'autre est nouť avec une ficelle. Zťbrť d'un cŰtť, quadrillť de l'autre, comme ces chausses en partie du moyen ‚ge. Le pantalon blanc rayť de bleu est trop court pour ne pas avoir appartenu ŗ quelque frŤre d'armes. Nous avons dťcrit l'assortiment gastronomique du voisin dans le supplťment: son bonnet de police bleu ŗ turban rouge est ŗ remarquer comme un ťchantillon du modŤle primitif. [Illustration: XVII] XVIII CUIRASSIERS D'aprŤs la gravure de Zix (Fac-similť rťduit aux deux tiers de l'original.) Zix est un artiste strasbourgeois qui a pu ťtudier d'aprŤs nature les soldats de l'armťe de Rhin et Moselle. Non content d'un supplťment d'illustrations pittoresques pour la partie gťographique du _Journal de Fricasse_, mon ami Charles Mehle a bien voulu mettre la gravure de Zix ŗ ma disposition. Mais leur dimension rendait la reproduction difficile. J'ai dŻ me contenter de dťtacher un groupe de deux cuirassiers attablťs sur le seuil d'une maison alsacienne. On sait que les cuirassiers formŤrent en 1799 le 8e rťgiment de cavalerie. De lŗ leur ressemblance avec les cavaliers de l'autre planche VI. [Illustration: XVIII] XIX HUTTES DE CAMPEMENT D'aprŤs une gravure datťe du 14 aoŻt 1796. (Bibl. nat. Estampes, collection Hennin.) Ces huttes ou abris, dont-il est question dans notre journal, ťtaient faites de branchages. On voit qu'elles affectent trois formes: une forme oblongue, destinťe sans doute aux soldats; une forme pyramidale, moins spacieuse, destinťe aux sous-officiers; une forme conique, dont la clŰture plus complŤte annonce un campement d'officiers. Le factionnaire qui veille ŗ la porte ne laisse aucun doute sur ce dernier point. Il sonne en ce moment d'un cornet d'appel, ce qui lui donne les doubles fonctions de sentinelle et de trompette de garde. [Illustration: XIX] XX RASSEMBLEMENT D'INFANTERIE D'aprŤs une gravure allemande conservťe dans la collection Dubois de l'…tang. Voici la traduction de son titre: Vťritable reprťsentation d'une parade de la garde franÁaise ŗ Mannheim au mois d'octobre 1795. (Fac-similť rťduit au tiers de l'original.) Cette planche est excessivement ennemie. On ne doit pas prendre son titre au pied de la lettre. Le dessinateur allemand, que je tiens d'ailleurs pour sincŤre, a pris le moment non de la parade proprement dite, mais du rassemblement qui la prťcŤde. Logťs chez les bourgeois de la ville, les soldats arrivent petit ŗ petit et se portent sur le front de l'alignement indiquť par les trois officiers qui viennent de mettre le sabre ŗ la main. Dans cette troupe figurent, selon l'usage, des dťtachements de tous les corps de passage dans la place et certainement aussi des soldats isolťs, ťclopťs, utilisťs pour le service. De lŗ, un coup d'oeil fortement bigarrť que l'artiste aura exagťrť encore pour offrir des modŤles de chaque espŤce. Les quatre petits tambours qui se font la main ŗ l'extrÍme droite suffiraient ŗ montrer que le commandement ne s'est pas fait encore entendre. Ce sont des enfants dont le plus ‚gť n'a pas atteint sa douziŤme annťe. DerriŤre eux, le tambour-major charme son attente par quelques moulinets de fantaisie. Les officiers, vus au dos, ont une ample capote grise ou brune, sur laquelle tranche seul le hausse-col, insigne du commandement. Les soldats semblent tous appartenir soit aux bataillons des volontaires, soit aux _lťgions_ rurales dont il est question dans notre supplťment. On remarque, en effet, en seconde ligne, des bonnets fourrťs, des chapeaux de paysans; on voit se dresser une des piques qui figuraient encore dans l'armement de ces non combattants. L'un d'eux, sapeur primitif, tient la hache sur l'ťpaule et la pipe ŗ la bouche. Son voisin porte un pantalon ŗ la turque, et paraÓt vouloir dissimuler sous une couverture blanche les dťsastres de son uniforme. Tous n'ont pu dissimuler ainsi leurs tenues en lambeaux. Beaucoup de chaussures sont avariťes; un jeune soldat a les pieds complŤtement nus. En revanche, ce qui ne manque nulle part, c'est la cuiller: chacun porte ŗ la boutonniŤre, au chapeau ou au bonnet ce prťcieux ustensile. Quelques bidons et marmites se remarquent aussi, Áŗ et lŗ; les pains sont trouťs pour le passage d'une corde qui les retient au cŰtť, ŗ moins qu'ils ne soient passťs ŗ la baÔonnette. Un quartier de viande est mÍme ainsi exhibť ŗ cŰtť du porteur de pique. Il est ŗ remarquer qu'il n'y a pas ici un seul des panaches qui abondent dans nos planches prťcťdentes. Mais nous sommes en 1795 et les FranÁais qui viennent d'entrer ŗ Mannheim ont fait une campagne fort rude. Leurs habits bleus ne sont pas seulement usťs par la victoire, ils sont surtout trouťs et dťchirťs par les marches et les bivouacs des nuits d'hiver. De lŗ ce coup d'oeil ťtrange, qui dťpasse encore, il faut bien l'avouer, tout ce qu'on pouvait supposer de l'aspect des troupes rťpublicaines. Mais la pauvretť de leur aspect ne peut que grandir encore le souvenir de leur courage et de leur patriotisme. [Illustration: XX] NOTES [1: Voyez entre autres les pages 37, 55, 64, 170, 117, 171, 174 [du livre original]. Et ce ne sont pas les seules.] [2: Le rťtablissement de l'orthographe des noms de lieux, gťnťralement dťfigurťs, offrait des difficultťs particuliŤres que je ne suis pas sŻr d'avoir surmontťes toujours. En cas de doute, j'ai usť du point d'interrogation.] [3: Le nom de Ch‚teau-Vilain a