The Project Gutenberg EBook of Journal de marche du sergent Fricasse de la
127e demi-brigade : 1792-1802, by Jacques Fricasse
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Title: Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802
avec les uniformes des armťes de Sambre-et-Meuse et
Rhin-en_Moselle. Fac-similťs dessinťs par P. Sellier d'aprŤs
les gravures al
Author: Jacques Fricasse
Editor: Lorťdan Larchey
Release Date: April 14, 2010 [EBook #31988]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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JOURNAL DE MARCHE DU SERGENT FRICASSE DE LA 127e DEMI-BRIGADE
1792-1802
Avec les uniformes des armťes de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle,
fac-similťs dessinťs par P. Sellier d'aprŤs les gravures allemandes du
temps.
PUBLI… POUR LA PREMI»RE FOIS PAR LOR…DAN LARCHEY D'APR»S LE MANUSCRIT
ORIGINAL
PARIS
AUX FRAIS DE L'…DITEUR
1882
Authenticitť de ce Journal. Ses enseignements et sa valeur morale.--Les
armťes de la Rťpublique glorifiťes par un Marťchal du premier
Empire.--Pourquoi nous devons souhaiter la renaissance de leur esprit
militaire.
Fricasse!
Comique est le nom, mais sťrieuse est l'oeuvre, car elle se recommande
par une sincťritť rare. Et la sincťritť est beaucoup ŗ cette ťpoque
tourmentťe de la premiŤre Rťpublique oý chaque ťcrivain se passionne en
prenant parti pour ou contre l'Ťre nouvelle. …loge enthousiaste ou
rťquisitoire indigne, il n'y a guŤre de milieu.
Le document, publiť ici pour la premiŤre fois, prťsente du moins le
mťrite de ne connaÓtre d'autre guerre que celle de l'extťrieur, d'autres
ennemis que ceux de la patrie. Il est authentique, et je tiens ŗ la
disposition des curieux son manuscrit original, qui est du temps, et qui
me fut libťralement donnť par mon ami Jules de Forge de Vesoul. C'est
bien un journal de marche; chaque ťtape s'y trouve notťe ŗ son jour,
chaque fait de guerre paraÓt ŗ son heure.
En un temps oý l'avancement ťtait si rapide, il ne fut pas de plus
humble carriŤre que celle de notre hťros, et c'est prťcisťment ce qui
m'a intťressť dans une oeuvre que ne recommande, il faut le dire, aucune
sťduction littťraire; elle est simple comme le carnet d'un soldat
citoyen qui remplit son devoir complŤtement et modestement. De 1792 ŗ
1802, il fait campagne chaque annťe: avec l'armťe de Sambre-et-Meuse, il
protŤge nos places du Nord et fait son entrťe ŗ Bruxelles; avec l'armťe
de Rhin-et-Moselle, il pousse jusqu'ŗ Munich et accomplit cette retraite
devenue fameuse sous le nom de _retraite de Moreau_; avec l'armťe
d'Italie, il rťsiste dans GÍnes jusqu'ŗ la derniŤre extrťmitť. Reste le
neuviŤme d'une compagnie de cent dix hommes dťtruite par la guerre,
rťduit par une blessure ŗ regagner son village, il n'a ni un mot de
plainte, ni un mouvement d'humeur ou d'ambition dťÁue. Il reste fier
d'avoir servi son pays avec honneur et avec probitť. J'insiste sur ce
dernier mot, parce que plusieurs pages de son journal tťmoignent des
plus nobles sentiments[1]. La partie descriptive n'en est pas bien
riche, les dťveloppements et les rťflexions ne sont jamais poussťs loin,
mais si l'esprit de l'auteur est bornť, son ‚me apparaÓt grande et
gťnťreuse, on sent qu'il est honnÍte homme et bon FranÁais. On oublie la
sťcheresse et la monotonie mÍme du rťcit, parce qu'il vous fait sŻrement
connaÓtre l'esprit du soldat et aussi les cruelles nťcessitťs de la
guerre.
Il est bon de savoir ŗ quel prix on achŤte une victoire.
Certes, c'est dťjŗ beaucoup que le courage de faire le coup de feu ou de
se lancer sur l'ennemi baÔonnette en avant. Mais que de soldats tombťs
sur la route avant de voir luire un jour de bataille! Combien de
victimes obscures sont dťvouťes aux marches sans fin, aux misŤres du
bivouac, aux privations des siŤges, aux souffrances d'une campagne
d'hiver oý la maladie et la faim n'ont pas peur de votre fusil.
On ne saurait se faire idťe de cela en voyant dťfiler un rťgiment ni en
lisant un rapport officiel.
D'autres enseignements ressortent de notre journal. Il s'en dťgage au
plus haut degrť l'expression de cette foi rťpublicaine qui n'est pas
encore admise sans rťserve. Pour les besoins de certaines causes, on a
contradictoirement exaltť et ravalť les volontaires de notre premiŤre
Rťpublique. On verra que leur force morale fut ŗ la hauteur de leurs
souffrances, sinon de leur discipline. C'est dťjŗ un point important
acquis au dťbat qui n'est pas encore terminť, mais qui, pour l'honneur
de nos armes, ne perd point ŗ Ítre approfondi. Je le constate sans
esprit d'exclusion, car je suis de ceux qui ne voient ni tout en rose,
ni tout en noir. Il semble que plus on creuse le passť, moins on devient
absolu. En histoire, le bon et le mauvais restent aussi insťparables,
dans les faits, que l'ombre et la lumiŤre dans un paysage. On remarque
seulement ŗ certaines heures plus de lumiŤre ou plus d'ombre, et c'est
dans la mise en valeur de cette inťgalitť que se trouve la vťritť du
tableau.
Si nos volontaires de 1792 n'ont pas ťtť aguerris du premier coup, ils
ont donc montrť vraiment l'esprit national, c'est-ŗ-dire la volontť de
faire respecter la France au pťril de leurs vies, ce qui est la premiŤre
qualitť d'un soldat. Chez le nŰtre, on constate aussi, et non sans une
certaine surprise, que l'amour sincŤre de la Rťpublique est empreint
d'un sentiment religieux particulier et dont l'expression se trouve
traduite au long dans une priŤre ťcrite ŗ la fin de son oeuvre. Elle a
ťtť recueillie avec d'autant plus de soin que c'est un document unique
en son genre. Je l'avais cru d'abord copiťe sur quelque texte de
l'ťglise constitutionnelle, mais ses incorrections mÍmes annoncent une
oeuvre originale; elle surprend moins lorsqu'on se reporte ŗ la jeunesse
de l'auteur qui s'est passťe dans le jardin d'un couvent.
* * * * *
Le _Journal de Fricasse_ a ťtť publiť avec tout le respect possible.
J'ai retranchť les rťpťtitions et les mots inutiles, orthographiant ŗ
l'occasion, mais sans me permettre d'ajouter quoi que ce soit[2]. Pour
mieux ťclairer le texte, j'ai donnť une suite de dessins d'uniformes
rigoureusement exacts; ils sont placťs ŗ la fin de ce petit volume avec
les ťclaircissements nťcessaires. Au point de vue militaire, je n'avais
pas ŗ me prťoccuper de la discussion de faits, mais ce que j'ai lu des
relations du temps m'a prouvť que l'auteur disait vrai sur la date et la
nature des mouvements dont la portťe lui ťchappe nťcessairement. On sait
que, exceptť au grand ťtat-major, c'est ŗ l'armťe qu'on est le moins
renseignť sur la marche gťnťrale des opťrations.
Toutes prťcises que paraissent les donnťes de notre sergent, un contrŰle
ťtait cependant nťcessaire; il nous a ťtť fourni surtout par les
_mťmoires_ d'un marťchal d'Empire qui ne saurait Ítre suspect. Soult fut
officier dans la mÍme division que Fricasse; il appuie les dťtails
donnťs ici par ses propres affirmations, que nous avons frťquemment
reproduites. ņ ce propos, on doit rendre hommage ŗ la franchise avec
laquelle le duc de Dalmatie paye son tribut d'admiration aux armťes
rťpublicaines; il s'honore d'avoir partagť leur pauvretť, leur fiertť,
leur ardeur patriotique. Il dťclare que le sort de la Pologne ťtait
rťservť ŗ la France rťpublicaine si les engagements pris ŗ Pilnitz
avaient pu se rťaliser.
ęMais les soldats franÁais, dit-il, ne comptaient pas le nombre de leurs
ennemis; ils avaient foi en leur propre valeur. Malgrť les revers qu'ils
ťprouvŤrent au commencement, les privations qu'ils eurent ŗ supporter,
le frťquent remplacement de leurs gťnťraux, la profonde impression que
devaient produire sur eux les cris des factions et les dťchirements de
l'intťrieur, toujours au-dessus de leur fortune et de leur situation,
ils ne virent que des devoirs ŗ remplir; et, en attirant sur eux les
dangers, ils dťtournŤrent les regards du monde des scŤnes de dťsolation
qui couvraient la surface de la France.Ľ
Puis, parlant de la fortune contraire au dťbut de nos armes, Soult
ajoute: ęLes FranÁais payŤrent leurs essais par des dťfaites et subirent
les effets inťvitables de l'inexpťrience de leurs gťnťraux, de
l'indiscipline des troupes, des vices de leur organisation, de
l'imprťvoyance ou de la cupiditť de l'administration, et de l'influence
souvent malheureuse des reprťsentants sur les armťes. Ce fut un temps
d'ťpreuves difficile ŗ passer, mais quand l'armťe en sortit, elle s'y
ťtait retrempťe: les nouveaux chefs qui ťtaient destinťs ŗ fixer la
victoire, sentaient sous le coup de ces revers leur intelligence se
dťvelopper, mťditaient sur les fautes qu'ils voyaient commettre et se
formaient au milieu des rangs.Ľ
ņ propos des remaniements que subit en 1794 la constitution de l'armťe,
le marťchal Soult entre dans des dťtails non moins attachants sur
l'esprit de nos troupes d'alors; ils ne sauraient perdre ŗ Ítre mťditťs
de nouveau et peuvent en tout temps fournir un bel exemple.
ęLes officiers donnaient l'exemple du dťvouement. Le sac sur le dos,
privťs de solde, (car ce fut plus tard seulement, et lorsque les
assignats eurent perdu toute leur valeur, qu'ils reÁurent en argent,
ainsi que les gťnťraux, huit francs par mois), ils prenaient part aux
distributions comme les soldats et recevaient des magasins les effets
d'habillement qui leur ťtaient indispensables. On leur donnait un bon
pour toucher un habit ou une paire de bottes. Cependant aucun ne
songeait ŗ se plaindre de cette dťtresse, ni ŗ dťtourner ses regards du
service qui ťtait la seule ťtude et l'unique sujet d'ťmulation. Dans
tous les rangs, on montrait le mÍme zŤle, le mÍme empressement ŗ aller
au delŗ du devoir: si l'un se distinguait, l'autre cherchait ŗ le
surpasser par son courage, ses talents; c'ťtait le seul moyen de
parvenir; la mťdiocritť ne trouvait point ŗ se faire recommander. Dans
les ťtats-majors, c'ťtaient des travaux incessants embrassant toutes les
branches du service, et encore ils ne suffisaient pas; on voulait
prendre part ŗ tout ce qui se faisait. Je puis le dire, c'est l'ťpoque
de ma carriŤre oý j'ai le plus travaillť et oý les chefs m'ont paru le
plus exigeants. Aussi, quoiqu'ils n'aient pas tous mťritť d'Ítre pris
pour modŤle, beaucoup d'officiers gťnťraux, qui plus tard ont pu les
surpasser, sont sortis de leur ťcole. Dans les rangs des soldats,
c'ťtait le mÍme dťvouement, la mÍme abnťgation. Les conquťrants de la
Hollande traversaient, par dix-sept degrťs de froid, les fleuves et les
bras de mer gelťs, et ils ťtaient presque nus: cependant ils se
trouvaient dans le pays le plus riche de l'Europe; ils avaient devant
les yeux toutes les sťductions, mais la discipline ne souffrait pas la
plus lťgŤre atteinte. Jamais les armťes n'ont ťtť plus obťissantes, ni
animťes de plus d'ardeur: c'est l'ťpoque des guerres oý il y a eu le
plus de vertu parmi les troupes. J'ai souvent vu les soldats refuser
avant le combat les distributions qu'on allait leur faire et s'ťcrier:
AprŤs la victoire on nous les donnera!Ľ
Le journal de notre sergent porte bien l'empreinte de l'ťlan auquel un
marťchal d'Empire a voulu rendre hommage. Rien qu'ŗ ce titre, il mťrite
la confiance du lecteur qui cherche la vťritť dans les faits;
l'incorrection de leur exposť n'enlŤve rien ŗ la grandeur du sentiment
qui les domine. Puisse-t-il faire condamner par nos contemporains cet
amour du bien-Ítre ŗ tout prix qui menace de fausser notre jugement des
devoirs militaires! Qu'une guerre survienne, ce n'est qu'un concert de
cris et de lamentations dans certains journaux, si les vivres n'arrivent
pas ŗ l'heure dite et si les malades manquent des premiers soins.
Malheur trŤs grand, sans doute, mais inťvitable en campagne. Cependant
c'est ŗ qui les analysera de la faÁon la plus navrante pour donner de la
couardise ŗ toute une nation. J'ai lu en 1874 certains articles
d'ambulanciers que je pourrais citer comme des modŤles de ce genre
anti-national au premier chef. En temps de paix, il se manifeste sous
une autre forme. Des mŤres de volontaires ťcrivent aux journaux pour se
plaindre des corvťes imposťes ŗ leurs fils; certains volontaires
eux-mÍmes croient Ítre des hťros d'abnťgation en livrant ŗ la publicitť
le rťcit de leurs infortunes de caserne. Pendant l'automne de 1881, un
journal n'a-t-il pas poussť la sensibilitť jusqu'ŗ s'attendrir sur la
marche d'un rťgiment qui avait fait, _sous la pluie_, l'ťtape de Lagny ŗ
Courbevoie!--De tels articles sont ŗ lire dans les rťunions publiques oý
la dťsertion du drapeau est proclamťe un devoir social. Dans une classe
plus relevťe, je pourrais citer plus d'un cas de dťsertion ŗ l'ťtranger
qui n'a pas ťtť flťtri comme il aurait dŻ l'Ítre. En plein salon,
n'ai-je pas entendu un ťcrivain de talent dťclarer que le mťtier des
armes ťtait abject, et que les FranÁais feraient bien mieux de prendre ŗ
leur solde une armťe d'Allemands, que de se faire tuer bÍtement par eux!
Simple paradoxe, me dira-t-on. Mais il est des paradoxes aussi
humiliants que des aveux. On a ridiculisť dans le _chauvinisme_
l'exagťration enfantine du patriotisme; craignons le ridicule contraire
qui serait infiniment plus dangereux.
Il est temps de mettre son orgueil ŗ savoir souffrir. ņ ce prix seul,
nous pouvons redevenir aussi forts que nos anciens.
JOURNAL DE MARCHE DU SERGENT FRICASSE
RECUEIL DES CAMPAGNES QUE J'AI FAITES AU SERVICE DE MA PATRIE.
R…PUBLIQUE FRAN«AISE UNE ET INDIVISIBLE
Je suis nť le 13 du mois de fťvrier 1773, dans le village nommť
Autreville, ŗ deux lieues de Chaumont en Bassigny, chef-lieu du
dťpartement de la Haute-Marne. Je suis fils lťgitime de Nicolas
Fricasse, jardinier, et d'Anne Corniot, de la dite paroisse. ņ peine
ťtais-je au monde, mes parents ont ťtť appelťs pour Ítre jardiniers chez
le seigneur de Juzennecourt. C'est dans cet endroit que j'ai ťtť ťlevť
et que mes parents m'ont appris ŗ connaÓtre ce que devait savoir un
honnÍte homme.
Puis, mon pŤre fut cultiver les jardins des Bernardins de Clairvaux. Ce
changement a fait beaucoup pour mon apprentissage. Mon pŤre ťtait un des
maÓtres, et avait sous sa conduite quatre garÁons. AprŤs trois ans, il
est retournť reprendre son mťnage, et on m'a confiť le mÍme emploi
qu'avait mon pŤre. Je n'oublierai jamais un moine nommť Le Boulanger; il
ťtait archiviste et sacristain en chef. Ce digne homme n'a cessť de me
procurer l'occasion de m'instruire, mais l'idťe n'y ťtait pas, et je
n'ai pas su en profiter. Il me disait souvent: ęVois un peu, tu sais
dťjŗ lire et ťcrire. Eh bien! je veux t'apprendre la gťographie: elle
est bien utile ŗ une personne qui veut faire quelque voyage.Ľ Dans ce
temps, je ne croyais jamais le quitter et je pensais que son grand
savoir me servirait sans apprendre. Ah! que j'ai bien connu mes fausses
idťes dans la suite!
Dans ces annťes, les …tats gťnťraux se sont assemblťs, et on a parlť de
la suppression des couvents. Ceci a changť bien des idťes, surtout dans
le couvent oý j'ťtais, qui ťtait de quatre-vingt-dix religieux. Les
voilŗ donc obligťs de quitter, et moi aussi. Je suis entrť jardinier
chez le marquis de Messey, seigneur de Beaux-le-Ch‚tel. Ce seigneur m'a
donnť beaucoup de louanges; s'il ťtait content, je ne l'ťtais pas, car
la terre de son jardin ťtait trop aride, et j'avais grand'peine ŗ la
cultiver.
Comme il ťtait premier capitaine d'un rťgiment de cavalerie franÁaise
nommť Royal-…tranger, en garnison ŗ DŰle en Franche-Comtť, il part pour
rejoindre son rťgiment avec toute sa famille, et nous laisse dans la
maison avec un cocher et une servante. J'en reÁus une lettre dans
laquelle il me marquait d'avoir soin de son jardin et de ses arbres, et
qu'ŗ son retour il me rťcompenserait. Prťsent ou absent, cela ne
m'empÍchait pas de faire mon service. AprŤs, j'ai ťtť une infinitť de
temps sans recevoir de ses lettres; j'avais beau en attendre, car le
marquis avait ťmigrť avec toute sa maison qu'il avait ŗ DŰle. Me voilŗ
donc rťsolu de le quitter. On a vendu tous les biens aussitŰt aprŤs mon
dťpart.
Sortant de cette maison, je savais dťjŗ oý ťtait ma place: j'avais ťtť
prťvenu d'avance par le maÓtre et la maÓtresse. Ces aimables gens
ťtaient venus voir le jardin, mais je n'avais pu leur promettre que pour
la fin de la campagne. Me voilŗ entrť au service du citoyen Quilliard,
de Ville-sur-Laujeon (avant la Rťvolution, Ch‚teau-Villain)[3]. C'ťtait
des gens vertueux, des coeurs remplis d'humanitť; leur bon caractŤre
ťtait peint sur leur visage. Tout cela me faisait croire que je ne
pouvais passer que des jours heureux au service de ces gťnťreux
citoyens. AprŤs l'ouvrage du jardin, venaient les parties de chasse que
le maÓtre de la maison faisait presque tous les jours avec plusieurs
bourgeois de la ville; c'ťtait le plus souvent pourchasser les grandes
bÍtes, cerfs, chevreuils et sangliers, dans les forÍts immenses que le
duc de PenthiŤvre avait dans les environs.
Je me voyais chťri de mes maÓtres, mais aussi je faisais en sorte de
l'Ítre toujours et de mťriter leur confiance, lorsqu'il a ťtť requis un
bataillon dans le dťpartement. En ce temps le citoyen Quilliard
commandait la garde nationale du canton; il donne ordre que toutes les
communes se rassemblent au chef-lieu le 24 aoŻt 1792. Le 24 au matin, il
nous dit:
ęVous savez sans doute la besogne que j'ai ŗ remplir: il nous faut
plusieurs volontaires, ceux qui veulent quitter mon service sont libres.
Si toutefois il ne se trouvait pas assez de volontaires, tous les pŤres
de famille et les garÁons seront obligťs de tirer au sort. Si ce n'est
pas votre dessein de partir, hť bien! mes amis, je ferai tout ce qui
dťpendra de moi pour vous rendre service en en faisant partir d'autres ŗ
votre place.Ľ
Nous voilŗ donc ŗ la ville oý tous les villages du canton ťtaient
rassemblťs. En premier lieu, il ne se trouvait guŤre de volontaires; il
ťtait une heure de l'aprŤs-midi que plusieurs compagnies de garde
nationale, composťes de cent soixante hommes, n'avaient pas encore
fourni l'homme qu'il leur fallait[4]. Dans le nombre, se trouvait la
mienne, et je me trouvais rempli d'un dťsir depuis longtemps. Combien de
fois j'avais entendu, par les papiers[5], la nouvelle que notre armťe
franÁaise avait ťtť repoussťe et battue partout! je brŻlais d'impatience
de voir par moi-mÍme des choses qu'il m'ťtait impossible de croire. Vous
direz que c'ťtait l'innocence qui me faisait penser ainsi, mais je me
disais souvent en moi-mÍme: ęEst-il donc possible que je n'entende dire
que des malheurs?... Oui! il me semblait que, si j'avais ťtť prťsent, le
mal n'aurait pas ťtť si grand. Je ne me serais pas dit meilleur soldat
que mes compatriotes, mais je me sentais du courage et je pensais que,
avec du courage, on vient ŗ bout de bien des choses.Ľ
En ce moment, pour remplir mon devoir, je me suis prťsentť ŗ la tÍte de
la compagnie; je leur ai demandť s'ils me trouvaient bon pour entrer
dans ce bataillon. Les cris de toutes parts se sont fait entendre: ęOui!
nous n'en pouvons pas trouver un meilleur que vous!Ľ
Me voilŗ donc enregistrť par le capitaine et le juge de paix, sans avoir
prťvenu mon maÓtre de mon sentiment, dans le moment qu'il s'offrait ŗ me
rendre service. Je conviens que ce n'ťtait pas bien fait de ma part,
mais j'ťtais timide. La timiditť et la jeunesse empÍchent quelquefois de
dire sa faÁon de penser.
C'est huit jours aprŤs, le 24 aoŻt, que j'ai quittť la maison; j'ai ťtť
dire adieu ŗ mon pŤre et ŗ ma mŤre. Ceci m'a bien attendri de voir
verser des pleurs ŗ toute la famille sur mon ťloignement sans leur aveu.
Depuis ce moment, je voyage. Le lecteur pensera si j'ai bien ou mal
fait.
Mon bataillon ťtait requis par le gťnťral Biron; son titre ťtait
_Premier bataillon de grenadiers et chasseurs de la Haute-Marne_.
L'ordre du dťpart est enfin arrivť; le 2 septembre, je me suis rendu ŗ
Chaumont, chef-lieu du dťpartement. Nous y avons nommť des officiers
provisoires qui nous ont montrť les premiers principes de l'ťcole du
soldat sans armes. Les noms de ces officiers ťtaient: Ruel, capitaine,
Barthťlemy, lieutenant; Lemoine, sergent major; tous trois habitants de
la ville. L'ordre de former le bataillon venu, nous sommes partis le 5
octobre pour Saint-Dizier. En y allant, nous avons logť ŗ Joinville;
l'ťtape nous ťtait fournie ainsi que le logement.
ņ Saint-Dizier, on nous a fait prendre des cantonnements dans les
environs, en attendant l'organisation. Je me suis trouvť dans la partie
envoyťe ŗ Louvemont; dans ces cantonnements, nos officiers de route nous
ont montrť le maniement des armes.
Parti de Louvemont le 2 novembre, pour retourner ŗ Saint-Dizier, pour
notre organisation. C'est dans ce moment que mes compagnons m'ont honorť
du grade de caporal dans la sixiŤme compagnie; j'avais pour capitaine
Lemoine; pour lieutenant, Mongis; pour sous-lieutenant, Thiťbault.
AprŤs que le bataillon a ťtť organisť, on nous a fait cantonner de
rechef; mais nos nouveaux cantonnements ťtaient ŗ trois ou quatre lieues
plus loin de Saint-Dizier oý notre ťtat-major est toujours restť. Deux
villages ťtaient destinťs ŗ notre compagnie: Chamouilley, oý le
capitaine est restť avec la premiŤre section, et Bienville oý j'ťtais
avec les lieutenants: ces villages sont situťs sur la Marne. Nous ne
touchions aucun vivre; on donnait ŗ un caporal vingt-trois sols huit
deniers en papier par jour (pendant quelque temps, c'ťtait six sols
trois deniers en argent, et dix-huit sols en papier); un soldat avait
quinze sols trois deniers par jour, tout compris. Avec ce prÍt, nous
ťtions obligťs d'acheter tout ce qui nous ťtait nťcessaire. Les vivres
n'ťtaient pas chers dans ce moment-lŗ; nous pouvions vivre
raisonnablement.
Nous sommes sortis le 21 janvier de ces cantonnements pour rejoindre la
premiŤre section, et pour nous disposer ŗ cťlťbrer la bťnťdiction de
notre drapeau, ŗ Saint-Dizier.
Un jour aprŤs notre arrivťe (le 24), on a donc assemblť le bataillon et
on nous a conduits ŗ l'ťglise paroissiale de l'endroit. La bťnťdiction a
ťtť faite par notre aumŰnier: aprŤs, on a fait faire le serment de
fidťlitť ŗ tout le bataillon devant le drapeau. Le drapeau avait pour
emblŤme une ťpťe surmontťe d'un bonnet de libertť, et pour devise: _Huit
cents tÍtes dans un bonnet_.
Dans ce mÍme moment, on a distribuť ŗ chaque compagnie un fanion sur
lequel ťtait son numťro. Comme tout le bataillon ne pouvait rester ŗ la
ville, car c'ťtait un lieu de passage, on nous a envoyťs reprendre nos
cantonnements. La seconde section, dont je faisais partie, avait eu des
difficultťs avec des laboureurs de l'endroit qui ne voulaient pas nous
vendre du bled pour du papier. Pour ťviter tout diffťrend, on nous a
donnť un autre village appelť Narcy, ŗ une demi-lieue de la Marne. Nous
avons achevť d'y passer l'hiver.
Notre ťtat major a changť pour aller dans une autre ville nommťe Vassy.
Dans ce moment, nous avons changť de cantonnement. C'ťtait le 15 mars;
nous ťtions dans les environs de la ville, nous avions pour la compagnie
deux villages qui se nommaient Brousseval et Domblain, oý nous avons
reÁu notre habillement complet. Notre chef de bataillon, nommť Deprťe,
faisait souvent rassembler les compagnies pour faire la manoeuvre. Comme
nous ťtions au printemps, plusieurs fois il nous faisait lever dŤs la
petite pointe du jour, prendre les armes et mettre le sac au dos; il
nous menait ŗ deux ou trois lieues ŗ la promenade militaire. Tout cela
se faisait en attendant l'heure du dťpart.
Je ne ferai point de grandes observations sur les pays oý nous avons
restť. C'est un pays oý le monde est trŤs affable; il produit du pain,
du vin et une infinitť d'autres denrťes; chaque particulier y vit
content de son labeur. Nous avons quittť ces contrťes pour aller ŗ Metz,
le 12 avril, par Bar-sur-Ornain, Saint Mihiel, Pont-ŗ-Mousson.
Metz est une ville de guerre trŤs fortifiťe, et, dans ce temps-lŗ, on
augmentait encore ses fortifications. Nous avons fait le service de
cette place pendant trois mois et demi, et logť au quartier ChambiŤre
avec le rťgiment de SuŤde. Nous avons ťtť exercťs ŗ faire les diffťrents
feux.
Nous sommes partis, le 17 aoŻt, de Metz pour Maubeuge oý ťtait une
partie de l'armťe du Nord.
Avant de passer plus loin, je dirai que j'ai fait ŗ Metz une maladie qui
m'a portť ŗ deux doigts de la mort. J'attribuais la cause de cette
maladie ŗ l'air de la ville[6], car j'avais toujours joui du bon air de
la campagne. Peut-Ítre aussi la distance de soixante lieues du pays m'a
donnť ces six semaines d'hŰpital.
Nous en reviendrons ŗ notre armťe du Nord. Nous y voilŗ arrivťs; c'est
dans peu qu'il nous faudra mesurer pour la premiŤre fois nos armes avec
celles de notre ennemi.
Nous n'avons pu loger au camp, car les tentes ťtaient toutes remplies;
nous avons ťtť obligťs de rťtrograder jusqu'au village de Beaufort,
entre Avesnes et Maubeuge (c'ťtait le 31 aoŻt). Lŗ, nous avons trouvť le
rťgiment de Beaujolais.
Depuis, ce n'a ťtť que bivouacs et contremarches nuit et jour, car nous
avions affaire ŗ un ennemi dont nous n'ťtions pas les maÓtres, et nous
n'ťtions que trŤs peu de monde.
7 _septembre_.--Partis de Beaufort pour TťniŤres prŤs de la Sambre, oý
l'ennemi venait piller tous les jours. Nous nous sommes opposťs ŗ leur
dessein. De lŗ, nous avons ťtť ŗ Avesnes.
AprŤs un repos de quatre heures, on a battu la gťnťrale. Nous sommes
partis pour Marbaix, sur la route de Landrecies, oý nous avons bivouaquť
pendant quarante-huit heures, suivant le mouvement de l'ennemi.
12 _septembre_.--ņ cinq heures du matin, nous sommes arrivťs derriŤre
Landrecies. La tÍte de colonne a commencť l'attaque derriŤre la ville,
sur la route du Quesnoy. Feu vif de notre part, mais l'ennemi a trŤs
bien rťpondu dans la forÍt de Mormal oý il ťtait retranchť. Cependant
leurs premiers retranchements ont ťtť enlevťs, mais les abattis de gros
arbres nous ont empÍchťs d'aller plus avant. Notre bataillon est entrť
dans la forÍt ŗ huit heures du matin. ņ sept heures du soir, la colonne
s'est retirťe. On a perdu du monde dans les deux partis. L'armťe de
siŤge de l'ennemi venait donner du secours ŗ l'armťe d'observation.
C'est ce qui a fait que nous nous sommes retirťs sur les glacis de
Landrecies, sans quoi ils nous auraient bloquťs dans la forÍt[7]. Pour
notre premiŤre bataille, le succŤs n'a pas ťtť bien grand.
Repos de trois heures sur les glacis de Landrecies; on nous a donnť
quelques petits rafraÓchissements. La colonne s'est remise en route;
chaque corps a ťtť reprendre ses positions du 7 septembre.--Quinze
heures de marche.
Notre colonne, de douze mille hommes, tant cavalerie qu'artillerie,
avait voulu dťbloquer le Quesnoy et lui faire passer des vivres. Il
ťtait trop tard: lorsqu'elle est arrivťe pour attaquer l'armťe
d'observation de l'ennemi, la ville s'est rendue; son dernier coup de
canon ťtait tirť avant le commencement de notre attaque.
Revenus ŗ Beaufort, le bivouac a commencť ŗ une heure du matin, ŗ une
demi-lieue en avant du village, derriŤre le rťgiment de Beaujolais qui
ťtait campť sur une hauteur, ŗ un quart de lieue de la Sambre. On
attendait de jour en jour le blocus de Maubeuge.
29 _septembre_.--Nous ťtions ŗ bivouaquer comme de coutume, lorsqu'un
dťserteur autrichien est venu au camp de Saint-Remi-malb‚ti; il a dit
que l'ordre ťtait donnť dans leur rťgiment de se tenir prÍt ŗ passer la
Sambre pour les quatre heures du matin. Le rťgiment de Beauce, nį 68,
ťtait ŗ ce camp; il a redoublť son service et s'est mis sur ses gardes.
Il faisait un brouillard trŤs obscur: aussi l'ennemi en a bien profitť
pour jeter ses pontons pendant la nuit, et, ŗ quatre heures prťcises,
ont passť trente mille hommes bien assurťs de la victoire[8]. Les
troupes campťes sur les hauteurs prŤs la Sambre ont fait vigoureuse
rťsistance, mais n'ont pu tenir contre une colonne si nombreuse, et ont
ťtť obligťes de se replier sur nous, qui ťtions en seconde ligne. Nous
n'avons pu arrÍter la marche des Autrichiens qui nous attaquaient de
tous les cŰtťs.
Retraite sur la ville de Maubeuge. Malgrť notre vigoureuse rťsistance,
nous n'avons pas tardť ŗ Ítre bloquťs par leur nombreuse cavalerie qui
cherchait ŗ s'emparer des villages et des bois oý nous devions passer.
Comme nos tirailleurs ne leur donnaient pas assez d'occupation et ne
nous laissaient pas le temps de dťfiler, nous avons ťtť obligťs de nous
mettre en bataille en avant de la forÍt de Beaufort. ņ l'approche de
l'ennemi, nous avons fait le feu de file pendant trois quarts d'heure.
Son artillerie nous a forcťs une seconde fois ŗ la retraite, aprŤs avoir
perdu un canon et plusieurs canonniers tuťs et blessťs. Vingt hommes de
notre bataillon mis hors de combat. Notre route ťtait coupťe; il ne
restait plus pour notre retraite qu'ŗ nous enfoncer dans le bois et
sortir comme l'on pourrait.
Nous voilŗ donc en marche. AprŤs avoir fait une demi-lieue dans cette
forÍt, ťtant prÍts de sortir, un rťgiment ennemi qui se dťrobait ŗ notre
vue nous force de chercher un autre passage. Sur une autre lisiŤre du
bois, l'ennemi nous cerne de mÍme. Ma foi! il n'y avait plus ŗ balancer.
Rester prisonnier ne nous accommodait pas; nous avons passť au travers
de l'ennemi qui n'a cessť de faire une fusillade continuelle.
De cette forÍt, nous avons rejoint la colonne qui se rassemblait dans la
plaine, du cŰtť de la route de Frieville. On voulait encore leur faire
rťsistance, mais en vain. Il a fallu se mettre ŗ l'abri dans le camp et
disposer l'artillerie des redoutes ŗ dťfendre les approches. L'ennemi
s'est emparť des villages aux environs de la ville et a pillť nos effets
qui y ťtaient restťs.
Trente hommes de notre bataillon, restťs dans la forÍt de Beaufort sans
avoir pu percer pour nous rejoindre, avaient ťtť obligťs de se renfoncer
dans le bois. Chemin faisant, ils ont fait prisonnier une sentinelle
autrichienne. Ce soldat, trŤs content d'Ítre prisonnier, a aidť nos
hommes ŗ sortir du bois et les a conduits dans un endroit, qui ťtait le
moins gardť, oý ils ont pu passer entre les postes ŗ la faveur d'une
nuit obscure (30 septembre). Ils ont ťtť faire le service ŗ Avesnes, et
nous ont rejoints aprŤs le dťblocus de Maubeuge.
La mÍme nuit, vers les dix heures du soir, notre bataillon a pris la
garde de la _redoute du Loup_ pour vingt-quatre heures. AprŤs avoir ťtť
relevťs, nous avons ťtť prendre position ŗ la gauche du camp retranchť
de Falise; c'ťtait le nom du camp de Maubeuge.
Nous attendions de jour en jour le siŤge, mais en vain. Il a ťtť
rapportť par plusieurs personnes que l'intention du gťnťral Cobourg
n'ťtait pas d'assiťger la ville, mais de la faire rendre par famine, car
elle n'ťtait pourvue d'aucuns vivres. On comptait vingt mille hommes en
ťtat de porter les armes, tant dans le camp que dans la ville; au moment
du blocus, on a fait le serment de mourir les armes ŗ la main plutŰt que
de se rendre aux ordres d'un tyran.
6 _octobre_.--Sortie de six mille hommes, mais sans succŤs. Ils se sont
prťsentťs le triple et le double de ce que nous ťtions. On ne s'en est
tirť qu'avec une grande perte.
7.--MÍme insuccŤs. Nous sommes investis de toutes parts sans pouvoir
nous donner de l'ťlargissement.
Le 5 octobre, ŗ la redoute de gauche, entre le bois du Tilleul et nos
avant postes, une sentinelle franÁaise et une sentinelle hollandaise
ťtaient ŗ soixante pas l'une de l'autre, ce qui leur donnait facilitť de
converser. Quatre soldats de mon poste se sont avancťs; les Hollandais,
qui ťtaient dans le bois du Tilleul, ont ťtť portťs par la curiositť ŗ
se mÍler de la conversation. Cependant, un FranÁais reconnaÓt, parmi les
Hollandais, son frŤre, qui ťtait le plus empressť ŗ demander comment
nous ťtions, ce que nous pensions, et si les vivres ne nous manquaient
pas.
_Rťponse_: ęIl ne manque rien aux rťpublicains.Ľ
Par dťrision, ils rťpliquaient que nous mangions dťjŗ nos chevaux, et
que, avec notre papier, nos assignats, il fallait mourir de faim. Ils
ajoutaient qu'ils nous tenaient dans leurs filets, qu'ils nous feraient
danser une derniŤre fois _la carmagnole_. Celui-lŗ disait que, quoique
FranÁais, il prendrait plaisir ŗ nous voir arracher la langue.
Un volontaire lui dit: ęCamarade, vous ne paraissez pas Hollandais, et
sans doute il n'y a pas longtemps que vous Ítes sorti de France. Vous
paraissez bien sanguinaire pour une patrie qui renferme vos parents,
mais que vous ne devez pas espťrer revoir, car la loi prononÁant votre
arrÍt de mort ferait tomber votre tÍte. Voilŗ ce qui est rťservť aux
coquins de votre espŤce.Ľ
Son frŤre, qui l'avait reconnu, interrompit la conversation en disant:
ęLaissez-moi voir ce coquin! C'ťtait autrefois mon frŤre.Ľ
L'autre dit: ęSi j'ai ťtť ton frŤre, je le suis encore.Ľ
Le volontaire dit que non, qu'il s'en ťtait rendu indigne. ęTu sais,
malheureux, ajouta-t-il, que je suis parti volontairement. Qu'il te
souvienne de la promesse faite! Tu me promis d'avoir soin de notre mŤre,
mais tu as faussť ton serment, tu l'as laissťe sans subsistance et dans
le chagrin; tu es indigne de vivre, tu n'es pas un humain, mais un vrai
barbareĽ.
(Il faut remarquer que ce soldat gťnťreux faisait part ŗ sa mŤre de la
moitiť de sa paye.)
Les Hollandais, qui entendaient un peu le franÁais, ne manquŤrent pas de
le bl‚mer, et le l‚che se retira. Son frŤre arme son fusil, tire et
l'attrape ŗ la cuisse. Il se relŤve et s'enfonce dans le bois.
Un dragon autrichien, du rťgiment de Cobourg, chargeait un des nŰtres,
du 12e dragons. AprŤs avoir tirť chacun leur coup de pistolet, ils
s'approchent pour se sabrer. Quelle surprise! Ils se reconnaissent pour
frŤres; depuis quinze ans ils ne s'ťtaient vus. ņ l'instant, leurs
sabres tombent, ils sautent de cheval et se jettent au cou l'un de
l'autre, sans pouvoir dire un seul mot. Un instant aprŤs, ils juraient
de ne plus se sťparer et de vivre sous le mÍme ťtendard. Notre dragon
fut trouver le gťnťral Jourdan pour le prier de ne point regarder son
frŤre comme dťserteur ni comme prisonnier, et le gťnťral consentit ŗ
incorporer cet homme dans le rťgiment.
Heureuse ťpoque du 18 octobre! C'est ŗ une colonne de quatre-vingt mille
hommes[9], commandťe en chef par le gťnťral Jourdan, que nous devons
notre libertť. Ils se sont battus, pendant deux jours, avec intrťpiditť.
Ce combat s'engageait par une quantitť de tirailleurs avec l'artillerie;
la cavalerie et le reste de l'infanterie soutenaient ensuite. Le
troisiŤme jour, le brouillard ťtait moins obscur; la lumiŤre a donnť de
la force ŗ nos armes, et, malgrť leurs fortes redoutes, notre armťe les
a mis en dťroute.
Ces quatre-vingt mille hommes venaient de la Vendťe, ťtaient commandťs
par un rťpublicain; mais aussi la troupe l'a secondť. Ils ont fait
repasser la Sambre ŗ l'armťe autrichienne qui a profitť de la nuit pour
disparaÓtre, en laissant une quantitť d'outils servant au travail de
leurs redoutes.
Je rapporterai ici ce que nous disaient les soldats autrichiens: ęEh!
petits _carmagnoles_[10], vous ne sortirez pas d'ici que vous ne soyez
en notre pouvoir. Notre gťnťral a dit que si votre bonnet rouge ťtait de
force ŗ faire partir l'aigle impťrial, et ŗ faire lever le siŤge, il
adopterait votre constitution et serait du parti des rťpublicains[11].