dťfinitivement survťcu.] [4: En 1791, on avait dťjŗ formť des bataillons de garde nationale destinťs ŗ entrer dans le cadre de l'armťe. Soult rappelle, au dťbut de ses _Mťmoires_, qu'il se trouvait alors en garnison ŗ Schelestadt avec le premier bataillon du Haut-Rhin. Ce corps ťtait nombreux, dit-il, animť d'un bel esprit, mais fort peu de ses officiers ťtaient capables. On trouvera dans le nį 1 de notre supplťment un extrait intťressant des _Mťmoires de Cagnot_ sur les effets de la levťe en masse qui fut ensuite dťcrťtťe.] [5: Les _papiers publics_, les journaux.] [6: Les casernes ChambiŤre ont en effet toujours passť pour malsaines, en raison des eaux stagnantes des fosses qui sont dans leur voisinage.] [7: L'armťe du prince de Cobourg avait en effet occupť la forÍt de Mormal en bloquant Le Quesnoy. ęDe faibles dťtachements franÁais observaient ses mouvements, dit Soult; ils ne purent l'empÍcher de dťployer les immenses moyens qu'on avait prťparťs pour rťduire la place, elle capitula le 11 septembre, aprŤs avoir soutenu quinze jours de tranchťe. Dans le temps qu'elle succombait, des efforts tardifs ťtaient faits pour la dťgager: ŗ Avesnes, par une division sortie de Cambrai, ŗ Fontaine, par une autre division sortie de Landrecies: ŗ l'entrťe de la forÍt de Mormal, par une colonne partie du camp de Maubeuge.Ľ Cette derniŤre colonne est celle dont il est ici question.] [8: Les dťtails du texte sont confirmťs par un nouveau passage des _Mťmoires_ de Soult; la lťgŤre diffťrence donnťe dans l'ťvaluation des troupes est plus qu'annulťe par le renfort qui arrive ensuite ŗ l'ennemi.] [9: L'armťe de Jourdan ne comptait en rťalitť que 45,000 combattants; ils ne venaient pas de la Vendťe, mais des camps de l'armťe du Nord et de l'armťe des Ardennes. On trouvera dans le numťro 2 de notre supplťment un ťmouvant rťcit du combat qui amena la levťe du blocus de Maubeuge; il est extrait des _Mťmoires de Carnot_, par son fils. (Paris, Pagnerre, 1862. Tome I, page 399). Les dťtails remarquables qu'on y trouve formaient un complťment nťcessaire de notre texte.] [10: Allusion ŗ la fameuse ronde rťvolutionnaire dite: _carmagnole_. On la retrouve ŗ la page du 7 octobre.] [11: Le propos a ťtť en effet attribuť au prince de Cobourg, qui commandait alors l'armťe assiťgeante.] [12: …changer des coups de fusil.] [13: Le marťchal Soult donne les dťtails suivants sur le combat de Grandreng. ęL'ťchec ťprouvť par la colonne du centre rendit inutile le mouvement du gťnťral Mayer sur Haulchin, et permit au prince de Kaunitz de marcher au soutien de sa droite, ŗ Grandreng, en dťgarnissant sa gauche. Le gťnťral Dťjardins avait dťjŗ enlevť quelques redoutes, et il pťnťtrait dans le village, quand tout ŗ coup ses deux divisions sont elles-mÍmes assaillies et dťbordťes par la cavalerie autrichienne. Elles font, avec l'appui da la brigade Duhesme, un dernier effort pour rentrer ŗ Grandreng; mais elles ťchouent de nouveau et sont obligťes de prťcipiter leur retraite pour repasser la Sambre, malgrť l'appui qu'elles reÁoivent de la rťserve de cavalerie. Le gťnťral autrichien acquit l'honneur de cette journťe en rendant ses forces mobiles, de la gauche au centre, et du centre ŗ la droite, oý il prit successivement la supťrioritť. Ses pertes furent beaucoup moindres que celles des FranÁais, qui sacrifiŤrent plus de quatre mille hommes et douze piŤces de canons.Ľ] [14: ęLes revers du 13 avaient irritť les reprťsentants sans les ťclairer; ils ordonneront un nouveau passage, mais les opťrations, encore plus mal dirigťes que la premiŤre fois, eurent pour rťsultat des pertes beaucoup plus grandes. (SOULT.)] [15: Le marťchal Soult dit ici: ęIl faut aussi admirer la docilitť des troupes, qu'aucun revers ne put abattre, et dťplorer que, soumises ŗ la tyrannique autoritť des reprťsentants, elles n'aient point eu ŗ leur tÍte des chefs dignes de les diriger. Depuis quinze jours, les corps qui ťtaient sur la Sambre avaient perdu plus de quinze mille hommes et la moitiť de leur matťriel; les soldats manquaient de vivres et avaient le plus grand besoin de repos. Les gťnťraux en firent la demande ŗ Saint-Just; dans le conseil, Klťber fit observer qu'on allait voir arriver, avant dix jours, l'armťe de la Moselle, dont nous parlerons bientŰt, et qu'il n'y avait qu'ŗ l'attendre, en s'occupant de rťparer les pertes de l'armťe, pour reprendre alors les opťrations avec d'autant plus de vigueur. Mais l'implacable Saint-Just ne voulut rien accorder, ŗ peine daigna-t-il rťpondre: _Il faut demain une victoire de la Rťpublique. Choisissez entre un siŤge ou une bataille_. Il fallait choisir, on marcha, le 26 mai, sur Charleroi. Malgrť les succŤs qu'il venait de remporter, le prince de Kaunitz avait ťtť remplacť par le prince d'Orange dans le commandement. Les troupes alliťes ťtaient sur la Sambre, pour en dťfendre le passage; elles occupaient en outre, au-dessus de Marchiennes-au-Pont, le camp retranchť de la Tombe, qui couvrait Charleroi. Klťber et Marceau ťtaient chargťs de l'attaquer, et le gťnťral Fromentin d'emporter le pont de Lernes. Ces deux attaques manquŤrent par l'excessive fatigue des troupes, qui montrŤrent de l'hťsitation et restŤrent exposťes au feu le plus vif, plutŰt que d'avancer. ņ la nuit, les ennemis ťvacuŤrent cependant le camp, en ne laissant dans Marchiennes qu'un poste fortifiť.Ľ (SOULT.) --Ce dernier alinťa explique comment notre sergent va parler de retraite aprŤs avoir parlť d'une victoire qui ťtait sans doute un avantage partiel sans rťsultat sur l'ensemble de la journťe.] [16: Chiffre singuliŤrement exagťrť. Soult rapporte un triste ťpisode du siŤge: ęLe colonel Marescot dirigeait les opťrations du gťnie, sous les yeux des gťnťraux Jourdan et Hutry; on avait un ťquipage d'artillerie suffisant et les reprťsentants Saint-Just et Lebas se tenaient au pied de la tranchťe pour presser les travaux. Un jour, ils visitaient l'emplacement d'une batterie que l'on venait de tracer: ęņ quelle heure sera-t-elle finie?Ľ demanda Saint-Just au capitaine chargť de la faire exťcuter.--Cela dťpend du nombre d'ouvriers qu'on me donnera, mais on y travaillera sans rel‚che, rťpond l'officier.--Si demain, ŗ six heures, elle n'est pas en ťtat de faire feu, ta tÍte tombera!...Ľ Dans ce court dťlai, il ťtait impossible que l'ouvrage fŻt terminť; on y mit cependant autant d'hommes que l'espace pouvait en contenir. Il n'ťtait pas entiŤrement fini, lorsque l'heure fatale sonna. Saint-Just tint son horrible promesse: le capitaine d'artillerie fut immťdiatement arrÍtť et envoyť ŗ la mort, car l'ťchafaud marchait ŗ la suite des fťroces reprťsentants. Si nous n'avions pas remportť la victoire, la plupart de nos chefs auraient subi le mÍme sort. Nous apprÓmes plus tard que Saint-Just avait portť sur une liste de proscription plusieurs gťnťraux de l'armťe, et qu'il m'y avait compris, quoique je ne fusse encore que colonel.--Jourdan devait Ítre sacrifiť le premier; il avait remplacť Hoche dans le commandement, et il avait, comme lui, encouru la haine du reprťsentant par la courageuse rťsistance qu'il opposait ŗ ses volontťs, lorsque la prťsomptueuse ignorance de Saint-Just prťtendait diriger les opťrations militaires. (SOULT.)] [17: Le marťchal Soult complŤte ainsi le rťcit de cette journťe. ęIl ťtait sept heures du soir. Depuis quelques moments, le combat avait cessť aux ailes; on le laissa finir au centre sans poursuivre les ennemis. …puisťs de fatigue et de besoin, les soldats pouvaient ŗ peine se tenir debout, et ils manquaient aussi de munitions. Il n'y avait aucune possibilitť de continuer la poursuite, quelques avantages qu'on eŻt pu recueillir; officiers et soldats, tous s'ťcriaient: ęUn pont d'or ŗ l'ennemi qui s'en va!Ľ et l'on donna aux troupes un repos indispensable. Le lendemain, il n'y eut point de mouvement; il fallait se remettre d'une pareille journťe et ramasser les dťbris qui couvraient le champ de bataille. On compta les pertes; les nŰtres s'ťlevŤrent ŗ prŤs de cinq mille hommes hors de combat, et, par le nombre des morts, on ťvalua celles de l'ennemi ŗ plus de sept mille hommes; de part et d'autre il n'y eut que peu de prisonniers. Parmi ceux que nous fÓmes, il se trouva des FranÁais, faisant partie du rťgiment Royal-Allemand et de celui de Berching-hussard, auxquels la loi rendue contre les ťmigrťs pris les armes ŗ la main ťtait applicable. Pas un soldat n'eut la pensťe qu'il fŻt possible de livrer ŗ l'ťchafaud ceux que nous venions de combattre face ŗ face. Pendant la nuit, nous leur facilit‚mes les moyens de s'ťchapper, en nous bornant ŗ leur dire qu'ils fussent ailleurs expier l'erreur de s'Ítre armťs contre leur patrie; plusieurs revinrent plus tard se placer dans nos rangs. On a sauvť ainsi dans le cours de la guerre, un grand nombre de FranÁais qui ťtaient dans le mÍme cas, et ils ont reÁu parmi nous protection et avancement; beaucoup d'entre eux ont ainsi obtenu d'Ítre ťliminťs de la liste fatale et de rentrer dans leurs biens confisquťs. Nous devons croire qu'ils en ont conservť de la reconnaissance.Ľ] [18: Ceci est bien confirmť par le rťcit du marťchal Soult: ęDans nos rangs, l'enthousiasme allait croissant avec le danger; depuis le commencement de l'action, et pendant toute sa durťe, le cri de ralliement de l'avant-garde fut toujours: ęPoint de retraite aujourd'hui, point de retraite!Ľ Aussi, tout ce qui vint se heurter contre elle fut-il brisť. Environnťe de sanglants dťbris, son camp en flammes, la plupart de ses canons dťmontťs, ses caissons faisant explosion ŗ tout moment, des monceaux de cadavres comblant les retranchements, les attaques les plus vives sans cesse renouvelťes, rien n'ťtait capable de l'intimider, pas mÍme l'incendie de la campagne qui nous environnait de toutes parts. Les champs, couverts de blť en maturitť, avaient ťtť enflammťs par notre feu et par celui de l'ennemi; on ne savait oý se placer pour l'ťviter; mais nous ťtions bien dťterminťs ŗ ne sortir que victorieux de ce volcan.Ľ Le courage des chefs avait, sur plus d'un point, seul pu maintenir les troupes, comme le montre bien cet autre passage: ęAvant six heures du matin, les alliťs avaient fait des progrŤs, et les divisions des Ardennes repassaient la Sambre, dans un complet dťsordre, aux ponts de Tamine et Ternier, laissant leur gťnťral garder seul, avec ses officiers et quelques ordonnances, la position qu'elles venaient de quitter. J'avais ťtť envoyť par le gťnťral Lefebvre, pour m'assurer de l'ťtat de notre droite, et pourvoir aux dispositions que les circonstances exigeraient. Je joignis Marceau entre les bois de Lťpinoy et le hameau du Boulet, au moment oý les ennemis allaient l'entourer. Il les dťfiait, et dans son dťsespoir, il voulait se faire tuer, pour effacer la honte de ses troupes. Je l'arrÍtai: ęTu veux mourir, lui dis-je, et tes soldats se dťshonorent: vas les chercher et reviens vaincre avec eux! En attendant, nous garderons la position ŗ droite de Lambusart.