Il ne l'a pas adoptť, mais il a eu la _chasse_ rťpublicaine.Ľ
18 _octobre_.--Sortis de notre camp ŗ la dťcouverte, nous nous sommes
rendus ŗ Hautmont, village ŗ gauche de Maubeuge, tout en dťsastre. On
ťtait aprŤs la moisson; l'ennemi s'est servi des grains pour faire des
baraques et donner ŗ manger aux chevaux. C'ťtait la plus grande
dťsolation. Les habitations des cultivateurs dťvastťes et mÍme en grande
partie brŻlťes. Voyez un peu ce qu'est la guerre. Malheur au pays oý
elle est posťe! Les habitants n'y peuvent qu'Ítre malheureux.
Quoique nous n'ayons pas ťtť longtemps bloquťs, je dirai que nous
sentions dťjŗ notre misŤre, les vivres nous ťtaient retranchťs
(rationnťs); la riviŤre passait au bas de notre camp, mais l'ennemi nous
avait coupť l'eau; nous ťtions obligťs de la prendre dans les fossťs des
retranchements oý on allait faire les nťcessitťs. La pluie, qui tombait
continuellement faisait de tout cela un mťlange. Aussi plusieurs de nous
y avaient gagnť le flux de sang.
Revenons ŗ nos contremarches: l'ennemi a ťtť repoussť, mais il faut
garder ses passages.
29 _octobre_.--Partis de Hautmont pour aller ŗ la droite de Maubeuge,
dans un village appelť Marpent, sur le bord de la Sambre, oý de temps en
temps on se souhaitait le bonjour ŗ coups de fusil avec les postes
autrichiens.
14 _novembre_.--Partis de Marpent pour aller au camp de Saint-Remy, sur
les hauteurs, jusqu'au 29. Ce dernier jour, nous sommes allťs ŗ
Colleret.
Annťe 1794
Nous avons quittť Colleret pour Damousies le 12 janvier 1794, deuxiŤme
annťe de la Rťpublique. Tous ces villages ťtaient en premiŤre ligne,
prŤs des avant-postes ennemis; car les impťriaux avaient un passage sur
la Sambre, prŤs de Beaumont de sorte que nous ťtions obligťs de nous
garder partout. On allait fourrager pour la cavalerie sur leurs
frontiŤres, car les fourrages n'ťtaient pas bien abondants dans des pays
oý la troupe est toujours campťe.
De Damousies, nous sommes venus, le 19 janvier, au village d'Aibes,
toujours en premiŤre ligne oý le bivouac ťtait continuel. Lŗ, je suis
passť sergent, par anciennetť de grade, le 26 pluviŰse.
Nous avons reÁu dans ce temps des recrues de la rťquisition, et les
compagnies ont ťtť au grand complet. ņ peine avait-on le temps de
montrer les premiers principes d'exercice ŗ tous ces hommes qu'il
fallait aller se battre; aussi, la rigueur de l'hiver nous a causť bien
des maux. Dans ces temps lŗ, il n'y avait point d'armistice: hiver comme
ťtť, on ťtait toujours en campagne.
Quittť Aibes, le 6 germinal, pour nous rendre ŗ Jeumont. La moitiť du
bataillon a campť ŗ une demi-lieue ŗ droite, ŗ un bois nommť le _Bois de
l'abbaye brŻlťe_. Tous les quatre jours, on relevait les postes ŗ
quarante pieds de distance de l'ennemi, et, en d'autres endroits, il n'y
avait que la Sambre qui sťparait. Dans cet endroit, bien des fois nous
nous sommes souhaitť le bonjour ŗ coups de fusil. On ne cherchait qu'ŗ
se surprendre les postes et ŗ enlever les sentinelles.
Le 22, nous sommes partis de cette position. L'ennemi faisait de
nouvelles tentatives pour bloquer Maubeuge. Encore une demi-heure plus
tard, cela en ťtait fait. Mais la brave armťe du Nord ne s'est point
dťcouragťe. Nous avons battu en retraite ŗ deux lieues prŤs de
Cerfontaine, oý ťtait le quartier gťnťral. Toute la troupe ťtait sur une
ligne, disposťe au combat qui a commencť aussitŰt. La colonne
autrichienne a ťtť repoussťe au delŗ de ses positions, laissant une trŤs
grande quantitť de morts, de blessťs et de prisonniers.
Nous avons repris notre position dans le village. Nous y avons trouvť de
leurs chasseurs ŗ pied qui avaient passť la Sambre pour piller; nous
leur avons fait des prisonniers, et le reste de la journťe s'est passť ŗ
se donner des saluts rťpublicains[12].
Avant de quitter les frontiŤres du Hainaut, pour l'autre rive de la
Sambre, je parlerai de la situation des habitants. La plupart n'avaient
plus d'habitations (et encore combien avaient perdu la vie!). Je compare
l'ennemi ŗ une grÍle qui ne laisse rien dans les campagnes oý elle
passe.
Dans ces contrťes si fertiles, ces habitants vivaient tranquilles; leurs
terres produisaient de bon froment, toutes sortes de grains, de fruits
et de lťgumes. Le vin, trŤs cher, n'est pas beaucoup en usage; la biŤre
est la boisson. Leur maniŤre de vivre est trŤs simple: lait, fromage et
fruits, c'est lŗ leur usage. Bťtail ŗ cornes trŤs beau; chaque habitant
en possŤde plus ou moins selon son p‚turage; il a des clos entourťs de
bois de tous genres desquels il tire du chauffage pour l'hiver; dans ces
clos, il coupe le premier foin; aprŤs cela, leurs vaches y restent
jusqu'ŗ l'hiver sans rentrer ŗ l'ťcurie. On ne voit presque pas les
villages qu'on ne soit dedans; c'est tout clos, avec de grands bois ŗ
l'entour et prŤs de chaque maison. La plupart des maisons sont couvertes
de paille. Dans ce pays, les deux sexes y sont affables et humains.
8 _florťal_.--Nous sommes entrťs dans la ville de Beaumont aprŤs une
bataille avec les ťmigrťs oý il y en a beaucoup de restťs sur le champ.
Nous n'en avons faits prisonniers que trŤs peu, car ils ne se rendaient
pas volontiers.
Nous avons chassť l'ennemi de ses fortes positions autour de la ville;
nous nous en sommes emparťs sur-le-champ; elles nous ťtaient
avantageuses.
18.--Arrivťs au camp de Beaumont. Repartis le 20 ŗ huit heures du soir,
traversant la ville pour aller bivouaquer, jusqu'ŗ la pointe du jour,
sur la route de Mons, ŗ deux lieues en avant. ņ la pointe du jour, nous
avanÁons sur l'ennemi campť dans la plaine. Ses dispositions pour nous
recevoir n'ont pas ťtť assez promptes; il a pris la fuite dŤs notre
premiŤre attaque. Dans cette mÍme affaire, j'ai ťtť dťtachť avec des
tirailleurs pour dťbusquer les leurs d'un village; nous en avons pris
huit et tuť quelques uns. Le reste a pris la fuite.
22.--AprŤs avoir fait plusieurs mouvements, malgrť la pluie qui tombait
tous les jours et rendait les routes impraticables, nous nous sommes
arrÍtťs dans la plaine de Beaumont pour y passer la nuit.
23.--DŤs la pointe du jour, la troupe a ťtť divisťe en trois colonnes;
celles de droite et de gauche ont attaquť l'ennemi avec tant d'ardeur
qu'elles l'ont fait se jeter sur nous au centre. Il y avait plus d'une
demi-heure que nous entendions ronfler le canon et la fusillade. Il y
avait un murmure dans notre colonne de ce qu'on ťtait dans l'inaction.
Tout ŗ coup, on a vu l'ennemi manoeuvrer sur nous, ils n'ont pas ťtť
reÁus avec moins d'audace. Nous les avons forcť ŗ repasser la Sambre;
plusieurs d'entre eux ont bu plus qu'ils n'ont voulu. Nous avons passť
aprŤs eux; nous les avons poussťs ŗ plus de deux lieues au pas de
charge. Nous avons pris plusieurs canons, quantitť de prisonniers; trŤs
grand nombre de tuťs. On n'aurait pas arrÍtť si la nuit n'avait empÍchť
de poursuivre.
24.--Nous nous sommes mis en marche dŤs la pointe du jour. Une colonne a
longť la Sambre; l'autre avanÁait sur la droite. L'ennemi nous attendait
dans ses fortes redoutes. Nous n'avons pas hťsitť. Le feu a commencť par
une canonnade trŤs vive. Notre artillerie s'est mis en devoir de
rťpondre avec ardeur, elle a ťtť soutenue par le feu de l'infanterie qui
s'est avancťe au pas de charge et a enlevť la redoute de vive force,
malgrť un feu terrible.--Toute la troupe a montrť un courage digne de
vťritables rťpublicains.
Nous leur avons pris quatre piŤces de canon et leurs caissons, plusieurs
prisonniers et beaucoup de tuťs. Nous les avons poursuivi, baÔonnette
aux reins, pendant une demi-heure, ils ont atteint un village derriŤre
lequel ils ont pris position, avec un renfort qu'il leur venait du camp
de Grisvel sous Maubeuge, ce qui nous a tenu en ťchec devant le village
nommť Grand-Reng. On s'est mis en bataille devant le village et on a
envoyť une grande quantitť de tirailleurs qui ont de premier abord
enlevť le village; il leur a ťtť repris: de rechef, ils y ont rentrť,
mais venant ŗ bord de l'autre cŰtť, des piŤces ŗ mitraille ont dťveloppť
leur feu sur eux, il ťtait impossible de passer outre. Pendant huit
heures, le feu n'a pas cessť d'un cŰtť ŗ l'autre. Le soir venu, les
munitions ont manquť, nous avons ťtť obligťs de leur abandonner notre
position et de repasser la Sambre. Nous avons perdu assez de monde[13].
Les jours prťcťdents avaient ťtť favorables. Ce jour-lŗ, nous avons
perdu presque tout le terrain gagnť, mais nous avons toujours notre
passage sur la Sambre.
Voici donc de l'ouvrage ŗ recommencer. Voyons si on s'y prendra de la
mÍme maniŤre.
Il a fallu marcher toute la nuit pour arriver dans la plaine, oý nous
ťtions le 22.
25.--Malgrť la pluie et le mauvais temps continuel, nous avons changť de
position en nous rapprochant de l'ennemi. Nous n'avions pour couvert que
le ciel.
26.--Nous nous sommes avancťs pour nous opposer ŗ la marche de l'armťe
autrichienne sur les bords de la Sambre. Le combat s'est engagť par nos
tirailleurs tirťs des compagnies ŗ tour de rŰle; l'artillerie les a
secondťs du matin au soir avec succŤs; elle a dťfait des pelotons de
cavalerie, dťmontť plusieurs piŤces; nos obus ont fait sauter des
caissons, tuť beaucoup de soldats et de chevaux. Une partie de nos
soldats criait: ęVenez, soldats de l'aigle impťriale, vous ne rťsisterez
pas longtemps ŗ l'ardeur des soldats sans-culottes!Ľ
Notre perte n'a pas ťtť grande dans cette journťe; un boulet nous a tuť
deux chevaux. Nous avons passť la nuit sous les armes.
27.--Pris position au village de Hantes, sur la Sambre. L'ennemi a fait
une tentative pour passer dans l'endroit oý nous ťtions, mais il n'a pas
rťussi.
30.--Quittť notre position pour nous rendre sur les hauteurs de l'abbaye
de Lobbes. Cette abbaye a ťtť brŻlťe ŗ la retraite des Autrichiens.
Ier _prairial_.--Nous allons attaquer l'ennemi; l'artillerie et les
tirailleurs commencent. Fusillade soutenue de midi ŗ la nuit. Le 2, le
combat s'est engagť de mÍme, mais avec beaucoup plus de succŤs; l'ennemi
s'est retirť dans ses fortes redoutes prŤs de Grand-Reng, oý le feu a
durť jusqu'au soir. Journťe sanglante pour les deux partis; nous nous
sommes retirťs sur les hauteurs prŤs de Grand-Reng. On a ťtabli les
postes tout prŤs de ceux de l'ennemi.
Nous sommes restťs quelques jours dans cette position[14].
5.--On dťgarnit notre colonne de cavalerie et d'une partie de
l'infanterie pour les faire passer ŗ la droite qui ne se trouvait pas
assez forte. L'ennemi voit ce mouvement et prťpare le combat.
Nous n'avions aucun ordre de prendre les armes le matin. Ordinairement,
c'est le matin que les grands coups se faisaient. Nous ťtions
tranquilles sous des petits brise-vent que nous avions faits avec des
branches d'arbres; un brouillard trŤs ťpais empÍchait nos avant-postes
de dťcouvrir les mouvements de l'ennemi quand il les a surpris.
AussitŰt, on entend crier de toutes parts: _Aux armes!_ Chacun a couru
se ranger en bataille. Ils ťtaient dťjŗ dans notre camp, et leur
cavalerie s'avanÁait ŗ grands pas sur la route de Mons. Il y avait une
piŤce de douze et une de huit chargťes ŗ mitraille; nos canonniers y ont
mis aussitŰt le feu et ont retardť leur marche. Ils ťtaient beaucoup
plus forts que nous; nťanmoins, ils ont ťtť reÁus d'une maniŤre
rťpublicaine, mais, malgrť notre vigoureuse rťsistance, nous avons ťtť
obligťs de battre en retraite et de repasser la Sambre. Dans notre
colonne, il n'y avait que le rťgiment de cavalerie nį 22 au moment de la
retraite. Nous avons eu cent hommes hors de combat. Le reste de la
journťe s'est passť ŗ tirailler. Passť la nuit ŗ Jeumont; le pont qui
nous a servi se nomme Solre-sur-Sambre.
ņ l'affaire du 5 prairial, prŤs Grand-Reng, le citoyen Mercier, fusilier
de la compagnie d'Horiot (3e bataillon), natif de ProvenchŤres, district
de Joinville (Haute-Marne), combattit un hussard autrichien. Deux coups
de sabre, sur la tÍte, et sur le poignet gauche le terrassŤrent.
ęRends-toi, coquin! dit le hussard.
--Un l‚che le ferait, dit Mercier. Mais moi, non!Ľ
Il se relŤve, prend son fusil de la main droite, met le canon sur la
saignťe du bras gauche, pose le doigt sur la dťtente et tue le hussard.
Mais les blessures de ce vrai rťpublicain ťtaient trŤs dangereuses. Il
est mort un mois aprŤs.
J'ai vu dans cette affaire des braves rťpublicains couverts de blessures
rassembler toutes leurs forces au moment oý ils allaient exhaler le
dernier soupir, s'ťlancer pour baiser cette cocarde, gage sacrť de notre
libertť conquise; je les ai entendus adresser au ciel des voeux ardents
pour le triomphe des armťes de la rťpublique.
Cailac, un de nos capitaines, eut la jambe fracassťe par un boulet, et
mourut au bout de trois semaines, disant: ęMa vie n'est rien; je la
donnerais mille fois pour que la rťpublique triomphe.Ľ
Atteint au ventre d'un ťclat d'obus, un grenadier du bataillon dit ŗ
ceux qui voulaient lui porter secours: ęLaissez moi, mes amis, laissez
moi mourir! Je suis content, j'ai servi ma patrie.Ľ Et il expire.
7.--DŤs la pointe du jour, nous nous sommes mis en marche et nous avons
ťtť baraquer au village de Hantes. Comme les vivres avaient tardť, nous
nous sommes mis ŗ battre du blť, aller au moulin et nous avons fait du
pain. Je dirai que tous les habitants de ces villages s'ťtaient retirťs
dans les bois, car les armťes leur causaient trop de maux. Il semble que
le ciel veuille augmenter les nŰtres; la pluie est tous les jours notre
partage.
8.--Partis de Hantes pour aller camper sur les hauteurs de l'abbaye de
l'Aune.
12.--Sortis de nos positions ŗ huit heures du soir pour aller ŗ l'abbaye
de l'Aune, nous y sommes arrivťs ŗ minuit, le mÍme jour. Cette abbaye
ťtait entiŤrement dťvastťe et brŻlťe.
14.--Nous avons passť la Sambre, qui est tout prŤs de lŗ.
15.--La troupe s'est mise en marche et nous avons attaquť dŤs la pointe
du jour. Combat engagť par une forte canonnade. L'ennemi abandonne ses
positions; nous nous sommes emparťs des hauteurs.
16.--Le canon s'est fait entendre de l'armťe des Ardennes, qui est sous
les murs de Charleroi.
L'ennemi s'y est portť en forces, avec un renfort de cinquante mille
hommes, et soi-disant l'empereur ŗ leur tÍte. Ce jour, ils ont dťbloquť
la ville, nous ont repoussťs sur le bord de la Sambre prŤs de l'abbaye
de l'Aune oý nous restons trois jours.
19.--Nous sommes partis pour Hantes, oý nous arrivons ŗ onze heures du
soir, bien fatiguťs de marche continuelles[15].
21.--Arrivťs ŗ six heures du matin ŗ Thuin, ville d'oý on avait chassť
l'ennemi quelques jours avant.
22.--Partis ŗ une heure du matin pour le camp de Baudribut.
24.--DŤs la pointe du jour, nous avons passť la Sambre et campť devant
le bourg de Fontaine l'…vÍque.
28.--Levťe du camp. Nous avons attaquť ŗ une heure du matin pour
favoriser le siŤge de Charleroi. L'attaque a ťtť vive et s'est engagťe
par le feu des tirailleurs. Leur cavalerie, qui ne voyait que des
tirailleurs, a chargť sur eux; ce brouillard l'empÍchait de voir les
bataillons qui ťtaient embusquťs derriŤre les haies. Lorsqu'ils ont vu
que la cavalerie ťtait ŗ une demi-portťe de fusil, ils ont fait un feu
de file. Plusieurs tuťs, quelques prisonniers; le reste a pris la fuite.
Nous avons suivi, nous avons rencontrť leur infanterie qui n'a pu
rťsister ŗ notre ardeur, nous avons fait beaucoup de prisonniers, nous
avons pris deux piŤces de canon avec leurs caissons tout attelťs.--AprŤs
cette conquÍte, nous sommes revenus ŗ notre position prŤs de Fontaine
l'…vÍque; ťtant arrivťs, nous avons reÁu ordre de nous rendre au camp de
Baudribut oý ťtait le parc; arrivťs ŗ l'entrťe de la nuit, nous y sommes
restťs quelques jours.
30.--Nous avons levť le camp ŗ deux heures du matin et passť la Sambre
pour la derniŤre fois ŗ quatre heures. Nous sommes venus nous placer ŗ
la gauche de Fontaine l'…vÍque. ņ midi, l'ennemi s'est avancť sur deux
de nos compagnies qui ťtaient en avant; il voulait les surprendre. Nos
bataillons, qui ont aperÁu la manoeuvre, se sont mis en bataille et se
tenaient prÍts ŗ marcher, lorsqu'un ťclaireur est venu nous dire qu'ils
battaient en retraite. Sur-le-champ on s'est mis en marche pour les
poursuivre; leur cavalerie d'arriŤre-garde a voulu nous charger, pour
retarder notre marche, mais elle a ťtť reÁue d'une maniŤre rťpublicaine,
une dťcharge leur a fait bien vite partager la retraite.
2 _messidor_.--Nous avons suivi l'ennemi sans trouver de rťsistance; ils
nous laissent plusieurs piŤces de canons et caissons tout attelťs. Notre
cavalerie fait un grand nombre de prisonniers ŗ l'infanterie
autrichienne. La nuit suspend la victoire, mais elle en prťpare une
nouvelle en nous laissant faire des contremarches ŗ la faveur de son
obscuritť pour se disposer au combat dŤs la pointe du jour.
7.--L'ennemi s'est montrť en force pour dťbloquer Charleroi, mais nous
avons portť obstacle ŗ son dessein.
Le feu a commencť ŗ quatre heures du matin et a durť une partie de la
journťe.
Nuit passťe sous les armes ŗ la gauche du camp de Trazegnies.--Partis de
ce camp ŗ trois heures du matin pour aller nous rťunir ŗ l'armťe de la
Moselle. En marche, on nous a fait rester dans un chemin couvert, devant
un village, pas bien loin de Charleroi. C'est dans cet endroit que nous
avons appris la reddition de la place (du 7 messidor, ŗ onze heures du
matin) avec cinquante mille hommes[16], quatre-vingts bouches ŗ feu et
plusieurs petits magasins. Sortie le mÍme jour, la garnison a dťposť
devant nous ses armes; elle a ťtť de suite escortťe et conduite en
France. Cette ville a ťtť bombardťe sans que nous fassions beaucoup de
retranchements, car elle a ťtť dťbloquťe plusieurs fois.
8.--Nous sommes sortis de notre chemin couvert pour nous opposer au
dťfilť des colonnes autrichiennes pour nous cerner. Ce jour-lŗ ils
avaient rťuni leurs forces de part et d'autre, pour nous donner une
_chasse_, et faire lever le siŤge de Charleroi qui ťtait rendu; mais ils
n'en ťtaient pas instruits, car ils avaient si bien jetť leur plan
qu'ils cherchaient ŗ nous prendre entre deux feux. Il n'y avait plus ŗ
balancer; le combat a commencť ŗ huit heures du matin par une forte
canonnade, de toutes parts, avec une rapiditť sans ťgale, comme jamais
on ne l'avait entendu jusqu'alors. Notre courage semblait dťjŗ nous
annoncer la victoire, main hťlas! dans un feu si terrible et si
opini‚tre, les munitions ont manquť. Il fallut donc battre en retraite
et nous retirer plus vite que nous n'aurions voulu, rencontrant des
obstacles, des fossťs, un village dont les rues ťtaient si ťtroites que
la troupe ne savait oý passer et se voyait presque au pouvoir de
l'ennemi. La colonne autrichienne s'avanÁait avec rapiditť pour nous
prendre en flanc. Mais nous avons ťtť plus tŰt qu'elle au sommet de la
montagne, et nous avons usť le peu de munitions qui nous restaient. Nous
avons retardť leur marche. Je dirai que, en montant cette montagne, il
tombait parmi nous des boulets, obus et balles comme grÍle, mais cela a
fait trŤs peu d'effet, quoiqu'ils soient bien prŤs de nous. Nous avons
perdu trŤs peu de monde et, gr‚ce ŗ la reddition de Charleroi, nous
avons battu en retraite sous ses glacis. La retraite de notre colonne,
qui ťtait celle du centre, a ťtť favorable ŗ la dťfaite de l'ennemi qui
s'est trop aventurť en nous poursuivant, et s'est trouvť pris en flanc.
Il ne s'est retirť qu'avec peine et pertes[17].
Lors du siŤge de Charleroi, un canonnier du rťgiment de SuŤde s'ťcriait
en mourant: ęCobourg, Cobourg, avec tes nombreux florins, tu n'auras pas
payť une goutte de mon sang; je le verse tout aujourd'hui pour la
Rťpublique et pour la libertť.Ľ
Tous ceux qui ont perdu la vie dans ce siŤge n'ont donnť, au milieu des
douleurs les plus aiguŽs, aucun signe de plaintes. Leurs visages ťtaient
calmes et sereins; leur derniŤre parole ťtait: Vive la Rťpublique! C'est
au lit d'honneur qu'il faut voir nos guerriers, pour apprendre la
diffťrence qui existe entre les hommes libres et les esclaves. Les
valets des rois expirent en maudissant la cruelle ambition de leurs
maÓtres. Le dťfenseur de la libertť bťnit le coup qui l'a frappť; il
sait que son sang ne coule que pour la libertť, la gloire et pour le
soutien de sa patrie.
ņ la colonne de gauche et ŗ celle de droite, qui ťtait l'armťe de la
Moselle, le canon n'a cessť de ronfler toute la journťe. Le combat a ťtť
sanglant comme il n'avait jamais encore paru[18]. Deux fois la colonne
de droite a ťtť repoussťe, et deux fois elle a remportť la victoire;
elle leur a pris quinze piŤces de canon de tout calibre. La colonne de
gauche a eu le mÍme succŤs. Des fois, qui croit vaincre est vaincu; avec
leurs grandes forces ils cherchaient ŗ nous bloquer, et ils ont ťtť pris
quand mÍme.
Nous avons perdu quelques braves rťpublicains, mais on pourra juger de
la perte de l'ennemi, toujours grande pour celui qui est obligť de
prendre la fuite. Cette journťe a ťtť une des journťes victorieuses de
la Rťpublique, elle portera pour toujours le nom de _bataille de
Fleurus_.
Dans ce jour mťmorable du 8 messidor, une infortunťe dťlaissťe de son
mari qui avait ťmigrť et n'ayant pas de quoi subsister ťtait, sous des
habits d'homme, avec son frŤre, ŗ son rang de compagnie. La compagnie
ťtant dispersťe en tirailleurs, les tirailleurs ennemis, qui avaient eu
un moment un peu d'avantage, sont venus charger les nŰtres, dans la
mÍlťe; elle s'est trouvťe avec peu de monde environnťe d'un grand nombre
d'Autrichiens. Elle s'en est tirťe en brŻlant la cervelle de celui qui
la tenait, ne cessant de dire que jamais elle ne se rendrait, que sa vie
ťtait sacrifiťe ŗ sa patrie. Ces tyrans lui promettaient d'avoir ťgard ŗ
son sexe et de ne la prendre que comme prisonniŤre. Cette femme ťtait,
avec son frŤre, dans le 22e rťgiment de cavalerie, qui a rťparť ce jour
lŗ la faute qu'il avait faite prŤs de Grand-Reng.
Avant la prise de Charleroi, pendant que nous ťtions ŗ bivouaquer sur
les hauteurs de Fontaine-l'…vÍque, l'ennemi ne se croyant pas en force
se contenta de nous envoyer des boulets et des obus. Nous perdÓmes
plusieurs hommes, entre autres un tambour du bataillon. Un ťclat d'obus
traversa son sac de peau et son cŰtť; il resta mort sur la place; deux
autres soldats furent blessťs du mÍme coup. Un hussard Chamborant
passant dans la place, prit la caisse du tambour et s'est mis derriŤre
un chÍne, battant la charge avec le manche de son couteau, ce qui a mis
l'ennemi en fuite.
9.--Nous sommes venus prendre les positions que nous avions auparavant.
12.--Nous avons marchť toute la journťe pour aller bivouaquer devant la
ville de Binche. Arrivťs ŗ onze heures du soir, nous avons passť le
reste de la nuit sous les armes. L'attaque a commencť par une forte
canonnade.
15.--Nous sommes partis pour attaquer l'ennemi en retraite vers Mons. ņ
huit heures du matin, les tirailleurs se sont avancťs au pas de charge
avec deux piŤces, ils ont poursuivi les Autrichiens si vivement qu'ils
n'ont pas eu le temps d'entrer dans la ville de Mons. Notre cavalerie
s'est emparťe des passages dans les environs de la ville et aussitŰt des
bataillons y sont entrťs, baÔonnette en avant. Dans cette journťe on a
fait environ deux cents prisonniers.--Les autres colonnes ont encore
poursuivi pendant deux heures. La nuit a tendu ses voiles[19]; il a
fallu arrÍter notre marche. Nous avons passť la nuit sous les murs de
Mons.
16.--La ville rendue, nous avons ťtť prendre position devant le village
nommť Beausoir.
17.--Partis de cette position dŤs la pointe du jour, croyant trouver les
Autrichiens, mais nous avons fait cinq lieues sans rencontrer personne.
Campť devant Braine-le-Comte, situť sur la route de Mons ŗ Bruxelles.
Nous sommes entrťs dans la ville avec les plus vifs applaudissements de
tous les bourgeois qui faisaient entendre les cris: ę_Vivent les soldats
rťpublicains franÁais!_Ľ
21.--Nous avons levť le camp pour continuer notre route. Nous sommes
entrťs dans la ville de Hal avec les mÍmes applaudissements; nous avons
campť en avant de la ville jusqu'au 23. Nous sommes partis dŤs la pointe
du jour, croyant trouver ceux qui nous menaÁaient quelques jours
auparavant. Notre avant-garde suffisait pour les faire disparaÓtre.
23.--Nous sommes entrťs dans la ville de Bruxelles, de mÍme avec les
plus vifs applaudissements de tous les bourgeois: ęVive les soldats
rťpublicains!Ľ Comme nous ťtions ŗ la tÍte de la colonne, nous sommes
restťs ŗ la place, sous les armes, pendant que la colonne a dťfilť. Cela
a durť toute la nuit.
24.--Le reste de la colonne a passť. De suite, on a fait entrer les
troupes dans les casernes, mais la moitiť restait toujours sous les
armes. Notre bataillon ťtait au quartier du Vieux Marchť; et les deux
autres bataillons ťtaient dans de grosses maisons bourgeoises. Il y
avait avec nous le rťgiment de SuŤde et le bataillon du Haut-Rhin. Nous
ťtions sans aucune fourniture[20].
30.--Nous sommes partis ŗ une heure du matin. Nous avons ťtť camper
devant Louvain. J'ťtais parti trois jours auparavant avec un piquet de
vingt-cinq hommes pour escorter des bateaux que nous avons ťtť chercher
ŗ Villebruck, sur le canal qui vient ŗ Bruxelles. Nous avons ťtť bien
reÁus dans cet endroit qui est ŗ cinq lieues. Nous sommes arrivťs le 30
avec ces bateaux chargťs de foin et d'avoine pour les magasins de
Bruxelles, et j'ai rejoint, avec mon piquet, la demi-brigade qui ťtait
campťe devant la ville de Louvain.
Ier _thermidor_.--Partis dŤs la pointe du jour, nous sommes venus nous
placer devant la ville de Tirlemont, oý nous avons trouvť notre ennemi,
nous l'avons attaquť sans plus de cťrťmonie et nous l'avons poursuivi ŗ
deux lieues. Nous sommes revenus ŗ notre position.
7.--Partis au jour, nous sommes allťs nous placer devant la ville de
Saint-Tron.
9.--Nous avons fait un mouvement, nous avons ťtť camper dans une grande
plaine assez prŤs de Tirlemont, oý nous entendons ronfler le canon de
notre avant-garde, qui ne laisse pas ŗ l'armťe autrichienne le temps de
se rallier.
16.--Partis de ce camp, nous sommes venus au camp de Berlingen.
29.--Nous avons fait un mouvement d'un quart de lieue ŗ l'entrťe de la
nuit. Nous avons traversť un village qui sťparait notre camp du camp de
Looz.
Toutes ces plaines oý nous ťtions campťs ťtaient retranchťes du cŰtť de
l'ennemi par de fortes redoutes.
Ier _fructidor_.--C'est dans ce camp que nous avons ťtť amalgamťs avec
le rťgiment de Beauce et un bataillon du Haut-Rhin[21]. Les officiers et
sous-officiers se sont assemblťs; on a fait la fÍte pendant deux jours,
on a bu le vin d'alliance, on s'est jurť de mÍme que la fraternitť
rťgnerait entre nous jusqu'ŗ la mort; et comme on servait la mÍme
patrie, on s'est promis de vivre toujours en paix comme des frŤres et de
vrais soutiens de la Rťpublique franÁaise. Le numťro que cette
demi-brigade a eu dans ce moment ťtait 127; elle a ťtť commandťe en
premier-lieu par le gťnťral de brigade Richard et le gťnťral de division
Poncet.
Dans ce camp, nous avons appris la reddition de Valenciennes. On a
trouvť dans cette place 227 bouches ŗ feu et quantitť de poudre et
autres magasins bien approvisionnťs, plus qu'on n'en avait trouvť
lorsqu'ils avaient ťtť livrťs.
14 _fructidor_.--Nous sommes partis ŗ deux heures du matin: nous avons
ťtť camper dans la plaine de MaŽstricht, et nous en ťtions encore ŗ
trois lieues en seconde ligne. La paille a ťtť dťlivrťe ŗ toute la
colonne.
On nous a annoncť la reprise de Condť; on a trouvť dans cette place
1,600 prisonniers, 130 bouches ŗ feu, des munitions de bouche pour six
mois, 6,000 paquets de cartouches, un trŤs grand magasin de poudre ŗ
canon, 6,000 bombes, 6,000 boulets, et cette place en bon ťtat de
dťfense.
Le mÍme jour, a passť dans notre camp un colonel anglais avec toute son
escorte et trente chevaux, qui avaient ťtť pris aux environs de
MaŽstricht par notre avant-garde.
C'est dans ce mÍme camp que nous avons fait la rťjouissance de la
reddition de toutes nos villes que les Impťriaux nous avaient ravies: le
Quesnoi, Landrecies, Valenciennes, Condť.
Voici la maniŤre dont la rťjouissance s'est faite dans l'armťe de Sambre
et Meuse. La fÍte a ťtť annoncťe ŗ six heures du matin par trois coups
de canon des piŤces de position qui se sont trouvťes dans chaque
division. ņ sept heures et demie, les mÍmes piŤces ont rťpťtť la mÍme
chose. La musique de chaque demi-brigade ťtait placťe sur le front de
bandiŤre, oý elle jouait diffťrents airs patriotiques pendant toute la
cťrťmonie. ņ huit heures et demie un feu de bataillon a ťtť exťcutť dans
chaque division en commenÁant ŗ la droite d'icelle. Ce feu fini, le
gťnťral de brigade a passť devant chaque bataillon en criant: _Vive la
Rťpublique!_ Nous nous sommes unis ŗ sa voix. La distribution de
l'eau-de-vie a ťtť donnťe ŗ toute la troupe. L'ordre a ťtť donnť que
chacun rentre dans ses baraques. Ce n'ťtait pas sans en avoir besoin,
car depuis minuit nous ťtions sous les armes.
Ier _vendťmiaire, an_ III.--Nous sommes partis du camp, dont c'ťtait la
premiŤre fÍte _sans culottine_, pour nous rapprocher de MaŽstricht, et
nous joindre ŗ notre avant-garde qui ťtait sous ses murs et s'ťtait
vaillamment battue.
La ville de MaŽstricht a ťtť bloquťe et cernťe entiŤrement. Nous y
sommes restťs quelques jours, et de lŗ nous nous sommes mis en marche.
Nous avons passť la Meuse, au-dessus de MaŽstricht sur des pontons pour
rejoindre notre avant-garde, et aller ŗ la poursuite des Autrichiens. Il
est restť une partie de notre armťe pour contenir la garnison de
MaŽstricht en attendant que nous ayons repoussť l'armťe autrichienne au
delŗ du Rhin. Nous avons marchť plusieurs jours sans rencontrer aucun
vestige de l'armťe autrichienne.
Arrivťs ŗ une forte riviŤre nommťe la RoŽr, c'est lŗ qu'ils espťraient
remporter la victoire et nous empÍcher de passer. Ils ťtaient bien
retranchťs dans les endroits oý on aurait pu passer. Malgrť plusieurs
obstacles qui se trouvaient devant cette riviŤre, nous n'avons pas
hťsitť un seul moment pour attaquer.
La bataille a ťtť sanglante aux deux partis, et a durť depuis le matin
jusqu'au soir; ŗ la nuit, on a fait abandonner la riviŤre ŗ l'ennemi.
Nous avons eu dans ce jour plusieurs centaines d'hommes de blessťs. Nos
piŤces de position, au nombre de quarante, ťtaient aux environs de la
riviŤre et n'ont dťcessť de jouer; la fusillade a fait de mÍme. L'ennemi
a rťpondu au feu d'enfer que faisaient les rťpublicains. Le soir,
lorsque le feu a cessť, nous nous sommes retirťs un peu en arriŤre, dans
la plaine qui touche la riviŤre, pour passer la nuit.
Nous les avons vus qui faisaient de grands feux, car ils brŻlaient leurs
baraques; nous avons jugť par-lŗ qu'ils allaient prendre la fuite.
C'ťtait rťel: vers minuit, ils se sont mis en marche.
On a travaillť toute la nuit ŗ faire des ponts avec des voitures, des
chariots attachťs avec des gros arbres, qui ťtaient sur le bord de la
riviŤre; on a mis des planches sur ces constructions et le matin, ŗ la
pointe du jour, nous avons passť au milieu de leurs retranchements, qui
ťtaient remplis de cuisses, bras et corps entiers qu'ils avaient laissťs
sans les enterrer. Plusieurs pauvres blessťs criaient misťricorde; on
les a portťs de suite ŗ l'ambulance avec les nŰtres.
Notre colonne de droite avait passť la riviŤre avant nous. Nous avons
ťtť plusieurs jours pour arriver au Rhin, mais aucun Autrichien ne s'est
trouvť devant nous. Le soir du passage de la riviŤre, le gťnťral de
brigade Richard nous a annoncť la prise de Juliers avec vingt-quatre
piŤces de 27 en bronze. Depuis cette ťpoque, nous n'avons plus vu
d'Autrichiens que sur l'autre rive du Rhin, prŤs de DŁsseldorf[22].
Notre dernier camp a ťtť dans la plaine prŤs de la ville de Neus. Voilŗ
la maniŤre dont nous avons fait la conduite ŗ l'armťe autrichienne avec
les honneurs de la guerre, ŗ grands coups de canon.
Notre voyage ne nous a pas ťtť bien favorable: une pluie continuelle et
froide, un vent qui nous glaÁait les sens, et point d'autre couverture
que le ciel.
Notre ennemi est de l'autre cŰtť du Rhin, tranquille, et nous, mous
allons retourner sur nos pas pour aller faire le siŤge de
MaŽstricht[23].
Arrivťs devant cette ville, on s'est tout de suite occupť ŗ faire les
travaux; on a fait des redoutes pour soutenir et rťpondre aux sorties
qu'ils pourraient faire pendant qu'on ouvrirait les boyaux: on
travaillait ŗ ces ouvrages nuit et jour.
Malgrť leur mitraille, nous avons ouvert les boyaux ŗ une portťe de
pistolet de leur bastion. Nous y avons ťtť, pour notre tour, cinq fois
pour les ouvrir. On n'a pas perdu tant de monde que l'on croyait pour
faire le siŤge d'une ville si forte. Notre commandant de bataillon a ťtť
blessť d'un ťclat de grenade, et plusieurs officiers et soldats.
Tous les jours, les ouvrages se multipliaient, et nous rendions par ce
moyen l'asile des assiťgťs plus ťtroit. Les jardiniers de la ville
avaient plantť beaucoup de lťgumes d'hiver dans leurs jardins; mais
c'est nous qui en avons fait la rťcolte. Tous les matins, ils se
trouvaient enfermťs plus ťtroitement; s'il n'y avait pas eu des fossťs,
nous aurions ťtť les prendre dans leurs palissades.
Les ouvrages allaient Ítre achevťs; on a commencť ŗ bombarder la ville
le 12 brumaire; cela a durť trois jours. Le 14, la ville de MaŽstricht
s'est rendue, ŗ deux heures du matin. Un des officiers supťrieurs de la
ville est venu sur les bastions et a demandť le gťnťral qui commandait
en chef le siŤge, pour capituler[24]. Pendant qu'on est allť le
chercher, les canonniŤres et les bombardiŤres redoublaient le feu
jusqu'au moment oý ils ont reÁu l'ordre du gťnťral de le cesser. Au
moment oý il a demandť ŗ capituler, le feu ťtait dans un magasin
d'huile, de lard, de farine, etc. ņ la pointe du jour, on voyait tous
les bourgeois sur les remparts et plusieurs nous apportaient des
bouteilles d'eau-de-vie.
Nous avons tenu MaŽstricht bloquťe pendant quarante-quatre jours.
Pendant ce blocus, les assiťgťs nous ont envoyť quarante-cinq mille
boulets, trente-quatre mille tant bombes qu'obus, quatorze mille
grenades. Ils nous envoyaient toutes ces pommes dans nos travaux, sans
que cela fasse beaucoup d'effet.
Le feu cessť, on a ťtť trois jours pour arranger la capitulation. La
garnison est sortie de la ville le 17 brumaire; entre dix et onze heures
du matin, les troupes impťriales sont sorties par la porte d'Allemagne,
et ont passť la Meuse au milieu des assiťgeants, qui formaient la haie
de chaque cŰtť de la route oý ils devaient passer. Ils sont sortis avec
les honneurs de la guerre: tambour battant, mŤche allumťe et enseigne
dťployťe. Lorsqu'ils ont ťtť presqu'ŗ la fin de la colonne, ils ont
dťposť leurs armes devant nous; la cavalerie et l'infanterie ont emportť
leurs sabres. Il y avait de la troupe toute prÍte pour les conduire au
delŗ du camp.