--Oui, je t'entends, s'ťcrie Marceau, c'est le chemin de l'honneur! J'y cours; avant peu je serai ŗ vos cŰtťs. Deux heures aprŤs, il avait ramenť les plus braves, et il prenait part ŗ nos succŤs.Ľ--Ces extraits donnent une idťe de la phrasťologie du temps; on employait volontiers les grands mots dont on se moque aujourd'hui, mais les actes aussi ťtaient grands, ce que les moqueurs ne doivent pas non plus oublier.] [19: Cette image poťtique aurait lieu de surprendre si on ne se reportait aux chansons populaires d'autrefois oý la mythologie jouait toujours un grand rŰle.] [20: Fournitures de casernement.] [21: On avanÁait l'embrigadement. Cette opťration importante se faisait avec la plus grande rigiditť; les gťnťraux devaient choisir, sous leur responsabilitť, parmi les chefs de bataillon, les plus capables pour les dťsigner comme chefs de brigade. Les instructions des reprťsentants du peuple portaient: ęLes grades ne sont pas la propriťtť des individus; ils appartiennent ŗ la Rťpublique, qui a droit de n'en disposer qu'en faveur de ceux qui sont en ťtat de lui rendre des services.Ľ Trois fois plus forts qu'avant leur rťunion, les nouveaux corps prťsentaient plus de rťgularitť dans leur ensemble et plus de confiance en eux-mÍmes.] [22: …mu par l'audace avec laquelle nos fantassins s'ťtaient jetťs ŗ l'eau pour forcer le passage de la RoŽr, malgrť le courant de l'eau, l'encaissement de la riviŤre et les retranchements de la rive opposťe, l'ennemi battit en retraite sur Cologne.] [23: Cette victoire de la RoŽr, qui fit honneur au gťnťral Jourdan et ŗ ses troupes, assura en effet l'ťvacuation complŤte de la Belgique.] [24: Mais il n'y eut que trente jours de tranchťe ouverte. La garnison se comporta vaillamment. On trouva dans la place 350 bouches ŗ feu et un matťriel considťrable.] [25: Le 29 fťvrier 1795, la Hollande ťtait en effet conquise et le 16 mai suivant, elle signait avec la France un traitť d'alliance qu'elle observa fidŤlement jusqu'au jour oý Napolťon voulut imposer un roi ŗ la nation que la Rťpublique avait respectťe.] [26: Ce traitť ne fut signť que le 5 avril 1795 ŗ B‚le. La Prusse nous abandonnait alors toutes ses possessions sur la rive gauche du Rhin.] [27: Le marťchal Soult servait alors comme colonel dans la division de notre sergent. Il dit aussi: ęNous souffrÓmes beaucoup par le manque de subsistances, au point qu'on fut obligť de rťduire la ration d'un tiersĽ. (_Mťmoires_, t. I, p. 200.)] [28: Dťprťciation inťvitable par suite du cours forcť qui fit tirer de 1790 ŗ 1796, pour _quarante-cinq milliards_ d'assignats. On sait que les vingt-quatre milliards encore en circulation lors de la liquidation dťfinitive furent ťchangťs contre _huit cent millions_ de biens nationaux.] [29: Voir la note du 7 germinal.] [30: Dans ses _Mťmoires_ (tome I, page 287), le marťchal Soult accuse Pichegru ęd'avoir laissť ses troupes ŗ l'abandon, nťgligťes et en proie ŗ toutes sortes de privations pour mieux favoriser l'exťcution du plan de trahison le plus odieux.Ľ Il espťrait ainsi dťsorganiser l'armťe. En une autre occasion, Soult parle aussi des pommes de terre et en des termes fort curieux: ęL'armťe n'avait d'autre ressource pour vivre, que les pommes de terre que l'on trouvait dans les champs. ņ chaque halte, ŗ peine les faisceaux ťtaient-ils formťs, que les soldats se dispersaient dans les environs pour aller dťterrer les pommes de terre. Un champ ťtait bientŰt rťcoltť, et le repas ťtait bientŰt prťparť au feu du bivouac. Le silence durait tant que durait cette importante occupation: mais elle ne durait pas longtemps et les provisions ťtaient ťpuisťes avant que la faim fŻt apaisťe. L'inťpuisable gaietť du soldat franÁais revenait alors. Ne doutant de rien, parlant de tout, lanÁant des saillies originales et souvent mÍme instructives, tel est le soldat franÁais. Un soir, en parlant politique et des nouvelles de Paris, le propos ťtait tombť sur les grands hommes qu'on avait fait entrer au Panthťon ou qu'on en avait successivement fait sortir, suivant l'esprit du jour et l'influence du parti rťgnant. ęQui va-t-on y mettre aujourd'hui? demanda quelqu'un. Parbleu, rťpondit son voisin, une pomme de terre.Ľ Et tout le monde d'applaudir ŗ cette saillie, qui avait plus de portťe que l'intention de son auteur n'avait probablement voulu lui donner.Ľ (SOULT.)] [31: Le tambour battait comme d'habitude la distribution ŗ l'heure dite, mais cette distribution se rťduisait souvent ŗ rien ou ŗ peu de chose.] [32: Cette adresse vigoureuse sous sa forme ampoulťe, faisait allusion ŗ la _journťe du 1er prairial_ (20 mai 1795) qui avait vu la populace des faubourgs de Paris envahir la Convention nationale en tuant le dťputť Feraud, aux cris de _du pain! la libertť des patriotes! la Constitution de 1793_! Quatorze dťputťs Jacobins payŤrent de leurs tÍtes cette insurrection, et, trois mois aprŤs, les clubs et sociťtťs populaires ťtaient dissous. Chaque insurrection parisienne plaÁait nos gťnťraux dans une situation difficile, comme le montre cette lettre du chef qui commandait alors l'armťe de Rhin et Moselle; elle est conÁue en termes vraiment patriotiques: ę_Le gťnťral en chef Jourdan au gťnťral de division Hatry_. ęAndernach, le 7 prairial an III. ęJe suis instruit, mon camarade, qu'il y a eu, le premier de ce mois, une insurrection ŗ Paris, et que le peuple a occupť la salle de la Convention presqu'ŗ onze heures du soir. Il paraÓt cependant qu'ŗ cette heure la Convention a repris le cours de ses sťances. Il faut que l'armťe agisse dans cette circonstance comme elle a agi toutes les fois que de pareils ťvťnements ont eu lieu. C'est-ŗ-dire, qu'ťtant placťe sur la frontiŤre pour combattre les ennemis du dehors, elle ne s'occupe point de ce qui se passe dans l'intťrieur et qu'elle ait toujours la confiance de croire que les bons citoyens qui y sont, parviendront ŗ faire taire les royalistes et les anarchistes. ęNous avons jurť de vivre libres et rťpublicains, et nous maintiendrons notre serment, ou nous mourrons les armes ŗ la main. Nous avons jurť de combattre les ennemis du dehors, tant que la paix ne sera pas faite. Nous tiendrons pareillement notre serment, nous resterons ŗ notre poste, et nous combattrons avec autant de valeur que la campagne derniŤre. Je suis persuadť que tels sont vos sentiments et ceux des troupes que vous commandez. Mais comme il est essentiel d'empÍcher que des malintentionnťs viennent rťpandre de f‚cheuses nouvelles dans l'armťe, comme il est essentiel de redoubler de surveillance, afin que l'ennemi ne puisse pas profiter du malheur de nos querelles intestines, il faut redoubler de zŤle et d'activitť, il faut que les militaires de tout grade soient toujours ŗ leur poste, que le service des avant postes se fasse avec plus de surveillance que jamais, et que vous veillez ŗ ce que les convois qui passeront dans l'arrondissement que vous commandez, soient bien escortťs. J'espŤre que l'attitude de l'armťe en imposera ŗ tous les ennemis de la Rťpublique. ęJe vous communiquerai journellement les suites des ťvťnements, et vous aurez ŗ me faire part exactement des observations que vous ferez sur ce qui se passera dans les troupes que vous commandez.--Salut et fraternitť. ęJOURDAN.Ľ] [33: _C'est-ŗ-dire_ du Palatinat.] [34: La division Poncet, dont notre sergent faisait partie, devait avec la division Marceau, rester en observation sur la rive gauche du Rhin.] [35: Le 19 janvier 1793, les Autrichiens et non les Prussiens avaient en effet ťvacuť le fort en faisant sauter les fortifications. C'est aprŤs la levťe du blocus que le duc de Brunswick ťcrivit au roi de Prusse cette lettre fameuse par laquelle il demandait son rappel en disant: ęLorsqu'une grande nation, telle que la nation franÁaise, est conduite aux grandes actions par la terreur des supplices et par l'enthousiasme, une mÍme volontť devrait prťsider ŗ la _dťmarche_ des puissances coalisťes.Ľ] [36: Le 23 thermidor de l'an IV doit concorder avec le 9 aoŻt 1795, et la fÍte de la Fťdťration ťtait cťlťbrťe le 14 juillet. Il paraÓt y avoir une erreur de date.] [37: Rien de plus capricieux que l'uniforme des armťes de la Rťpublique rťduites ŗ tout improviser avec les seules ressources des pays qu'elles traversaient. ņ une ťpoque bien rapprochťe, du reste, au siŤge de Paris en 1870, nous avons revu un bataillon mobilisť vÍtu de capotes marron.] [38: On sait que l'annťe rťpublicaine, composťe de douze mois ťgaux de trente jours, avait cinq jours dits _complťmentaires_ pour les annťes ordinaires et six pour les annťes bissextiles.] [39: 23 septembre 1796.] [40: C'ťtait avant 1777, l'ťlecteur palatin du Rhin. Ce fut ensuite le duc de BaviŤre.] [41: Une attaque du marťchal Clairfayt dťterminait en ce moment la retraite de l'armťe de Rhin-et-Moselle, placťe par Pichegru dans des positions intenables, et la place de Mannheim, abandonnťe ŗ elle-mÍme, se rendait quelques jours aprŤs. Les lignes devant Mayence ťtaient forcťes.] [42: Elle ťtait double de la nŰtre qui avait vu une de ses quatre divisions ťcrasťe. Les trois autres se retirŤrent avec peine en perdant presque toute leur artillerie.] [43: Un armistice fut conclu quelques jours aprŤs fort ŗ propos pour l'armťe du Rhin-et-Moselle, trŤs rťduite en hommes et en chevaux.] [44: En sept semaines, l'armťe d'Italie avait conquis le Piťmont, dictť la paix ŗ la cour de Turin, occupť Vťrone et Milan, investi Mantoue. Dťconcertťe, l'Autriche prit Wurmser et 56,000 hommes sur le Rhin, pour les opposer ŗ Bonaparte, et nous allons voir l'armťe de Rhin-et-Moselle en profiter pour reprendre l'offensive.] [45: Pour mieux surprendre encore, Moreau faisait exťcuter deux fausses attaques sur Spire et Mannheim. Pendant ce temps son aile droite, portťe rapidement sur Strasbourg, passait heureusement le Rhin ŗ la date du 24 juin 1796, sur un pont de bateaux prťparť dans le plus grand secret.] [46: Milanais d'origine et capitaine au service autrichien, Fťrino ťtait venu offrir ses services ŗ la Rťvolution franÁaise qui le fit lieutenant-colonel et gťnťral en 1792, gťnťral de division en 1793. L'empire le fit comte et sťnateur; sa division comprenait au moment qui nous occupe, vingt-trois bataillons et dix-sept escadrons.] [47: L'artillerie comptait en effet trente et une piŤces, et les sacs de grains ťtaient au nombre de quarante mille.] [48: Ce n'ťtait pas un corps d'ťmigrťs, mais six escadrons autrichiens dťtachťs par le gťnťral Froelich.] [49: Voir la note 38.] [50: ęCette retraite est devenue cťlŤbre; cependant il faut convenir qu'elle ťtait loin d'offrir les mÍmes difficultťs que le retraite de l'armťe de Sambre-et-Meuse, avec laquelle Moreau eu mieux fait d'opťrer sa jonction.