La troupe hollandaise est sortie le mÍme jour, mais un peu plus tard,
car il fallait le temps ŗ la colonne franÁaise de venir se placer en
haie sur la route par laquelle ils devaient passer, qui ťtait d'une
extrťmitť de la ville ŗ l'autre. Ils sont sortis de mÍme avec les
honneurs de la guerre comme la troupe autrichienne. Ils ont ťtť
reconduits dans leur pays par nos chasseurs ŗ cheval, ils ont conservť
leurs sabres comme la troupe impťriale. Les officiers composant la
garnison de MaŽstricht ont emmenť leurs chevaux et tout leur bagage.
La Ville de MaŽstricht est trŤs forte; elle a un fort qui la commande et
qui la dťfend. La Meuse flotte contre ses murs, et donne de l'eau dans
ses fosses; elle a aussi des forts qui sont construits dans le milieu de
la Meuse, qui dťfend son approche du cŰtť de l'Allemagne. Il y a dans
les environs de grandes plaines trŤs fertiles en blťs, orge, avoine,
pommes de terre, etc.; elle est frontiŤre de la Hollande.
C'ťtait le gťnťral Klťber qui commandait le siŤge en chef; nous ťtions
du cŰtť gauche de la ville, sous les ordres du gťnťral Duhesme.
18 _brumaire_.--Nous sommes partis des alentours de MaŽstricht pour
aller sur les bords du Rhin.
20.--Nous avons passť dans la ville de Juliers, jolie petite ville trŤs
fortifiťe; les maisons d'une assez belle construction, les rues trŤs
larges. Il y a aussi de trŤs belles plaines trŤs fertiles en blťs et en
toute sorte de grains; on y boit aussi de bonne biŤre, on y rťcolte
aussi de trŤs bons fruits. Cette ville est la capitale du duchť de son
nom.
22.--Nous sommes arrivťs ŗ Cologne; nous y avons campť en arrivant.
29.--Nous sommes sortis de ce camp pour aller cantonner sur le bord du
Rhin au village nommť Langel. Nos postes ťtaient placťs sur le bord du
Rhin; nous ťtions une compagnie par ferme, trŤs serrťs ŗ cause de la
grande quantitť de troupes qui ťtaient dans les environs. J'ai ťtť voir
la ville de Cologne; elle est trŤs grande, bien peuplťe, les rues
larges; il y a une quantitť de clochers. J'ai remarquť que sur une tour
trŤs haute, il y avait une grue peinte en vert. Le Rhin flotte contre
les murs, et fait une partie de leur commerce. La ville n'est point
fortifiťe, elle est entourťe d'un simple mur trŤs haut. C'ťtait lŗ que
l'ťlecteur faisait sa rťsidence.
12 _frimaire_.--Sortis de Hangel pour passer ŗ la droite de la Logne.
Suivant les bords du Rhin ŗ une demi-lieue de la Logne, nous cantonnons
au village nommť Nille?
Nous avons reÁu des ordres pour nous rendre ŗ Bonn, soi-disant pour
passer le reste de l'hiver; nous sommes partis le 13; lorsque nous avons
ťtť prŤs des murs de ladite ville, nous avons reÁu des ordres pour aller
cantonner dans les villages ŗ une lieue et demie ŗ la droite de Bonn.
Nous sommes arrivťs dans ces cantonnements le 17, dans un village nommť
Melheim, situť sur le Rhin. Notre ťtat-major est restť dans ce village;
notre compagnie a ťtť dťtachťe ŗ une demi-lieue en arriŤre ŗ un village
nommť Lanesdorf, situť auprŤs de grosses montagnes; nous montions tout
de mÍme la garde sur le Rhin.
Quel froid nous avons endurť ťtant de garde dans ces endroits!
Des sentinelles sont mortes en faction; cependant on les relevait toutes
les demi-heures. Le Rhin ťtait tout en glace; pendant vingt-quatre
heures, on ťtait obligťs de jeŻner, car nos vivres ťtaient gelťs, durs
comme de la pierre. Je ne veux pas peindre les maux que nous avons
soufferts dans ces diffťrentes occasions; ils seraient faits pour
attendrir un coeur de roche. Que l'on se souvienne de la rigueur des
froids des diffťrents hivers, de la raretť des vivres et du vÍtement;
cela suffira pour dire que nous avons ťtť malheureux.
17 _nivŰse_.--Sortis de ce cantonnement pour aller au village nommť
Keising, ŗ une demi-lieue de Bonn. …tant dans ce village, je suis allť
voir la ville de Bonn; je dirai qu'elle est trŤs belle: des rues larges
et bien propres, des maisons d'une belle construction, trŤs ťclairťes,
de belles places bien grandes, un superbe ch‚teau ŗ l'entrťe de la
ville, situť au midi et appartenant ŗ l'ťlecteur. Le Rhin flotte contre
ses murs: elle n'est fermťe que par des petits remparts, trŤs bien
construits. Dans les environs de la ville, il y a de belles avenues de
marronniers et de tilleuls, environnťes de belles plaines.
…tant au village de Keising, nous avons fait l'anniversaire de la mort
de Capet. Cela a eu lieu le 2 pluviŰse, ŗ dix heures du matin. Le
bataillon ťtant rassemblť, on a fait trois dťcharges et les piŤces
d'artillerie en ont fait de mÍme. Cela s'est fait dans l'armťe de
Sambre-et-Meuse, dans nos cantonnements sur le bord du Rhin.
Nous sommes partis de Keising le 5 pluviŰse 1795 (vieux style). Journťe
odieuse et fatigante pour aller ŗ Aix-la-Chapelle. Au moment oý nous
nous sommes mis en route, il tombait de la pluie; il y avait longtemps
qu'il faisait de fortes gelťes; ce jour-lŗ il paraissait faire un dťgel
universel. Jamais FranÁais et autres n'ont vu une pareille journťe, elle
a durť vingt-quatre heures. Toute la troupe ťtait fatiguťe. On enfonÁait
dans la terre jusqu'aux genoux, on faisait trois ou quatre pas, et il
fallait s'arrÍter pour reprendre haleine; aussi plusieurs soldats y ont
perdu la vie, et mÍme les chevaux, avec rien sur leur dos, avaient bien
de la peine ŗ s'en tirer. Ce n'ťtait pas cependant dans des marais,
c'ťtait dans des champs de gravier; on aurait prťfťrť marcher dans l'eau
jusqu'aux reins, plutŰt que dans de pareils chemins; mais il n'y avait
pas de choix; il fallait que la route se fasse.
Nous avons ťtť dans cette triste situation depuis le matin jusqu'au soir
ŗ la nuit. …tant arrivťs ŗ une petite ville nommťe Bruhl, toute la
demi-brigade n'y a pu loger. Il ťtait nuit: il nous a fallu aller loger
ŗ une demi-lieue de Bruhl, dans un village. Pour faire cette demi-lieue,
nous avons ťtť deux heures; en arrivant, les billets de logement nous
ont ťtť distribuťs, mais on a eu bien de la peine ŗ les trouver, par
rapport ŗ la nuit.
Le lendemain, la route ťtait plus favorable, la gelťe avait remplacť le
dťgel, la nuit avait raffermi la route, et le matin il tombait de la
neige qui a durť jusqu'ŗ midi. Nous sommes partis de nos logements ŗ
sept heures du matin vers Aix-la-Chapelle. Nous avons logť en y allant ŗ
Norwenig, ŗ Duren, ŗ Eschviller. ņ Aix-la-Chapelle, nous avons logť chez
le bourgeois. Nous y sommes restťs un mois pendant lequel les officiers
et sous-officiers ont ťtť plusieurs fois chez le gťnťral de division
Poucet pour apprendre la thťorie.
L'armťe de Sambre et Meuse passait alors pour Ítre si peu disciplinťe,
parmi les FranÁais, que l'on croyait que les gťnťraux n'osaient livrer
aucun combat faute de discipline et de subordination. Le tout venait de
la part des ennemis de la libertť, qui cherchaient ŗ mettre le dťsordre
parmi nos troupes, en faisant naÓtre l'idťe que le droit de la guerre
ťtait de piller tout pays conquis.
Mais le FranÁais a su se comporter plus vaillamment, car c'est la
discipline qui a fait tous nos succŤs, et qui a excitť l'admiration de
toute l'Europe. Voilŗ pourquoi les ennemis de la Rťpublique voulaient
nous entraÓner au pillage; les perfides savaient bien qu'une armťe sans
discipline est une armťe vaincue; ils savaient par eux-mÍmes que des
brigands ne sont jamais qu'une troupe de l‚ches. Nous avons dťmenti
cette calomnie par notre conduite; l'amour de l'ordre et de la
discipline, le respect pour les personnes et les propriťtťs,
distingueront toujours l'armťe de Sambre et Meuse.
Voici un discours du reprťsentant du peuple Gillet aux habitants
d'Aix-la-Chapelle, qui prouve la gťnťrositť des FranÁais:
ęHabitants d'Aix-la-Chapelle,
ĽDes actes de cruautť ont ťtť commis dans votre ville envers des
soldats franÁais lors de la retraite de l'armťe au mois de mars
1793: des soldats malades et blessťs ont ťtť jetťs par les fenÍtres
dans la rue; d'autres ont ťtť fusillťs par des bourgeois qui se
tenaient cachťs dans leurs maisons. Nous n'userons point des droits
que pourraient nous donner de justes reprťsailles.
ęSi les ennemis de la France se sont couverts de tous les crimes,
le FranÁais s'honorera toujours d'Ítre gťnťreux. Mais le sang de
nos frŤres cruellement massacrťs demande vengeance. Sans doute ces
actes de barbarie ont ťtť dťsavouťs par la majoritť des citoyens,
et ne peuvent Ítre l'ouvrage que d'un petit nombre. Nous demandons
que les coupables nous soient livrťs dans les vingt-quatre heures;
vous nous devez cette justice, vous la devez ŗ vous-mÍmes sous
peine d'Ítre rťputťs complices des plus atroces forfaits.
Signť: ęGILLET.Ľ
Le 10 ventŰse, nous avons cťlťbrť la fÍte de la prise de la
Hollande[25], et, ce mÍme jour-lŗ, les nobles et ceux qui avaient des
titres de noblesse les ont brŻlťs en notre prťsence, sous les armes.
Je dirai qu'Aix-la-Chapelle est trŤs grand et bien peuplť: il y a
beaucoup de manufactures en tout genre; on y trouve de bonne eau
vulnťraire pour boire et prendre des bains; il y a de belles maisons
trŤs ťlevťes, de belles rues larges et de belles grandes places. Elle
n'est fermťe que de plusieurs simples murs; c'est une ville trŤs
ancienne.
Nous sommes partis d'Aix-la-Chapelle le 11 ventŰse pour aller cantonner
aux environs d'Aix-la-Chapelle, au bourg nommť Eschviller; notre
compagnie a ťtť dťtachťe ŗ un village nommť Nolberg.
Je dirai que dans les campagnes de ces pays, ils sont assez ŗ leur aise.
Ils vivent bien avec de la choucroute, du bon lard; leur soupe est faite
avec de l'orge mondť, de la viande de boeuf salť; ils mangent beaucoup de
carottes, de navets; prennent le matin beaucoup de cafť avec du beurre
frais et des confitures; leur boisson est de la bonne biŤre et du
_chenik_. Leurs maisons sont trŤs propres, lavťes tous les samedis; leur
batterie de cuisine est en fer noir et jaune, trŤs bien ťclaircie, et
mÍme leur crťmaillŤre; pincettes et pelle ŗ feu, tout est dans la plus
grande propretť. Le sexe des deux sortes y est trŤs affable; les hommes,
leur costume n'est pas diffťrent du nŰtre; mais les femmes ont un
dťshabillť assez long; pour coiffure, des petits bonnets de velours ou
autre couleur, bordťs sur le devant avec une dentelle en or; leurs
cheveux en plusieurs tresses qu'elles roulent derriŤre leur bonnet comme
un escargot, et tenus avec une grande ťpingle en argent, large comme les
deux doigts. Leur parler est l'allemand. Tout ce pays est trŤs fertile
pour toutes choses.
Nous sommes partis de Nolberg le 25 ventŰse pour revenir sur les bords
du Rhin; nous avons logť en y allant ŗ Duren, ŗ Norwenigbourg, ŗ
Bruhl-ville. De lŗ, nous avons ťtť prendre nos cantonnements sur le bord
du Rhin, au village nommť Nieder-Weslingen. C'ťtait le 27; dans cet
endroit on nous a diminuť les vivres; nous avions par jour une livre de
pain et une once de riz; avec ces vivres nous ťtions une partie de la
nuit sur pied et montions la garde d'un jour ŗ l'autre. Voilŗ comme les
soutiens de la patrie avaient toutes leurs aises.
7 _germinal_.--Sortis de Nieder-Weslingen. Ce jour-lŗ, nous avons appris
le traitť avec le roi de Prusse[26]. Notre marche ťtait dirigťe sur
Coblentz. Nous avons logť, en y allant, ŗ Bonn, ŗ Breisig, ŗ Kretz. Lŗ
nous sommes restťs huit jours.
16.--Arrivťs ŗ Coblentz oý nous n'avons pas logť; notre logement a ťtť ŗ
gauche de la ville, au village nommť Kesselheim, situť sur le bord du
Rhin.
17.--Entrťs dans la ville de Coblentz ŗ huit heures du matin. Nous avons
ťtť logťs dans des maisons d'ťmigrťs toutes dťvastťes, et ŗ peine avions
nous de la paille pour reposer nos pauvres membres tout navrťs de
fatigue, avec notre livre de pain et notre once de riz[27]. Bien des
fois, on ne pouvait pas avoir du pain et trŤs peu de viande bien maigre;
nous ne pouvions trouver aucune chose pour notre papier, car personne ne
s'en souciait, et pour un pain de trois livres, il fallait donner
vingt-cinq francs en papier[28].
La ville de Coblentz est grande et trŤs peuplťe; il y a beaucoup de rues
trŤs larges, mais aussi il y en a oý les voitures ne peuvent pas passer;
il y a de belles places et principalement la place d'Armes, entourťe de
bornes de pierre avec de grosses chaÓnes de fer.
Deux rangs de tilleuls forment un berceau couvert tout autour de la
place; elle est environnťe de belles grosses maisons trŤs hautes et
d'une belle construction. Et mÍme dans une partie de la ville, en
sortant de la place d'Armes, on voit un boulingrin et une superbe maison
toute neuve, que l'Electeur de cette ville a fait b‚tir; elle nous
servait d'hŰpital du temps que nous ťtions dans ces contrťes. Cette
maison est sur le bord du Rhin, environnťe de grands jardins
nouvellement plantťs. Il y a aussi de magnifiques promenades. Cette
ville est du cŰtť du nord, bornťe par la Moselle qui tombe de lŗ dans le
Rhin, vis-ŗ-vis du fort, et, au levant, le Rhin flotte contre ses murs.
Cette ville avait de forts bastions et de gros cavaliers qui dťfendaient
son approche, entre le Rhin et la Moselle; ces fortifications ont ťtť
dťmolies dans le temps que nous ťtions lŗ, de sorte qu'elle n'est
maintenant fermťe que d'un simple mur, du cŰtť du Rhin. Il y a un fort
trŤs haut qui peut brŻler la ville; c'est un morceau qui ne peut Ítre
pris que par la famine. Les FranÁais y sont entrťs lorsqu'ils ont poussť
l'armťe autrichienne au delŗ du Rhin.
Nous avons construit des forts et des retranchements bien palissadťs ŗ
une demi-lieue de la ville entre la Moselle et le Rhin, dans la plaine.
Le costume des deux sexes est le mÍme que celui d'Aix-la-Chapelle.
5 _florťal_.--Partis de Coblentz ŗ deux heures du matin pour nous rendre
ŗ Rhense, ville situťe sur le Rhin, sur le versant d'une petite
colline.--Quelques jours avant de sortir de Coblentz, on nous a annoncť
la paix avec le roi de Prusse, ce qui a donnť bien du contentement ŗ
toute la troupe de voir que leur ouvrage commenÁait ŗ produire[29].
10.--Partis de Rhense pour revenir ŗ Capellen, sur le bord du Rhin, au
pied de grosses montagnes.
18.--Partis de Capellen pour revenir camper sur une hauteur prŤs de la
ville de Coblentz, ŗ droite du camp nommť le camp de la Chartreuse; il
portait le nom du couvent qui ťtait sur le bout de la montagne, prŤs de
la ville. Ce couvent ťtait tout dťvastť et servait ŗ mettre les chevaux
de l'artillerie. C'est dans ce camp que noua avons encore fait
pťnitence. La misŤre augmentait tous les jours pour les dťfenseurs de la
patrie; nous avons ťtť rťduits ŗ douze onces de pain par jour, et bien
des fois on ne pouvait pas en avoir. Il fallait cependant faire son
service, bivouaquer et monter la garde trŤs souvent. Mais le printemps
nous produisait des plantes pour un peu nous soutenir, qui ťtaient des
feuilles de pois sortant ŗ peine de terre, des coquelicots ou
_feu-d'enfer_, du sarrasin, des pissenlits. Avec tous ces herbages, nous
en faisions une farce que nous mangions en guise de pain; et lorsque le
seigle est venu en grains, on allait lui couper la tÍte et on le faisait
griller sur le feu. Les pommes ŗ peine dťfleuries nous servaient aussi
de nourriture.
C'ťtait vraiment une grande misŤre, on voyait plusieurs soldats cachťs
derriŤre des haies, attendant que le laboureur qui plantait des pommes
de terre fendues en quatre pour en rťcolter pour l'hiver prochain, fŻt
parti de son champ. AussitŰt les soldats affamťs parcouraient le champ,
cherchant dans la terre les petits morceaux de pommes de terre, et
revenaient au camp avec leur petite proie, et les faisaient cuire[30].
Huit ou dix jours aprŤs on reparcourait les champs, les morceaux de
pommes de terre qui avaient ťchappťs ŗ la premiŤre recherche
commenÁaient ŗ sortir de terre; on les enlevait avec beaucoup de
contentement de se voir quelques petits morceaux de pommes de terre pour
se sauver la vie.
Le matin on battait la breloque pour le pain, la viande, mais on
revenait souvent sans viande[31]. Le soir, ŗ l'entrťe de la nuit, pas
tous les jours, on revenait avec un pain pour quatre hommes. Tout le
monde sortait de ses baraques et la gaÓtť renaissait pour un moment dans
le camp; dans la journťe tout le monde ťtait comme mort, sur sa pauvre
paille, prenant la misŤre en patience et s'amusant ŗ dťtruire sa
vermine.
AprŤs une misŤre pareille et des maux si longs et si pťnibles,
quelques-uns diront: ęles soldats ne sont que des voleurs. Voyez comme
ils allaient dťvaster les travaux des pauvres laboureurs!Ľ Nous sentions
bien la perte que nous causions, mais lequel pouvait-on prťfťrer dans un
pareil cas, de mourir? Non, mais je crois, de vivre et d'Ítre utile!
Dans le courant de prairial, an III de la Rťpublique franÁaise, les
officiers, sous-officiers et soldats de la 127e demi-brigade de l'armťe
de Sambre-et-Meuse ont ťcrit ŗ la Convention nationale, s'exprimant en
ces termes:
ęQue venons-nous d'apprendre? Quoi! les factieux s'agitent encore autour
de la Reprťsentation nationale; le reste impur des complices de la
Terreur ose de nouveau provoquer au pillage, ŗ l'assassinat, au mťpris
de l'humanitť, ŗ la violation des droits du peuple.
ęQue veulent donc ces hommes tťmťraires? et quels sont leurs projet
perfides, leurs aviditťs cruelles? Ils cherchent des prťtextes. Mais ce
n'est pas du pain qu'ils demandent, c'est du sang. Ils sont jaloux du
repos du peuple, ils ont soif de son avenir heureux; leur rage scťlťrate
veut ensevelir la libertť publique, sous les corps enlacťs des victimes,
et dominer sur ces dťbris.
ęLťgislateurs, conservez l'attitude imposante que vous avez prise!
rappelez-vous toujours ce qu'est le peuple et que le peuple ne veut pas
Ítre opprimť par une poignťe de factieux; songez que les agitateurs qui
osent vous menacer, ne sont pas citoyens de Paris, et que les citoyens
de Paris ne sont eux-mÍmes qu'une petite fraction de la Rťpublique!
ęSi l'audace des uns croissait avec leur criminel espoir, et si le
courage des autres s'amollissait par la crainte; si les premiers
oubliaient leur premier devoir et les derniers leur ancienne gloire;
s'il fallait enfin que des colonnes s'ťbranlassent des armťes
victorieuses pour aller dťfendre la Convention nationale; parlez,
lťgislateurs! Nous volons autour de vous, les factieux ne parviendront
jusqu'ŗ vous qu'en marchant sur nos cadavres.
ęUne rťpublique fondťe sur les moeurs et sur la justice est impťrissable
comme la nature[32].Ľ
Le 22 prairial, on nous a annoncť la prise de Luxembourg. Les 29 et 30
prairial, et le 1er messidor, nous avons vu passer la garnison du dit
Luxembourg, au nombre de douze mille, qui ont passť le Rhin ŗ Coblentz,
aprŤs avoir passť devant nous.
Le 9 du mois de thermidor, nous avons reÁu trois drapeaux tricolores oý
ťtait le numťro de la demi-brigade. Avec les rťpublicains qui
composaient ce corps, nous avons jurť dans ce moment de ne jamais
abandonner ces drapeaux qu'ŗ la mort, comme nous avions fait jusqu'alors
des prťcťdents.
On nous a fait dans ce mÍme moment du feu avec les morceaux des anciens
qui avaient ťtť fracassťs au blocus de Maubeuge et au siŤge de
MaŽstricht; ils ressemblent ŗ des vieux guerriers qui ťtaient devenus
bien caducs en acquťrant de la gloire et en parcourant les champs de
Bellone.
10 _thermidor_.--Partis du camp de la Chartreuse par une grande pluie
qui a durť deux jours; les ordres ťtaient donnťs pour nous rendre ŗ
Creutznach. Le 14, nous avons logť, en y allant, ŗ Ventzenheim oý nous
avons eu sťjour; le 15, ŗ Kircheim-Bolanden. Dans cette ville, le prince
de Weilburg a un superbe ch‚teau de plaisance; il est environnť de
jardins oý il y a des arbres de toute espŤce, il y a un parc bien
distribuť: de belles cascades d'eau, des promenades bien agrťables, et
des piŤces de gazon trŤs bien garnies. La vue ne peut pas se contenter
d'examiner toutes ces belles choses, qui semblent Ítre faites par la
nature.
16.--Logť ŗ Pitzersheim. Avant d'arriver ŗ ce village, on voit les tours
de Mannheim: il est seulement ŗ trois quarts de lieues de Neustadt.
17.--ņ Neustadt; 18, ŗ Nuzdorff, premier village de France, venant de
Coblentz et frontiŤre du Palatin[33]. Ce village est trŤs grand et situť
ŗ une demi-lieue de Landau.
19.--ņ Altenstadt, village ŗ un quart de lieue de Wissembourg, oý nous
avons eu sťjour.
21.--ņ Beinheim, village situť sur la route de Lauterbourg[34] ŗ
Strasbourg.
22.--Partis ŗ sept heures du matin pour nous rendre au fort Vauban,
seulement le premier bataillon, les deux autres ont ťtť camper dans la
plaine de Beinheim. Nous avons relevť au fort un bataillon de la 92e
demi-brigade, ci-devant d'Artois.
Cette place se nommait, avant la Rťvolution, le Fort-Louis; elle ne
pouvait Ítre prise que par famine, mais elle a ťtť livrťe aux Prussiens
en 1792. Les FranÁais ont repris cette place, la mÍme annťe, aprŤs le
dťblocus de Landau. Durant le temps que les Prussiens sont restťs au dit
fort, ils ont minť le quartier et autres fortifications[35]. Au moment
oý il a fallu les abandonner, ils ont fait sauter toutes les mines; il
restait encore quelques maisons oý ils ont mis le feu en partant, de
sorte que maintenant cette place est comme un dťsert. Nous ťtions logťs
dans des vieilles masures, comme tout le bataillon, parce que le Rhin
avait dťbordť, et les baraques ťtaient encore pleines d'eau. Le mauvais
air qui rťgnait dans cette place a fait que tout le bataillon, et mÍme
les deux autres, ont ťtť pris de maladie; c'ťtait comme une peste.
Jusqu'ŗ dix hommes par compagnie ťtaient obligťs d'aller ŗ l'hŰpital,
car ils ťtaient attaquťs d'une fiŤvre trŤs violente. De soixante hommes
que nous ťtions dans notre compagnie, nous sommes restťs ŗ deux qui
n'ont pas ťtť malades. La fiŤvre ťtait mauvaise, car il y en a beaucoup
qui en sont morts. Nous avons fait notre purgatoire dans cette place;
nuit et jour nous ťtions tourmentťs, il y avait des petites mouches que
l'on nomme des _cousins_, qui nous faisaient bien de la peine, il y en
avait si ťpais qu'on les aurait coupťs avec des sabres; les puces et les
poux n'y manquaient pas.
…tant dans cette place, nous avons fait la rťjouissance de
l'anniversaire de la Fťdťration. Le 23 thermidor[36], chaque piŤce de
canon a tirť trois coups, et chaque soldat de mÍme. La rťjouissance
s'est faite de cette maniŤre dans l'armťe de Rhin et Moselle.
12 _fructidor_.--Sortis du fort; il est dans une Óle, et le Rhin passe
tout autour. Les Prussiens avaient brŻlť une partie du pont qui conduit
ŗ un petit fort qui est du cŰtť de l'Alsace; il en porte le nom: ce pont
traverse un bras du Rhin et conduit au grand fort: dans ce temps, pour y
entrer, il n'y avait qu'un pont volant.
Sortant de cet endroit, nous avons ťtť camper au camp prŤs de Beinheim.
Les gardes n'ont point ťtť relevťes en partant, ŗ cause de la grande
maladie; nous avons ťtť relevťs par un de nos bataillons.
14.--Nous sommes partis du camp pour nous rendre ŗ Strasbourg. J'ai fait
rencontre d'un vieux bourgeois qui m'arrÍte et me dit: ęMon ami, je ne
peux m'empÍcher de rire, vu le costume que la Rťpublique vous donne, car
vous ressemblez plutŰt ŗ un capucin qu'ŗ un soldat.Ľ
Je lui dis que l'habit ne faisait pas le moine et qu'il pouvait
continuer sa promenade; qu'il ne serait plus si ťtonnť, car il en
verrait beaucoup de cette couleur. Il n'avait pas tout ŗ fait tort, car
je portais une capote couleur marron que j'avais reÁue devant
Cologne[37].
Nous avons ťtť loger chez le bourgeois en arrivant. Le 15, nous sommes
entrťs dans la caserne de Finkmatt.
Partis de Strasbourg le 16; les gardes n'ont point ťtť relevťes en
partant, car il n'y avait point de garnison.
16 et 17.--Nous avons logť ŗ Plobsheim et ŗ Rhinau, villages situťs ŗ un
quart de lieue du Rhin, mais tout de mÍme nos postes y ťtaient ťtablis.
C'est dans cet endroit que j'ai commencť ŗ faire le service de
sergent-major.
19.--Nous avons pris les armes pour recevoir notre nouvelle
Constitution; on nous en a fait la lecture, et ťtant finie, tous ceux
qui savaient signer ont ťtť signer le procŤs-verbal, pour envoyer ŗ la
Convention, pour lui prouver le contentement que nous avions de
l'ouvrage qu'ils venaient de nous achever. L'on est rentrť de suite.
4 _complťmentaire_[38].--Partis de Rhinau pour la Wantzenau, grand
village situť sur la route de Strasbourg ŗ Lauterbourg.
1 _vendťmiaire_ an IV[39].--Partis de la Wantzenau pour nous rendre ŗ
Offendorf, ŗ un quart de lieue du Rhin, sur la gauche de Strasbourg.
28.--Partis d'Offendorf pour Berg, village prŤs de Lauterbourg, ŗ une
demi lieue.
2 _brumaire_.--Partis de Berg, pour Woerth, village sur le Rhin. Dans
tous ces endroits, depuis la Wantzenau jusqu'ŗ Mannheim, je reconnais
que la guerre a bien causť de la misŤre dans tous les villages et
bourgs; l'armťe impťriale et la nŰtre n'ont cessť de se battre le long
de ces bords. Les villages sont dťvastťs; une partie des habitants a
ťmigrť lorsque l'ennemi est venu dans les environs de Strasbourg.
3.--Partis de Woerth pour Spire, grande ville sur le bord du Rhin, dans
le Palatinat. Cette ville n'est fermťe que par de simples murs, mais
cependant entourťe de fossťs remplis d'eau; c'est une ville trŤs
commerÁante et environnťe de grandes plaines. Notre logement dans cette
ville ťtait dans des maisons d'ťmigrťs toutes dťvastťes; et, pour
coucher, de la paille trŤs courte. Nous sommes arrivťs ŗ dix heures du
soir.
8.--Partis de Spire pour Otterstadt, toujours en descendant le Rhin.
12.--Partis de Otterstadt pour Waldsee, village anciennement fortifiť;
maintenant on y voit encore les anciens fossťs, une partie du mur et le
cintre des portes.
13.--Partis de Waldsee pour Muhlrhein, ŗ une demi lieue sur la droite
de Mannheim. Je suis allť voir cette ville; elle est peuplťe, mais elle
n'a pas beaucoup d'ťtendue; il y a de belles rues larges et trŤs
propres, et bien alignťes; les maisons de toute beautť, hautes, mais pas
plus l'une que l'autre; de chaque croisťe on voit le rempart ŗ chaque
bout des rues, il n'y a point de carrefour.
Les rues et places sont trŤs bien illuminťes: de chaque cŰtť des rues, ŗ
distance de trente pas, il y a un rťverbŤre: la place est grande, et la
maison du prince de Mannheim[40] est situťe sur la place. Les approches
sont bien dťfendues par de bonnes avancťes et de bons bastions garnis de
forts canons. Dans ce temps lŗ, l'armťe autrichienne en faisait le
siŤge; les fortifications du cŰtť du Rhin sont un seul rempart. Le pont
qui traversait le Rhin ťtait composť de cinquante-quatre gros bateaux;
la longueur de ce pont ťtait de huit cent quarante quatre pieds: il y
avait un fort qui dťfendait l'approche du Rhin de ce cŰtť. Mais les
FranÁais l'ont dťmoli la premiŤre fois qu'ils ont pris cette ville; ils
ont de suite construit des batteries dans la mÍme place pour battre la
ville.
19.--Partis de Mannheim pour retourner sur nos pas[41], nous sommes
venus au village de Waldsee oý nous ťtions le 12. …tant dans ce village,
les Autrichiens bombardaient la ville de Mannheim; le feu ťtait dans le
ch‚teau du prince. Nos gens avaient ťtť repoussťs devant Mayence: toute
l'armťe battait en retraite. Il y a eu encore une forte bataille dans
les environs de Frankendal; mais comme l'armťe autrichienne ťtait trois
fois plus nombreuse que la nŰtre, il a fallu leur cťder le pas, et
battre en retraite sur la ville de Landau, et Mannheim n'a pas tardť ŗ
Ítre bloquť. Nous avons ťtť obligťs de nous retirer sur nos frontiŤres;
l'armťe autrichienne passait sur plusieurs ponts le Rhin et tentait de
grands coups[42].
24.--Partis de Waldsee pour venir au camp prŤs de Spire.
Partis de ce camp le 29. Comme nous ťtions dans un circuit du Rhin,
l'armťe autrichienne s'avanÁait ŗ grands pas; nous nous serions trouvťs
bloquťs. Ils ne cherchent pas ŗ nous faire abandonner le Rhin, et leur
colonne se glisse le long des montagnes des Vosges.
Nous sommes donc sortis du camp ŗ deux heures du matin pour nous rendre
aux lignes de Guermersheim oý nous sommes restťs campťs jusqu'au 9
frimaire. Dans cet endroit, les vivres nous ont manquť pendant cinq
jours de suite ŗ cause du grand nombre de troupes, et il n'y avait
encore aucune administration d'ťtablie pour les vivres. Pendant ces cinq
jours, nous nous sommes nourris avec des pommes de terre que nous
allions chercher sous la neige, dans des trous, au milieu des champs de
cultivateurs[43].
9 _frimaire_.--Partis de ce camp pour entrer en cantonnement ŗ Belheim,
grand village situť sur les lignes de Guermersheim.
16.--Partis pour aller cantonner au village de Hoerdt, mais nous
bordions toujours les lignes qui aboutissaient au Rhin.
20 _nivŰse_.--Partis de ce village pour faire un mouvement vers
Strasbourg. Le mÍme jour nous avons ťtť loger ŗ Auenheim, village en
arriŤre du Rhin.
Partis de Auenheim par une grande pluie, avec un dťgel qui nous faisait
une bien mauvaise route. Le 22, ŗ sept heures du matin; nous avons logť
ŗ Hagenbach, bourg, nous y avons eu sťjour.
24.--Partis pour Neubourg; grand village sur le Rhin, environnť de
marais.
28.--Partis pour Berg, ŗ une demi-lieue de Lauterbourg, lŗ oý nous
avions logť en allant ŗ Mannheim. …tant dans ce village, il est venu un
arrÍtť du Directoire exťcutif pour que toutes les troupes de la
Rťpublique prennent les armes le 2 pluviŰse, et renouvellent le serment
d'Ítre fidŤles ŗ la nation franÁaise et de mÍme pour cťlťbrer
l'anniversaire de notre dernier roi de France. C'est ce que nous avons
exťcutť le 2 pluviŰse 1796. J'ai cessť le service de sergent-major.
17 _pluviŰse_.--Partis de Berg pour Niderroedern oý nous sommes arrivťs
le mÍme jour.
20.--Partis pour Sonffeldheim.
21.--Partis pour Beschwiller, bourg ŗ cinq lieues ŗ gauche de
Strasbourg.
22.--Partis pour Reichstett, village sur la route, ŗ une demi-lieue de
Strasbourg.
29.--Nous nous sommes mis en route pour nous rendre ŗ la Wantzenau ŗ
deux lieues ŗ gauche de Strasbourg.
30.--Partis pour nous rendre ŗ la plaine prŤs de Kirchheim, en arriŤre
du Rhin et ŗ trois lieues de Strasbourg. C'ťtait le lieu de
rassemblement oý la 127e et la 91e se sont rťunies pour former des deux
une seule demi-brigade.
Voici la maniŤre dont cet embrigadement s'est fait. L'on a formť deux
haies; on a fait ouvrir les rangs dans chacune d'icelle; le gťnťral de
division en a passť la revue. De suite on a fait serrer les rangs; le
quartier-maÓtre a appelť tous les capitaines, lieutenants,
sous-lieutenants au centre des deux demi-brigades pour tirer parmi eux
les plus anciens de grade et les placer dans leur camp respectif. Il en
a ťtť de mÍme des sous-officiers et caporaux; et tous ceux qui se sont
trouvťs surnumťraires, on en a formť une compagnie auxiliaire. Ensuite
on a fait rompre par pelotons les deux demi-brigades; la 127e s'est
jointe avec la 91e en commenÁant par les premiŤres compagnies, et
insensiblement de suite. AprŤs ce mťlange, on a fait former le carrť
pour nous faire connaÓtre nos chefs. AprŤs que toute la cťrťmonie a ťtť
faite, nous avons dťfilť devant les gťnťraux, dans la boue jusqu'ŗ
mi-jambe, car il tombait du brouillard qui ressemblait bien ŗ de la
pluie et qui faisait dťgeler les terres.
Dans ce jour, la 127e a perdu son numťro et a ťtť mariťe avec la 91e
dont elle a pris le nom. J'ai vu que lorsqu'on faisait des mariages, que
rien ne manquait pour cťlťbrer cette heureuse fÍte; mais parmi nous il
n'en ťtait pas de mÍme, car ce jour-lŗ nous n'avions pas de pain. Cela
ne nous surprenait pas, car ce n'ťtait pas la premiŤre fois.
Chacun a ťtť reprendre ses cantonnements; la 5e, derniŤre compagnie au
1er bataillon, ŗ la Wantzenau; et la 1re ŗ Kilstett. Ce jour-lŗ, j'ai
changť de compagnie; j'ai ťtť dans la 5e du 1er (capitaine Mondragon).
2 _ventŰse_.--Sortis de la Wantzenau pour rejoindre la tÍte de notre
bataillon au village de Kilstett le 3, pour appuyer ŗ gauche en
descendant le Rhin; notre premier bataillon tenait depuis la Wantzenau
jusqu'ŗ l'Ill le long du Rhin. Cette ťtendue ťtait de six lieues; notre
compagnie ťtait au village d'Offendorf et faisait le service sur le
Rhin.
17.--Partis d'Offendorf pour Weyersheim, oý tout le bataillon venait
cantonner pour un mois; aprŤs, on retournait faire quinze jours dans ces
mÍmes cantonnements sur le Rhin, et on revenait faire un mois sur les
derriŤres. «a se faisait ŗ tour de bataillon.
21 _germinal_--Sortis de Weyersheim pour reprendre nos cantonnements sur
le Rhin; nous avons ťtť de mÍme ŗ Offendorf.--26. Partis d'Offendorf
pour aller ŗ l'armťe du Haut-Rhin, nous avons logť en y allant ŗ
Hoenheim, ŗ une petite lieue ŗ gauche de Strasbourg. Le lendemain 29, le
matin, nous avons passť ŗ Strasbourg et nous avons logť ŗ Erstein,
ville; le 30 germinal, ŗ Kuenheim; le 1er florťal, ŗ Andolshein, village
ŗ deux lieues ŗ gauche de Brisach et ŗ une lieue de Colmar, ŗ droite;
nous y avons eu sťjour.
3.--ņ Herrlisheim, situťe ŗ une lieue et demie de Colmar.
4.--ņ deux heures du matin, partis pour Ensisheim.
5.--ņ une heure du matin, partis pour Huningue. Nous ne sommes pas
entrťs dans la ville; nous avons reÁu des ordres pour cantonner dans les
villages aux environs. Nous avons pris la traverse, et nous avons ťtť
cantonner au village nommť Attenschwiller sur une petite colline ŗ une
lieue de B‚le, du mÍme cŰtť et ŗ deux lieues de Huningue. …tant dans ce
village, nous occupions les postes de sauvegarde du canton de B‚le.
Personne ne passait ŗ ces postes sans Ítre muni d'une permission signťe
du gťnťral en chef. Si cela ne s'ťtait pas fait de la sorte, on aurait
enlevť une partie des vivres et des marchandises de la France.
Les frontiŤres de la Suisse ťtaient bornťes avec de grands poteaux de
bois, ŗ distance d'un tiers de quart de lieue; il ťtait inscrit sur une
plaque de fer blanc: _Sauvegarde de Basel_.--Cette ťpitaphe ťtait
incrustťe en haut de la potence.
Dans le courant du mois de florťal, nous avons appris la paix avec le
roi de Sardaigne. Nous avons aussi cťlťbrť la fÍte, le 10 prairial, des
victoires remportťes par toutes les armťes de la Rťpublique[44]. Cette
fÍte a commencť ŗ six heures du matin. Dans ce mÍme moment, on a battu
la gťnťrale: ŗ huit heures on s'est assemblť; on a ťtť de suite sur le
terrain choisi par le chef de bataillon pour cette fÍte. On a fait
quelque temps l'exercice; aprŤs, on nous a annoncť les victoires
remportťes par l'armťe d'Italie. C'est dans ce moment que nous avons
jurť d'un commun accord de seconder leurs efforts, et qu'ŗ l'exemple de
nos frŤres d'armes d'Italie, bientŰt les succŤs de l'armťe de
Rhin-et-Moselle ťgaleraient les leurs. On est rentrť dans le village aux
cris de _Vive la Rťpublique!_
Ce jour-lŗ, la Rťpublique nous a passť le pain, la viande, l'eau-de-vie
double.--Voilŗ quel ťtait l'ordre du gťnťral en chef.
13 _prairial_--Partis d'Attenschwiller pour Hagenheim, dans une petite
colline, et ŗ une demi-lieue d'Attenschwiller et mÍme distance
d'Huningue; ce village est en grande partie habitť par des juifs.