Ľ (SOULT.)] [51: Voir la note 53 (siŤge de Kehl.)] [52: Il s'agit ici du _craquelin_, petit g‚teau ayant effectivement cette forme.] [53: Rien n'est exagťrť dans ce compte rendu de la situation. ęVoulant rester ŗ portťe de l'Alsace pour profiter des intrigues que Pichegru continuait ŗ ourdir, et pour lesquelles il ťtait mÍme revenu en personne ŗ Strasbourg, les Autrichiens commencŤrent par le siŤge de Kehl. Quelques travaux y avaient ťtť faits pendant la campagne, et un camp retranchť avait ťtť ťtabli en avant, mais tous ces ouvrages ťtaient simplement en terre et paraissaient peu susceptibles de tenir longtemps contre une attaque rťguliŤre. Nťanmoins, la dťfense fut telle qu'elle rťsista ŗ _quarante-sept jours_ de tranchťe ouverte, pour ne laisser ŗ l'ennemi que des monceaux de terre bouleversťe. Il en fut de mÍme ŗ la tÍte du pont de Huningue dont les ouvrages ťtaient plus petits encore, et qui, attaquťe depuis les premiers jours de novembre, ne fut ťvacuťe que le 2 fťvrier suivant. Ces deux dťfenses mťmorables ont ťtť dťcrites dans des ouvrages spťciaux. (SOULT.)--Voir le nį III de notre Supplťment.] [54: Les gťnťraux blessťs furent au nombre de trois: Desaix, Duhesme et Jordy. Tous avaient payť de leur personne pour doubler l'ťlan des troupes dans ces deux belles journťes. Arrivť de Paris la veille, le gťnťral en chef s'ťtait jetť dans l'eau jusqu'ŗ la ceinture pour aider, en tirant sur des cordages avec Desaix et son ťtat-major, ŗ dťgager un bateau engravť. Duhesme avait eu la main percťe d'une balle en battant sur une caisse de tambour avec le pommeau de son sabre pour ramener un bataillon ŗ la charge.] [55: Le seul gťnťral O'Reilli avait ťtť fait prisonnier, mais le gťnťral Staray avait ťtť tuť, ce qui explique l'exagťration apparente du chiffre.] [56: Le fort fut enlevť par quelques dragons du 17e rťgiment qui passŤrent le Kintzig; on ťtait en train de le reconstruire sur un nouveau tracť.] [57: Les intelligences de Pichegru avec l'ennemi avaient commencť en 1795, et ses fausses manoeuvres prťmťditťes compromirent alors l'armťe de Jourdan. Dťportť en 1797, il s'ťvada pour s'allier ouvertement aux ennemis de la patrie, et revenir mourir honteusement ŗ Paris. Le prix stipulť pour sa trahison comprenait une infinitť d'articles: le gouvernement d'Alsace, le grade de marťchal, deux grands cordons, douze canons, le ch‚teau de Chambord, la terre d'Arbois, un million d'argent et deux cent mille livres de rentes. En attendant la rťalisation de ces promesses, le ministre anglais de Suisse lui faisait passer des subsides. Moreau, auquel on avait apportť la preuve ťcrite de ce pacte, fut accusť de l'avoir divulguť trop tard.] [58: Le marťchal Soult dit beaucoup en peu de lignes sur les causes possibles de la mort trop subite de Hoche: ęCependant, l'esprit rťpublicain ťtait encore trŤs vif dans les rangs de l'armťe; aussi, quand la lutte fut engagťe entre la majoritť des conseils et celle du Directoire, celle-ci appela l'armťe ŗ son secours. On donna le mauvais exemple de faire faire des adresses par des corps de troupe. Le gťnťral Hoche fut ŗ Paris, et l'on fit avancer deux divisions de Sambre-et-Meuse dans les environs de la capitale, sous le prťtexte de les envoyer sur les cŰtes de l'Ocťan. Ce mouvement eut lieu ŗ l'insu du directeur Carnot et du ministre de la guerre lui-mÍme, du moins ce dernier en fit la dťclaration. Le gťnťral Bonaparte fut plus circonspect que le gťnťral Hoche; il se borna ŗ envoyer ŗ Paris le gťnťral Augereau, qui fit le coup de main du 18 fructidor. Quant au gťnťral Hoche, il s'aperÁut probablement au dernier moment, qu'il ne jouerait pas dans le coup d'…tat projetť le rŰle qu'il croyait devoir lui revenir et qu'il y serait associť ŗ des hommes avec lesquels il ne pouvait lui convenir d'Ítre confondu. Il se h‚ta donc de rejoindre son armťe, mais ŗ peine ťtait-il arrivť ŗ son quartier gťnťral de Wetzlar, qu'une courte maladie, dont la nature parut assez extraordinaire, l'emporta, le 19 septembre (troisiŤme jour complťmentaire). Des bruits d'empoisonnement circulŤrent d'abord: les soupÁons se fondaient sur ce que le gťnťral Hoche ťtait vraisemblablement dťpositaire de secrets importants, et qu'il devait y avoir des personnes intťressťes ŗ ce qu'il cess‚t de leur porter ombrage par sa supťrioritť et l'ascendant qu'il exerÁait sur son armťe, voisine de la France. On ne peut pas admettre lťgŤrement des soupÁons d'une nature aussi grave, et il est plus que probable qu'ils n'avaient rien de fondť, cependant ils n'ont jamais ťtť ťclaircis. Quoi qu'il en soit, les plus sincŤres regrets l'accompagnŤrent au tombeau et, pour en perpťtuer le souvenir, l'armťe fit ťlever un monument dans la plaine entre Coblentz et Andernach, oý son corps fut dťposť. ęLe gťnťral Hoche possťdait les qualitťs qui constituent le grand capitaine, et il les faisait ressortir par les dons extťrieurs les plus sťduisants. Son port noble et majestueux, sa physionomie ouverte et prťvenante, attiraient la confiance ŗ la premiŤre vue, comme sur les champs de bataille, toute son attitude commandait l'admiration. Un coup d'oeil prompt et sŻr, un caractŤre entreprenant qu'aucune difficultť n'ťtait capable d'arrÍter, des sentiments trŤs ťlevťs, et en mÍme temps, une grande bontť, une sollicitude constante pour le soldat: il n'en fallait pas tant pour que l'armťe aim‚t en lui un chef qui avait toujours ťtť heureux, et qui avait la gloire d'avoir pacifiť la Vendťe. On lui a reprochť l'ambition. Il n'avait que trente ans, lorsque la mort l'enleva ŗ la France; ŗ cet ‚ge, ŗ la tÍte d'une armťe, avec la rťputation dont il jouissait et le sentiment qu'il avait de sa propre valeur, il ťtait bien difficile de se prťserver de l'ambition, surtout lorsqu'il voyait s'ťlever ŗ ses cŰtťs des rťputations qu'il se croyait capable d'ťgaler. Aussi je crois que si Hoche eŻt vťcu, il eŻt prťvenu le 18 brumaire, ou du moins qu'il eŻt pris le rŰle de Pompťe, lorsque le nouveau Cťsar vint s'emparer du pouvoir suprÍme.] [59: C'est effectivement ŗ cette date que fut signť le traitť de Campo-Formio.] [60: Une entrťe des troupes franÁaises ŗ Zurich avait ťtť prťcťdťe d'une proclamation qui promettait que rien ne serait demandť pour l'entretien des troupes, dont la solde et les subsides ťtaient, disait-elle, assurťs par les convois de France. Une fois en ville, il fallut cependant faire des demandes de vivres; elles furent justifiťes par l'excuse que les convois ťtaient malheureusement en retard; on fit la promesse de les rendre en nature, ŗ l'arrivťe des convois, ou de les rembourser avec les premiers fonds que le Directoire enverrait. L'agent du Directoire sanctionnait par sa prťsence cet engagement. Quelques jours aprŤs, un arrÍtť impose ŗ la ville de Zurich une contribution extraordinaire de guerre payable dans un trŤs court dťlai: l'abus de la force ťtait la seule raison ŗ donner d'un pareil manque de foi. Une dťputation de notables se rend auprŤs du gťnťral commandant, pour lui faire des reprťsentations. Le gťnťral ťtait d'autant plus embarrassť de rťpondre qu'il n'ťtait lui-mÍme pas coupable; il n'avait agi que d'aprŤs des ordres. Il cherchait comme la premiŤre fois, ŗ trouver des excuses dans le retard des convois attendus de France, dans les besoins pressants de l'armťe, lorsque l'orateur de la dťputation le tira d'embarras: ęGťnťral, lui dit-il, nous ne sommes pas venus pour vous reprocher d'avoir oubliť vos engagements que sans doute on vous a obligť ŗ violer, ni pour nous plaindre que la contribution soit trop forte, mais pour vous dire, au contraire,_ que nous pouvons payer davantage, et pour vous prier de nous le demander_.Ľ Puis, lui saisissant vivement la main: ę_Quand vous nous aurez pris_, ajouta-t-il, _des richesses qui ont aguerri votre courage et dont nos ancÍtres savaient se passer, nous reviendrons dignes d'eux, nous reviendrons Suisses_.Ľ Nous donnons d'aprŤs les _Mťmoires_ du marťchal Soult (comme toujours) ce beau trait qui est ŗ mťditer en tout temps et en tous pays.] [61: Il a une longueur de 1800 pieds.] [62: ņ l'armťe, la prison est ainsi nommťe parce qu'on n'y laisse pas pťnťtrer le jour.] [63: Le 16 germinal correspond au 5 avril 1799. Le marťchal Soult rťsume ainsi cette suite de revers due ŗ l'incapacitť du gťnťral Scherer: ęLe gťnťral Scherer partait des places de Mantoue et de Peschiara, sur la ligne du Mincio: il commenÁa ses opťrations, le 26 mars, pour forcer la ligne de l'Adige. Il opťrait aux trois colonnes: celle de gauche, commandťe par le gťnťral Moreau, avanÁait. Elle passa l'Adige au-dessus de Vťrone, coupant la droite de l'armťe autrichienne, et elle ťtait ŗ mÍme de poursuivre ses succŤs vers Vienne si elle avait ťtť soutenue; mais les autres divisions du centre et de la droite, que le gťnťral Scherer commandait en personne, se firent battre par l'ennemi. Cependant, le succŤs que venait de remporter le gťnťral Moreau suffisait pour que le restant de l'armťe pŻt s'appuyer sur lui, le rejoindre, marcher sur Vienne, rejeter les Autrichiens sur la Brenta et les sťparer des places de Vťrone et de Legnago. Le gťnťral Moreau donnait ce conseil au gťnťral Scherer; mais, au lieu de le suivre, celui-ci eut la singuliŤre idťe de rappeler le gťnťral Moreau sur la rive droite de l'Adige, pour recommencer par sa droite la mÍme opťration, quatre jours aprŤs. Cette fois la leÁon fut plus sťvŤre: on y perdit une partie de la division Serurier, qu'une nuit de faux mouvements compromit sur la rive gauche de l'Adige, et qui, entourťe par des forces supťrieures, finit par Ítre accablťe. ęEnfin une troisiŤme tentative, faite le 6 avril, fut encore moins heureuse. Malgrť des succŤs, d'abord remportťs au centre par le gťnťral Moreau, la droite de l'armťe fut tournťe, ŗ la fin de la journťe, par une manoeuvre habile du gťnťral Kray. Il y avait tant d'incohťrence dans tous les mouvements, que cet ťchec ne put Ítre rťparť: le dťsordre vint s'y joindre et l'armťe entiŤre prťcipita sa retraite, non pas seulement derriŤre le Mincio oý le gťnťral Scherer aurait pu tenir, ŗ l'appui des places de Peschiera et de Mantoue, mais derriŤre l'Adda. ęLa journťe de Magnano dťcida du sort de l'Italie. Dix jours avaient suffi pour rťduire l'armťe ŗ moins de trente mille combattants, pendant que d'un autre cŰtť, toutes les troupes ťparpillťes depuis le PŰ jusqu'ŗ Naples, ťtaient non seulement trop ťloignťes pour lui amener des renforts en temps utile, mais se trouvaient elles-mÍmes de jour en jour plus compromises. En mÍme temps l'armťe ennemie avait remplacť toutes ses pertes et elle acquťrait une supťrioritť de plus en plus grande par les renforts qu'elle recevait ŗ tout instant; elle ťtait, en outre, ŗ la veille d'Ítre rejointe par l'armťe russe, qui arriva sur l'Adige, le 15 avril. ęL'exaspťration de l'armťe dont le courage avait ťtť si mal employť ťtait au comble, et elle eŻt produit des actes d'indiscipline et de dťsobťissance, si le gťnťral Scherer fŻt restť. Il le comprit, il partit pour Milan sous prťtexte de diriger les levťes extraordinaires qu'on y faisait, et ne revint plus. Il avait remis, avant son dťpart, le commandement au gťnťral Moreau.