17.--Partis d'Hagenheim ŗ cinq heures du matin pour entrer en garnison ŗ
Huningue. Elle n'est pas beaucoup ťtendue, mais forte par ses bastions
garnis de gros canons qui dťfendent d'approcher; les rues y sont larges
et bien ťclairťes; il y a beaucoup de casernes pour loger les soldats;
les maisons bourgeoises ne sont pas beaucoup hautes, mais elles ne se
dťpassent pas; le Rhin flotte contre ses bastions et donne de l'eau dans
les fossťs. Il y a une belle place qui a bien cent soixante-dix pieds au
carrť, elle est environnťe de pavillons qui servent ŗ loger les
officiers de la garnison. Cette ville est ŗ une demi-lieue de B‚le; ŗ
chaque porte il y a trois forts pont-levis et de bonnes barriŤres. Le
temps que nous ťtions dans la ville, nous n'avions que des paillasses et
des bois de lit pour toute fourniture, mais, en rťcompense, les puces ne
manquaient pas.
8 _messidor_.--Sortis ŗ huit heures du soir pour nous rendre ŗ
Ottmarsheim; oý nous sommes arrivťs ŗ trois heures du matin; le village
est ŗ une portťe de fusil du Rhin, et sur la route d'Huningue ŗ Brisach.
9 _messidor_.--Tous les cantonnements qui ťtaient pour garder le Rhin
depuis Huningue jusqu'aux lignes de Guermersheim, ont reÁu l'ordre de
prendre les armes ŗ dix heures du soir. C'est la nuit du 5 au 6 messidor
qu'on avait choisie pour se faire un passage sur le Rhin. Voilŗ la ruse
que l'on a employťe pour ce fait: Vers minuit, il y a eu plusieurs
compagnies de grenadiers en des barques, qui ont traversť le Rhin, oý
ils ont ťgorgť plusieurs postes ennemis. L'attaque a ťtť gťnťrale dans
toute l'ťtendue de la ligne du Rhin, car la canonnade s'est fait
entendre, de mÍme que la fusillade, depuis les deux heures du matin
jusqu'ŗ quatre heures. On criait: _En avant telle et telle colonne!
allons! embarquons-nous! Le passage est ŗ nous!_ On faisait reconnaÓtre
diffťrents rťgiments de cavalerie et d'artillerie pour faire voir que
nous ťtions bien du monde.
L'endroit destinť pour le passage ťtait au fort de Kehl, prŤs de
Strasbourg, oý cette attaque n'avait pas lieu, et l'ennemi ne savait pas
oý nous avions l'intention de passer[45]. Ce n'ťtait pas lŗ oý l'on
faisait le plus de bruit qu'on voulait passer.
Le passage s'est effectuť sans avoir essuyť la moindre perte; on les a
si bien surpris et trompťs par nos manoeuvres, que l'on a pris le
commandant du fort de Kehl avec sa garnison prisonniers de guerre.
17 _messidor_--Sortis de Ottmarsheim, ŗ quatre heures du matin, pour
nous rendre ŗ Balgau, village ŗ deux lieues de Brisach, ŗ droite. La
nuit du 18 au 19, tous les cantonnements ont pris les armes pour faire
la mÍme attaque que celle du 5 au 6.
19.--Sortis de Balgau, ŗ huit heures du matin, pour nous rendre ŗ
Neuf-Brisach, ville forte oý il y a une belle place entourťe de quatre
entrťes, fermťes chacune de quatre ponts levis; les barriŤres, les
maisons et les casernes ne dťpassent pas le premier rempart. Il y a une
belle place entourťe de quatre rangs de peupliers qui sont coupťs de
maniŤre ŗ ce qu'ils ne fassent point dťcouvrir la place en dehors; ŗ
chaque coin de cette place, il y a un puits, et tout au milieu de la
place, on voit les quatre portes; les rues sont bien alignťes ainsi que
les maisons. Sous tous les remparts sont des casemates, et sur ces
casemates est une belle promenade qui fait le tour de la ville. Ces
remparts sont garnis de forts canons; l'eau vient dans les fossťs par un
canal qui vient de la riviŤre.
21.--Sortis de Brisach pour aller ŗ Marckolsheim, bourg ŗ quatre lieues
de lŗ, sur la mÍme route.
25.--Partis de Marckolsheim ŗ dix heures du matin pour nous rendre dans
les environs de Neuf-Brisach pour y faire une fausse attaque. C'ťtait la
nuit du 25 au 26, ŗ cŰtť du Vieux-Brisach, dans une Óle du Rhin; une
centaine d'hommes se sont embarquťs pour passer le Rhin, ils ont fait
fuir plusieurs postes ennemis; ils en ont surpris un prŤs d'une
batterie, ils l'ont ťgorgť. En un autre, ils ont pris un canonnier, deux
charretiers et trois chevaux. Sur la pointe du jour, le canon s'est fait
entendre de droite et de gauche sur la rive du Rhin. Vers les quatre
heures du matin, l'ennemi nous a ripostť plusieurs coups de canon. Vers
les sept heures du matin, les hommes embarquťs sont rentrťs et nous
avons cessť l'attaque: elle ťtait faite pour ťtablir un pont ŗ
Rhinau.--Nous sommes retournťs dans nos cantonnements qui ťtaient depuis
Brisach jusqu'ŗ Rhinau, oý deux de nos bataillons ont passť le Rhin.
28.--Nous avons quittť ces cantonnements ŗ dix heures du soir pour nous
rendre ŗ Brisach, oý nous sommes arrivťs ŗ dix heures du matin. Nous
nous sommes transportťs vis-ŗ-vis le Vieux-Brisach pour y passer le
Rhin; nous l'avons passť sur un pont volant vers les trois heures de
l'aprŤs-midi du 29 messidor. Nous avons logť dans de grosses baraques
que les Autrichiens avaient fait construire du temps que les FranÁais
assiťgeaient la ville du Vieux-Brisach.
Ces logements ťtaient couverts en terre et derriŤre le Vieux-Brisach,
hors de portťe du canon.
30.--Nous avons repassť le Rhin ŗ dix heures du matin pour aller le
passer ŗ Huningue; nous avons logť en y allant ŗ Ottmarsheim.
1er _thermidor_.--Partis ŗ quatre heures du matin, nous sommes arrivťs ŗ
Huningue, et nous avons passť le Rhin vers les dix heures du matin. Nous
avons ťtť au premier village oý le vin nous a ťtť distribuť. De lŗ, nous
avons ťtť loger ŗ Lorrach, bourg dans le Marquisat. Je dirai que nous
avons passť le Rhin sur un pont volant, et aprŤs cela nous avons ťtť
obligťs de passer un bras du Rhin avec des petites barques, ce qui nous
a tenus bien du temps.
3.--Partis de Lorrach ŗ deux heures du matin pour aller ŗ Schopfheim,
petite ville entre deux montagnes garnies de beaux bois; la colline est
garnie de beaux prťs bien entretenus et tout de niveau oý ils mettent
l'eau quand ils jugent ŗ propos. Cet endroit a beaucoup d'usines, tant
en forges, manufactures de fils de fer, papeteries, etc. Je remarquerai
aussi que les Autrichiens avaient quittť les bords du Rhin le 27
messidor, parce que la colonne qui avait passť ŗ Strasbourg les prenait
par derriŤre les montagnes du Brisgau pour leur couper leur retraite.
9.--Partis de Schopfheim, ŗ deux heures du matin, pour aller ŗ
Sackingen. Nous avons repassť le Rhin ŗ Laufenburg. Dans cet endroit, le
Rhin fait un grand saut au bas du pont; il passe entre deux rochers, il
est extrÍmement rapide. Les ponts sous lesquels on passe sont tous
couverts et bien construits. Sackingen et Laufenburg sont deux petites
villes prŤs des frontiŤres suisses et situťes ŗ sept lieues de
Schopfheim.
10.--Partis de Sackingen ŗ deux heures du matin pour Eibrechsferengel?
Nous en sortions le onze ŗ deux heures du matin pour nous rendre ŗ
Fiezen, village situť ŗ huit lieues.
12.--Partis de Fiezen ŗ trois heures du soir pour nous rendre ŗ Singen,
oý nous sommes arrivťs le treize ŗ quatre heures du soir.
14.--Partis de Singen ŗ dix heures du matin pour Esplingen, village sur
le lac de Constance.
15.--Partis le 15 ŗ quatre heures du matin pour nous rendre auprŤs de
l'abbaye de Salmonswiler, situťe de mÍme sur le lac, dans la Souabe.
C'est lŗ que nous avons aperÁu l'arriŤre-garde d'une colonne ennemie. On
a dťtachť des tirailleurs de droite et de gauche pour fouiller les
environs de notre route; aprŤs avoir tirť plusieurs coups de fusil, ils
ont continuť leur retraite. C'est dans l'abbaye, ou pour mieux dire dans
la plaine au-dessus, que nous avons commencť ŗ camper. Je dirai que tous
les villages dont j'ai parlť ci-devant et oý nous avons logť, sont
situťs sur les frontiŤres de la Suisse, en venant sur le lac de
Constance.
La colonne du gťnťral Fťrino[46] chassait les ennemis de diverses places
situťes sur le lac de Constance, ŗ droite du cŰtť de la Suisse et
s'emparait de la ville de Brťgenz oý se trouvaient une trentaine de
piŤces de canon de divers calibres[47].
Je remarquerai que nous avons passť au pied du fort de Randenburg, situť
sur une montagne en pain de sucre, qui n'est commandť d'aucun cŰtť, qui
se rendit sans rťsistance; on y trouva un arsenal bien garni,
quarante-trois bouches ŗ feu en bronze, et quantitť de munitions.
Je dirai que nous ťtions sous le commandement du gťnťral Palliard. Notre
colonne a pris ŗ gauche du lac de Constance; nous sommes sortis du camp
prŤs l'abbaye de Salmonsweiler le 16, ŗ huit heures du matin par une
grande pluie qui avait commencť ŗ trois heures du matin, pour aller ŗ la
poursuite de l'ennemi. Nous avons ťtť camper prŤs du village nommť
Eriskirch, sur le bout du lac, dans un bois oý notre artillerie a ťtť
obligťe de tirer quelques coups de canon. Dans ses environs, il s'est
trouvť plusieurs obstacles: des fossťs, des petits marais et des bois;
mais l'ennemi a ťtť forcť de prendre sa retraite. Nous sommes partis du
camp le 19 ŗ quatre heures du matin pour aller ŗ la poursuite des
ennemis vers la ville de Lindau, faisant partie du cercle de Souabe.
Arrivťs dans cette position, comme nous avions suivi les cŰtes de la
Suisse avec un bataillon de la 38e demi-brigade et un dťtachement de
hussards du 8e, nous avons quittť cette colonne le 20 thermidor pour
aller rejoindre nos deux autres bataillons de la 3e demi-brigade de
ligne. Nous avons logť en y allant ŗ Waldsee, ville oý nous sommes
arrivťs ŗ la nuit; nous avons ťtť loger dans un couvent oý nos
prisonniers de guerre ťtaient dťtenus avant que nous passions le Rhin;
mais ils avaient ťtť ťvacuťs ŗ notre approche.
21.--Partis du Waldsee ŗ quatre heures du matin, nous avons ťtť
bivouaquer ŗ une lieue en avant de la ville, et ŗ une lieue de Wartzack,
oý nous avons retrouvť les deux bataillons qui avaient passť le Rhin ŗ
Rhinau.
22.--Partis de ce bivouac ŗ quatre heures du matin pour aller ŗ la
poursuite de l'ennemi qui ťtait la lťgion de Condť, nous avons campť ce
mÍme jour dans un bois faisant partie de la forÍt Noire, prŤs d'un
village nommť Itett(?) qui fait partie du cercle de Souabe.
23.--Partis du camp ŗ trois heures du matin pour aller camper une lieue
en avant. ņ notre approche, l'ennemi a pris sa retraite.
25.--Sortis du camp ŗ quatre heures du matin, nous avons passť ŗ
Memmingen, ville grande et belle, entourťe de petits bastions et de
grands jardins tous remplis de houblon; elle est au duc de Wurtemberg.
Ce mÍme jour, nous avons ťtť camper en avant d'un village oý les ťmigrťs
sont venus nous attaquer ŗ cinq heures du matin, le 26, mais ils ont ťtť
repoussťs avec vigueur et on leur a fait quelques prisonniers. J'ai
remarquť dans cette contrťe la grande mortalitť des bÍtes ŗ cornes;
c'ťtait la peste qui ťtait dans ce pays, car on ne pouvait en sauver
aucune.
Le mÍme jour, vers les six heures du soir, nous avons fait un mouvement
pour appuyer ŗ gauche, pour donner du renfort ŗ la troisiŤme ligne qui
avait ťtť attaquťe pendant la nuit par les chevaliers de la lťgion de
Condť, oý ces derniers ont perdu bien du monde car dans le mouvement que
nous avons fait, nous en avons vu dans des places plus d'un cent, et
beaucoup qui ťtaient rťpandus dans les bois, et beaucoup qui ťtaient
enterrťs que nous ne voyions pas. Ceux qui ťtaient hors de terre ťtaient
des hommes qui avaient en partie des cheveux gris.
Leur attaque a ťtť singuliŤrement combinťe, ils sont venus croyant
surprendre nos gens; lorsqu'ils ont ťtť ŗ une portťe de fusil d'eux, ils
ont fait le demi-tour, et faisaient les feux de peloton en retraite, et
leurs canons envoyaient des obus en l'air. …tant assez prŤs de nos
troupes pour Ítre reconnus, aussitŰt nos troupes ont fait un feu de file
sur ces messieurs. Comme cette petite avant-garde ne se voyait pas assez
forte, elle a battu en retraite pour un moment; mais aussitŰt ils ont eu
du renfort de la 74e qui ťtait campťe derriŤre eux, et ils les ont
repoussťs avec toute la chaleur rťpublicaine. Comme je l'ai dit,
plusieurs cents ont mordu la poussiŤre. Cette bataille s'est donnťe, la
nuit du 25, dans le bois prŤs le village d'Obergein. Nous y avons campť
le 26 au soir, nous avons eu la pluie pendant deux jours.
29.--Partis de ce camp ŗ quatre heures du matin pour aller en avant,
nous avons ťtť camper sur la hauteur, prŤs du village de Meltheim, prŤs
d'une petite riviŤre et derriŤre une grosse ferme oý ťtait logť le
gťnťral.
2 _fructidor_.--Sortis de ce camp ŗ huit heures du soir pour aller ŗ la
poursuite des ťmigrťs, nous avons pris la route ŗ gauche de Meltheim et
nous avons campť dans la plaine.
4.--Partis ŗ onze heures du matin, nous avons ťtť camper prŤs d'une
abbaye, dans la BaviŤre.
Partis le 5, ŗ deux heures de l'aprŤs midi pour nous rendre au camp ŗ
trois lieues de la ville d'Augsbourg, ville capitale des cercles de
Souabe. Nous ne suivions pas de route directe, c'ťtait en partie tous
chemins de traverse; il y a un peu de temps que nous n'avons vu notre
ennemi. Nous sommes obligťs de marcher ŗ grandes journťes, encore ne
peut-on pas le rattraper. Nous sommes campťs sur le bord d'une riviŤre
et dans un bois dont je ne connais pas les noms, mais je mettrai un nom
ŗ ce camp, et la troupe qui a campť dans ce camp ne pourra pas me
dťmentir; je le nomme _le camp de la fourmiliŤre_, car vraiment il n'y
avait pas une place oý la terre n'en soit couverte, et tous les arbres
en ťtaient garnis; on pourrait encore l'appeler _le camp de la
pťnitence_.
7.--Sortis de ce camp ŗ six heures du matin, sans regret, pour aller
passer la riviŤre oý nous avons trouvť l'armťe autrichienne; sur l'autre
rive, ils avaient coupť tous les ponts et nous attendaient sur la
hauteur. Quoique les ponts fussent coupťs, cela n'a point arrÍtť notre
marche; nous l'avons franchie avec tout le courage possible. Comme elle
ťtait rapide et que quelques rťpublicains ont voulu la traverser, il y
en eut quelques-uns de noyťs. La profondeur ŗ l'endroit oý nous passions
ťtait de trois pieds quelques pouces; nous avons mis un quart d'heure
pour passer ces obstacles. C'ťtait sur la droite d'Augsbourg, entre dix
et onze heures du matin.
AprŤs ce dťfilť, et ťtant de l'autre cŰtť, on s'est formť en colonne et
on a marchť sur l'ennemi qui s'est vu forcť d'abandonner ses fortes
positions.
Notre division a fait ce jour-lŗ huit cents prisonniers et pris seize
piŤces de canon. Au moment oý ils ont pris la fuite, on les a poursuivis
ŗ quatre lieues de la ville d'Augsbourg. Notre avant-garde a gardť sa
position, et l'armťe est revenue camper ŗ deux lieues en avant
d'Augsbourg, et ŗ une lieue de Fridberg.
Partis de ce camp ŗ neuf heures du matin pour appuyer ŗ droite et suivre
la marche de l'ennemi, ce jour-lŗ nous avons campť prŤs d'un village,
dans les environs d'un superbe ch‚teau appartenant ŗ un colonel de
cavalerie autrichienne. Ce ch‚teau est remarquable pour la troupe qui
ťtait campťe dans les environs; on y a trouvť quantitť de biŤre,
d'eau-de-vie et toutes sortes d'effets; toute la maison ťtait partie ŗ
l'approche de l'armťe franÁaise, et on s'est emparť de tout ce qu'il y
avait dans la dite maison.
10.--Partis de ce camp ŗ dix heures du matin pour aller camper ŗ une
demi-lieue. C'est dans ce camp qu'on nous a annoncť la trÍve avec le duc
de BaviŤre.
13.--Partis ŗ cinq heures du matin pour nous rendre au camp, prŤs de
Dachau.
17.--Partis ŗ six heures du matin pour aller camper dans la plaine de
Munich. Je dirai qu'on avait laissť une certaine quantitť de soldats
avec un officier dans notre camp de Dachau, pour allumer des feux comme
s'il y avait eu de la troupe. Ce camp ťtait aperÁu depuis les hauteurs
en avant de Munich, c'ťtait pour faire voir ŗ l'ennemi que nous ťtions
en forces.
Nous ťtions campťs dans la plaine de Munich prŤs les parcs du duc de
BaviŤre. Je peux dire que ces parcs ťtaient superbes et grands, entourťs
de planches trŤs hautes et renfermant toutes sortes de bÍtes sauvages et
d'oiseaux. C'ťtait si bien construit que c'ťtait vraiment amusant; mais
la guerre dťtruit tout; on a enlevť les planches pour se construire des
abris dans le camp: de suite on s'est mis ŗ donner la chasse aux bÍtes,
comme lapins, liŤvres, chevreuils, biches, cerfs; les oiseaux ne s'en
sont pas ťchappťs; tout cela se prenait ŗ la main, avec des b‚tons.
Je dirai que dans les environs, ŗ droite et ŗ gauche de la ville de
Munich, le duc de BaviŤre a de superbes ch‚teaux trŤs vastes et bien
construits; il a aussi de superbes parcs fermťs de murs, oý il a toutes
sortes d'animaux que l'on puisse imaginer; il y a aussi de beaux jets
d'eau et de superbes avenues, promenades, etc. Plusieurs qui les ont vus
comme moi ont dit qu'il n'y avait que le ch‚teau de Versailles qui
pouvait le surpasser; tout cela ťtait fait pour enchanter.
19.--Sortis du camp ŗ huit heures du matin pour appuyer ŗ gauche de
Munich, nous avons campť ŗ trois lieues. C'est pendant que nous ťtions
dans ce camp, que les ťmigrťs ont passť l'Isar et sont venus prendre un
parc de munitions qui ťtait derriŤre Dachau. Nous y avions une ambulance
oý ťtaient nos blessťs; ils en ont pris une partie, nos chirurgiens, nos
bouchers et une compagnie de notre demi-brigade qui ťtait pour garder le
parc. Ceux qui ne voulaient pas se rendre, ils les hachaient; aprŤs
qu'ils ont eu fait cette capture, ils sont retournťs dans leurs
positions qui ťtaient sur le Ridau, en avant de Munich, le long de
l'Isar[48].
21.--Sortis de ce camp ŗ onze heures du matin pour nous rendre sous les
murs de Munich, lŗ oý notre avant-garde s'ťtait battue la nuit sur
l'Isar. Alors, les ťmigrťs voulaient passer devant Munich; mais ils
n'ont rien gagnť. Ce mÍme jour, nous avons campť prŤs le faubourg de
cette ville. Les faubourgs y sont grands et il y a de belles maisons;
les rues larges. La ville de Munich n'est pas extrÍmement ťtendue, mais
bien peuplťe, les maisons fort hautes, les rues larges et bien
ťclairťes; dans le milieu de la place, il y a un beau jet d'eau. Elle
est fermťe par des bastions environnťs de fossťs, mais elle n'est point
dans le cas de soutenir un siŤge; c'est la capitale de la BaviŤre.
Dans la bataille de la nuit du 20 au 21 que nos troupes ont eue avec les
ťmigrťs, on a brŻlť des tanneries, qui ťtaient sur le bord de la
riviŤre, et plusieurs gros magasins de bois. Lorsque les ťmigrťs ont vu
que Áa ne pouvait servir ŗ rien, ils ont cessť le feu. Je dirai qu'ils
avaient une maison sur la route du pont, qui a ťtť aussi brŻlťe.
Le duc de BaviŤre avait dans la ville, pour garnison, dans ce temps,
douze mille hommes, tant cavalerie qu'infanterie.
Les soldats franÁais pouvaient entrer dans la ville avec une permission
par ťcrit du colonel. La riviŤre qui passe prŤs de la ville de Munich
porte le nom de l'Isar.
La gauche de notre division avait dťjŗ passť l'Isar ŗ cinq ou six lieues
de Munich, sur la droite; lorsqu'on apprit la retraite du gťnťral
Jourdan qui commandait l'armťe de Sambre-et-Meuse. Nos troupes ont ťtť
obligťes de repasser la riviŤre et de se disposer ŗ la retraite.
26 _fructidor_.--ņ une heure du matin, nous avons commencť notre
retraite, sans cependant y Ítre forcťs par l'ennemi de notre cŰtť. Nous
avons pris la route de Munich ŗ Dachau, bourg situť ŗ six lieues; nous
sommes restťs environ quatre heures sous ses murs pour nous reposer et
attendre la gauche de notre division qui est arrivťe une heure aprŤs. Je
dirai que notre retraite a commencť par un temps de pluie. Nous nous
sommes donc mis en marche, toute la division, et nous sommes venus
camper ŗ neuf lieues de Munich, dans la position du 7 fructidor.
28.--Sortis de cette position ŗ sept heures du matin pour exťcuter
plusieurs mouvements, sur la droite d'Augsbourg et de la riviŤre. ņ huit
heures du soir du mÍme jour, nous sommes revenus prendre une position ŗ
une lieue de Fridberg, en avant. Nous ťtions en ce moment
d'arriŤre-garde, et mÍme nous nous sommes vus bloquťs de toute part; il
fallait nous battre de tous les cŰtťs et plus particuliŤrement derriŤre
nous qu'en avant; nous aurions eu plus de facilitť de retourner ŗ Munich
que du cŰtť de la France. Et quels ťtaient ceux qui nous bloquaient?
C'ťtait une partie des paysans qui servaient ŗ prendre nos parcs, les
convois de malades et de pauvres blessťs; ils prenaient ce qu'ils
pouvaient avoir et de suite les mettaient ŗ mort. Ils nous coupaient les
routes dans lesquelles nous devions passer, par de grands fossťs et des
abattis d'arbres qu'ils croisaient dans la route, pendant que les
Autrichiens et la lťgion de Condť nous faisaient user le reste de nos
munitions afin d'avoir plus de facilitť de nous prendre. Ils se
croyaient les plus forts, mais ils s'ťtaient bien trompťs, car si ce
n'est qu'on a voulu en sortir avec tous les vivres et convois, composťs
de quantitť de voitures chargťes de toutes sortes, l'armťe impťriale ne
nous aurait pas arrÍtťs un seul jour. Ils avaient de mÍme envoyť des
proclamations dans tous les pays que nous avions conquis, oý ils
disaient aux paysans que l'armťe franÁaise ťtait presque toute en leur
pouvoir; qu'ils en avaient pris une grande partie entre Augsbourg et
Munich; qu'il n'y avait plus que trois mille hommes qui s'ťtaient
ťchappťs, et qu'ils ne savaient pas oý battre en retraite; voilŗ
pourquoi les paysans s'ťtaient empressťs de s'armer contre nous.
…tant dans cette position, nous avons fait encore plusieurs mouvements,
allant du cŰtť de Munich, mais nous n'avons rencontrť aucune troupe.
2 _complťmentaire_[49]. Nous avons ťtť ŗ quatre lieues, suivant la route
de Munich, et nous avons campť prŤs du village d'Andelheim.
3.--Partis en retraite sur Fridberg; oý nous avons passť la riviŤre
nommťe le Negel; le mÍme jour les ponts ťtaient rťtablis. Nous ne sommes
pas passťs dans la ville d'Augsbourg, nous en avons fait le tour; elle a
des remparts trŤs hauts.
Le mÍme jour, nous sommes venus camper ŗ deux lieues de ce cŰtť-ci, sur
la route de Gunzbourg.
4.--Sortis ŗ deux heures du matin pour venir sur les hauteurs de
Gunzbourg oý nous avons campť dans les terres labourťes.
5.--Partis ŗ huit heures du matin, nous avons passť dans la ville de
Gunzbourg; nous avons ťtť prendre une position ŗ trois lieues de lŗ,
bordant le Danube.
1er _vendťmiaire_, an V.--Partis ŗ huit heures du soir pour la ville
d'Ulm, oý nous sommes arrivťs ŗ deux heures du matin. Nous avons
traversť la dite ville ŗ six heures pour venir prendre une position tout
prŤs. C'est lŗ que tous les parcs et convois se sont rťunis; et l'armťe
est venue passer pour que chaque division prenne la marche indiquťe par
le gťnťral Moreau pour faire un dťbouchť pour le passage des convois,
partie de la troupe se battait en attendant que l'autre partie dťfil‚t
avec les parcs[50].
Notre position ťtait ŗ la droite de la ville, qui n'a que de petites
fortifications et n'est pas capable de soutenir un siŤge. Nous sommes
partis de notre position le 3, ŗ onze heures et demie du soir, pour
continuer notre retraite sur Fribourg en Brisgau. Nous avons campť ŗ une
demi-lieue d'Ulm; nous avons pris la traverse pour favoriser
l'ťvacuation de nos parcs.
4.--Nous sommes arrivťs prŤs d'un passage du Danube, ŗ huit heures du
soir, oý l'ennemi voulait forcer notre ligne et nous couper notre
retraite. Depuis le matin jusqu'ŗ neuf heures du soir, la fusillade et
le canon n'ont cessť de jouer, de sorte qu'ils n'ont pas pu passer. Nous
avons campť ce jour-lŗ dans un bois, ŗ sept lieues d'Ulm. …tant dans
cette position, nous avons fait plusieurs mouvements tant de jour que de
nuit pour en imposer ŗ nos ennemis.
6.--Sortis de ce camp ŗ une heure de l'aprŤs-midi, nous sommes venus
camper auprŤs d'une grosse abbaye qui est ŗ cinq lieues de Waldsee, en
avant.
7.--Partis ŗ une heure du matin, nous sommes allťs camper ŗ deux lieues
de Waldsee, sur la gauche.
8.--Sortis de ce camp ŗ une heure du matin pour nous rendre sur des
hauteurs ŗ gauche de Ahldorf; ce village est situť prŤs des grands
marais et vis-ŗ-vis d'un parc. C'est dans ces environs que notre colonne
s'est rťunie, de maniŤre que lorsque la colonne se mettait en marche,
elle ťtait divisťe sur plusieurs points, pour deux ou trois jours; et
aprŤs il y avait un point de ralliement. Je dirai que dans ce village de
Ahldorf le feu a pris ŗ une grosse maison pendant la nuit.
9.--Partis ŗ dix heures du matin. La troupe, qui marchait avant nous, a
fait rencontre de l'ennemi, ce qui a un peu ralenti notre marche. ņ la
premiŤre attaque, il a fait beaucoup de rťsistance, mais aprŤs quelques
heures de combat il a ťtť obligť de se reployer, mais sans abandonner la
route sur laquelle nos convois devaient passer. Notre avant-garde s'est
avancťe et leur a fait abandonner leurs positions. Nous avons campť ce
jour-lŗ prŤs le village de Berg, hauteur assez considťrable, du cŰtť
opposť ŗ l'ennemi, qui ťtait sur la route immťdiatement prŤs l'abbaye de
Vincastel, dans la Souabe.
Durant le temps que nous avons occupť cette position prŤs le village de
Berg, nous avons fait plusieurs mouvements de droite et de gauche pour
nous ťclairer sur la marche de nos ennemis.
Le gťnťral Moreau, qui voyait que ces mouvements de la part de l'ennemi
rendaient sa retraite dangereuse, les fit attaquer le 1er octobre sur
toute la ligne prŤs de Biberach, et lui enleva vingt canons, des
drapeaux et environ cinq-mille prisonniers, parmi lesquels soixante-cinq
officiers; ŗ cette affaire, c'ťtait le gťnťral Latour qui commandait les
Autrichiens.
14.--Partis de Berg ŗ huit heures du matin, nous sommes venus camper ŗ
six lieues en avant de Stockach.
15.--ņ quatre heures du matin, nous sommes venus camper sur les
hauteurs, ŗ deux lieues de Stockach. Il faut remarquer que nous ne
pouvions faire beaucoup de chemin parce qu'il fallait que notre
avant-garde fÓt une ouverture parmi l'ennemi, et dťbarrass‚t les routes
pour faire passer nos convois.
16.--Partis ŗ cinq heures du matin pour camper sur les hauteurs, ŗ un
quart de lieue de Stockach, du cŰtť de la route de Fribourg. Je dirai
que c'est dans ces environs que nous avons eu plusieurs convois de
malades ou de blessťs ťgorgťs.
Ces pauvres malheureux ťtaient couverts de blessures et sans dťfense.
Les inf‚mes se vengeaient sur eux des flťaux de la guerre qui avait
dťvastťe leur contrťe. Mais qu'ont-ils gagnť, ces esprits faibles qui se
sont laissť sťduire par les ťcrits que leurs seigneurs et leurs ťmigrťs
leur avaient envoyťs en leur disant que s'ils pouvaient nous arrÍter, la
guerre serait bientŰt finie et qu'ils seraient affranchis pendant deux
ans de tout impŰt? Ils ťtaient tellement pťnťtrťs qu'il n'y avait plus
qu'ŗ serrer la main pour nous prendre, qu'ils quittaient tous leurs
chaumiŤres et se mettaient de tous les cŰtťs sur la route, les chemins.
Tout ťtait bien gardť. Les femmes, les filles, les enfants, enfin tous
s'y mettaient, et l'armťe autrichienne les secondait dans leurs mauvais
desseins.
Ils sont venus un jour pour prendre notre magasin de poudre qui ťtait
prŤs de cette ville avec plusieurs piŤces d'artillerie de rťserve, et
aussi celles que l'on avait prises ŗ l'ennemi et que l'on n'avait pas eu
le temps d'ťvacuer; mais ils ont ťtť bien reÁus. Il s'est trouvť
quelques-unes de nos troupes dans les environs, ils ont ťtť repoussťs et
se sont retirťs dans les bois des environs. Dans les villages d'oý ces
misťrables ťtaient partis pour nous couper notre route, on a brŻlť
quelques unes de leurs maisons et on a pillť les autres.
Nous sommes sortis du camp de Stockach aprŤs que tout a ťtť sur des
voitures, et qu'il ne restait plus rien dans le magasin. C'ťtait le 17,
ŗ onze heures du matin, que nous avons suivi la route de Fribourg, et
que nous sommes venus camper ŗ deux lieues et demie de ce cŰtť-ci de
Stockach, prŤs d'un village oý tous les habitants ťtaient partis dans
les bois pour nous couper notre retraite. Dans cet endroit, nous avons
eu des blessťs ťgorgťs; pendant la nuit quelqu'un a mis le feu ŗ une
maison. …tant dans cette position, nous avons passť en avant du village
et nous avons attendu notre arriŤre-garde.
18.--ņ une heure de l'aprŤs-midi, nous avons campť sur les hauteurs en
avant de Lemmingen oý on nous faisait espťrer des vivres; on a trouvť
dans cette ville un seul homme et point de vivres. Je dirai qu'on a
brŻlť environ vingt-quatre maisons; la pluie nous avait pris prŤs de la
ville de Hoch, et la nuit que nous avons ťtť camper sur les hauteurs de
la ville de Lemmingen a ťtť abominable; la pluie emmenait toute la terre
de notre camp dans la colline.
19.--Partis ŗ une heure du matin, nous avons dťfilť au milieu des
maisons tout en feu, et nous sommes venus camper sur une montagne trŤs
haute.
20.--Descendus de cette montagne, pour aller camper dans la plaine prŤs
le Danube oý l'ennemi nous est venu attaquer vers les huit heures du
matin. Le 21, aprŤs plusieurs heures de combat, nous les avons
repoussťs; aprŤs, nous avons continuť notre retraite. Le combat ŗ notre
droite a ťtť plus engagť que le nŰtre, mais ils n'ont pas pu percer
notre ligne qui ťtait prŤs la route oý nos parcs et convois dťfilaient.
Nous avons continuť notre retraite, mais je dirai que, l'ennemi nous
suivant de prŤs, nous avons ťtť obligťs, par plusieurs reprises, de
marcher en colonne et de nous mettre en bataille lorsqu'il se trouvait
des obstacles oý l'on ne pouvait pas tous marcher ensemble; les uns
battaient en retraite et les autres observaient.
Ce jour-lŗ, nous sommes venus camper prŤs d'une petite ville, ŗ trois
lieues de Neustadt; lŗ nous sommes arrivťs la nuit par une pluie
continuelle et des chemins presque impraticables.
22.--Partis de cette position ŗ trois heures du matin, pour venir camper
du cŰtť de Neustadt, le long du revers de la montagne, dans une gorge de
la forÍt Noire, sur la route de Fribourg.
23.--Sortis ŗ midi, nous sommes venus camper sur le revers d'une
colline, ŗ gauche de la route de Fribourg.
26.--Partis ŗ dix heures du matin pour venir camper dans la gorge de
Fribourg. ņ une demi-lieue, sur la route, il y avait de grands hangars
qui servaient de magasins pour l'armťe impťriale, et comme ils ťtaient
vides, nous nous en sommes servis pour nous mettre ŗ couvert. Notre
arriŤre-garde s'est bien battue dans cette gorge, aux environs de
Neustadt.
28.--Partis ŗ midi, nous sommes passťs prŤs des faubourgs de Fribourg;
de suite nous avons ťtť camper dans une gorge tenant ŗ gauche de la
route de Brisach. Notre position ťtait prŤs d'un couvent de religieuses,
qui ťtait dans le fond de la gorge.
30.--Sortis le 30, ŗ deux heures du matin, nous avons pris la route de
Huningue. Vers huit heures du matin, notre arriŤre-garde a ťtť attaquťe
par l'ennemi, prŤs du faubourg de Fribourg. Au petit point du jour, on
nous a mis en bataille derriŤre un village situť prŤs la route de
Huningue et au pied de la montagne de Fribourg. L'attaque du matin a
durť toute la journťe; en nous retirant, nous avons campť ce jour lŗ
dans la broussaille, le long de la montagne, ŗ quatre lieues de la ville
de Fribourg, sur la gauche de la route de Brisach.
1er _brumaire_.--Nous avons pris la traverse dans les montagnes du
marquisat du Brisgau, pays de Bade, tenant ŗ la forÍt Noire. Nous sommes
venus camper sur les hauteurs d'une montagne ŗ quatre lieues d'Huningue.
2.--Nous avons fait un mouvement ŗ huit heures du matin. Nous sommes
venus camper dans le fond du vallon, ŗ une demi-lieue du village. Nous
ťtions divisťs sur plusieurs points pour observer les manoeuvres de
l'ennemi (mais en cas d'attaque, on se rťunissait sur un point).
8.--ņ cinq heures du matin, l'ennemi est venu nous attaquer sur
diffťrents points; en premier lieu nous avons repoussť l'ennemi; il nous
a repoussť un instant aprŤs dans notre position oý ils nous ont fait
quelques prisonniers. On a soutenu longtemps dans le mÍme endroit, mais
comme ils avaient beaucoup d'artillerie dans une belle position sur la
hauteur, qui leur donnait beaucoup d'avantages sur la nŰtre, ŗ peine
pouvait-on trouver un emplacement pour se mettre. La pluie continuelle
rendait le terrain trŤs mouvant, et comme il y avait diffťrentes
collines ŗ garder, dans des bois oý l'on n'y voyait pas la moindre
clartť, l'ennemi ne cherchant qu'ŗ nous couper notre retraite sur
Huningue (car sur la route de Brisach, le canon s'est fait entendre,
comme sur notre colline, et je crois mÍme encore plus fort), je dirai
que le feu a ťtť trŤs soutenu de part et d'autre toute la journťe; nous
avons perdu quelques hommes, mais la plupart ťtaient des blessťs. Nous
avons exťcutť plusieurs marches sur la droite et sur la gauche de la
colline; une grande partie des bataillons ťtaient en tirailleurs,
lorsque le soir est venu.
On a cťdť le village devant lequel nous ťtions. Je crois, si ce jour-lŗ
n'avait pas eu de nuit, que le feu n'aurait pas cessť. C'est l'obscuritť
qui a fait la fin de notre journťe. La pluie a commencť avec l'attaque
et a durť vingt-quatre heures; vers la fin, ŗ peine la poudre
voulait-elle prendre. On croirait peut-Ítre comme on s'est battu toute
la journťe, que l'ennemi nous a poussťs bien loin; eh bien, dans toute
la journťe nous avons reculť d'une demi-lieue; voilŗ tout le progrŤs de
l'ennemi. Pour la perte des hommes, je crois qu'elle a ťtť ťgale.
ņ sept heures du soir, nous avons pris notre retraite. La route sur
laquelle nous devions passer traversait le village que l'ennemi
occupait, et, pour la rejoindre, il y avait plusieurs obstacles, mais
tout de mÍme il a fallu les franchir.
3 _brumaire_.--ņ sept heures du soir, nous nous sommes mis en marche
pour rejoindre la route: nous avons traversť un bois; de lŗ, nous sommes
descendus dans le fond d'une colline trŤs profonde oý nous avons trouvť
une riviŤre qui avait environ quinze pieds de large et trois pieds de
profondeur; cela n'a pas longtemps retardť notre marche (nous ťtions
dťjŗ percťs de la pluie de la journťe), nous avons franchi cet obstacle.
Il se trouvait encore un petit ruisseau au pied d'une assez forte
ťminence qui ťtait garnie de ronces et d'ťpines; il fallait y monter ŗ
quatre pattes; et bien des fois, ťtant presque en haut on retombait en
bas. En haut on trouvait la route, mais une patrouille de sept cavaliers
ennemis venait ŗ notre rencontre. AussitŰt notre adjudant major, nommť
Scherer, crie au premier: _Qui vive!_--Il rťpond dans sa langue:
_Verda!_--Ledit adjudant lui dit: _Prisonnier!_--_Nix
prisonnier._--_Rends-toi, coquin!_ lui dit-il.--_Nix coquin!_ AussitŰt
il pique des deux et va rejoindre ses camarades qui ťtaient encore plus
avant dans la route. AussitŰt, ils sont revenus au grand galop et ont
passť parmi nous, sans recevoir un coup de fusil, car les armes ťtaient
si mouillťes de toute la journťe et du passage de la riviŤre, qu'elles
ne pouvaient plus faire feu, et puis on n'y voyait pas clair. Dans la
boue ŗ mi-jambes, nous avons continuť notre retraite, environ ŗ deux
lieues d'Huningue. Tout mouillťs que nous ťtions et sans vivres, nous
avons campť dans des sapins tout prŤs de la route.
4.--De cette position, ŗ quatre heures du matin, nous sommes venus sur
les hauteurs prŤs de Lorrach pour camper. L'ennemi ťtait sur nos traces
et voulait passer avant nous le Rhin, mais comme le pont nous
appartenait, nous avons voulu y passer avant eux.
5.--Partis ŗ minuit pour nous rendre prŤs le pont d'Huningue vers cinq
heures et demie du matin. Lorsque est venu notre tour, ŗ huit heures du
matin, nous avons passť le pont qui ťtait construit de trente-sept
grosses barques.--Je dirai que nous ťtions de la division du gťnťral
Fťrino pendant la campagne de l'autre rive du Rhin. Pendant notre
retraite, nous avons eu vingt jours de pluies continuelles.
Lorsque nous avons eu repassť le Rhin, nous avons ťtť nous reposer prŤs
le village de Bourgfeld, sur la route de B‚le et d'Huningue, pendant
cinq heures. Le soir, nous avons ťtť loger au Village-Neuf, sur le Rhin,
ŗ une demi-lieue ŗ gauche d'Huningue. Pendant que nous ťtions sur
l'autre rive du Rhin, on avait dťcouvert les anciennes fondations d'un
fort qui ťtait sur le bord du Rhin et prŤs le territoire de B‚le, on
avait relevť l'ouvrage ŗ cornes et le fort oý on avait mis de fortes
piŤces pour dťfendre la tÍte du pont. Cet ouvrage ťtait enclos d'un bon
fossť plein d'eau; on avait aussi commandť une forte redoute en avant
d'Huningue, pour dťfendre l'approche du fort nouvellement
construit.--Ces ouvrages ont retenu la colonne autrichienne pendant tout
l'hiver[51].
Comme nous voilŗ rentrťs en France, et que l'ennemi ne nous poursuit
plus, je vais faire un petit dťtail sur le costume des deux sexes du
Brisgau et de la ForÍt-Noire.
La situation des habitants de la frontiŤre est trŤs simple, et ils
vivent contents dans leurs petites chaumiŤres; le bois ne manque pas,
mais, pour la terre, elle n'y est pas bien commune: ils en ont quelque
peu sur le sommet de quelques hautes montagnes, oý ils sŤment du seigle
avec un peu de blť; dans la vallťe, ils plantent des pommes de terre. Le
p‚turage y est assez frais, aussi ils ont presque tous des vaches. Les
maisons ne sont pas bien ťpaisses et construites en bois; lorsqu'un pŤre
de famille marie ses enfants, il leur construit des petites maisons aux
environs de la sienne; mais ils font cela quand la famille ne peut plus
tenir dans la maison paternelle.
C'est un vrai dťsert, aussi le monde qui l'habite est aussi brute que
sont leurs habitations; la plupart n'ont aucune ťducation; comme la
nature les a crťťs, ils restent. Les hommes sont habillťs grossiŤrement,
ils portent sur la tÍte un petit chapeau de paille, des cheveux courts
et tout hťrissťs; leurs chemises de toile trŤs forte sans cols, car on
ne leur voit jamais rien autour du cou. Leur culotte, trŤs large avec
des plis tout autour qui leur font des genoux gros comme la tÍte, est
froncťe comme une bourse. Ils ne portent rien aux jambes, et aux pieds
ils ont des souliers aussi durs que du bois; les semelles ont deux
doigts d'ťpais, et bordťes de gros clous tout autour. Ils ont des gilets
qui leur tombent au milieu des cuisses; des habits moins courts qui se
boutonnent tout le long; et les poches battent au bas du ventre. Cet
habillement est tout en toile, la plupart du temps tout noir; aussi ils
ressemblent ŗ des charbonniers. Les femmes et les filles ont pour
coiffure un petit chapeau de paille ŗ quatre cornes, comme une espŤce de
_carquelin_[52]. Elles portent leurs cheveux en deux tresses tirťes trŤs
prŤs de la tÍte, qui est grosse comme celle d'un veau de deux mois; une
encolure de mÍme; leur gorge est parťe par une grosse chemise, brodťe
d'une grosse dentelle, avec un corset rouge oý sont enfermťs des appas
trŤs gros, qu'elles fagottent comme un fagot. Les jupes qu'elles portent
sont de diffťrentes couleurs: elles en mettent trois, la plus grande ne
passe pas les genoux, la deuxiŤme un peu plus haut, la troisiŤme va au
bas du nombril; elles sont brodťes chacune d'une tresse large de
diffťrentes couleurs. Le plus souvent elles vont toutes dťchaussťes;
elles ont des souliers hauts avec de forts clous. Leur nourriture est le
lait, le lard et la choucroute. Nous avons logť dans leurs maisons en
allant sur le lac de Constance; ils avaient toujours les yeux sur nous,
parce que nous ťtions costumťs diffťremment qu'eux.
Dans le Brisgau, le peuple n'est pas si grossier, ni le costume non
plus; la terre y est plus fertile et il y a encore du beau seigle, mais
la mode du costume n'est guŤre diffťrente.
6 _brumaire_.--Sortis du Village-Neuf, ŗ midi, pour venir cantonner au
Grand-Kembs, village situť ŗ une demi-portťe de fusil du Rhin, ŗ trois
lieues ŗ gauche d'Huningue, sur la route. Pendant notre retraite, nous
avons eu vingt jours de pluie continuelle.
14.--Sortis du Grand-Kembs pour appuyer ŗ gauche ŗ huit heures du matin,
nous avons logť ŗ Sausheim, le 15, ŗ Blodelsheim; le 21, avec quatre
compagnies, cantonnť ŗ Fessenheim. Ces villages sont entre Huningue et
Brisach, sur la route suivant le Rhin.
25.--Partis de Fessenheim pour venir cantonner ŗ Biesheim, tout le
bataillon. Ce village est ŗ une demi-lieue de Brisach, ŗ gauche.
7 _frimaire_.--Partis de Biesheim, ŗ onze heures du matin, pour
Witternheim, ŗ sept lieues de Strasbourg et ŗ deux lieues du Rhin.
11.--Sortis de Witternheim, nous sommes venus loger ŗ Nordhausen, ŗ
quatre lieues de Strasbourg.
12.--Sortis ŗ deux heures du soir pour nous rendre au fort de Kehl. Lŗ,
nous avons relevť la 31e demi-brigade qui ťtait campťe ŗ gauche du fort,
dans une Óle du Rhin. La 31e nous a relevťs au bout de trois jours: de
sorte que tous les trois jours, nous nous relevions, jusqu'ŗ l'ťpoque du
30 frimaire, oý nous avons commencť ŗ nous relever tous les quatre jours
parce que le froid n'ťtait plus si dur. Mais aussi, plus on se relevait
souvent, plus on perdait de monde, car l'ennemi tirait sans cesse, nuit
et jour; cela semblait un orage.
Lorsqu'on ťtait relevť, on allait passer autant de jours dans le village
de Bischheim; il y avait deux lieues de chemin pour passer sur le pont
et gagner notre camp qui ťtait ŗ deux lieues de Strasbourg, ŗ gauche.
9 _nivŰse_.--Le gťnťral a fait assembler les officiers de notre
bataillon qui ťtait le premier, et les a conduits sur la droite de Kehl
pour leur faire voir le retranchement de l'ennemi que nous devions
enlever pendant la nuit. Les dits officiers ont pris les mesures
nťcessaires pour conduire leurs compagnies sur le terrain, et
s'acquitter de cette besogne. Tous les obstacles ťtaient prťvus; ils ont
prťvenu leurs compagnies de ce qu'elles avaient ŗ faire pendant la nuit.
On a fait la distribution de nouvelles cartouches et pierres ŗ feu; et
de suite une ration d'eau-de-vie par chaque homme, ŗ minuit. Dans ce
moment, on a assemblť les compagnies dans le plus grand silence, et le
bataillon s'est mis en route sur-le-champ pour aller sur le terrain qui
ťtait ŗ une demi-lieue de notre camp, ŗ la droite du fort, oý nous
sommes arrivťs ŗ deux heures du matin. …tant vis-ŗ-vis le retranchement
que nous devions prendre, on nous a formťs en bataille ŗ une portťe de
pistolet, on nous a fait porter ŗ droite et, dans le mÍme moment, on a
fait front et on s'est portť sur le retranchement de l'ennemi en
exťcutant un feu de peloton; on le leur a pris sans beaucoup de
rťsistance de leur part, et on leur a fait quelques prisonniers. Pour le
nombre des blessťs et des morts, on ne l'a su que par des dťserteurs qui
ont rapportť qu'ils avaient eu dans cette affaire environ 400 hommes
hors de combat.
Nous nous sommes retirťs sans y Ítre forcťs; nous sommes venus derriŤre
nos retranchements: nous avons laissť les lieux tels que nous les avions
trouvťs. Notre bataillon a perdu dans cette affaire quarante-huit hommes
tant tuťs que blessťs. Ceci a eu lieu le 10, ŗ trois heures du matin et
nous sommes rentrťs dans notre camp ŗ six heures et demie du matin. Nos
deux autres bataillons ont fait la mÍme chose les jours suivants, mais
avec moins de pertes.
Nous avons continuť le service de cette place jusqu'au 20 nivŰse, oý
nous avons ťtť relevťs ŗ quatre heures du matin. Car depuis que les
Autrichiens nous avaient pris un camp retranchť qui ťtait ŗ la droite du
fort, leur mitraille mettait en piŤces tout ce qu'ils voyaient sur le
pont dŤs la pointe du jour. Ils ont fait un feu avec leurs canons que la
terre en tremblait. Entre sept et huit heures du matin, il y avait
quatre barques de brisťes ŗ notre pont. Dans ce moment, il est venu un
parlementaire au gťnťral qui commandait le fort et le sommait d'ťvacuer.
Les gťnťraux se sont assemblťs, et se voyant dans l'impossibilitť de
conserver ledit Kehl plus longtemps sans y perdre bien du monde, ŗ cause
des canons de notre ennemi, sont convenus qu'on allait ťvacuer le fort.
Cela s'est fait dans les vingt-quatre heures, du 20 au 21 nivŰse; et les
troupes de l'empereur en ont pris possession suivant les arrangements
convenus entre les deux puissances. En sortant de Kehl, nous sommes
venus loger dans nos campements ordinaires qui ťtaient ŗ Bischheim.
Je dirai que ce siŤge nous a donnť bien de la peine. La rigueur de
l'hiver semblait seconder nos maux; la neige, la pluie glacťe venaient
s'appesantir sur notre lťger habillement, et c'ťtait lŗ le temps qu'il a
fait pendant ce siŤge. Nous devrions Ítre bien habituťs au froid; nous
ťtions campťs sur le sable et nous ne pouvions pas avoir de bois pour
faire notre soupe; nous arrachions quelques petites racines du sol qui
nous faisaient plutŰt de la fumťe que du feu; vraiment c'ťtait misŤre et
compassion[53]. Nos prÍts ťtaient arriťrťs de plusieurs mois et nous ne
recevions pas un sou.
C'est pendant cette quarantaine que le vrai rťpublicain s'est distinguť,
en y tenant son rang avec bravoure, malgrť le temps rigoureux de la
saison d'hiver et la misŤre qui nous poignardait de tous cŰtťs. Oui,
beaucoup de citoyens le diront comme moi, sans se compromettre, que
c'est dans ce poste d'honneur que l'on a pu connaÓtre les vrais soldats,
et l'amour qu'ils avaient pour le maintien de leur pays. L'endroit ťtait
pťrilleux. Un peu de pain glacť ťtait lŗ toute notre nourriture, cet
endroit ne permettait pas d'y trouver du bois pour pouvoir un peu
rťchauffer nos pauvres membres tous navrťs de froid au bivouac.
Pour nous, pauvres hťros, les habillements et les chaussures manquaient
depuis trŤs longtemps, sans pouvoir en avoir; et la plupart de nous
n'ayant pas d'argent pour s'aider d'aucune maniŤre; car il y avait trois
mois qu'on n'avait touchť de solde.
AprŤs avoir fait mention de nos gťnťreux guerriers, je parlerai de ceux
qui ont, dans ce moment, abandonnť si l‚chement leurs drapeaux pour
retourner dans leurs foyers. Ils ont profitť du moment oý leur patrie
avait le plus besoin de leurs services pour exťcuter leurs projets. Ce
ne sont pas les plus misťrables soldats qui ont agi de la sorte; c'est
ceux qui avaient tenu une conduite de brigands de l'autre cŰtť du Rhin,
qui avaient pillť et assassinť des hommes paisibles dans leurs foyers.
Ils avaient de l'argent dans les mains, c'est pourquoi ils ont fui
devant l'ennemi. Mais ces l‚ches ont ťtť bien peu regrettťs, on a
regardť cela comme du venin qui sortait du corps d'un homme qui ťtait
empoisonnť, et ils se sont rendus indignes du nom franÁais, et de
l'estime de leurs camarades. Je sais qu'il n'y a pas beaucoup de
citoyens soldats qui ne dťsirent retourner au centre de leurs familles,
mais enfin ce sera-t-il en quittant nos drapeaux et en nous sauvant
comme des brebis ťgarťes, que nous soumettrons ŗ la paix des hommes
orgueilleux.
Ils savent bien qu'elle leur serait utile, cette paix, mais la
demanderont-ils en voyant la dťsunion dans nos troupes? Non! Je crois
qu'il n'y a que l'union et la fermetť dans nos entreprises qui les
forcera ŗ nous demander la paix.
C'est dans le courant du mois de frimaire, an V de la Rťpublique, que
les dťsertions pour l'intťrieur de la France ťtaient frťquentes dans
l'armťe de Rhin-et-Moselle.
Kehl ťtait une belle petite ville, trŤs commerÁante; pendant le siŤge
elle a ťtť rasťe de fond en comble; des bourgeois y ťtant venus, ne
reconnaissaient pas l'emplacement de leurs maisons.
Nous avons entretenu l'armťe autrichienne pendant une partie de l'hiver,
oý elle a ťpuisť une partie de ses forces. Ce siŤge a ťtť soutenu par
notre armťe pour favoriser la prise de Mantoue qui ťtait bloquťe par
l'armťe d'Italie, il y avait dťjŗ longtemps, et le prince Charles n'a pu
lui porter du secours.
24 _nivŰse_.--Nous sommes partis de nos cantonnements des environs de
Strasbourg ŗ sept heures du matin; nous avons ťtť loger au village
d'Obenheim, situť ŗ cinq lieues de Strasbourg.
25.--Sortis ŗ quatre heures du matin pour loger au village de Bootzheim,
ŗ quatre lieues de Brisach.
29.--Partis ŗ onze heures du matin pour aller prendre notre rang de
bataille ŗ Artolsheim, village ŗ quatre lieues de Brisach, ŗ gauche sur
la route. …tant dans ces cantonnements, nous bordions le Rhin.
25 _pluviŰse_.--Partis pour aller ŗ Sundhausen, village ŗ une lieue du
Rhin, sans y faire de service.
5 _ventŰse_.--Sortis pour aller au village de Westhausen. C'ťtait un
commissaire du pouvoir exťcutif du canton qui nous y avait fait aller,
soi-disant qu'il ne voulait pas payer ses contributions. Ce village est
situť ŗ une demi-lieue de Benfeld, ŗ gauche, prŤs la route de
Strasbourg.
6.--Partis ŗ huit heures pour retourner dans notre cantonnement, ŗ
Sundhausen.
10.--Partis ŗ cinq heures du matin pour cantonner au village
d'Artzenheim, ŗ une lieue de Markolsheim sur le Rhin.
17.--Partis, nous avons ťtť loger ŗ Biesheim, village ŗ une demi-lieue
de Brisach, oý tout le bataillon ťtait rťuni. Nous sommes partis le 19
pour nous rendre ŗ Wihr, village situť ŗ trois quarts de lieues de
Colmar.
22.--Sortis de Wihr pour loger ŗ Colmar. Pendant notre sťjour dans cette
ville nous avons passť la revue du gťnťral Schauenbourg, qui ťtait pour
le moment inspecteur gťnťral de toute l'infanterie de Rhin-et-Moselle.
Nous avons ťtť cinq jours pour la passer. Le 23, au soir, chaque
capitaine a ťtť placť par son anciennetť de grade dans chaque bataillon;
de sorte que la compagnie de Mondragon, qui ťtait la cinquiŤme du 1er
bataillon, est devenue la troisiŤme du 2e; les autres jours se sont
passťs ŗ faire les grandes manoeuvres, avec la 56e demi-brigade.
27.--Partis pour aller cantonner ŗ Wettolsheim, derriŤre Colmar, au pied
des montagnes. …tant dans ce village, nous avons ťtť faire deux fois les
grande manoeuvres avec la 56e demi-brigade, dans les prťs prŤs de Colmar.
Le 3 germinal, nous avons fait l'exercice ŗ feu, les deux demi-brigades
ensemble; chaque soldat avait quinze coups ŗ tirer. AprŤs ces grandes
manoeuvres on est rentrť dans ses cantonnements.
5 _germinal_.--Logť ŗ Reguisheim, village situť ŗ trois quarts de lieue
de Ensisheim, ŗ gauche.
6.--Cantonnť ŗ Blodelsheim pour faire le service sur le Rhin; ce village
est ŗ trois lieues de Brisach.
27 _germinal_.--Partis de Blodelsheim le 27 germinal pour passer le
Rhin. Les postes sur le bord du Rhin de tous nos cantonnements n'ont pas
ťtť relevťs: on les a laissť tels qu'ils ťtaient, et on a pris la route
en arriŤre du Rhin. Nous avons ťtť loger le mÍme jour ŗ Sainte-Croix, ŗ
cinq lieues du Rhin; le 28 ŗ Merckviller; le 29 ŗ Ch‚tenois, bourg dans
la montagne, prŤs de Schelestadt; le 30 ŗ Nordhausen.
1er _florťal_.--Nous sommes arrivťs ŗ Kilstett: endroit dťsignť pour le
rassemblement de l'armťe de Rhin-et-Moselle. Nous avons campť en
arrivant dans une Óle prŤs le Rhin, sur la droite du village. La nuit du
1er au 2, ŗ quatre heures du matin, nous avons reÁu les ordres de passer
le Rhin. DŤs le 1er florťal, on avait inquiťtť l'ennemi dans diffťrents
endroits sur le Rhin, afin qu'il ne se doute pas dans quel endroit on
devait passer, ce qui a rendu notre passage plus aisť ŗ exťcuter, et
avec moins de pertes. Nous avons donc, malgrť la grande rťsistance d'une
colonne autrichienne, passť le Rhin ŗ quatre heures du matin, le 2
florťal.
…tant parvenus sur l'autre rive, et l'ennemi s'ťtant retirť dans
plusieurs Óles du Rhin, favorisť par des bois trŤs ťpais, on a disputť
pendant deux jours avec une intrťpiditť incroyable. Mais, aprŤs un si
long combat, l'ennemi a ťtť forcť d'abandonner ses positions, aprŤs
avoir ťprouvť des pertes considťrables, tant blessťs que tuťs ou
prisonniers; ils ont ťtť en dťroute complŤte.
Nous avons aussi ťprouvť quelques pertes ŗ ce passage; entre autres deux
gťnťraux de blessťs[54]. Mais les soldats rťpublicains qui n'ont point
succombť sous les coups de l'ennemi, ont su se venger du malheur arrivť
ŗ leurs frŤres d'armes; on leur a fait voir que si on ťtait moins en
nombre, on n'ťtait pas moins en courage.
3 _florťal_.--Ils ont abandonnť le Rhin ŗ cinq lieues, en nous laissant
une partie de leur artillerie et bagages; et sans les bois qui
favorisaient leur retraite, toute la colonne serait tombťe en notre
pouvoir.
Ce passage a ťtť exťcutť en plein jour et de vive force, l'ennemi ťtant
rangť en bataille sur l'autre rive. On lui a enlevť 20 piŤces de canon,
plusieurs drapeaux et fait de trois ŗ quatre mille prisonniers, parmi
lesquels deux gťnťraux[55].
Le fort de Kehl, devant lequel le prince Charles avait ťpuisť ses
forces, a ťtť repris par les FranÁais aprŤs une rťsistance de quelques
heures de la part de l'ennemi[56].
Pendant que le vainqueur de l'Italie stipulait les articles
prťliminaires de la paix, les armťes des gťnťraux Hoche et Moreau
chassaient l'ennemi partout oý il osait lui disputer le terrain.
4 _florťal_.--ņ quatre heures du soir, nous avons ťtť devant la ville
d'Offenbourg, oý nous sommes arrivťs ŗ onze heures du soir.
ņ huit heures du matin, le gťnťral Bonenfant a reÁu une lettre du
gťnťral de division, qui ťtait pour annoncer ŗ ses frŤres d'armes qu'une
armistice ťtait conclue avec l'armťe autrichienne, et que dŤs ce jour
les hostilitťs devaient cesser entre les deux armťes; mais qu'on
garderait toujours ses postes tels qu'ils ťtaient ťtablis, jusqu'ŗ ce
que la paix fut conclue.
Ce jour-lŗ, on a reÁu l'ordre de cantonner les troupes, et vers les cinq
heures du soir, nous sommes sortis du camp devant Offenbourg, pour aller
cantonner dans les villages aux environs, ŗ droite. Notre deuxiŤme
bataillon ťtait au village de Weier, ŗ une lieue.
6.--Sortis ŗ cinq heures du matin pour camper en avant, ŗ Offenbourg.
7.--Partis ŗ neuf heures du matin pour cantonner dans les hameaux de la
ForÍt-Noire, ŗ deux lieues ŗ gauche d'Offenbourg.
9.--Partis ŗ cinq du matin pour venir au village de Odelshofend, ŗ une
lieue en avant de Kehl. Tout le temps que nous avons ťtť dans ce
village, on allait dťmolir les retranchements que les Autrichiens
avaient construits pour le siŤge du fort de Kehl; ces travaux ťtaient
immenses; ajoutťs l'un au bout de l'autre, il y en aurait eu quinze
lieues de long. Nous avons cťdť la place ŗ une autre demi-brigade,
chacun y faisant son tour.
20.--Logť ŗ Ortenberg, ŗ une lieue en avant d'Offenbourg.
23.--Cantonnť ŗ Ottenheim, ŗ un quart de lieue du Rhin et ŗ deux lieues
de la petite ville de Lahr appartenant au Margraviat. Cette principautť
ťtait neutre depuis l'an IV ou 1796.
1er _prairial_.--Partis ŗ quatre heures du matin pour nous rendre
vis-ŗ-vis Rhinau pour y passer le Rhin sur un pont volant qui ťtait
rťtabli. C'est lŗ que la demi-brigade s'est rťunie, et en mÍme temps a
passť le Rhin; elle a ťtť loger ŗ Herbsheim prŤs le bourg de Benfeld, ŗ
quatre heures de Strasbourg.
2.--Cantonnť au village de Roderen, ŗ deux lieues de Schlestadt, au pied
des montagnes.
3 _messidor_.--Sortis pour aller en garnison ŗ Neuf-Brisach et cantonner
sur les bords du Rhin; en y allant nous avons logť ŗ Wihr, village ŗ une
lieue de Colmar.
4.--Partis ŗ sept heures du matin, nous sommes venus loger ŗ Biesheim,
grand village ŗ une demi-lieue de Brisach. Nous sommes entrťs cinq
compagnies du deuxiŤme bataillon et cinq du premier en garnison ŗ
Brisach.
Le 5 messidor, ŗ dix heures du matin, la fourniture de notre casernement
n'ťtait pas bien brillante: c'ťtait de la paille sur le pavť et quelques
couvertes.
5 _thermidor_.--…tant dans cette ville, nous avons cťlťbrť la fÍte de
l'anniversaire de la rťvolution. La fÍte a commencť ŗ six heures du
matin. On a battu _la gťnťrale_ dans toute la ville; ŗ six heures et
demie _l'assemblťe_; ensuite le _rappel_. Il a ťtť envoyť un dťtachement
de canonniers aux piŤces, prŤs la porte de Strasbourg. Toute la garnison
a pris les armes, ainsi que la garde nationale, et tous se sont rendus
sur la place pour former le carrť, en face de l'autel de la patrie,
qu'on avait construit la veille du cŰtť de la porte de B‚le. Le cortŤge
est arrivť sur la place ŗ sept heures: la marche ťtait ouverte par un
peloton de cavalerie de la garde nationale; ensuite, les tambours et la
musique. AprŤs, une compagnie de grenadiers de la garde nationale avec
la nŰtre; aprŤs, c'ťtait notre colonel, le commandant de la place, la
municipalitť de Brisach et des villages voisins, dťcorťs de leurs
ťcharpes. Pour fermer la marche, c'ťtait un peloton d'infanterie et un
de cavalerie de la garde nationale. C'est au moment de leur entrťe sur
la place qu'on a tirť plusieurs coups de canon de siŤge. Une partie de
nos officiers, les municipalitťs et plusieurs bourgeois de la ville sont
montťs sur l'autel de la patrie; y ťtant assemblťs, un des membres y a
fait un discours, qui rappelait entiŤrement la maniŤre que la Rťvolution
franÁaise avait eu lieu, et comment les prÍtres et les ťmigrťs s'y
ťtaient pris pour faire une contre-rťvolution, que nous avions su
dťjouer, mais qu'il fallait Ítre toujours ferme dans notre opinion de
soutenir la nouvelle constitution. Ceci ťtait les voeux de la garnison:
nous n'avions pas fait tant de sacrifices pour abandonner notre patrie ŗ
de vils tyrans. Il faut cependant dire que la joie n'ťtait pas gťnťrale,
ŗ cause des peines que nous souffrions. Cette fÍte ťtait cependant
glorieuse pour les FranÁais, mais les soutiens de la patrie manquaient
du plus strict nťcessaire; le prÍt ťtait arriťrť de plusieurs mois, on
ne dťlivrait aucun vÍtement, enfin nous manquions presque de tout. Ceci
pouvait bien faire rťgner la mťlancolie parmi les troupes; aussi la fÍte
ressemblait ŗ un enterrement. La fin du discours s'est terminť par:
_vivre libre ou mourir!_ et _vive la Rťpublique!_ Ces cris n'ont ťtť
rťpťtťs que par ceux qui ťtaient sur l'autel de la patrie; ensuite on a
commencť l'hymne de la _Marseillaise_ qui ťtait rťpťtťe par notre
musique, mais les voix n'ťtaient pas unanimes, et cela a fini.
Le cortŤge a ťtť reconduit de la mÍme maniŤre qu'il avait ťtť amenť, et
la garnison est rentrťe dans ses quartiers. ņ neuf heures du soir, le
mÍme jour, notre musique s'est rendue sur la place oý elle a jouť
diffťrents airs. Au mÍme moment, les artificiers ont fait partir des
feux en l'air et plusieurs marrons se sont fait entendre, et plusieurs
autres fusťes ont ťtť envoyťes parmi les spectateurs qui ťtaient sur la
place. Ces derniŤres serpentaient parmi le monde, ce qui a donnť le plus
de divertissement de toute la fÍte; les femmes, qui sont ordinairement
si curieuses, fuyaient ŗ l'aspect de ces fusťes, car elles craignaient
que cela n'entr‚t sous leurs jupes. AprŤs cela fait, les officiers de la
garnison ont donnť un bal pour finir la fÍte.
11 _thermidor_.--Nous sommes sortis de Brisach ŗ huit heures du soir
pour aller cantonner ŗ Ammerschwihr, village ŗ trois lieues de Colmar, ŗ
gauche, au pied des montagnes. Nous y sommes arrivťs ŗ cinq heures du
matin, le 12. Toute cette contrťe ťtait attaquťe d'une grande maladie
sur les bÍtes ŗ cornes, comme vaches et boeufs. Des villages ťtaient
dťpeuplťs entiŤrement de ce bťtail; on ne trouvait point de remŤde pour
cette maladie, ce qui affligeait beaucoup les habitants et les
cultivateurs. Toutes ces montagnes ne sont que des vignobles qui sont
d'un grand rapport; il y a aussi beaucoup de fruits de toutes espŤces.
Dans le bas de ces villages, venant sur le Rhin, il y a de belles
plaines, qui sont assez fertiles en toutes sortes de grains et en pommes
de terre.
10 _fructidor_.--Partis ŗ quatre heures du matin pour nous rendre sur le
Rhin, au village de Baltzenheim, ŗ deux lieues de Brisach. Arrivťs le
mÍme jour ŗ dix heures du matin. Dans ce village, nous avons appris
qu'on avait fait la dťcouverte des conspirateurs du repos public et de
la trahison de Pichegru[57] qui avait commandť ŗ l'armťe du Nord, oý il
avait remportť de si brillantes conquÍtes. Il voulait perdre dans un
moment ce qui nous coŻtait tant de peines; il voulait livrer nos places
fortes aux Impťriaux et ŗ Condť, qui voulaient que ce fŻt lui seul qui
fÓt la contre-rťvolution en France. Mais aussi la trahison de Pichegru a
manquť, gr‚ce ŗ toutes nos armťes qui avaient fait une pťtition au
Directoire exťcutif, ce qui a ranimť les coeurs des bons rťpublicains
quand ils ont vu que les armťes ťtaient encore pour le bon parti.
Le 1er _vendťmiaire_ an VI.--Jour qui ne devait plus Ítre consacrť ŗ la
Rťpublique, selon le complot des conspirateurs. Nous avons cťlťbrť avec
beaucoup de pompe la fÍte de l'anniversaire de la fondation de la
Rťpublique. Voici le dťtail de la maniŤre dont nous l'avons cťlťbrťe.
Cette fÍte a ťtť annoncťe la veille au soleil couchant par une dťcharge
d'artillerie de position, et le lendemain une pareille dťcharge a ťtť
faite au soleil levant. Vers les dix heures, la gťnťrale a ťtť battue
dans tous les endroits oý il y avait de la troupe; chacun a pris les
armes et s'est rendu sur la place de Brisach. Nos grenadiers ťtaient
avec la garde nationale de Brisach qui ťtait composťe de deux compagnies
et de deux pelotons de cavalerie. Notre musique et tous les tambours ont
ťtť ouvrir la marche du cortŤge qui ťtait composť de gťnťraux, chefs de
brigade, officiers et autoritťs civiles de Brisach. La marche a ťtť
ouverte par un peloton de cavalerie, et, aprŤs, un peloton de
grenadiers; ensuite les tambours et la musique. Puis une compagnie de
chasseurs ŗ pieds de la garde nationale, qui ťtait formť de petits
garÁons de dix ŗ douze ans trŤs instruits, venait aprŤs. Puis, une
soixantaine de jeunes citoyennes du mÍme ‚ge marchaient sur deux rangs;
elles ťtaient vÍtues en blanc, avec un ruban tricolore en ťcharpe et
tenaient dans leurs mains des panetiŤres, remplies de fleurs, de
branches de chÍne et d'olivier. Quatre petits garÁons, aussi habillťs de
blanc, marchaient en tÍte et portaient entre eux une grosse couronne de
chÍne, de laurier et d'olivier surmontťe d'un bonnet de libertť. AprŤs,
venaient les gťnťraux, la municipalitť, les commandants, les officiers,
puis un peloton de grenadiers de ligne et la garde nationale; ensuite un
assez grand nombre d'hommes de cinquante ŗ soixante ans, armťs de
piques. Un peloton de cavaliers fermait la marche. Toute la troupe et le
cortŤge s'est rendu dans cet ordre sur la place, devant l'autel de la
patrie qui avait ťtť ťtabli le matin. Cet autel ťtait construit par
derriŤre avec des branches de chÍne; il avait douze pieds de diamŤtre;
les balustrades ťtaient couvertes de tapis de diffťrentes couleurs; sur
l'autel, ťtaient placťs des vases remplis d'encens, avec la dťesse au
milieu. Sur le coin, devant l'autel ťtaient ťlevťs des pilastres de
marbre, aprŤs lesquels ťtaient attachťs huit drapeaux blancs sur
lesquels ťtait peinte une urne renversťe avec le b‚ton royal; sur
d'autres ťtait un capucin tenant dans une de ses mains une croix, et
dans l'autre une torche ardente; sur le haut des pilastres ťtaient un
drapeau tricolore et un bonnet de libertť.
Les principaux membres du cortŤge sont montťs sur l'autel, et un d'entre
eux a fait un discours sur la fondation de la Rťpublique, aprŤs quoi des
jeunes citoyennes qui ťtaient assises devant l'autel ont chantť une
hymne rťpublicaine. Cela fait, les troupes ont dťfilť de la place pour
se rendre sur les glacis de la ville, ŗ droite de la porte de
Strasbourg. ņ l'arrivťe des troupes sur la place qui avait ťtť dťsignťe,
plusieurs dťcharges d'artillerie ont ťtť faites. Les troupes ťtant
rangťes en bataille, le gťnťral a fait mettre par divisions, en
colonnes; puis il nous a fait un discours pour nous fťliciter de notre
bravoure et de notre intrťpiditť, en nous exhortant ŗ continuer. C'est ŗ
ce moment qu'il a renouvelť son serment d'Ítre fidŤle ŗ la nouvelle
constitution; toute la troupe a aussi promis. De suite, il a fait
dťployer la colonne pour faire des feux de bataillons et de file; le
canon faisait de mÍme; chaque soldat avait douze coups ŗ tirer. AprŤs
ces feux finis, toute la troupe est rentrťe dans ses quartiers.
ņ huit heures du soir, trois coups de canon ont ťtť tirťs. Un
dťtachement armť de grenadiers s'est rendu prŤs le feu d'artifice qui
ťtait entre le Vieux-Brisach et le Neuf. Sur les glacis, toute la troupe
y a assistť sans armes, ainsi que toute la population de Neuf-Brisach et
des environs. Ce feu d'artifice a durť une heure et demie. Le feu fini,
chacun est rentrť dans ses foyers. Pour cťlťbrer cette fÍte, il y avait
deux bataillons de notre demi-brigade, une compagnie d'artillerie
lťgŤre, une compagnie ou deux de grosse cavalerie.
Nous avons fait le service de la place de Brisach pendant quelque temps.
Ceux qui ťtaient ŗ la ville venaient relever ceux qui ťtaient dans les
villages sur la rive du Rhin, et ceux des villages revenaient ŗ la
ville, car la garnison n'ťtait pas bonne. De la paille sur le pavť et
des couvertes servaient pour coucher; l'hiver il y faisait froid, et
l'ťtť c'ťtait rempli de puces; mais, dans les villages, quoiqu'ils
fussent pauvres, on y ťtait encore mieux. Nous ťtions une compagnie par
village selon le service qu'il y avait ŗ faire sur le Rhin.
17 _vendťmiaire_.--Sortis de Baltzenheim pour aller en garnison ŗ
Brisach, nous y sommes arrivťs ŗ sept heures du matin. On nous a annoncť
que l'armťe de Sambre-et-Meuse et celle du Rhin-et-Moselle ne faisaient
plus qu'une, qui se nommait armťe d'Allemagne, commandťe en chef par le
citoyen Augereau.
Dťtails de la fÍte qui a eu lieu le 30 vendťmiaire an VI de la
Rťpublique franÁaise. Nous l'avons cťlťbrťe ŗ Neuf-Brisach, en l'honneur
du gťnťral Hoche, un des grands hommes que la Rťpublique a perdus. Il
est mort dans les environs de Paris[58].
Cette fÍte de reconnaissance a ťtť annoncťe la veille par plusieurs
dťcharges d'artillerie; le lendemain 30, ŗ six heures du matin, une
dťcharge d'artillerie s'est faite de quart d'heure en quart d'heure; les
cloches de la ville ont ťtť sonnťes pendant une heure. ņ dix heures, les
autoritťs civiles et militaires se sont assemblťes et se sont rendues ŗ
la maison communale oý tout le monde devait se rťunir. Quand tout a ťtť
prÍt, on s'est mis en marche; le cortŤge ťtait ouvert par un dťtachement
de cavalerie de la garde nationale, ensuite venaient les vieillards
rangťs sur deux rangs; le premier qui marchait ŗ la tÍte portait une
banniŤre sur laquelle ťtait ťcrit: _Nos enfants suivront son exemple_.
Marchaient aprŤs eux des jeunes femmes habillťes de blanc, un crÍpe en
ťcharpe; un petit garÁon de sept ŗ huit ans portait une banniŤre, sur
laquelle ťtait ťcrit: _Il ťtait bon pŤre et bon ťpoux_.--AprŤs eux
marchaient une quantitť de jeunes filles de huit ŗ onze ans, aussi
habillťes de blanc; elles portaient dans leurs mains des guirlandes de
laurier et de chÍne, et de petites corbeilles remplies de toutes sortes
de fleurs. AprŤs venait notre musique qui jouait des airs funŤbres;
aprŤs venait un char de triomphe attelť de deux chevaux gris-souris avec
harnachements de deuil; aux quatre coins ťtaient placťs quatre jeunes
citoyennes ‚gťes de onze ŗ douze ans, bien mises, coiffťes en cheveux,
avec une guirlande de roses par dessus; un ruban trŤs large, tricolore,
mis en ťcharpe.
Ces quatre citoyennes portaient chacune une banniŤre, sur laquelle on
avait inscrit: 1e _Il allait Ítre le Bonaparte du Rhin_; 2e _Immortel
aprŤs sa destinťe_; 3e _Il a inspirť la terreur aux rois.--Son ennemi
fuit devant sa vaillance_.--Au milieu du char ťtait placť en effigie le
cercueil couvert d'un drap mortuaire; dans l'un des bouts ťtait ťcrit:
_ici git Hoche_. Son portrait ťtait au bas de cet ťcriteau; au milieu
dudit cercueil ťtait placť un chapeau bordť en or, avec le panache
tricolore qui est la coiffure de nos gťnťraux. Les coins du drap
mortuaire ťtaient portťs par les quatre plus anciens de service, pris
parmi les officiers et soldats indistinctement. Les estropiťs qui se
sont trouvťs dans les dťpŰts, qui ťtaient ŗ Brisach, suivaient le char.
Ensuite, venaient les tambours voilťs en noir, qui exťcutaient de temps
en temps des roulements sombres. Ensuite venaient les gťnťraux, les
officiers de la garnison et les autoritťs civiles; il y avait un
dťtachement de cent hommes faisant la haie, et un dťtachement de
grenadiers qui suivait le cortŤge sur deux rangs; le reste de la troupe
ťtait sans armes.
AprŤs avoir fait le tour de la ville en dedans, tout le cortŤge a ťtť
conduit ŗ l'ťglise; on a placť l'effigie de cercueil sur un autel de la
patrie qui avait ťtť prťparť, et tout le tour ťtait dťcorť de larmes. La
musique a jouť plusieurs airs funŤbres. Puis on nous a fait le dťtail de
la maniŤre dont on avait fait l'enterrement ŗ Paris, et comment toutes
les communes de la Rťpublique devaient cťlťbrer une fÍte de
reconnaissance pour le gťnťral Hoche. Ce discours fini, les jeunes
citoyennes ont chantť plusieurs hymnes funŤbres et rťpublicaines. Puis
notre chef de demi-brigade a fait un discours oý il a rappelť plusieurs
traits de bravoure du citoyen Hoche; ensuite la musique a jouť ŗ
plusieurs reprises, pendant que toutes les jeunes citoyennes porteuses
de guirlandes, de couronnes de laurier et de branches de chÍne, les
dťposaient autour du cercueil et par-dessus. Ceci a ťtť exposť plusieurs
jours ŗ l'ťglise, et chacun s'est retirť dans ses logements.
Dans le mÍme temps, nous avons appris la paix avec l'empereur. C'ťtait
le 5 brumaire (27 octobre), par une lettre venant du Vieux-Brisach, qui
avait ťtť envoyťe au commandant des troupes autrichiennes qui ťtaient
pour le moment dans la principautť du Margraviat. Cette lettre disait
que la paix ťtait faite avec la Rťpublique franÁaise depuis le 17
octobre 1797[59]. Nous l'avons appris de nouveau par les gazettes qui
venaient de Paris le 12 brumaire.
Cette paix nous a ťtť publiťe le 25 brumaire (15 novembre), ŗ dix heures
du matin, ŗ Neuf-Brisach. On n'a fait aucune rťjouissance pour le
moment; la fÍte a ťtť remise au 30 nivŰse, elle s'est cťlťbrťe avec
toute la pompe possible, selon les prťparatifs.
1er _frimaire_.--Partis de Brisach pour nous rendre dans nos
cantonnements sur la ligne du Rhin; notre compagnie ťtait toujours ŗ
Baltzenheim.
1er _nivŰse_.--Partis de nos cantonnements pour nous rendre ŗ
Neuf-Brisach pour relever nos quatre compagnies.
25.--Partis de Brisach, le 25 nivŰse, pour nous rendre ŗ Strasbourg,
toute la demi-brigade. Nous avons logť en y allant, le 25, ŗ
Schelestadt; le 26 ŗ Erstein, le 27 ŗ Strasbourg; lŗ on a reÁu des
ordres pour aller cantonner dans des villages ŗ trois ou quatre lieues
de Strasbourg, sur la gauche; le 28, nous avons ťtť chacun dans les
villages qui nous ťtaient dťsignťs; notre compagnie ťtait ŗ Kirchheim, ŗ
trois lieues de Strasbourg.