Ľ] [64: L'armťe russe avait fait sa jonction.] [65: Il s'agit ici du passage de l'Adda sur la droite de l'armťe de Berthier qui s'ťtait portťe vers le point oriental du lac de CŰme, et qui isola la division Serrurier du restant de l'armťe. L'attaque gťnťrale de l'ennemi triompha sur les autres points, et l'armťe franÁaise se vit rťduite ŗ la retraite aprŤs avoir perdu le tiers de son effectif et une centaine de canons.] [66: Comme complťment de cette invocation, voir la priŤre ŗ la fin du journal.] [67: ęLe tableau de la situation de GÍnes dans les derniers jours du siŤge a dťjŗ ťtť tracť tant de fois et est devenu si cťlŤbre, dit le marťchal Soult, que je puis me borner ici ŗ le rappeler. Les horreurs de la faim, dans une ville de cent soixante mille ‚mes, dťpassent tout ce que l'imagination peut se reprťsenter de plus hideux. On avait dťvorť tous les animaux jusqu'aux chiens et aux rats; on fabriquait, sous le nom de pain, une composition d'amandes, de grains de lin, de son et de cacao, qu'on a comparťe ŗ de la tourbe imbibťe d'huile, et que les chiens mÍmes ne pouvaient pas supporter; la ration consistait en deux onces de cet affreux mťlange. Enfin, le 15 prairial (le 4 juin), il n'en restait plus une once pour chacun; il ne restait plus quoi que ce fŻt, qui pŻt Ítre mangť, pas mÍme la nourriture la plus immonde. Il n'en restait pas plus pour l'armťe que pour les habitants qui, tous les jours, mouraient par centaines. L'armťe, si on pouvait encore lui donner ce nom, ne comptait pas trois mille hommes en ťtat de tenir un fusil, car leur faire faire le moindre mouvement, ťtait absolument impossible; les sentinelles ne pouvaient faire leur faction qu'assises. Le lendemain, elles n'auraient pas pu le faire, tous soldats et habitants, seraient morts d'inanition. ęCe fut ce jour-lŗ seulement que le gťnťral Massťna consentit ŗ ťcouter les propositions qui lui ťtaient faites depuis plusieurs jours par les gťnťraux ennemis, dans les termes les plus honorables. La confťrence entre le gťnťral Massťna, les gťnťraux autrichiens Ott et Saint-Julien et l'amiral Keith commandant l'escadre anglaise, se tint au milieu du pont de Cornigliano, sur le Bisague, et le gťnťral Massťna y apporta toute la fermetť de son caractŤre. Il commenÁa par ne pas vouloir admettre l'emploi du mot de _capitulation_, et la seule expression ŗ laquelle il consentit, fut celle de _nťgociation pour l'ťvacuation de GÍnes_. L'armťe sortit librement de GÍnes avec armes et bagages, pour rentrer en France, sans engager sa parole: huit mille hommes prendraient la route de terre; le surplus, ainsi que les hŰpitaux, le matťriel et tout ce qui appartenait ŗ l'armťe, serait transportť par mer ŗ Antibes. Cette clause de la marche, par terre, de huit mille hommes, fut sur le point de faire rompre la nťgociation. Le gťnťral Ott ne voulait pas y consentir, afin de retarder la rťunion de cette colonne ŗ l'armťe franÁaise. Le gťnťral Massťna rompit la confťrence: ęņ demain, messieurs,Ľ leur dit-il. Cependant, il savait bien qu'il serait hors d'ťtat d'accomplir sa menace. Cette fermetť rťussit, mais le gťnťral Massťna ťtait surtout secondť par les ordres pressants que le gťnťral Ott venait de recevoir du gťnťral Mťlas, et qui lui prescrivait de ne pas perdre un instant pour lever le siŤge et pour conduire son corps d'armťe ŗ Alexandrie.Ľ] [68: Bibl. Nat. Estampes OA, 105 O.] End of the Project Gutenberg EBook of Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802, by Jacques Fricasse *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JOURNAL DU SERGENT FRICASSE *** ***** This file should be named 31988-8.txt or 31988-8.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/3/1/9/8/31988/ Produced by Mireille Harmelin, Eric Vautier, Rťnald Lťvesque (html) and the Online Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. 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62,592 words • 1043h 12m read

— End of Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 - avec les uniformes des armées de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle. Fac-similés dessinés par P. Sellier d'après les gravures allemandes du temps —

Book Information

Title
Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 - avec les uniformes des armées de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle. Fac-similés dessinés par P. Sellier d'après les gravures allemandes du temps
Author(s)
Fricasse, Jacques
Language
French
Type
Text
Release Date
April 14, 2010
Word Count
62,592 words
Library of Congress Classification
DC
Bookshelves
FR Guerres, Browsing: History - European, Browsing: History - General, Browsing: History - Warfare
Rights
Public domain in the USA.