6 _pluviŰse_.--Sortis de ce village pour aller cantonner au village
d'Herrlisheim, sur la route de Lauterbourg. Je remarquerai que c'est le
1er pluviŰse qu'on nous a retirť notre viande, quoique nous eussions six
dťcades de prÍts arriťrťs, mais cela n'a pas durť longtemps car nous
sommes bientŰt rentrťs en campagne.
11 _pluviŰse_.--Partis d'Herrlisheim pour aller ŗ Strasbourg. Le
lendemain de notre arrivťe, le gťnťral Schauenbourg a rassemblť les
officiers et sous-officiers de plusieurs demi-brigades, et nous a fait
faire la grande manoeuvre.
13.--Il est venu des ordres pour marcher vers la Suisse; nous sommes
partis tout de suite; nous avons logť ŗ HŁttenheim, prŤs de Benfeld; le
15 ŗ Schlestadt; le 16 ŗ Oberhergheim, village entre Colmar et
Ensisheim; le 17 ŗ Baldersheim ŗ une lieue et demi ŗ droite d'Ensisheim,
sur la route de B‚le. Le 18 ŗ Rantzwiller, en arriŤre et prŤs de
Sierentz, dans la vallťe d'Altkirch; le 19 ŗ SuŽnaÔ? village dans la
colline du mont Terrible, ŗ trois lieues de Reinach, ŗ droite, et ŗ
quatre lieues de Delťmont; le 20 ŗ Viques dans la plaine de Delemont; le
21 ŗ Eschert, petit hameau situť ŗ trois lieues de Delemont, et ŗ une
demi-lieue de Moutier. Pour arriver dans cette colline, nous avons
traversť deux lieues de montagnes de roche ŗ perte de vue. Ces endroits
sont habitťs et forment plusieurs petites communes. On avait donnť la
libertť ŗ cette vallťe quelques mois avant que les FranÁais y aient ťtť
cantonnťs, ils ťtaient autrefois alliťs avec les Suisses; ils ferment la
frontiŤre du canton de Soleure. Cette vallťe a aussi appartenu au prince
du Porontruy; on y parle un patois que nous comprenions assez. Leurs
maisons sont toutes construites en bois, en grande partie; tout leur
commerce est en boeufs, vaches, chevaux; ils ont trŤs peu de terres
labourables. Comme les hameaux n'ťtaient pas bien grands, ils logeaient
une compagnie.
Nous sommes partis d'Eschert le 3 ventŰse pour nous rendre ŗ Moutier,
chef-lieu de canton et faisant partie du dťpartement du Mont-Terrible;
une partie de notre compagnie a ťtť dťtachťe ŗ Belpraon, hameau prŤs de
ces cantonnements. Le 5, ŗ huit heures du matin, nous avons ťtť loger ŗ
Soncelboz, village oý nous avons eu bien de la peine ŗ arriver, car il y
avait trois jours qu'il tombait de la neige, et ce jour-lŗ il en est
tombť toute la journťe, de sorte que nous en avions jusqu'aux genoux.
Dans le mÍme village, il y avait deux annťes de suite que la grÍle avait
tout ravagť.
8.--Partis pour aller ŗ la Hutte, (tous ces villages sont dans la mÍme
vallťe, sur la route de Bienne.) En allant ŗ la Hutte, nous avons passť
sous la Roche-Percťe. La Hutte ťtait le lieu oý notre demi-brigade s'est
rassemblťe avant d'aller attaquer les Suisses. La vallťe que nous
quittions se nommait l'Erguel; notre colonne en portait le nom jusqu'au
moment oý elle entrait en Suisse.
Partis de la Hutte le 9 ŗ cinq heures du soir, nous avons suivi la route
de Bienne. Nous avons ťtť camper ŗ trois lieues sur la gauche du dit
Bienne, entre la route de Bienne et Soleure et ŗ gauche de la riviŤre
nommťe l'Aar, ŗ une demi-portťe de fusil du village de Lengnau oý
ťtaient les avant-postes suisses. Les mesures ťtaient prises pour
attaquer les Suisses ŗ trois heures du matin le 10 ventŰse; mais
l'attaque n'a pas eu lieu. Les gťnťraux suisses ont fait une demande au
gťnťral Schauenbourg qui commandait l'armťe franÁaise en Suisse, de leur
accorder une suspension d'attaque pour vingt-quatre heures, et elle a
durť jusqu'au 12, lequel jour on les a attaquťs.
12 _ventŰse_.--L'attaque a commencť ŗ quatre heures du matin; leurs
avant-postes, qui ťtaient ťtablis au village de Lengnau, ont ťtť
enlevťs. L'armťe, qui ťtait dans le canton, n'a pu rťsister ŗ l'ardeur
de la colonne rťpublicaine: leur artillerie a ťtť enlevťe de prime
abord; car l'attaque a ťtť vive de notre part. Dans ce combat, plusieurs
Suisses ont perdu la vie, et la plus grande partie ťtait des pŤres de
famille: ceux auxquels j'ai parlť, qui n'avaient que la cuisse ou les
jambes fracassťes, regrettaient les ťpouses et les enfants qu'ils
avaient laissťs dans leurs maisons pour venir exposer leur vie sur les
frontiŤres.
Notre camp ťtait ŗ trois lieues de la capitale de ce canton, qui est
Soleure. Quoique fortifiťe, elle s'est vu forcťe de se rendre ŗ
l'arrivťe de notre colonne, sans tirer un coup de canon, quoique ses
remparts en soient bien garnis. Nous sommes entrťs ŗ Soleure entre dix
et onze heures du matin, le 12 ventŰse. Nous sommes restťs deux
bataillons de notre demi-brigade pendant que notre colonne a dťfilť. Le
premier soir nous avons ťtť bivouaquer sur les remparts jusqu'au
lendemain ŗ quatre heures du soir, oý nous sommes rentrťs dans nos
logements chez les bourgeois. Nous y avons ťtť reÁus on ne peut pas
mieux. Notre troisiŤme bataillon a ťtť camper sur la route de Lucerne,
prŤs d'un village, ŗ une portťe de canon de la ville, pendant que la
colonne marchait sur Berne.
…tant dans la ville de Soleure, le gťnťral Schauenbourg a fait rendre
les armes ŗ tous les bourgeois de la ville et ŗ tous les habitants de ce
canton. Il arrivait tous les jours des voitures chargťes de fusils, de
gibernes et de toutes sortes d'armes, que l'on plaÁait dans l'arsenal
pour Ítre de suite envoyťes en France.
On a trouvť dans cette ville un arsenal assez bien garni de diffťrentes
armes, une quantitť de bouches ŗ feu en bronze qui avaient ťtť fondues ŗ
Strasbourg; beaucoup de belle poudre de deux qualitťs. Cette ville est
assez grande, il y a de belles rues, mais il y a plusieurs hauteurs qui
dťparent un peu leur beautť. Elle renferme beaucoup de marchands de
toutes sortes. La construction des maisons est fort belle et assez
ťlevťe.
J'ai remarquť sur la place oý nous avons plantť l'arbre de la libertť,
une horloge dont le cadran portait les douze mois de l'annťe, et les
signes de chacun. Lorsqu'ils arrivaient, la touche se posait dessus, et
il y avait un autre petit cadran qui marquait les heures. Au moment oý
le marteau frappait, il y avait la mort qui tenait une lampe dans sa
main gauche, elle faisait un tour et de mÍme remuait la tÍte. De l'autre
cŰtť, il y avait une espŤce d'homme, qui avait du repentir, car ŗ chaque
coup que le marteau frappait, il frappait un coup sur sa poitrine de sa
main droite. C'ťtait un guerrier, car il avait le sabre. Au cŰtť, entre
les deux, ťtait un vieillard avec une grande barbe noire; il ouvrait la
bouche ŗ chaque coup; et tenait de sa main gauche le b‚ton royal qu'il
balanÁait de tous les cŰtťs.
La riviŤre de l'Aar passe Soleure, et la partage en deux parties
inťgales.
Nous sommes sortis un bataillon de la ville. Comme elle n'ťtait pas
assez considťrable pour contenir deux bataillons, notre bataillon a ťtť
cantonnť dans les environs de la ville, dans les villages. C'ťtait le 20
ventŰse que chaque compagnie a ťtť prendre les cantonnements qui leur
ťtaient dťsignťs, mais toujours dans le mÍme canton. Je citerai
seulement les endroits oý je me suis trouvť.
Notre compagnie ťtait cantonnťe ŗ Subingen, village ŗ une lieue et demie
de Soleure, sur la route qui conduit de Soleure ŗ Lucerne, de l'autre
cŰtť de l'Aar. Nous avons changť plusieurs fois de cantonnements, dans
le mÍme canton. Sortis de Subingen le 2 germinal pour cantonner au
village d'Aschi? et ŗ deux lieues et quart de Soleure.
8 _germinal_.--Nous sommes partis pour aller cantonner ŗ Langenthal,
bourg situť ŗ une demi-lieue des frontiŤres du canton de Lucerne et ŗ
dix lieues de Berne. J'ai ťtť voir un couvent de Bernardins qui ťtait
sur les frontiŤres du canton de Lucerne, oý j'ai parlť un peu du couvent
de Clairvaux; il ťtait du mÍme ordre de Citeaux.
…tant dans ce cantonnement, nous avons ťtť ŗ Soleure pour y faire
l'exercice ŗ feu. Nous avons couchť le 29, en y allant, ŗ Nider-Bipp,
village dans le canton de Berne, sur la route de B‚le.
30 _germinal_.--Nous nous sommes rendus ŗ Soleure; lŗ nous avons fait
l'exercice ŗ feu pendant trois heures; nous ťtions cinq bataillons, de
l'artillerie et de la cavalerie; c'ťtait le gťnťral Schauenbourg qui
commandait. AprŤs l'exercice fini, chacun est retournť volontiers dans
ses cantonnements.
6 _florťal_.--Sortis de Langenthal ŗ six heures du matin pour aller ŗ
Zurich, nous avons logť en y allant ŗ Olten, ville dans le canton de
Soleure, sur l'Aar, oý diffťrentes routes se trouvent pour B‚le, Zurich,
etc. Je dirai que lorsque nous sommes entrťs dans ce canton, les Suisses
avaient brŻlť un superbe pont qui traversait l'Aar pour entrer ŗ la
ville de Halte; on ťtait ŗ le rťtablir lorsque nous y avons logť.
7 _florťal_.--Partis de Olten ŗ cinq heures du matin, nos fourriers ont
ťtť comme de coutume pour nous prťparer nos logements. Lorsqu'ils se
sont prťsentťs au village dťsignť pour y loger quatre compagnies, on y
ťtait sous les armes et on a dit ŗ nos fourriers de s'en retourner, que
la paix n'ťtait pas faite avec eux, et qu'ils ne voulaient pas nous
loger.
C'ťtait au village de Bagglingen, nous avons rencontrť nos fourriers qui
nous ont dit que si on voulait Ítre logť, il fallait gagner les
villages. AussitŰt, le plus ancien de grade des officiers des quatre
compagnies, a disposť la troupe pour entrer dans les villages. On leur a
envoyť demandť s'ils voulaient nous loger: ils ont rťpondu que non et
que l'on se retire, ou qu'ils allaient faire feu. Dans ce moment, on a
envoyť des tirailleurs et aussitŰt le feu a commencť; ils nous voyaient
peu de monde et croyaient que nous serions bientŰt vaincus, mais ils ont
ťtť bien trompťs, car nous les avons chassťs de leurs villages, et ils
ont ťtť en grande partie se rťfugier dans les bois. Il y en avait
plusieurs qui avaient cachť leurs armes et se trouvaient devant nous; on
les renvoyait dans leurs maisons. Les femmes se sauvaient avec leurs
petits enfants au berceau; tout cela faisait pitiť au coeur humain; mais
aussi toutes celles que l'on rattrapait, on les faisait retourner dans
leurs foyers. La plupart avaient un fusil dans une main et un chapelet
dans l'autre.
Lorsqu'ils ont ťtť repoussťs hors de leurs villages, nous sommes revenus
prendre une position en arriŤre. Peut-Ítre une heure aprŤs, ils sont
venus une colonne d'environ quinze cents hommes avec deux piŤces de
canon, et ont tirť deux coups qui n'ont pas fait d'effet. Il nous est
aussi venu du renfort, de l'infanterie lťgŤre et un dťtachement de
hussards. Rťunis tous ensemble ŗ l'entrťe de la nuit, nous les avons mis
en dťroute et nous avons ťtť maÓtres de nos cantonnements, oý nous avons
bivouaquť.
Ce village de Bagglingen est dans le bailliage nommť anciennement
Canton-libre-infťrieur. Nous en sommes partis le 9, ŗ huit heures du
matin, pour aller ŗ Zurich oý nous sommes arrivťs le mÍme jour. Cette
ville porte le nom du canton oý elle est situťe, sur le bout du lac du
mÍme nom, et de ce lac sort une riviŤre qui passe dans Zurich, et se
nomme Limmat, et fait jonction avec deux autres riviŤres qui se nomment,
l'une la Reuss, qui sort du canton de Lucerne, et l'autre l'Aar, qui
sort du canton de Berne. Ces trois riviŤres sont rťunies prŤs d'une
petite ville qui se nomme Brugg, et de lŗ tombent dans le Rhin.
11 _florťal_.--Partis de Zurich[60] ŗ midi, nous avons ťtť loger au
village nommť Thalwyl, situť sur le lac et ŗ deux lieues de la ville,
sur la droite.
12.--ņ deux heures du matin, nous avons ťtť camper prŤs le village nommť
Lachen et de mÍme situť sur le lac dans le canton de Schwytz.
13.--Partis ŗ neuf heures du matin pour retourner sur nos pas et
cantonner au village de Frienbach; nous ťtions quatre compagnies, les
mÍmes qui s'ťtaient trouvťes ŗ Bagglingen. Ce village et les autres qui
ont ťtť nommťs sont sur le lac, ŗ droite. En sortant de Zurich, nous
n'avons pas ťtť sitŰt arrivťs dans le cantonnement, qu'une attaque s'est
formťe entre les Suisses du canton de Schwytz et quelques compagnies de
la 76e demi-brigade de ligne, vers les onze heures du matin. Dans le
mÍme moment, le citoyen Mondragon, qui ťtait le plus ancien de grade des
capitaines du dťtachement, a aussitŰt donnť ordre de battre les coups
doubles, pour assembler les compagnies et pour marcher vers l'endroit de
l'attaque. Au lieu d'aller oý on se battait, ledit capitaine nous a fait
monter une montagne prodigieuse, pour les prendre par derriŤre. Par le
fait, la montagne a ťtť franchie avec beaucoup de courage; arrivťs au
sommet, le commandant de la troupe a fait battre la charge. Je dirai
qu'avant d'Ítre au sommet de la montagne, nous ťtions dťjŗ assaillis de
coups de fusil. Pendant que la charge se battait, on a commencť le feu
sur les Suisses, qui sont venus nous disputer le terrain; mais il a
fallu qu'ils cŤdent, ou ils auraient tout payť. Dans cette affaire,
plusieurs pŤres de famille sont restťs sur le champ de bataille; aprŤs,
les plus hautes montagnes ne les rassuraient plus, ils abandonnaient
leurs chaumiŤres et s'allaient retirer dans des lieux inhabitables.
Le mÍme jour, au soleil couchant, nous avons descendu la montagne et
nous sommes revenus dans notre cantonnement.
14.--Partis ŗ deux heures du matin, pour nous disposer ŗ de nouvelles
poursuites. Nous avons pris la route qui conduit ŗ
Notre-Dame-des-Hermites; nous avons montť une fort haute montagne, et,
ťtant au sommet, prŤs d'une grosse auberge, nous avons occupť la
position que les Suisses avaient abandonnťe la veille. Cette montagne se
nomme Etzel, et est ŗ une lieue du couvent de Notre-Dame-des-Hermites,
oý on la voit facilement. Dans les environs de ce couvent, on n'y
rťcolte point de grains; il est de mÍme environnť de montagnes couvertes
de neige. Dans cette contrťe, il y a des p‚turages pour les bÍtes ŗ
cornes; aussi voilŗ ce qui les nourrit: quelques pommes de terre, du
fromage et du lait.
16.--Nous sommes revenus prendre les cantonnements du 13.
21--Partis de Frienbach ŗ huit heures du matin, notre marche a ťtť
dirigťe sur la Rťpublique ligurienne en Italie. Je dirai que nous avons
passť ŗ la ville nommťe Rapperswyl, situťe sur le lac, du cŰtť gauche.
Avant d'entrer dans la ville, il y a un pont qui a une demi-lieue[61].
Je vais citer seulement les endroits oý nous avons logť; car le voyage
est si long et le temps si court que je ne puis pas faire beaucoup
d'observations.
21 _florťal_.--Arrivťs au village nommť Thatwyl, ŗ la pointe du jour,
nous en sommes partis le 22 ŗ huit heures du matin; nous sommes passťs ŗ
Zurich ŗ dix heures; nous avons poursuivi notre route en traversant
plusieurs hautes montagnes et nous sommes venus loger dans les environs
de Mellingen, bourg situť sur la Reuss dans le village oý nous ťtions;
ce village se nommait Waltenschwyl.
23.--Partis de ce village ŗ six heures du matin, nous sommes venus loger
ŗ Aarburg, dans le canton de Berne, situť sur l'Aar, oý il y a un fort
assez important.
24.--Partis ŗ sept heures du matin, nous sommes venus loger dans les
environs d'Herzogenbachsee; nous ťtions ŗ Niederhaus; notre compagnie de
mÍme dans le canton de Berne.
25.--Partis ŗ cinq heures du matin. Logť dans la ville de Berne. J'ai
remarquť qu'il y avait une belle grande rue; il est vrai qu'elle va un
peu en montant, et, ŗ la distance de quatre-vingts pieds, il y a une
fontaine. J'ai vu une horloge assez curieuse: tout le temps que le
marteau frappe sur la cloche, il y a auprŤs du cadran un tour fait comme
une table ronde sur laquelle il y a des ours qui dťfilent la parade,
avec des instruments de guerre; il y en a qui sont montťs sur des
chevaux: enfin cela est amusant.
Toutes les rues de cette ville sont ornťes de belles arcades oý il y a
toutes sortes de marchands. Au-dessus de la porte, du cŰtť de Lausanne,
la personne de Guillaume Tell est reprťsentťe.
27 _florťal_.--Partis ŗ quatre heures du matin. Logť ŗ Morat, ville
situťe sur le lac de ce nom.
28.--Partis ŗ six heures du matin. Logť aux environs de Payerne; nous
ťtions au village de Fťtigny.
29.--Partis ŗ trois heures du matin. Logť ŗ Moudon dans le pays de Vaux,
ci-devant alliťe avec Berne, et situťe sur le bord de la Broye. Cette
ville ťtait anciennement la capitale du pays; on y voit encore
aujourd'hui une ancienne tour qui a ťtť b‚tie du temps de Jules Cťsar.
30.--Partis ŗ quatre heures du matin, nous sommes venus loger ŗ
Lausanne, capitale de son canton, situťe au pied d'une montagne, sur le
bord du lac de GenŤve. Tous les endroits oý nous sommes passťs sont en
grande partie des vignobles.
1er _prairial_.--Partis ŗ trois heures du matin, nous avons suivi le
lac, et sommes venus loger ŗ Villeneuve et dans les environs. Cette
ville est situťe sur le bout du lac de GenŤve; notre compagnie ťtait
logťe dans un village ŗ une lieue de Villeneuve, et entre des montagnes
extrÍmement hautes, oý il y a toujours au sommet une quantitť de neige.
3.--Partis ŗ huit heures du matin, nous sommes venus loger ŗ
Saint-Maurice, dans le bas Valais.
Avant d'entrer dans la ville, on passe sur un pont qui traverse le RhŰne
et va tomber dans le lac de GenŤve.
4.--Partis ŗ six heures du matin. Logť ŗ OrsiŤres dans le bas Valais,
sur la route qui conduit au grand Saint-Bernard.
5.--Partis d'OrsiŤres ŗ sept heures du matin. Couchť ŗ Saint-Pierre,
village situť sur le sentier qui conduit au mont Saint-Bernard; c'est
depuis ce village que la route ne forme plus qu'un sentier trŤs mauvais
pour marcher; les voitures n'y peuvent plus passer qu'elles ne soient
dťmontťes, et portťes par des mulets ŗ dix lieues, oý est la citť
d'Aoste.
Je dirai que tous les endroits oý nous sommes passťs depuis Villeneuve
sont situťs entre des grandes et trŤs hautes montagnes, au sommet
couvert de neige; mais cependant la colline est cultivťe. J'ai remarquť
qu'ŗ deux lieues de Saint-Maurice il y a des rochers trŤs ťlevťs; ŗ cent
pieds de haut, il sort de l'eau en quantitť; en la voyant tomber elle
paraÓt blanche comme du lait, elle se brise sur des pierres qui sont
dans le bas de ce rocher et passe dans le chemin aussi claire que du
cristal. Cet endroit se nomme le Pisse-vache.
6.--Partis de Saint-Pierre, le dernier village du bas Valais, ŗ deux
heures du matin pour monter au village de la montagne du Saint-Bernard
qui monte pendant trois heures, et descend d'autant; dans cette
montagne, il y a plus de neige que dans les autres. Nous avons passť par
des endroits (et surtout avant d'Ítre au couvent) oý il y en avait plus
de quarante pieds, mais c'est tout neige gelťe. En arrivant prŤs du
couvent, nous montions ŗ quatre pattes sur la neige; vraiment c'est des
chemins affreux; aussi beaucoup de voyageurs meurent-ils en route.
Le couvent, qui est au sommet de cette montagne, est lŗ pour donner du
secours aux voyageurs; il y a des chiens que j'ai vus; ils sont
extrÍmement forts et instruits. Lorsqu'il fait des orages ou mauvais
temps, ces chiens vont au travers des neiges sur le chemin; ils ont au
cou un linge dans lequel il y a une petite bouteille d'eau-de-vie avec
un morceau de pain; s'ils rencontrent quelqu'un qui soit tombť en
faiblesse ou qui ait perdu courage et qu'il soit saisi par le froid,
qu'il soit sur une roche ou ailleurs, ces chiens vont auprŤs, le
prennent par son habillement et le remuent; et s'il n'est pas mort, ils
lui prťsentent le cou pour qu'il prenne ce qui est dans le linge pour
lui donner des forces. Quelquefois, ils en trouvent qui sont couchťs
dans la neige, et comme il y a des domestiques qui les suivent de loin,
ils retournent auprŤs d'eux et les conduisent oý les hommes sont tombťs.
…tant au couvent, on peut y rester un jour; toute la troupe qui y a
passť a reÁu par homme un verre de vin, un petit morceau de pain et
aussi de la viande salťe. On a continuť la route, car on aurait bien
gelť si on y ťtait restť un quart d'heure; enfin, dans les environs de
ce couvent, ce sont de vťritables prťcipices. Notre chemin ťtait marquť
avec des morceaux de bois, sans quoi il y en aurait eu de nous qui
auraient perdu la vie.
Ce jour-lŗ, nous sommes venus loger ŗ Saint-Oyen, village sur la route
de Sardaigne. Dans ces villages, et mÍme avant de gravir le
Saint-Bernard, les habitants ne cuisent qu'une fois par an; s'ils
cuisent deux fois, c'est qu'ils sont bien ŗ leur aise; leur pain est
ťpais d'un pouce et d'un pied de diamŤtre et dur comme du bois; c'est le
lait et les pommes de terre qui sont en grande partie leur nourriture.
7.--Partis de Saint-Oyen ŗ cinq heures du matin, nous sommes venus loger
dans la citť d'Aoste, ville de Sardaigne, frontiŤre de la Savoie et de
la Suisse.
9.--Partis d'Aoste ŗ deux heures du matin, nous sommes venus loger ŗ
Verres, ville dans la vallťe d'Aoste et de mÍme dans la Sardaigne.
10.--Partis de Verres ŗ trois heures du matin. Logť ŗ Ivrťe, sur la
riviŤre nommťe Doire, dans le Piťmont.
11.--Partis ŗ quatre heures du matin. Logť ŗ Livorne.
12.--Partis ŗ quatre heures du matin. Logť ŗ Verceil, sur la riviŤre la
Sesia.
13.--Partis ŗ six heures du matin. Logť ŗ Gailliata, ŗ huit lieues de
Milan, et ŗ une lieue de Trecate.
15.--Partis ŗ deux heures du matin. Logť ŗ Vigevano, sur la route
d'Alexandrie.
16.--Partis ŗ minuit, nous avons passť le PŰ ŗ midi, et nous sommes
venus loger ŗ Voghern.
17.--Partis ŗ deux heures du matin. Logť ŗ Alexandrie, ville forte
donnťe en otage aux FranÁais lorsque le roi de Sardaigne a fait la paix;
cette ville est situťe sur la riviŤre de Tanaro qui passe entre la
citadelle et les murs de cette ville.
19.--Partis d'Alexandrie ŗ dix heures du matin. Logť ŗ Novi, ville du
Piťmont, frontiŤre de la Rťpublique ligurienne.
20.--Partis ŗ trois heures du matin. ņ sept heures nous avons passť au
bas du fort de Gavi, oý nous avons fait halte. Je dirai que nous sommes
passťs au milieu de l'armťe gťnoise et piťmontaise qui ťtait campťe dans
les environs du fort de Gavi. Dans ce temps, les Liguriens avaient la
guerre avec le Piťmont. Le mÍme jour, campť prŤs de Voltagio, sur la
route de GÍnes.
21.--Sortis du camp ŗ trois heures du matin. Campť ŗ deux lieues de
GÍnes. C'est de lŗ que notre premier bataillon est parti pour aller ŗ
GÍnes, et notre troisiŤme est retournť sur ses pas pour aller ŗ Novi;
nous, nous avons couchť dans ce village.
22.--Partis ŗ trois heures du matin pour retourner sur les frontiŤres de
la Rťpublique ligurienne; nous avons logť ce jour ŗ Voltagio.
23.--Partis ŗ deux heures du matin, nous avons pris la traverse et avons
ťtť loger ŗ Ovada, ville frontiŤre de la Rťpublique ligurienne, menacťe
par les troupes piťmontaises d'Ítre mise au pillage. Voilŗ pourquoi
notre bataillon a ťtť s'emparer de la ville pour la soustraire ŗ un
pareil malheur; cette ville est entourťe par deux riviŤres qui
s'appellent Stura et Orba. Je dirai que pendant que nous ťtions dans
cette ville, nous avons ťtť dťtenus vingt-six sous-officiers en prison
pour avoir fait une rťclamation; nous avons ťtť douze jours ŗ
_l'ombre_[62].
19 _messidor_.--Partis pour Camfredo, ville de la Ligurie.
20.--Partis ŗ une heure du matin. Logť ŗ Voltri, ŗ huit lieues et demie
de GÍnes.
23.--Logť ŗ Varazze, de mÍme sur la mer.
24.--Logť ŗ Savone, oý il y a un port marchand; il y a aussi un fort qui
dťfend bien son approche et peut battre la ville.
25.--Logť ŗ Final-Borgo.
26.--Partis ŗ deux heures du matin. Logť ŗ Albenga. Tous les endroits oý
nous avons logť sont situťs sur la mer.
28.--Partis ŗ une heure du matin pour une petite ville nommťe La PiŤve,
situťe dans la mÍme vallťe et ŗ six lieues de la mer. Nous avons relevť
ŗ La PiŤve la garnison piťmontaise qui s'ťtait emparťe de cette ville au
moment oý ils avaient la guerre ensemble. La France a mis fin ŗ cette
guerre, qui ne pouvait que mettre la famine dans le pays.--Comme cette
contrťe ressemble ŗ la plus grande partie de la Rťpublique ligurienne
dont elle fait partie, je vais faire une petite description de la
situation du pays. Ce ne sont que montagnes trŤs hautes, la plupart sont
couvertes de ch‚taigniers, d'oliviers, de figuiers et d'autres arbres ŗ
fruits de toutes sortes d'espŤces; il y a aussi de la vigne plantťe trŤs
clair et haute, parmi laquelle ils sŤment du blť et d'autres grains, qui
leur servent ŗ faire du pain; mais ces derniers n'y sont pas trŤs
abondants. Tout ce pays est occupť en grande partie par le commerce qui
y est bon, par rapport ŗ la mer.
Il n'y a rien ŗ voir de curieux dans la campagne; leurs maisons sont
trŤs antiques et toutes voŻtťes, pour parer aux chaleurs qui se font
dans ce pays durant l'ťtť. Il n'y a rien de remarquable dans leurs
mťnages, la plupart n'ont pas de meubles, mais seulement un coffre pour
mettre le peu d'habillements qu'ils ont. Le dedans des maisons est trŤs
obscur et la plupart n'ont pas de vitres; un simple volet ferme le jour.
On n'y voit presque point de cheminťes: ils font le feu dans l'un des
coins de la maison. Les deux sexes sont vÍtus assez antiquement; les
femmes et les filles portent sur la tÍte un grand voile pour aller ŗ
l'ťglise. Ce peuple est traÓtre de son naturel, il a toujours cachť sous
lui une arme tranchante et trŤs aiguisťe, et ŗ la moindre difficultť on
est frappť de cet outil.
8 _frimaire_.--Partis de la PiŤve pour GÍnes, nous avons ťtť loger ŗ
Loano; le 9, ŗ Varazze; le 10, ŗ GÍnes. …tant dans cette ville nous
avons fourni un dťtachement de trois cents hommes pour aller s'emparer
de la ville d'Oneglia, appartenant au Piťmont. La garnison piťmontaise a
ťtť dťsarmťe et envoyťe ŗ GÍnes, mais de suite on leur a envoyť leurs
armes, pour partir sur les frontiŤres d'Italie. Ceci s'est fait au
moment de la rťvolution du Piťmont. Le dťtachement dont je faisais
partie est sorti de GÍnes le 20 frimaire, ŗ une heure de l'aprŤs-midi;
nous avons logť en allant ŗ Oneglia, ŗ Voltri, ŗ Savone, ŗ Finalborgo, ŗ
Alassio. Il y avait avec nous trois cents Liguriens. Cette ville s'est
rendue ŗ notre approche; nous y sommes entrťs le 24 frimaire ŗ quatre
heures du soir. Le reste de notre bataillon, qui ťtait ŗ GÍnes, est venu
nous rejoindre le 15 nivŰse; il est seulement restť ŗ Oneglia deux
compagnies, et les autres ont appuyť ŗ gauche le long de la mer. Ce
mouvement s'est fait le 15. Notre compagnie ťtait ŗ Diano-Marino et ŗ
Alassio.
Partis de ces cantonnements le 1er pluviŰse, nous sommes venus le 5 ŗ
GÍnes, lieu de rassemblement de notre demi-brigade pour en former deux
bataillons de guerre et un de paix. Ce dernier ťtait composť d'hommes
impotents, infirmes, qui ne pouvaient plus faire campagne et complťtťs
avec des conscrits. Les deux bataillons de guerre ťtaient formťs
d'hommes aguerris et en ťtat de faire campagne avec une vingtaine des
plus adroits des conscrits par compagnie, tirťs dans le troisiŤme
bataillon. Dans cet amalgame, nous sommes devenus la troisiŤme compagnie
du premier bataillon. Cet embrigadement s'est fait ŗ GÍnes, le 8
pluviŰse. Le premier bataillon est parti de GÍnes le 9 pour se rendre ŗ
Reggio; le deuxiŤme bataillon le 10, pour la mÍme route. Je n'ai point
ťtť de ce dťpart, je suis entrť ŗ l'hŰpital le 10; j'avais une maladie
qui m'interdisait la marche.
20 _ventŰse_.--Partis de la ville de GÍnes pour me rendre ŗ Reggio.
En quittant le pays de la Ligurie, je laisse un pays assez abondant en
oliviers, ch‚taigniers; ils rťcoltent aussi une certaine quantitť de vin
et de grains; la plus grande occupation des habitants est le commerce.
Ils ťlŤvent quantitť de vers ŗ soie nourris par les mŻriers qui poussent
dans ce pays.--Me voilŗ entrť dans le Piťmont en sortant de Novi; j'ai
logť le 23 ŗ Tortone, ville fortifiťe et accompagnťe d'un fort assez
considťrable, sur une hauteur qui commande la ville; le 24, ŗ Voghera;
le 25, ŗ Castel-San-Giovani, bourg dťpendant du roi d'Espagne; le 26, ŗ
Plaisance, belle grande ville au roi d'Espagne, magnifiquement b‚tie. Il
y a lŗ une superbe place sur laquelle sont placťs deux piťdestaux sur
lesquels sont deux chevaux en bronze avec leurs guerriers.
Elle est trŤs bien dťcorťe par de belles maisons; les rues sont trŤs
larges et bien proportionnťes. Autrefois, cette ville ťtait fortifiťe,
mais il ne reste plus que de vieux remparts qui tombent en ruine.
27.--Logť ŗ Borgo-San-Domino, de mÍme dans les …tats du roi d'Espagne.
28.--ņ Parme, appartenant au duchť de son nom; la riviŤre du mÍme nom,
Parma, passe dans ladite ville et la partage en deux parties inťgales;
la construction en est assez belle, les rues larges, il y a aussi
d'assez jolies places.
29.--ņ Reggio, ville grande et bien peuplťe, maintenant ŗ la Rťpublique
cisalpine; il y a une belle place, des rues trŤs larges; elle ťtait
autrefois fortifiťe, maintenant il existe encore une vieille citadelle
qui tombe en ruines et qui ne pourrait pas tenir longtemps. J'ai eu
sťjour dans cette ville.
1er _germinal_.--ņ ModŤne; la ville est plus longue que large: les rues
sont larges, les maisons assez ťlevťes et d'une belle construction; il y
a de belles grandes places. Cette ville est encore actuellement un peu
fortifiťe.
3.--ņ Buondeno, village dans les environs de Ferrare.
4.--ņ Finale, bourg sur le canal de la ville de ModŤne.
5.--ņ la Mirandole, petite ville assez bien faite oý il y a une belle
place.
6.--ņ Saint-Benedetto, village ŗ cinq lieues de Mantoue.
7.--ņ Mantoue, belle grande ville trŤs peuplťe; elle est environnťe de
grandes piŤces d'eau qui dťfendent son approche d'une demi-lieue; du
cŰtť oý l'eau n'est pas d'une aussi grande largeur, il y a de fortes
citadelles qui dťfendent la ville; les alentours de cette place, aussi
bien que les forts, sont garnis de nombreux gros canons qui rendent
cette ville imprenable, autrement que par la famine. Le fleuve nommť PŰ
passe dans ses murs, et lui donne quantitť d'eau; la construction des
maisons est belle, on y trouve de belles places. J'y ai vu un beau pont
couvert et construit tout en pierres de taille; il y a sur ce pont sept
ŗ huit moulins trŤs bien construits. Cette place appartient ŗ la
Rťpublique cisalpine; elle a ťtť prise par les FranÁais qui ťtaient
commandťs par Bonaparte, dans le courant du mois de pluviŰse an V.
Le 8, j'ai passť ŗ Villefranche, sur la route de Vťrone, oý j'ai trouvť
notre bataillon, qui ťtait campť ŗ deux lieues et demie de la ville,
prŤs de la route. Ils y ťtaient venus aprŤs l'affaire du 6 germinal,
auquel jour ce terrible flťau de la guerre s'est rallumť avec
l'empereur. Notre division, commandťe par Montrichard, a fait son
attaque prŤs du village de Legnago, situť sur l'Adige. L'attaque a ťtť
vive au premier abord de notre part: il a semblť avant midi que la
victoire nous ťtait annoncťe; mais, comme le destin ne dťcide pas en un
instant, nous avons vu, vers les trois heures du soir, que nous avions
eu affaire ŗ un corps d'armťe autrichien qui ťgalait le nŰtre. Sur le
soir, un renfort leur est arrivť; c'est ŗ ces derniers, rťunis aux
premiers, qu'il a fallu cťder la victoire qui nous avait ťtť favorable
toute la journťe. Beaucoup de fossťs remplis d'eau nous ont fait
ťprouver quelques pertes. Je ne dirai pas les pertes des autres corps,
j'ai vu celles de mon bataillon qui se montaient ŗ 148 hommes hors de
combat, y compris dix officiers et dix sous-officiers. En attendant le
siŤge, nous avons fait plusieurs mouvements ŗ droite et ŗ gauche le long
de l'Adige, oý le corps d'armťe autrichien ťtait bien retranchť.
Voilŗ le 16 germinal arrivť[63]. Vers les dix heures du matin, l'ennemi
s'ťtait mis en marche pour nous attaquer; le gťnťral en chef donna
ordres ŗ toutes nos troupes de se mettre en marche pour de mÍme attaquer
l'ennemi, ce qui a ťtť exťcutť sur-le-champ. AussitŰt, nous avons
rencontrť les colonnes autrichiennes; le feu a ťtť vif dans les deux
partis; au premier abord, il semblait que notre division allait cťder ŗ
la force de la colonne autrichienne.
Le soldat n'a pas mesurť sa force sur celles de son ennemi, mais sur son
courage: il a mis la colonne ennemie en dťroute, en lui faisant quelques
cents de prisonniers. Nous les avons poursuivis aux portes de Vťrone;
mais la retraite des autres divisions nous a bientŰt appris que nous
devions aussi nous y disposer pendant la nuit, et nous retirer dans les
environs de Mantoue, ce qui a ťtť fait dans la nuit du 16 au 17, car un
corps considťrable de l'armťe autrichienne s'avanÁait pour couper notre
retraite au delŗ de Mantoue.
Nous sommes arrivťs ŗ sept milles de Mantoue vers les minuit, dans la
nuit du 17 au 18. Sur le croisement de la route qui conduit ŗ
Villefranche, le 18, nous avons fait un mouvement pour appuyer ŗ gauche
de Mantoue. Nous sommes venus camper prŤs d'une petite ville situťe sur
le Mincio; elle est environnťe de fortes positions. Lorsque la garnison
de Mantoue a ťtť ťtablie dans ses postes, l'armťe s'est mise en
mouvement et a passť le Mincio pour aller se montrer dans la plaine oý
Bonaparte a eu de grands combats, lorsqu'il a fallu cerner la ville de
Mantoue. Nous sommes restťs dans cette plaine, qui aboutit sur la rive
du Mincio, jusqu'ŗ huit heures du soir. C'ťtait la nuit du 20 au 21 que
notre colonne a commencť son mouvement pour la retraite, le soir du 21
vers les six heures, par un temps abominable, une pluie continuelle qui
ne cessait de tomber et nous traversait jusqu'aux os. Nous avons campť
prŤs la petite ville d'Asola; ses alentours sont garnis de bastions qui
n'ťtaient pas entretenus.
22 _germinal_.--Campť ŗ trois mille de Pontevico; le 24, nous sommes
venus camper en avant de cette petite ville, situťe sur le bord de la
riviŤre nommťe Oglio, sur la route de Brescia et Milan. Dans ce moment,
nous ťtions d'arriŤre-garde; nous avons coupť les routes pour empÍcher
la colonne autrichienne de nous poursuivre de si prŤs.
25.--Nous avons passť l'Oglio sur un pont levis qui ťtait au bas d'une
ancienne citadelle: les troupes et les bagages passťs, on a dťmontť le
pont en le faisant glisser dans l'eau. Ce jour-lŗ, nous sommes venus au
village de Rodierco, situť sur l'Oglio et ŗ un mille de Pontevico, sur
la grande route de Milan. La nuit du 25 au 26, nous nous sommes mis en
marche et nous sommes arrivťs ŗ Palazzolo le 26 au soir. Il faut
observer que la colonne autrichienne prenait des dťtours et suivait les
montagnes de la Suisse italienne et ne cherchait qu'ŗ nous couper notre
retraite.
28.--Nous avons fait un mouvement en avant de Palazzolo, ŗ six mille
dans les montagnes, prŤs le lac d'Iseo.
29.--Nous sommes revenus ŗ Palazzolo; le 30, nous en sommes repartis
pour nous former sur la ligne en bataille, en avant dudit lieu. Le
gťnťral en chef Scherer nous a passťs en revue. Nous avons passť la nuit
dans ce mÍme emplacement. Je dirai que la Ville de Palazzolo est situťe
sur l'Oglio et sur la grande route de Brescia. En partant, les ponts ont
ťtť coupťs et renversťs dans la riviŤre.
2 _florťal_.--Nous avons fait un mouvement pour nous retirer en arriŤre
de Palazzolo, oý nous avons campť, sur les bords de l'Oglio; nos
avant-postes ont eu quelques petites affaires avec l'ennemi, qui s'est
venu prťsenter pour passer le pont oý ťtaient nos canonniers, pour le
faire sauter par des mines; on est parvenu ŗ le faire sauter vers les
dix heures du matin.
La nuit du 4 au 5, ŗ neuf heures du soir, notre division, qui ťtait
celle du gťnťral Serrurier, s'est mise en marche et a ťtť dirigťe vers
la ville de Bergame. Nous avons passť une nuit affreuse dans l'eau et la
boue jusqu'aux genoux, et, pour la faire complŤte, une pluie continuelle
nous arrosait. Nous sommes passťs dans la ville de Bergame, ŗ onze
heures du matin, le 3. Cette ville est trŤs considťrable, belle et
riche: on y construisait une fort belle place; elle est divisťe en ville
haute et ville basse. La ville haute est fortifiťe et a de fort belles
positions dans ses environs, sur des hauteurs considťrables. Notre
division ne s'y est point arrÍtťe; une partie soutenait l'arriŤre-garde,
qui ťtait suivie[64] des troupes russes. Le mÍme jour, notre colonne a
continuť sa marche jusqu'ŗ cinq heures du soir; nous sommes arrivťs sur
le bord du lac, oý nous avons passť la nuit dans des espŤces de petits
hameaux environnťs de montagnes fort hautes.
Le lendemain 6 courant, ŗ quatre heures du matin, nous avons repris
notre marche vers le pont de Lecco, et toujours suivis de prŤs par
l'avant-garde ennemie. La ville de Lecco est environnťe de rochers trŤs
hauts; elle est situťe sur le bord du lac. Notre division a passť le
pont le jour oý l'ennemi y est arrivť. Une partie de notre division a
gardť la tÍte du pont, et l'autre partie s'est ťtendue sur les bords de
la riviŤre, pour correspondre avec la division du gťnťral Delmas; notre
bataillon ťtait de cette partie; nous tenions dans ce moment la droite
de la division. Nous sommes venus prendre notre position, la nuit du 6
au 7, ŗ Vaprio, oý nous sommes arrivťs ŗ onze heures du matin. Cette
ville est situťe sur le bord de la riviŤre nommťe l'Adda; elle est forte
par sa position: il y avait un pont volant ťtabli qu'on a fait couler ŗ
fond lorsqu'on a quittť la riviŤre.
Vers les deux heures de l'aprŤs-midi, une colonne assez considťrable de
l'armťe autrichienne a fait un mouvement pour se disposer ŗ passer la
riviŤre pendant la nuit, ce qui leur a ťtť facile, car la riviŤre
n'ťtait presque pas gardťe. Vers les quatre heures du matin, comme notre
bataillon ťtait ŗ bivouaquer dans un village ŗ une lieue et demie de
Vaprio, une ordonnance est venue dire au gťnťral qui commandait ce
poste, que l'armťe autrichienne avait passť la riviŤre[65] toute la nuit
et dirigeait sa marche sur Milan. AussitŰt, il nous fut ordonnť de nous
retirer sur Vaprio, pour nous joindre ŗ la division du gťnťral Delmas,
en laissant de distance en distance des compagnies en ťchelons; jusqu'ŗ
ce que nous avons trouvť une route de Vaprio ŗ Milan, qui ťtait dťjŗ
coupťe par l'ennemi. Le combat s'est aussitŰt engagť sur la rive gauche
de l'Adda, dans les environs de Vaprio et Casale; il a ťtť opini‚tre des
deux cŰtťs. Le gťnťral Delmas est venu ordonner aux bataillons qui
soutenaient l'attaque, qui ťtaient les nŰtres et un de la 3e
demi-brigade, de foncer sur l'ennemi, et il a dit que sa division allait
arriver pour nous soutenir. AussitŰt l'ordre donnť, les deux bataillons
se sont mis en marche pour l'exťcution; dans l'instant la victoire nous
a souri en leur faisant environ deux cents hommes prisonniers; mais,
dans le mÍme moment, un renfort considťrable leur ťtant arrivť, ils ont
forcť le bataillon qui ťtait ŗ notre droite, sur le bord de la riviŤre,
et ils n'ont pas tardť ŗ prendre le nŰtre par le flanc et le front. Dans
ces dťmÍlťs plus chauds qu'ŗ l'ordinaire, j'ai reÁu une balle qui m'a
traversť l'avant-bras gauche et m'a mis hors de combat, d'oý je me suis
tirť avec beaucoup de peine, car nous ťtions pris de tous les cŰtťs.
Mais la division est arrivťe dans ce moment et nous a donnť du large; la
journťe est devenue terrible aux deux partis. Dans un moment oý la
division Delmas a donnť, elle a repoussť l'ennemi ŗ la tÍte du pont; il
y avait un village oý l'ennemi ťtait retranchť dans les murs des jardins
et nos gens ťtaient tout autour; l'ennemi voyant qu'il ne pouvait plus
tirer ŗ cause de la hauteur des murs, prit les pierres des murs pour les
jeter sur la tÍte des FranÁais, mais l'ardeur rťpublicaine qui bouillait
dans les veines des soldats, ne souffrit pas longtemps l'insulte des
Allemands; aussitŰt entrťs dans le village la baÔonnette en avant, ils
en renversŤrent une grande quantitť et firent sept cents prisonniers.
Les rues du village ont ťtť ce jour-lŗ abreuvťes du sang des Allemands,
car le sang ruisselait dans lesdites rues, comme lorsqu'il tombe un
orage.
Le combat n'a cessť que lorsque la nuit a tendu ses voiles dans les
environs oý il avait commencť. Mais on s'est retirť sur Milan; la ville
de Casale en est encore ŗ sept lieues et une partie des blessťs a ťtť
obligťe de suivre la colonne; les routes ťtaient interceptťes. Nous
sommes arrivťs dans les environ de minuit ŗ Milan, du 8 au 9. La colonne
a passť ŗ Milan entre huit et neuf heures du matin, le 9. Quoique nos
plaies n'aient point ťtť pansťes et que la marche nous fÓt de grandes
douleurs nous avions prťfťrť suivre notre colonne qui venait sur les
bords du Tessin que de nous voir prendre prisonniers par des troupes
inhumaines. Il n'est restť que de la troupe au ch‚teau de Milan.
C'est sur les bords du Tessin que j'ai quittť avec regret mes compagnons
de misŤre, mais ma blessure le demandait. J'ai laissť en partant, aprŤs
trois batailles, un fourrier, un caporal et six fusiliers, dans une
compagnie qui ťtait, le 6 germinal, composťe de cent dix hommes.
Notre armťe de Mantoue est obligťe, par une force supťrieure d'ennemis,
d'ťvacuer cette partie de l'Italie, et de se retirer sur les villes
fortes du Piťmont. Les hŰpitaux n'ťtant plus assez considťrables pour
contenir tous les blessťs, il faut donc rentrer en France.
Avant de quitter cette partie de l'Italie, je veux faire une petite
description sur la situation des habitants et sur la fertilitť des
terres de cette contrťe. Depuis le Mont-Cenis ŗ Mantoue, c'est un
terrain plat et sablonneux; il est plantť de toutes sortes d'arbres,
mais ce sont les mŻriers qui dominent; la vigne y est trŤs commune et
est plantťe au pied de tous ces arbres: elle produit d'excellents vins;
on y voit dans aucunes contrťes les vignes attachťes au-dessus de fort
gros arbres, et cette vigne rapporte une quantitť considťrable de
raisins. Les habitants du pays coupent tous les ans les branches de ces
arbres pour faire cuire leurs aliments.
Ils sŤment sous ces vignes des grains de toutes sortes d'espŤces qui y
viennent encore assez bien par rapport aux arbres et aux vignes qui leur
donnent de la fraÓcheur, sans quoi ils ne pourraient rien rťcolter ŗ
cause de la grande chaleur du pays. Dans le Piťmont et autres contrťes,
ils sŤment beaucoup de riz qui fait une partie de leur nourriture
qu'avec le vermicelle; enfin ils ne se nourrissent presque qu'avec des
p‚tes. L'occupation de ces habitants est en grande partie le commerce,
et l'ťlevage des vers ŗ soie qui leur fait avoir une grande quantitť de
manufactures. Il y a, dans cette partie de l'Italie, d'assez beaux sexes
des deux cŰtťs, mais extrÍmement jaloux et traÓtres. Il y a aussi de
fortes riviŤres et des mťdiocres qui arrosent les plaines de riz. La
construction des maisons est assez agrťable, elles sont presque toutes
voŻtťes, mais les vitres y sont rares, car ŗ peine peut-on avoir des
verres pour boire.
Dans cette contrťe sont enfermťs plusieurs petits …tats et rťpubliques,
ce qui fait qu'il y a plusieurs monnaies, mais qui ne valent pas celle
de France, exceptť celle du Piťmont qui vaut mieux. Autrefois, ce pays
ťtait fort riche, mais il a eu affaire ŗ plusieurs maÓtres qui lui ont
Űtť toute sa richesse, et la guerre a achevť sa ruine.
Je ne ferai pas grande observation sur les endroits oý j'ai passť, ayant
ťvacuť de Milan ŗ Dijon.
Le 5 prairial, nous sommes arrivťs ŗ Dijon, lieu de destination pour les
blessťs; nous sommes entrťs ŗ l'hŰpital militaire, tout nouvellement
prťparť pour recevoir les blessťs qui arrivaient tous les jours en grand
nombre.
Je suis restť onze jours ŗ cet hŰpital de Dijon, oý ma plaie a ťtť
pansťe deux fois par jour. Pendant ce temps, j'ai fait plusieurs
demandes aux officiers de santť pour obtenir une convalescence. Comme je
n'ťtais plus qu'ŗ vingt-quatre heures de mon foyer et qu'il y avait sept
ans que je n'ťtais rentrť chez moi, je me suis vu avoir un peu d'espoir
de revoir encore une fois mes pŤre et mŤre, ainsi que mes autres
parents. J'ai reÁu des officiers de santť de l'hŰpital militaire de
Dijon, une convalescence de deux dťcades pour aller cicatriser ma plaie
dans mes foyers; elle m'a ťtť dťlivrťe le 16 prairial. Je me suis rendu
le 19 ŗ Longchamp en passant par Langres; de lŗ j'ai pris la traverse
pour couper au plus court. Je suis donc arrivť la veille de la fÍte que
l'on cťlťbrait pour les plťnipotentiaires qui avaient ťtť ťgorgťs ŗ
Rastadt.
Le commissaire du pouvoir exťcutif et le prťsident m'ont fait l'honneur
de me mettre de la cťrťmonie; ils m'ont rendu les honneurs en m'envoyant
chercher par un dťtachement de la garde nationale; de suite on m'a
offert une place d'honneur qui ťtait ŗ cŰtť du prťsident, que j'ai
acceptťe. AprŤs la cťrťmonie, j'ai ťtť admis au repas que les
administrateurs se donnaient. J'ai ťtť reÁu avec toute la pompe et les
honneurs dus ŗ un dťfenseur qui n'avait jamais abandonnť son drapeau.
Ma convalescence ťtant expirťe et n'ťtant point en ťtat d'aller
rejoindre, je suis allť voir l'officier de santť du canton; ne trouvant
pas mon bras assez bien rťtabli, il me donna un dťlai de six dťcades,
lesquelles ťtaient finies le 30 fructidor, j'ai demandť ma feuille de
route pour aller rejoindre mon corps et partager avec mes anciens
camarades, l'honneur que j'ai partagť dťjŗ, l'espace de sept ans.
J'espŤre que l' tre suprÍme bťnira nos travaux pour le salut de toute la
France[66].
Je suis parti de Longchamp le 1er vendťmiaire an VIII de la Rťpublique,
pour aller rejoindre mon corps sur les frontiŤres d'Italie.
Mon dťpart fut retardť d'un mois ŗ Chaumont oý je suis restť pour
montrer l'exercice ŗ une compagnie de conscrits de ce dťpartement. AprŤs
l'organisation de ce bataillon, j'ai repris ma route pour la frontiŤre
d'Italie. Je suis parti de Chaumont le 16 brumaire de l'an VIII,
accompagnť de mon jeune frŤre qui avait quittť le 9e chasseurs ŗ cheval,
pour venir prendre du service dans la 3e demi-brigade de ligne qui ťtait
en ce moment en Italie.
Nous avons fait la route assez agrťablement de Chaumont ŗ Aix en
Provence. Je passerai sous silence les ťtonnements de mon frŤre pendant
cette route, de se trouver dans une contrťe si dťserte et aussi peu
fertile, sous les rochers de la Provence. J'en ferai une petite
description.
AprŤs avoir parcouru plusieurs contrťes de la Provence, ťtant rendus ŗ
notre dťpŰt, ŗ Aix, le 21 frimaire, nous avons ťtť ŗ trois lieues de lŗ,
sur la Durance, ŗ un village nommť Peyrolles, jusqu'au 1er thermidor.
Nous ťtions lŗ pour faire rejoindre les conscrits et les
rťquisitionnaires; aussi pour y empÍcher les assassinats que des bandes
de brigands exerÁaient souvent dans plusieurs de ces contrťes; en un
mot, ces bandes de scťlťrats portaient la dťsolation chez plusieurs
pŤres de famille. Nous sommes partis d'Aix le 5 thermidor pour nous
rendre dans une autre contrťe de la Provence, une ville nommťe
Draguignan, oý nous sommes arrivťs le 9. Cette ville est situťe au
milieu d'une plaine environnťe de hautes montagnes; la contrťe est
charmante, on y voit une quantitť prodigieuse d'oliviers; les coteaux
qui environnent la ville forment un amphithť‚tre plantť d'oliviers qui
forment une tapisserie, verte hiver comme ťtť, ce qui rťjouit la vue, et
donne un beau coup d'oeil. La plaine qui environne la ville est plantťe
de vignes entre lesquelles on sŤme plusieurs sortes de grains et de
lťgumes.
Les eaux y sont trŤs bonnes, la contrťe ťtant abreuvťe par des fontaines
venant des montagnes. La ville est fermťe par une simple muraille, trŤs
haute; les rues sont d'une largeur proportionnťe ŗ leur longueur, mais
bien mal entretenues comme propretť: on y laisse pourrir toutes sortes
d'herbes venant des montagnes pour faire des engrais pour la terre. Dans
la Provence, il y a trŤs peu de _commoditťs_, ce qui fait qu'on jette
toutes les ordures dans les rues; c'est ce qui rend le pays malsain; on
y respire de mauvaises odeurs. On rapporte qu'ils ne se donnent pas
l'aisance des _commoditťs_ ŗ cause de la quantitť des conduits de leurs
fontaines qui traversent leurs habitations.--Les maisons sont d'une
assez belle construction, hautes de trois ťtages, plus ou moins; les
habitants sont grossiers naturellement et peu humains. (Qu'ils se le
disent!) Ce qui fait remarquer leur peu d'humanitť envers leurs
concitoyens, c'est que dans ces contrťes et mÍme dans toute l'ťtendue de
la Provence, il s'y produit une rťelle quantitť considťrable de brigands
qui ne cessent d'assassiner journellement les voyageurs sur les grandes
routes. Je me suis laissť dire que cela s'ťtait fait de tout temps, mais
cependant pas aussi souvent que maintenant.
Le costume des hommes n'est pas bien diffťrent de celui de notre pays:
la mode est de porter presque tous des vestes; les femelles s'habillent
presque comme ici, sinon que leurs jupes sont fendues par derriŤre; leur
caractŤre n'est pas meilleur que celui des hommes.
La maniŤre dont je dťpeins la contrťe de Draguignan servira de modŤle
pour toute la Provence plus ou moins fertile en aliments de tout genre.
Je me rappelle que l'air de la campagne y est plus chaud que dans nos
pays; les rťcoltes s'y font de meilleure heure qu'ici, mais aussi ils
plantent tout l'ťtť car la culture ne pourrait jamais alimenter la
population retirťe en ce pays. Le pain y est presque toujours ŗ quatre
et cinq sous la livre de quatre onces. Le vin y est ŗ bon compte, mais
les orages y sont frťquents; aussi leur terre cultivťe est-elle souvent
ravagťe. Le grain qu'ils rťcoltent, ils le font fouler aux pieds des
mulets et des boeufs pour en retirer les semences.
Je dirai que les maux que j'ai endurťs depuis huit annťes de service
militaire pour ma patrie, ont ťtť marquťs jour par jour par de nouveaux
sacrifices que je ne peux oublier. Ces souffrances ont ťtť renouvelťes ŗ
plusieurs ťpoques. Ainsi je vais, dans cette feuille, tracer une
esquisse de ce qui s'est passť ŗ GÍnes pendant le blocus.
Je dirai donc que notre ennemi, voulant nous Űter tout espoir de
retourner en Italie, a rťuni de grandes forces pour investir GÍnes et
enfermer notre armťe. AprŤs plusieurs combats sanglants de part et
d'autre, et ŗ plusieurs reprises notre ennemi nous ayant forcť notre
ligne sur Savone, il nous a coupť la communication que nous avions
encore sur terre, et les Anglais croisant sur mer oý l'on ne pouvait que
difficilement passer, nous voilŗ donc obligťs de nous retirer sous la
ville de GÍnes, en attendant quelques renforts qui n'arrivŤrent pas
assez tŰt. Il faut donc comprendre la misŤre que nous avons souffert[67]
dans ce blocus. Si les habitants de la nation doivent une reconnaissance
ŗ ses dťfenseurs, ils la doivent en particulier aux troupes qui
composaient la garnison de GÍnes, soit par leurs souffrances, soit par
leur intrťpiditť ŗ dťfendre la ville malgrť le manque de nourriture. Un
peu de pain fabriquť avec de la paille hachťe, du son, du cacao, un peu
de miel pour pouvoir lier ce mťlange ensemble; et quand on le retirait
du four tombait-il en poussiŤre. La viande ťtait du mulet bien maigre;
les chiens et les chats faisaient nos meilleurs repas. Gr‚ce au jus de
Bacchus! sans cela nous serions tous restťs pour otages sous les murs de
GÍnes. Si la ville a capitulť, c'est le dťfaut de vivres et la grande
mortalitť qui en a ťtť la seule cause. Au moment de la capitulation, on
recevait par homme six onces de cette mauvaise fabrication de pain, mais
toujours une bouteille de vin.
La capitulation a ťtť honorable pour nous; nous avons emmenť autant
d'artillerie qu'il nous a ťtť possible, tous nos bagages et autres
armements; tous nos malades et nos blessťs ont ťtť apportťs en France
sur les b‚timents anglais.
C'est aprŤs la fameuse bataille de Marengo que les FranÁais sont rentrťs
ŗ la ville de GÍnes et qu'il y a eu une suspension d'armes, pour en
venir ŗ une conclusion de paix; de sorte que l'ennemi a eu la ville de
GÍnes trois jours en possession, puis elle a ťtť rendue par arrangement
avec six autres villes et forts.
Dans ce moment, ťtant revenus ŗ Draguignan ŗ notre dťpŰt, nous avons ťtť
envoyťs ŗ Digne, dans les Basses-Alpes, pour y prendre les eaux
thermales oý j'en ai fait usage sans en Ítre soulagť, de sorte que j'ai
ťtť renvoyť dans mes foyers, le 5 vendťmiaire an IX. Je suis arrivť ŗ
Longchamp-sur-Laujon le 29 vendťmiaire.
PRI»RE DU SOLDAT R…PUBLICAIN
N. B. Cette priŤre termine le manuscrit, elle est aussi de la main de
Fricasse. ņ premiŤre vue, elle nous avait paru l'extrait d'un sermon de
prÍtre constitutionnel, mais nous avons changť d'idťe en voyant le tour
incorrect de certaines phrases, lignes 16, 17, 23, et surtout les
derniŤres lignes.
Elle peut parfaitement Ítre l'oeuvre d'un sergent, et surtout d'un
sergent qui a dťbutť au couvent comme jardinier. On doit reconnaÓtre
qu'il y a dans le second paragraphe une pensťe juste et noble.
PRI»RE DU SOLDAT R…PUBLICAIN FRAN«AIS
Dieu de toute justice, Ítre ťternel et suprÍme souverain, arbitre de la
destinťe de tous les hommes, toi qui es l'auteur de tous biens et de
toute justice, pourrais-tu rejeter la priŤre de l'homme vertueux qui ne
te demande que justice et libertť?
Ah! si notre cause est injuste, ne la dťfends pas! La priŤre de l'impie
est un second pťchť, c'est t'outrager toi-mÍme que de te demander ce qui
n'est pas conforme ŗ ta volontť sainte.
Mais nous te demandons que la puissance dont tu nous as revÍtus soit
conforme ŗ ta volontť. Prends sous ta protection sainte une nation
gťnťreuse qui ne combat que pour l'ťgalitť. ‘te ŗ nos ennemis
dťtestables la force criminelle de nous nuire; brise les fers des
despotes orgueilleux qui veulent nous les forger. Bťnis le drapeau de
l'union sous lequel nous voulons tous nous rťunir pour obtenir notre
indťpendance. Bťnis les gťnťreux citoyens qui exposent leur vie et leur
fortune pour dťfendre leur patrie. Bťnis les mŤres respectables de ces
vertueux enfants de la patrie qui te prient de leur accorder victoire.
Ouvre les yeux de ceux qui sont ťgarťs dans nos foyers afin qu'ils
rentrent ŗ la raison, pour jouir avec nous des prťcieux fruits de
l'ťgalitť et de la libertť, et chanter avec nous les cantiques et les
louanges dťdiťs ŗ l' tre suprÍme.
Nous adorons Dieu chacun ŗ notre maniŤre, sous la protection des lois et
sous la surveillance de l'autoritť constituťe, et nous n'en sommes que
meilleurs Rťpublicains.
SUPPL…MENT
I
LA LEV…E EN MASSE
Extrait des _Mťmoires sur Carnot_
Le projet d'une levťe en masse avait fait hťsiter d'abord la Convention:
il l'ťtonnait par sa hardiesse; elle le renvoya ŗ l'examen du Comitť de
salut public. C'ťtait le 12 aoŻt. Le 14, Carnot fut adjoint au comitť;
le 16 le dťcret fut rendu au milieu des acclamations universelles; le
23, une loi organisa en ces termes la _rťquisition permanente de tout
les FranÁais pour la dťfense de la patrie_:
ęLes jeunes gens iront au combat; les hommes mariťs forgeront les armes
et transporteront les subsistances; les femmes feront des tentes, des
habits, et serviront dans les hŰpitaux; les enfants mettront le vieux
linge en charpie; les vieillards se feront porter sur les places
publiques pour exciter le courage des guerriers, prÍcher la haine des
rois et l'unitť de la Rťpublique;
ęLes maisons nationales seront converties en casernes, les places
publiques en ateliers d'armes; le sol des caves sera lessivť pour en
extraire le salpÍtre;
ęLes armes de calibre seront exclusivement remises ŗ ceux qui marcheront
ŗ l'ennemi: le service de l'intťrieur se fera avec des fusils de chasse
et l'arme blanche;
ęLes chevaux de selle sont requis pour complťter les corps de cavalerie;
les chevaux de trait et autres que ceux employťs ŗ l'agriculture
conduiront l'artillerie et les vivres.
ęLe Comitť de salut public est chargť de prendre les mesures nťcessaires
pour ťtablir sans dťlai une fabrication extraordinaire d'armes de tous
genres, qui rťponde ŗ l'ťlan et ŗ l'ťnergie du peuple franÁais.Ľ
La France offrit bientŰt ŗ ses adversaires le tableau que BarŤre avait
ainsi tracť d'avance.
ņ Valmy, ŗ Jemmapes encore, l'armťe rťguliŤre avait jouť l'unique rŰle;
mais, ŗ dater du temps que nous racontons, elle fut absorbťe par la
multitude des volontaires et des rťquisitionnaires. Dťsormais la
Rťpublique sera moins servie sur les champs de bataille par des
militaires de profession que par des citoyens destinťs ŗ quitter
l'uniforme aprŤs l'accomplissement de leur croisade: grand exemple qui
rťvťla aux FranÁais leur aptitude ŗ acquťrir promptement les qualitťs du
soldat. Ce n'est pas que, dans les premiers moments, ces conscrits qui
ne savaient pas tenir leur arme, qui s'ťlanÁaient follement et se
dťbandaient au moindre choc, ne donnassent de la tablature aux gťnťraux;
la correspondance des reprťsentants est toute semťe de plaintes et
d'inquiťtude ŗ leur sujet; mais leur noviciat ne fut pas long: ęDŤs la
fin d'aoŻt, dit Jomini, les effets de la nouvelle levťe se firent
sentir; le dťblocus de Dunkerque et celui de Maubeuge en furent les
premiers rťsultats, et la grande rťquisition acheva de nous assurer la
supťrioritť.Ľ
Il faut ajouter que cette grande rťquisition rencontra moins de
difficultťs que le recrutement de trois cent mille hommes au mois de
mars prťcťdent. Le mouvement rťvolutionnaire s'ťtait ťtendu, et l'idťe
rťpublicaine que tout citoyen doit le service ŗ son pays avait gagnť les
esprits.
Toutefois, ce n'est pas avec des bandes tumultueuses que la France
aurait vaincu l'Europe; il fallait que la nation se transform‚t en
armťe.
C'est alors que se dťploya surtout l'activitť de Carnot.
Il s'agissait d'organiser, selon le principe d'unitť, une multitude
aussi peu homogŤne dans ses ťlťments que dans sa constitution.
Elle se composait d'anciens soldats et de conscrits amenťs, soit par la
levťe des trois cent mille hommes, soit par la levťe en masse, sans
compter les engagťs volontaires de toutes les dates, les dťbris des
compagnies franches et les ťtrangers.
Certains corps ťtaient restťs comme avant la Rťvolution, tandis que
plusieurs gťnťraux avaient formť les leurs en demi-brigade selon le mode
nouveau; puis il existait des lťgions franÁaises ou ťtrangŤres, mťlange
de toutes armes. Il y avait des bataillons aguerris, expťrimentťs,
d'autres entiŤrement novices; il y avait des diffťrences considťrables
d'effectif entre les corps de mÍme espŤce; il y avait des grades
irrťguliŤrement acquis et en nombre exagťrť; des soldats incorporťs ŗ la
h‚te, sans qu'ils fussent aptes au service; les ťtats manquaient ŗ peu
prŤs complŤtement. Quant ŗ l'irrťgularitť des fournitures et de la
comptabilitť, on aurait de la peine ŗ s'imaginer ce qu'elle ťtait.
Par quel moyen ce chaos fut-il dťbrouillť? c'est ce que nous ne
pourrions dire sans surcharger une simple biographie de dťtails qui
appartiennent ŗ l'histoire gťnťrale de l'armťe franÁaise.
Ce qui est certain, c'est que cette armťe ne tarda pas ŗ devenir la plus
homogŤne de l'Europe.
Effacer toute distinction extťrieure fut un des premiers objets de
sollicitude. La troupe de ligne avait en grande partie conservť l'ancien
uniforme blanc, tandis que les nouveaux arrivťs portaient l'habit
national: source fťconde en mťsintelligence. DŤs le 29 aoŻt, un arrÍtť
prescrivit l'unitť du costume.
L'arme du gťnie reÁut une organisation nouvelle, dont Carnot s'occupa
tout spťcialement. Les nombreuses compagnies de canonniers volontaires,
qui s'ťtaient formťes et remarquablement bien exercťes, furent
incorporťes dans l'artillerie. On rťussit mÍme ŗ improviser une
cavalerie. La disette des chevaux ťtait extrÍme: des achats faits dans
toutes les contrťes ťtrangŤres oý nos agents purent pťnťtrer, une levťe
extraordinaire dans les cantons et les arrondissements de la Rťpublique,
et des dons spontanťs nombreux, permirent de mettre en ligne des
cavaliers capables de se mesurer avec les formidables escadrons des
coalisťs.
En fťvrier 1792, la France n'avait qu'un effectif de 228,000 hommes
(204,000 sous les armes); avant le mois de mai, gr‚ce ŗ l'activitť
dťployťe, elle comptait 471,000 soldats (prťsents 397,000); au 15
juillet 479,000, si l'on s'en rapporte ŗ une note de Saint-Just,
conservťe pour sa propre instruction, et dont nous possťdons
l'autographe. Le tableau officiel que nous consultons prťsente un
chiffre qui s'en ťloigne peu, 483,000 (inscrits, 599,000).
En dťcembre, l'effectif de l'armťe s'ťlevait ŗ 628,000 hommes (prťsents
sous les drapeaux, 554,000). Ce nombre alla croissant jusqu'ŗ 1,026,000
(732,000 sur terrain du combat en septembre 1794). Il n'y a pas de
raison sťrieuse pour contester ces ťtats, publiťs ŗ une ťpoque oý
l'exagťration ne pouvait profiter de rien (1797). Cependant on a dit que
les phalanges rťpublicaines n'avaient jamais comptť au delŗ de 600,000
hommes, un ťcrivain les a rťduites ŗ 500,000, un autre ŗ 400,000, en
ajoutant qu'ils n'ťtaient ni armťs, ni nourris, ni vÍtus. EspŤre-t-on,
par de telles assertions, rabaisser le mťrite des dictateurs
rťvolutionnaires? on l'ťlŤve au contraire. Moins on leur supposera de
ressources entre les mains, plus admirable apparaÓtra le rťsultat
obtenu: la coalition vaincue ne doit pas de reconnaissance aux auteurs
des nouveaux calculs.
ęRien ne peut effacer cette vťritť historique, que la Convention a
trouvť l'ennemi ŗ trente lieues de Paris, et qu'on a dŻ ŗ ses prodigieux
efforts de conclure la paix ŗ trente lieues de Vienne.Ľ C'est Benjamin
Constant qui dit cela: Benjamin Constant est un esprit de 1791; partisan
des principes, il est gťnťralement peu admirateur des faits de la
Rťvolution.
II
LEV…E DU BLOCUS DE MAUBEUGE ET COMBAT DE WATIGNIES
Extrait des _Mťmoires sur Carnot_
Des nouvelles alarmantes arrivaient du Nord.
Malgrť la victoire d'Hondschoote, qui promettait de donner aux armťes
franÁaises une prťpondťrance dťcisive, mais dont le gťnťral Houchard
n'avait pas su tirer parti, la situation faite par Norwinde avait peu
changť. Le Quesnoy ťtait dans les mains des coalisťs; maÓtres dťjŗ de
Valenciennes et de Condť, ils possťdaient l'Escaut; leur ambition allait
maintenant ŗ dominer ťgalement la Sambre, en s'emparant de Maubeuge, qui
serait devenue leur base d'opťrations. Cette place tombťe, rien
n'arrÍtait sťrieusement leur marche vers la capitale.
Le 29 septembre, le prince de Cobourg forÁa le passage de la riviŤre par
six colonnes, investit Maubeuge, et porta son armťe d'observation sur
Avesnes et Landrecies.
La place de Maubeuge, assez mťdiocre, ťtait couverte par un camp
retranchť, avantageusement situť, oý venaient de se rallier vingt mille
hommes, qui se trouvŤrent bloquťs du mÍme coup. Peut-Ítre le gťnťral
autrichien avait-il commis une imprudence en laissant se grouper cette
force imposante dont il ne pouvait prťvoir la malheureuse immobilitť.
Mais il n'ignorait pas que les approvisionnements de la ville seraient
bientŰt insuffisants pour des bouches aussi nombreuses. Les troupes, en
effet, furent d'abord rťduites ŗ la demi-ration: au bout de peu de jours
la disette ťtait complŤte. Des maladies ťclatŤrent, et les hŰpitaux ne
pouvant plus contenir les malades, il fallut les dťposer sous les
hangars des faubourgs. Cependant les assiťgeants ťlevaient des travaux
formidables, trois batteries de vingt piŤces de 24, et le cercle de
leurs canons se resserrait tellement que les boulets passaient en
sifflant au-dessus du camp retranchť, pour aller porter la mort et la
destruction dans la ville. Beaucoup d'habitants des environs s'y ťtaient
rťfugiťs, et ils augmentaient les alarmes, en racontant le pillage de
leurs fermes et l'incendie de leurs demeures.
Trois commissaires de la Convention s'efforÁaient de soutenir les
courages. Ils voulurent faire connaÓtre au gouvernement la situation
critique de Maubeuge: l'un deux, Drouet, dŤs les premiers moments du
blocus, tenta, avec plus d'audace que de prudence, de franchir les
lignes ennemies: il fut pris et alla expier dans les cachots le souvenir
de Varennes. Quelques jours aprŤs, treize dragons se dťvouŤrent; ils
traversŤrent la Sambre ŗ la nage et parvinrent ŗ gagner Philippeville.
Mais la Rťpublique n'avait pas attendu cet appel de dťtresse pour
secourir ses enfants, les sauveurs approchaient. Dans la soirťe du 14 au
15 octobre, les assiťgťs entendirent, ŗ travers le feu des Autrichiens,
une canonnade plus lointaine. Ils n'osaient pas encore se livrer ŗ la
joie, les uns craignant que ce bruit n'annonÁ‚t le bombardement
d'Avesnes, d'autres redoutant un piŤge de l'ennemi pour attirer nos
soldats hors du camp et les mettre aux prises avec une armťe qui les
ťcraserait de sa supťrioritť. Au milieu de ces incertitudes, les
dťfenseurs de Maubeuge demeurŤrent inactifs, et ne secondŤrent pas,
comme ils l'auraient pu faire, les efforts de leurs libťrateurs.
Car cette canonnade ťtait bien celle de l'armťe franÁaise, qui arrivait
au secours de la ville.
Voici ce qui s'ťtait passť:
Les opťrations militaires importantes et rapides qui devaient Ítre
exťcutťes dans le Nord, avaient fait sentir la nťcessitť d'une main plus
jeune et plus forte que celle de Houchard. Carnot, tťmoin de la belle
conduite de Jourdan ŗ Hondschoote, le dťsigna au Comitť. Son choix ayant
ťtť ratifiť, il se rendit lui-mÍme prŤs du nouveau gťnťral pour lui
porter sa commission, qui rťunissait sous son commandement les forces
disponibles des armťes du Nord et des Ardennes. Jourdan esquissa un
projet, que Carnot approuva dans ses donnťes principales, et qui fut
utilisť plus tard, mais qui ne lui paraissait pas en rapport avec
l'imminence du danger. De retour au sein du Comitť, il proposa d'aller
attaquer directement l'ennemi dans sa redoutable position, afin de
dťlivrer Maubeuge; c'ťtait presque une question de vie et mort pour la
Rťpublique. Ses collŤgues trouvŤrent l'entreprise trop audacieuse pour
la confier ŗ un gťnťral qui commandait en chef pour la premiŤre fois, et
ils ne consentirent ŗ l'adopter qu'ŗ la condition que Carnot irait
lui-mÍme en prendre la direction.
Celui-ci ne se donna pas mÍme le temps d'aller dire adieu ŗ sa famille.
Il partit dans la nuit, aprŤs avoir envoyť un courrier ŗ Pťronne, oý
rťsidait son frŤre Feulins, prťvoyant qu'il aurait besoin de lui pour
quelque sorte de dťvouement. ņ la demande de Carnot, on lui avait
adjoint le conventionnel Duquesnoy, qui l'avait si bien secondť ŗ
l'attaque de Furnes, et qui allait ťgalement retrouver son frŤre sous
les murs de Maubeuge. Tous, ainsi que Jourdan, se rencontrŤrent ŗ
Pťronne le 7 octobre, et ils se transportŤrent ŗ Guise, lieu du
rendez-vous gťnťral, qui prit de lŗ le nom de Rťunion-sur-Oise. Carnot
ťcrit: ęLes soldats ont confiance en lui et ne demandent qu'ŗ se battre;
nous espťrons ne pas les faire languir. L'affaire sera chaude; mais nous
vaincrons et la patrie sera sauvťe.Ľ Et puis: ęIl nous faudrait au moins
quinze mille baÔonnettes pour charger l'ennemi ŗ la franÁaise.Ľ
AprŤs une confťrence entre Jourdan et les commissaires de l'Assemblťe,
le quartier gťnťral fut portť rapidement de Guise ŗ Avesnes, ŗ deux
lieues des postes avancťs du prince de Cobourg.
Quarante-cinq mille soldats environ, tirťs des camps de Gavarelle, de
Cassel et de Lille, composaient l'armťe franÁaise oý les nouvelles
levťes ťtaient encore trŤs imparfaitement organisťes: Cobourg avait de
soixante-quinze ŗ quatre-vingt mille hommes, partagťs en deux corps,
l'un d'investissement (quarante mille au moins), autour de Maubeuge;
l'autre d'observation (trente-cinq mille), au sud de cette ville, dans
les positions de Wattignies, Doulers, Saint-Rťmy et autres villages, le
long d'un petit affluent de la Sambre, le Tarsy. Fortement postťs sur
des hauteurs hťrissťes de batteries, couverts par des fossťs palissadťs
par des haies trŤs ťlevťes, par d'immenses coupes d'arbres renversťs
avec leurs branches, et toutes les routes ťtant rompues, les Autrichiens
semblaient dans une position tellement inexpugnable, que leur gťnťral,
en accŤs de jactance, dit ŗ ses officiers: ęLes FranÁais sont de fiers
rťpublicains, mais, s'ils me chassent d'ici, je me fais rťpublicain
moi-mÍme.Ľ
Cette bravade fut portťe dans l'autre camp, oý elle stimula vivement
l'amour-propre national. Nos soldats se rťpťtaient gaiement qu'ils
iraient sommer le citoyen Cobourg de tenir sa parole.
Le lendemain, 14 octobre, reconnaissance des positions ennemies par
Jourdan et Carnot, fusillade engagťe sur la ligne et terminťe par
quelques coups de canon, qui retentirent jusqu'ŗ Maubeuge et allŤrent
porter l'espoir dans le coeur des assiťgťs.
Le 15 au matin, les FranÁais s'ťbranlent: la division Fromentin,
dťtachťe ŗ l'aile gauche, s'avance par l'ancienne voie romaine de Reims
ŗ Bavai, vers le village du Monceau. Au centre le gťnťral Balland, avec
plusieurs batteries de 16 et de 12, dťbouche au travers la haie
d'Avesnes, terrain fort inťgal et couvert de bois (il l'est aujourd'hui
de p‚turage) et vient occuper les hauteurs en face de Doulers et de
Saint-Aubin. Le gťnťral Duquesnoy, frŤre du dťputť, commandait la
droite, prend possession du village de Beugnies. Le quartier gťnťral est
portť au point oý la route de Soire-le-Ch‚teau vient s'embrancher sur
celle d'Avesnes ŗ Maubeuge.
Les opťrations projetťe avaient pour appui les places de Rocroy,
Marienbourg, Philippeville, et les dťtachements qui s'avanÁaient de ce
cŰtť par les ordres de Jourdan: car nous avons dit que, dans ces graves
circonstances, le Comitť avait mis l'armťe des Ardennes ŗ sa
disposition.
Vers sept heures du matin, le gťnťral en chef s'avance, accompagnť des
deux reprťsentants de la Convention. Le signal de l'attaque est donnť
sur tous les points ŗ la fois. Le plan adoptť avait pour but, en quelque
endroit que l'on fŻt victorieux, de se prťcipiter vers Maubeuge pour
donner la main au camp retranchť. Mais en cas de revers, on conservait
toujours la route de Guise. Les deux ailes devaient marcher rapidement,
tandis qu'au centre, ŗ Doulers, on se bornerait ŗ une canonnade. Des
batteries, postťes devant ce village, dťmontŤrent celles que l'ennemi
avait ťtablies au delŗ, derriŤre les habitations qui bordent la grande
route. Les boulets des deux artilleries se croisaient par-dessus le
village situť ŗ mi-cŰte. Plusieurs de nos piŤces, servies par les braves
canonniers de la commune de Paris, firent merveille, comme ŗ
l'ordinaire.
Tout sembla marcher d'abord ŗ souhait: le gťnťral Fromentin, ŗ la tÍte
de douze mille fantassins, dťlogea les tirailleurs autrichiens des
hauteurs qui couronnent les villages de Saint-Remy et de Saint-Waast.
Duquesnoy gagnait ťgalement du terrain sur la droite; maÓtre de Dimont
et de Dimechaux, il commenÁait dťjŗ le feu contre Wattignies. Nos ailes
semblaient devoir se joindre par un mouvement concentrique, qui mettait
l'armťe ennemie dans le plus grand pťril.
ņ la nouvelle de ces succŤs, capables d'amener la perte totale des
Autrichiens, la canonnade de Doulers fut transformťe en une attaque de
vive force. L'entreprise ťtait difficile. La division Balland (environ
treize mille hommes) voyait sur tous les points culminants, au delŗ du
village, dťjŗ puissamment dťfendu, une masse de bouches ŗ feu
menaÁantes, et aux abords de toutes les routes une cavalerie impatiente
de s'ťlancer.
Rien pourtant ne fit hťsiter les rťpublicains: ils coururent ŗ l'ennemi
en chantant la Marseillaise, ayant ŗ leur tÍte, avec le gťnťral en chef,
les reprťsentants du peuple, dont l'exemple les enthousiasmait; ils
franchirent impťtueusement les premiers obstacles du terrain,
pťnťtrŤrent ŗ la baÔonnette dans le village et s'emparŤrent du ch‚teau;
ils s'apprÍtaient ŗ escalader les hauteurs qui sont au delŗ du vallon de
la BracquiŤre, lorsqu'une ťpouvantable mitraille vint les arrÍter.
Menacťs en mÍme temps par la cavalerie prÍte ŗ charger sur leurs flancs,
ils furent contraints d'abandonner les positions conquises avec tant
d'hťroÔsme.
La rapiditť avec laquelle ces positions avaient ťtť enlevťes par nos
jeunes soldats permettait cependant de grandes espťrances pour une
seconde tentative. Leur ťlan ťtait irrťsistible. Les commissaires de
l'Assemblťe voulurent le mettre ŗ profit. Le gťnťral balanÁait. Carnot,
dans un mouvement d'impatience, laissa ťchapper ces mots: ęPas trop de
prudence, gťnťral!Ľ--Jourdan, blessť au vif (et blessť justement, il
faut en convenir), donne aussitŰt le signal d'une nouvelle attaque, et
la fait appuyer par une colonne de cavalerie, chargťe de tourner la
position. Cette cavalerie, trouve toutes les issues barricadťes. Pendant
ce temps l'assaut recommence: mÍmes efforts, mÍme succŤs d'abord mÍme
issue fatale.
Cette fois, ce fut Jourdan, piquť d'honneur, qui voulut absolument
retourner ŗ la charge, mais sans meilleur rťsultat: les Autrichiens
venaient de recevoir du renfort de leur droite, oý nos affaires
s'ťtaient g‚tťes.
Le gťnťral Fromentin, enivrť par ses premiers avantages, au lieu de
longer la lisiŤre du grand bois Leroy, comme on lui avait recommandť de
le faire, afin de pouvoir s'abriter contre la cavalerie supťrieure de
l'ennemi, s'ťtait imprudemment aventurť dans la plaine de Berlaimont,
avec des troupes de nouvelle levťe; les escadrons autrichiens,
dťbouchant tout ŗ coup des bois de Doulers, les assaillirent et jetŤrent
dans leurs rangs la panique et la dťroute.
DŤs que ces f‚cheuses nouvelles furent connues au centre, on dut
renoncer ŗ l'attaque de Doulers, calculťe sur les progrŤs des deux
ailes. Il fallait changer le plan, que l'ťchec de Fromentin venait de
compromette.
Le premier cri de Jourdan fut celui-ci: ęAllons au secours de l'aile
gauche!Ľ l'ordre en ťtait dťjŗ donnť, lorsque Carnot survint: ęGťnťral,
dit-il avec vivacitť, voilŗ comme on perd une bataille!Ľ et l'ordre fut
rťvoquť.
La nuit ťtait venue, la fusillade cessa; les deux armťes bivaquŤrent sur
le champ du combat.
Le conseil s'ťtant rassemblť, Jourdan dťveloppa son opinion: selon les
principes de l'ancienne guerre, il proposait d'abandonner toute pensťe
d'attaque sur le centre de l'ennemi, et de diriger des forces vers notre
aile gauche, afin d'y rťtablir l'ťquilibre. Carnot soutint au contraire
qu'il fallait rappeler la division Fromentin, et concentrer nos efforts
sur la droite, dťjŗ en voie de succŤs, manoeuvre qui nous conservait les
avantages de l'offensive, si importante pour de jeunes soldats, peu
faits aux chances de la guerre. ęQu'importe, s'ťcria-t-il, que nous
entrions ŗ Maubeuge par la droite ou par la gauche?Ľ
--C'est lŗ que nous devons triompher?Ľ ajouta-t-il en mettant le doigt
sur le plan au point de Wattignies. Wattignies ťtant plus rapprochť que
Doulers de la ville et du camp, cette position enlevťe, l'autre devenait
sans importance. D'ailleurs les corps dťtachťs de l'armťe des Ardennes,
qui s'avanÁaient sous les ordres des gťnťraux Elie et Beauregard, vers
l'extrÍme gauche de l'ennemi, allaient bientŰt se trouver en mesure
d'appuyer le mouvement proposť par Carnot. ęSi nous cťdons ŗ l'avis du
reprťsentant du peuple,Ľ dit Jourdan, ęje le prťviens qu'il en prend la
responsabilitť.--Je me charge de tout, et mÍme de l'exťcution,Ľ s'ťcria
Carnot avec une ardeur qui entraÓna le conseil. Jourdan eut le bon
esprit de faire sienne l'idťe qu'il venait de combattre, et la seconda
avec autant d'intelligence que d'empressement.
Carnot comptait sur la nature d'un terrain trŤs escarpť et trŤs boisť,
qui cacherait notre marche, et qui, cette marche dťcouverte, permettrait
de se dťfendre avec des forces peu considťrables, soutenues par la place
d'Avesnes. Il comptait aussi sur le caractŤre connu du gťnťral allemand,
qui ne prťsumerait jamais, de la part de ses adversaires, une manoeuvre
aussi ťloignťe de la stratťgie en usage, et duquel on ne devait guŤre
attendre non plus un trait hardi et improvisť.
Il faut ajouter qu'un heureux hasard vint favoriser les FranÁais: un
brouillard ťpais, phťnomŤne frťquent dans cette saison, s'ťleva entre
eux et celui qui avait tant d'intťrÍt ŗ observer leur mouvement; il dura
jusque vers midi. DerriŤre ce rideau, six ou sept mille hommes, partis
du centre et de la gauche, passŤrent ŗ la droite; cette manoeuvre donna ŗ
notre armťe une direction perpendiculaire ŗ celle qu'elle avait eue la
veille. Le prince de Cobourg, qui nous croyait dans l'ancienne
disposition, n'avait rien changť ŗ la sienne. Pendant le mÍme temps; le
gťnťral Beauregard, aprŤs s'Ítre emparť des villages de Berelles et
d'Eccles, vint se placer derriŤre Obrechies, pour seconder l'attaque que
l'on mťditait.
Afin de mieux dťrouter l'ennemi, les gťnťraux Balland et Fromentin
entretinrent le feu de leurs batteries du cŰtť de Doulers, feignant de
vouloir renouveler les tentatives de la veille, tandis que Jourdan et
les reprťsentants du peuple marchaient au plateau de Wattignies, qui
allait devenir le but d'un effort concentrique. Vingt-quatre mille
hommes allaient y combattre. Les Autrichiens demeurŤrent stupťfaits
lorsque le brouillard s'ťtant dťchirť, un soleil splendide leur montra
une masse d'assaillants gravissant vers eux au cri de Vive la
Rťpublique! Carnot et Duquesnoy s'avanÁaient ŗ la tÍte d'une des trois
colonnes d'attaque, leurs chapeaux de reprťsentant sur la pointe de
leurs sabres.
La position des Autrichiens ťtait trŤs forte. Le village de Wattignies,
qui donna son nom ŗ la bataille, est situť sur un plateau ťlevť,
qu'entourent des vallons profonds et des cours d'eau, et ces obstacles
naturels avaient encore ťtť augmentťs par de nombreux retranchements. Le
plateau lui-mÍme se trouve dominť par les hauteurs de Clarye,
aujourd'hui cultivťes, mais alors couvertes de bruyŤre et ťgalement
occupťes par l'ennemi.
L'infanterie franÁaise marchait, soutenue par des batteries de campagne,
dont les boulets lui ouvraient la voie: ęDe l'aveu des Autrichiens, dit
un historien (Toulongeon), jamais ils n'avaient vu une si terrible
exťcution d'artillerie. Ils dirent qu'ils entendaient, pendant les
dťtonations des bouches ŗ feu, retentir dans les rangs rťpublicains les
chants belliqueux et les airs patriotiques.Ľ
Cependant le feu de l'ennemi, n'ťtait ni moins bien nourri, ni moins
meurtrier que le nŰtre; les tirailleurs du gťnťral Duquesnoy, refoulťs,
renversťs, mitraillťs, reculŤrent. En ce moment le colonel
Carnot-Feulins aperÁut un bataillon de nouvelles recrues qui s'ťtait
rťfugiť dans un pli du terrain, ŗ l'abri des coups, les soldats groupťs
autour de leur commandant, ęcomme des poulets effrayťs par un oiseau de
proie.Ľ C'est l'expression dont se servait mon oncle en racontant cet
ťpisode. AprŤs leur avoir vainement ordonnť de marcher, Carnot-Feulins
saisit l'officier par le collet de son habit et l'entraÓne au pas de son
cheval jusque sous la mitraille; le bataillon, qui l'a suivi, rachŤte
par une charge vigoureuse cette minute de poltronnerie.
Deux fois les FranÁais sont repoussťs avec des pertes considťrables.
Enfin un assaut gťnťral semble nous donner la victoire partout en mÍme
temps: Fromentin oblige son adversaire Bellegarde d'abandonner les
redoutes de Saint-Waast et de Saint-Aubin; Balland chasse les grenadiers
bohÍmes des hauteurs de Doulers, qui foudroyaient Wattignies; nos
tirailleurs redoublent d'efforts. Le village de Wattignies est pris et
repris ŗ la baÔonnette, malgrť les haies et les palissades qui entourent
ces jardins; trois rťgiments autrichiens sont anťantis; l'ennemi se
retire en dťsordre sur les hauteurs de Clarye, oý il trouve une position
dangereuse encore pour les vainqueurs.
Cobourg a compris le nouveau plan de ses adversaires; il a rappelť vers
le centre une portion de son aile droite, et au moment oý une brigade
franÁaise, sous les ordres du gťnťral Gratien, s'avance en tiraillant au
milieu des bruyŤres, les cavaliers impťriaux accourent sur elle l'ťpťe
haute; elle ne soutient pas le choc, elle se dťbande et ouvre une large
trouťe, par oý les chevaux se prťcipitent. Le gťnťral lui-mÍme commande
la retraite.
Cet acte de faiblesse et de dťsobťissance (car Gratien avait des ordres
formels qui lui prescrivaient de se porter en avant), pouvait
dťmoraliser nos soldats et compromettre tous leurs avantages. Carnot,
l'aÓnť, s'en aperÁoit, il s'ťlance vers la brigade Gratien, la fait
mettre en bataille sur un plateau ťlevť, en vue de toute l'armťe, et
destitue solennellement le chef qui venait de reculer devant l'ennemi,
puis il saute ŗ bas de son cheval et forme cette brigade en colonne
d'assaut.
En ce moment son regard dťcouvre un pauvre conscrit, blotti derriŤre une
haie et tremblant de tous ses membres, Carnot s'approche de lui, ramasse
son fusil, le dťcharge sur l'ennemi, puis ramŤne le jeune homme et le
place dans les rangs. Prenant ensuite l'arme d'un grenadier blessť, il
marche ŗ la tÍte d'une colonne, tandis que son collŤgue Duquesnoy, comme
lui revÍtu de l'ťcharpe nationale et du costume de reprťsentant,
s'avance avec Jourdan ŗ la tÍte de l'autre. Les soldats honteux de leur
fuite, veulent en effacer le souvenir par un redoublement de courage en
prťsence des commissaires de l'Assemblťe: ils s'ťlancent avec
impťtuositť.
Le colonel Carnot-Feulins fait en ce moment une manoeuvre dťcisive: il
porte rapidement une batterie de douze piŤces sur le flanc de la
cavalerie autrichienne, qui venait de nous faire tant de mal: son feu,
bien dirigť, renverse les escadrons. L'ennemi s'arrÍte, recule et fuit
dans la direction de Beaufort.
La position, cette fois, ťtait enlevťe.
Les deux reprťsentants du peuple atteignirent en mÍme temps le sommet du
plateau; vainqueurs tous deux, ils s'embrassŤrent aux yeux des soldats
enivrťs, et un immense cri de Vive la Rťpublique! apprit ŗ l'armťe
franÁaise son triomphe, ŗ l'ennemi sa dťfaite.
Belle journťe, qui arracha cette exclamation patriotique ŗ un ťmigrť,
Chateaubriand: ęLes FranÁais recouvrŤrent ŗ Wattignies ce brillant
courage qu'ils semblaient avoir perdu depuis Jemmapes.
ęOn les vit se prťcipiter avec cette ardeur qui distingue leur premiŤre
charge de celle des autres peuples.Ľ
Le soir mÍme, le prince de Cobourg, jugeant prudent de ne pas attendre
un second choc de ces soldats rťpublicains, qu'il qualifiait d'enragťs
dans son bulletin, prit le parti de repasser la Sambre, bien que ses
lieutenants, Haddick et Benjowski, eussent obtenu d'assez notables
avantages ŗ l'aile gauche, sur les gťnťraux franÁais …lie et Beauregard,
et bien que le duc d'York accourŻt ŗ son aide, ce qui peut-Ítre eŻt fait
tourner la chance en sa faveur. Un brouillard comme celui qui avait
favorisť la veille notre heureuse ťvolution couvrit celle que dut faire
l'ennemi pour se mettre hors de notre portťe. Il avait perdu trois mille
hommes, et nous moitiť de ce nombre.
Beaucoup d'officiers s'ťtaient distinguťs: parmi eux le brave
d'Hautpoul, tuť plus tard ŗ Eylau, et Mortier, futur marťchal de France,
blessť ŗ l'attaque de Doulers. Celui-ci reÁut de Carnot, pendant qu'on
le pansait ŗ l'ambulance, le grade d'adjudant gťnťral. Quant aux
soldats, le rapport de Jourdan rťsume leur conduite en un mot:
ęC'ťtaient autant de hťros!Ľ
La nuit avait couvert le champ de bataille. Carnot, ťloignť des siens,
privť de monture, excťdť de besoins et de lassitude ťtait demeurť seul,
tourmentť par la pensťe que sa prťsence pouvait Ítre nťcessaire au
quartier gťnťral pour arrÍter les dispositions du lendemain; car il
ignorait encore la fuite de l'ennemi. Il fut heureusement rencontrť par
un dťtachement de cavalerie, dont le chef lui fit accepter son cheval et
l'escorta jusqu'ŗ Avesnes. L'alarme s'y ťtait dťjŗ rťpandue: on
craignait que l'un des reprťsentants de l'Assemblťe ne fŻt au nombre des
morts, et l'on avait envoyť ŗ sa dťcouverte.
ęLe 17,Ľ raconte un historien local, ęles vainqueurs de Wattignies
longeaient le cours de la Sambre et entraient ŗ Maubeuge, au milieu des
transports d'une joie frťnťtique. La fumťe de la poudre, la poussiŤre
des bivacs, ainsi que le dťsordre de leurs vÍtements,--joints ŗ
l'assurance que procure la victoire, leur donnaient un air martial et
terrible, qui contrastait avec l'abattement et le dťpit des troupes du
camp, honteuses de leur inaction, et ne sachant comment rťpondre aux
reproches amŤres qui leur ťtaient adressťs!...Ľ
Sans cette dťplorable inaction, en effet, notre victoire eŻt ťtť
beaucoup plus complŤte, et toute l'artillerie de l'ennemi serait
probablement tombťe entre nos mains.
La Convention, la Rťpublique entiŤre joignirent leurs acclamations
reconnaissantes ŗ celles des habitants de Maubeuge: la Rťvolution venait
d'ťchapper ŗ l'un de ses plus grands pťrils.
Carnot repartit pour Paris immťdiatement; et, dŤs le surlendemain, il
ťcrivait ŗ l'armťe pour la fťliciter de son triomphe, sans donner ŗ
entendre, mÍme indirectement, qu'il en avait ťtť spectateur et acteur.
Il semblait n'avoir pas quittť son bureau.
III
…VACUATION DE KEHL
Extrait d'un _Mťmoire militaire sur Kehl_, par un officier supťrieur de
l'armťe. Strasbourg, Levrault, 1797.
Ainsi finit, aprŤs cinquante jours de tranchťe ouverte et cent quinze
jours d'investissement, un des siŤges mťmorables que puisse offrir
l'histoire. En effet, on voit d'une part une armťe de soixante-dix
bataillons aguerris, fiŤre d'avoir forcť son ennemi ŗ la retraite,
dťployer tout l'appareil d'un grand siŤge contre des retranchements
informes, supplťant ŗ l'audace qui lui manque par l'immensitť de ses
travaux, faisant le siŤge de quelques ouvrages dťtachťs, dťployant une
artillerie formidable contre des masures occupťes par des tirailleurs;
nťanmoins son adversaire dispute le terrain pied ŗ pied; elle est forcťe
de donner un assaut ŗ chaque partie d'ouvrage oý elle veut se loger et
perd en dťtail plus de soldats qu'une attaque gťnťrale ne lui on eŻt
coŻtť. Enfin elle arrive ŗ son but aprŤs avoir perdu six mille hommes et
consommť les munitions nťcessaires au siŤge d'une place de premiŤre
ligne.
De l'autre cŰtť, une place construite ŗ la h‚te, en terre, dont quelques
parties seulement sont revÍtues, sans b‚timents, sans magasins, sans
abris; liťe ŗ un camp retranchť d'un grand dťveloppement, mais dont les
principales dťfenses consistant en flaques et en marais se trouvent
rťduits ŗ rien par la gelťe. ņ la vťritť, elle a l'avantage de ne
pouvoir Ítre entiŤrement bloquťe et de conserver une communication
facile avec Strasbourg, ce qui en impose assez ŗ l'ennemi pour l'engager
ŗ ne rien donner au hasard: quoique dťfendue par des troupes harassťes
d'une longue retraite, auxquelles on ne peut fournir les objets
d'habillement et les soulagements les plus indispensables, le terme de
sa dťfense dťpasse de beaucoup celui qu'on eŻt pu lui prescrire...
Presque toutes les palissades ťtaient renversťes, les fossťs comblťs en
partie par les ťboulements des parapets, et l'arrivťe des renforts
devenue trŤs difficile... On se dťcida donc ŗ ťvacuer... On n'eut guŤre
que vingt-quatre heures pour tout enlever. Nťanmoins on y mit une telle
activitť qu'on ne laissa pas ŗ l'ennemi une seule palissade; tout fut
ramenť ŗ la rive droite, jusqu'aux ťclats de bombes et d'obus, et aux
bois des plates-formes.
UNIFORMES FRAN«AIS
(ARM…ES DE SAMBRE-ET-MEUSE ET RHIN-ET-MOSELLE)
Je tenais particuliŤrement ŗ donner avec ce journal des dessins
d'uniformes franÁais dont l'authenticitť fŻt ťgale ŗ celle du texte.
Bien qu'il n'y ait pas encore un siŤcle ťcoulť depuis 1792, la chose
ťtait malaisťe. Il est plus facile de retrouver la tenue exacte d'un
fantassin du quinziŤme siŤcle que celle d'un soldat de l'armťe de
Rhin-et-Moselle. AprŤs l'avoir vainement cherchťe en France, c'est en
Allemagne que je l'ai rencontrťe, gr‚ce ŗ mon confrŤre Raffet, du
Cabinet des Estampes de la BibliothŤque nationale.
Pour bien connaÓtre certains secrets de la vie parisienne, il convient
souvent de lire les correspondances des journaux ťtrangers. De mÍme, il
faut voir les gravures allemandes de 1792 ŗ 1802 pour se faire une idťe
de la tenue qu'avaient alors nos troupiers en campagne. Rien de plus
imprťvu ni de plus dťcousu; on se figure aisťment la surprise des bons
Germains habituťs ŗ la correction de tenue et de mouvements des armťes
disciplinťes ŗ la prussienne. Leurs dessinateurs ont aussitŰt voulu en
fixer le souvenir; ils n'ont rien dissimulť des habits dťchirťs, des
chemises en lambeaux, des souliers trouťs; ils ont mis ŗ nu toutes les
misŤres de ces conquťrants affamťs, qu'ils personnifient souvent en la
personne d'un maigre fantassin ouvrant la bouche pour avaler cette boule
ronde qui reprťsente le monde, avec l'inscription: _il y passera_.
Les Allemands devaient sentir cruellement la prťsence de ces bandes qui
vivaient gťnťralement sur leurs conquÍtes, et cependant ils ne peuvent
donner d'air fťroce ŗ leurs oppresseurs. Autant ils prÍtent une mine
grognonne ŗ leurs compatriotes en armes, autant ils conservent un air
souriant ŗ ces endiablťs qui veulent absolument boire leur vin et danser
avec leurs filles, non sans leur prodiguer les caresses les plus
cavaliŤres. Ils ont mÍme voulu sans doute faire honte aux faiblesses des
femmes qui ont fini par sourire ŗ ces gueux, car une de leurs
caricatures favorites reprťsente un pantalon d'uniforme franÁais dont
chaque jambe est tirťe en sens contraire par deux commŤres rivales.
D'autres sujets favoris sont le dťpart du rťgiment, les femmes en
pleurs, et des petits berceaux oý le nouveau-nť montre une tÍte
miraculeusement coiffťe d'un bonnet de grenadier.
Il faut avouer que les sťducteurs n'avaient que la figure pour eux et
qu'il leur fallait une amabilitť prodigieuse pour masquer les dťsastres
de leur uniforme. Des artistes de talent ont, aprŤs coup, naturalisť en
France un type _correct_ du soldat rťpublicain; il porte moustaches, a
le cou dťcouvert, la cravate noire; son chapeau est mis _en colonne_ et
son pantalon a des raies roses; mais en rťalitť c'est moins coquet.
D'abord le chapeau ŗ cornes, considťrť comme gÍnant, est coiffť
cr‚nement en bataille comme celui des gendarmes, et le plus souvent ŗ
rebours, bien en arriŤre, cocarde et panache du cŰtť du dos. La ganse de
la cocarde sert de ratelier ŗ divers menus objets. TantŰt c'est la pipe
qu'on y passe; tantŰt la cuiller et la fourchette ŗ deux pointes s'y
croisent en maniŤre de pompon gastronomique. Quelquefois la cuiller
change de place et se passe ťlťgamment dans deux boutonniŤres du revers
d'habit. Le casque et le bonnet de hussard sont ťgalement rejetťs en
arriŤre de la tÍte. La moustache est une exception. La cravate monte
trŤs haut, fait plusieurs tours et ses bouts retombent avec un gros noeud
sur les buffleteries. Cette forte cravate, presque toujours rayťe, est
plus souvent jaun‚tre que noire. Comme on le verra, l'habit boutonne peu
et les coudes, parfois trouťs, donnent une triste idťe de la blancheur
que pouvaient avoir conservťe les revers et le gilet.
Le pantalon est ŗ pont, plus ou moins bien boutonnť; s'il est rayť, ses
rayures affectent toutes les dispositions et toutes les couleurs; les
carreaux, les losanges, les zťbrures se remarquent dans l'uniforme des
volontaires, et certains officiers, qui portent le sac au dos comme
leurs soldats, ont de vťritables chausses collantes, rayťes
horizontalement de rouge, blanc et bleu maintenues par des sous-pieds
fort longs qui vont chercher le pantalon au-dessus de la cheville. Les
chaussures, dont nous avons rempli tout exprŤs une page, sont presque
toujours dans le plus triste ťtat; un chasseur ŗ pied que nous
reproduisons plus loin, paraÓt n'avoir plus que des semelles fixťes par
des laniŤres. Un autre a les pieds complŤtement nus. La cavalerie n'en
est pas encore aux habits ŗ pans ťcourtťs, mÍme dans certains rťgiments
de hussards, elle reste fidŤle aux pans longs agrťmentťs de passepoils
et de force boutons; la basane qui protŤge quelques pantalons a des
contours ŗ la grecque; le bonnet des hussards est surmontť d'un panache
presque aussi long, et le casque sans visiŤre des dragons disparaÓt avec
une partie du visage sous une criniŤre ťchevelťe qui leur donne un
aspect fťroce. L'artillerie ne se distingue que par sa tenue complŤte de
drap bleu; son aspect sťvŤre est relevť par les soutaches rouges du
gilet dans l'artillerie ŗ cheval.
Le havre-sac de beaucoup de soldats n'a rien de la forme rťguliŤre
d'aujourd'hui. C'est un sac ordinaire en cuir ou en toile brune, serrť ŗ
la gorge par une ficelle, maintenu par des bretelles; et il descend
presque sur les reins du patient, ce qui devait augmenter le poids.
Un seul soldat porte le bonnet de police ŗ flamme longue avec un havre
sac vraiment militaire, mais dont les courroies retiennent tout un
monde. Dans le haut s'ťtale une oie; son cou est serrť par la bretelle,
et sa tÍte retombe mťlancoliquement dans la direction d'une marmite
ballottant ŗ hauteur de la giberne. Le centre est barrť par un pain
long, et un flacon pend sur le cŰtť droit. On voit que l'assortiment est
complet et que nos zouaves n'ont rien inventť. Les officiers ont des
pistolets ŗ la ceinture, et portent le hausse-col retenu par une
chaÓnette ou par un cordon plus long qu'on ne l'a portť depuis; c'est
avec le sabre le seul insigne qui annonce le grade sur la longue capote
de campagne. Presque tous les tambours sont des enfants ou des
adolescents; comme ‚ge, Barras n'ťtait pas une exception.
J'ai parlť de la surprise causťe de l'autre cŰtť du Rhin par
l'apparition des armťes rťpublicaines. On a peine ŗ croire qu'elle se
soit traduite d'une faÁon flatteuse pour nos armes, et cela au coeur mÍme
des pays allemands. Rien n'est cependant plus certain quand on peut Ítre
mis en prťsence d'une sorte d'album, in-quarto oblong imprimť ŗ Leipzig
en 1794 pour le compte du libraire Friedrich August Leo. Le texte
allemand et franÁais est prťcťdť des deux titres gťnťraux que voici:
_Abbildung und Beschreibung Verschiedener Truppen des franzosischen
armee, mit illuminirten Kupfern_.
Reprťsentation et description de diffťrentes troupes de l'armťe
franÁaise, avec des planches coloriťes.
Le texte est sur deux colonnes. Voici le titre particulier de la partie
franÁaise:
ęDescription des quelques corps composant les armťes (franÁaises), par
un tťmoin oculaire. _Leipzig, bei Friedrich August Leo_, 1794.Ľ
Cette description nous a paru si intťressante et mÍme si surprenante au
point de vue politique que nous la reproduisons intťgralement ici. Son
rapport avec notre sujet est direct, et les dťtails donnťs sont d'une
exactitude prťcieuse[68].
L'auteur allemand s'exprime en ces termes:
ęL'ťnergie, la bravoure et la constance avec laquelle les troupes
franÁaises font une guerre qui n'a pas encore d'exemple dans l'histoire,
doivent faire rťflťchir toute tÍte ŗ laquelle les intťrÍts de ce bas
monde ne sont pas indiffťrents.
ęCombien de choses jusqu'ŗ prťsent a-t-on cru sur parole indispensables
ŗ une armťe pour la rendre victorieuse et dont se sont passť depuis
quatre ans les armťes franÁaises?
ęLa sťvŤre discipline que Frťdťric II avait introduite parmi ses troupes
a fait beaucoup d'imitateurs et trouvť une infinitť de partisans. Trompť
par l'apparence, on s'est imaginť que la sťvťritť poussťe jusqu'ŗ la
plus inhumaine contrainte, rendait des automates invincibles ou
victorieux. On en aurait jugť bien autrement dans le temps des succŤs de
Frťdťric, si on avait eu le mot de l'ťnigme...
ęLa guerre prťsente est bien capable de dťtruire une prťvention qui fait
gťnťralement ŗ chaque soldat une victime dťvouťe aux coups de b‚ton de
toute une ťchelle de supťrieurs.
ęPartout on prťtend que les armťes agissent et partout le soldat est une
crťature passive qui ne peut ni se mouvoir ni agir. En garnison on
accoutume le soldat ŗ s'humilier sous le b‚ton, et quand on a la guerre
on prťtend qu'il soit sensible ŗ l'affront d'une dťfaite dont la honte
ne retombe jamais sur lui.
ęC'est cependant avec des hommes ainsi dťgradťs qu'on prťtend vaincre
des troupes qui ne connaissent de diffťrences entre les individus que
celles des fonctions qui leurs sont confiťes; de discipline que le
devoir du degrť oý chacun se trouve placť, et de subordination que celle
qu'imposent la loi et l'avantage du service. Jamais en avilissant
l'homme on ne lui fera faire de grandes choses; ce n'est qu'en lui
montrant qu'il est digne de cet honneur qu'on lui fait venir l'envie de
l'acquťrir.
ęLes hommes sont ce qu'on les fait. C'est ŗ ceux qui les emploient ŗ
savoir les manier, les former tels qu'ils doivent Ítre pour remplir ce
qu'on en attend. Mais on ne doit pas s'attendre qu'on les intťresse ŗ
faire rťussir des projets qui ne leur offrent aucune perspective
avantageuse pour eux ou les leurs contre des hommes qui se sont donnť
une maniŤre d'Ítre qu'ils trouvent bonne et qu'ils croient avoir droit
de dťfendre envers et contre tous...
ęEntre princes, la guerre est un jeu de hasard oý le dernier ťcu dťcide.
Entre princes et nation c'est le lion enveloppť d'un filet: la souris
n'est pas toujours lŗ pour en ronger les mailles. On perd quelquefois de
vue que l'on ne peut rien si l'on n'est soutenu de cet accord gťnťral
qui fait voler toutes les volontťs vers un mÍme but. Vouloir agir dans
cet ťtat d'erreur, c'est s'exposer ŗ des disgr‚ces, ou tout au plus ŗ
des succŤs ťphťmŤres. C'est ce que prouve l'expťrience de tous les
temps. Les princes crťent des armťes, mais que de peines et de dťpenses
il leur en coŻte... combien d'intťrÍts privťs il faut mťnager dans la
levťe des recrues! Combien de temps s'ťcoule avant que ces nouvelles
levťes puissent entrer en campagne! Le mal n'est pas grand si c'est
contre un prince que l'on est en guerre. Est-ce au contraire contre une
nation? Elle se lŤve et marche, et il est facile de voir de quel cŰtť
sera l'avantage.
ęUne nation levťe ainsi n'a pas, il est vrai, ce coup d'oeil flatteur
qu'offre un ancien rťgiment lorsqu'il est rangť en parade, oý tous les
soldats semblent coulťs dans le mÍme moule. Cette rigoureuse uniformitť
en impose, mais elle n'est pas, comme on le voit ŗ prťsent,
indispensablement nťcessaire ŗ la victoire. La garde nationale n'est pas
une troupe moins courageuse, bien qu'irrťguliŤrement vÍtue, que celles
de cette ligne, oý cette rťgularitť s'observe plus exactement.
ęAnimťs du mÍme esprit, ces diverses troupes combattent avec la mÍme
bravoure, bravent la mort avec le mÍme courage, supportent en commun
travaux et fatigues.
ęL'on ose donc croire que le public ne verra pas avec indiffťrence
l'image de quelques-uns des corps dont les armťes rťpublicaines sont
composťes. Les figures enluminťes sont reprťsentťes au naturel, telles
que les a vues un tťmoin oculaire. Nous nous sommes contentť d'en
multiplier les copies sans y rien changer.
ęLes dragons font en France un service tout autre que dans les armťes
des autres souverains. On les place sur les ailes, dans des postes
avancťs, au passage des riviŤres, aux dťfilťs ou aux tÍtes de pont. Mais
leur vťritable place, un jour de bataille, est au corps de rťserve, ŗ
cause de la vitesse avec laquelle on peut les faire mouvoir et de la
vivacitť avec laquelle ils chargent l'ennemi. On les emploie encore
diversement dans les siŤges et dans une infinitť de cas oý on les fait
supplťer ŗ l'infanterie aussi bien qu'ŗ la cavalerie. Aussi leur fait-on
ťgalement bien apprendre les exercices de ces deux armes. Jusqu'ŗ la fin
de la guerre de Sept ans, ils furent habillťs de rouge; mais depuis on
les a habillťs de vert. Leur uniforme est: habit vert, parements,
revers, collet et doublure rouges, veste et culotte blanches ou ventre
de biche, casque de laiton poli surmontť d'une touffe de crins noirs
pendant sur l'arriŤre de la tÍte, bottes molles et sabres recourbťs ŗ la
housarde. Leurs chevaux sont ordinairement de quatre pieds ŗ quatre
pieds deux pouces. ņ cheval, leurs armes sont un fusil, deux pistolets
et le sabre; ŗ pied, ils n'ont que le fusil et le sabre. On n'y admet
que des jeunes gens vigoureux, lestes, bien faits et qui montrent
beaucoup d'adresse.
ęLes grenadiers ŗ cheval durent leur premiŤre crťation ŗ Louis XIV. Pour
mettre le lecteur ŗ mÍme de juger de quels hommes cette troupe a
toujours ťtť composťe, c'est que, pour la former chaque capitaine de
grenadiers fut tenu de fournir un homme de la taille requise,
gťnťralement reconnu pour fort et brave et portant moustache. Cet esprit
de corps, ce courage ŗ toute ťpreuve ne se sont jamais dťmentis. Leur
uniforme est bleu foncť, parements, revers et collet ťcarlates, boutons
blancs sur lesquels est imprimť l'arbre de la libertť avec le bonnet et
autour l'inscription: _Rťpublique franÁaise_; veste et culottes blanches
blanc d'argent et aussi des culottes de peau. Bonnet de poil ŗ fond
rouge, cordons et crťpines tressťs des couleurs nationales. Au milieu du
front, une plaque sur laquelle est imprimť en relief le sceau
constitutionnel avec des trophťes et ŗ chaque cŰtť de la plaque une
grenade enflammťe. Le poil de ces bonnets est renversť de haut en bas,
afin que l'eau de la pluie s'y arrÍte moins. La doublure de l'habit est
de serge blanche. Au bas des pans oý sont les crochets pour les
retrousser, il y a une grenade de drap rouge, et, au lieu de flamme, il
y a de petits glands qui en descendent pendus ŗ des cordons de la mÍme
couleur. Ils ont des aiguillettes tressťes de rouge et de blanc, des
cols noirs, des bottes molles, mais des genouillŤres fortes. Leurs armes
sont la carabine, deux pistolets, et un sabre dont la lame droite a prŤs
de deux pouces de large et se termine en pointe trŤs aiguŽ, dont le
double tranchant a environ huit pouces de long, et tout le sabre entre
quarante et quarante-cinq. Ils le portent en bandouliŤre. Ils ont un
porte-cartouches de cuir brun avec une plaque blanche sur laquelle est
imprimť en relief l'arbre de la libertť avec le bonnet, mais sans
inscription. Enfin, ils ont un grand manteau bleu bordť d'un cordonnet
rouge, muni d'un ample rabat qui leur sert de capuchon. Dans l'action,
principalement quand ils sont attaquťs, ils s'abaissent fort avant sur
leurs chevaux et savent adroitement se servir de la pointe de leur
sabre, au maniement duquel ils s'appliquent singuliŤrement dans leurs
moments de loisir, ce qui leur procure un avantage dťcisif sur leurs
ennemis, qui n'ont ni la mÍme dextťritť ni la mÍme vitesse quand mÍme
ils auraient la mÍme bravoure.
ęLes chasseurs ŗ cheval sont de crťation moderne et forment dans les
armťes franÁaises une trŤs nombreuse cavalerie. Leur service approche
assez de celui des dragons, exceptť qu'on les employe plus communťment ŗ
la dťcouverte; ŗ battre les bois toujours en avant de l'armťe. Leur
uniforme est un habit vert foncť ŗ collet droit, parements, revers et
boutons blancs comme ceux des grenadiers ŗ cheval, culotte de peau et
veste blanche. Leur habit un peu court a la doublure blanche, les poches
en long avec trois boutons sur les pattes. Ils portent des bottes
molles, genouillŤres de mÍme. Il n'est pas possible de donner une
description exacte de leur bonnet ou casque. Il a la forme du bonnet de
libertť, il est de cuir fortement battu et surmontť d'une touffe de
crins de cheval ou de peau d'ours de la largeur de la main. Cette
coiffure est entourťe d'une bande de toile cirťe jaune et tigrťe. De
chaque cŰtť, une chaÓne de laiton qui, en remontant, forme un angle
aigu. Autour du cou, ils ont des cols ou des cravates noires. Les bas
officiers se distinguent dans ce corps comme dans celui des grenadiers ŗ
cheval par quelques ganses sur les manches, mais qui dans ce corps-ci
sont tressťes des couleurs nationales. Leurs armes sont le mousqueton
carabine, deux pistolets, un long sabre ŗ monture de laiton dont la
pointe a huit pouces de double tranchant. Ils le portent en bandouliŤre
ŗ un ceinturon de cuir. Le porte-cartouches est de cuir noir avec une
plaque jaune et le sceau constitutionnel en relief. Ils ont des manteaux
de la couleur de l'habit: l'un et l'autre sont bordťs d'un cordonnet
rouge. Ils ont des chevaux de douze ŗ treize paumes. C'est la partie la
plus nombreuse de la cavalerie.
ęL'on n'a rien changť au reste de la cavalerie, l'ajustement et les
armes sont les mÍmes, aux boutons prŤs qui sont comme ceux des
grenadiers et des chasseurs; les cavaliers ont une cocarde avec une
aigrette tricolore ŗ leur chapeau.
ęL'habillement des chasseurs ŗ pied est peu diffťrent de celui des
chasseurs ŗ cheval, si ce n'est que l'habit est plus long et va
jusqu'aux genoux. Ils ont les mÍmes casques, ainsi que vestes et
culottes; et des bottines trŤs lťgŤres de cuir de boeuf. Les bas
officiers ont deux ťpaulettes pour les distinguer des simples chasseurs.
Ils ont pour armes un fusil avec une baÔonnette et un sabre comme celui
des grenadiers qu'ils portent en bandouliŤre. Le porte-cartouches est de
cuir noir avec une plaque jaune aux armes de la patrie. Les chasseurs et
les troupes de ligne forment l'ťlite de l'infanterie. Il y a par
bataillon ou par compagnie un certain nombre de chasseurs de profession,
armťs de carabines et de poignards; au lieu de giberne, ils ont une
flasque (poire ŗ poudre). Ils sont distinguťs des autres par un collet
rouge sur l'habit et une ťpaulette tricolore sur l'ťpaule droite. Cette
troupe rend de trŤs grands services en ce qu'elle est ťgalement propre
au service des troupes de ligne et des troupes lťgŤres.
ęIl n'est pas aisť de donner une description exacte des gardes
nationales ni de les ranger dans une classe quelconque. Mais l'on doit
Ítre convaincu qu'elles se battent bien, quoiqu'il s'en trouve parmi qui
ne sont vÍtus que de jaquettes et chemisolles, de _sareaux_ de toile ou
d'habits de toute couleur, des vestes de piquť ou d'indienne, et des
culottes de toute faÁon. La plupart cependant ont des habits d'un bleu
foncť avec collets rouges ou blancs, boutons jaunes ou blancs, oý le
bonnet ou l'arbre de la libertť est empreint. En partie, ils portent des
_gamaches_ ou guÍtres; beaucoup vont en souliers et en bas de soye; mais
tous gťnťralement portent ŗ leur chapeau de petits objets qui font
allusion ŗ la Libertť et ŗ l'…galitť. Ils ont tous un fusil et une
baÔonnette; quelques uns ont des porte-cartouches, d'autres n'en ont
point, il en est de mÍme de l'ťpťe. Au lieu de havre-sac, ils ont un sac
de poche dans quoi ils portent leurs hardes.
ęL'on appelle ŗ prťsent _lťgion_ des troupes de cultivateurs franÁais,
partie mis en rťquisition et partie gens de bonne volontť. Leur
habillement n'est autre que le vÍtement ordinaire aux gens de la
campagne. Ils sont coiffťs de bonnets, de chapeaux de diffťrentes
formes, mais toujours avec la cocarde nationale. Tous ont des bas bleus
avec une jarretiŤre bouclťe de faÁon que le bas fait auprŤs du genou une
espŤce de petit bourrelet. Leurs culottes sont toutes diffťrentes les
unes des autres: de drap, de toile de toute sorte de couleur jusqu'ŗ de
peau noire. Leurs souliers sont fermťs avec des attaches bleues ou
noires. Leurs armes sont la lance ou la pique dont le manche a ŗ peu
prŤs six pieds et est peint des couleurs nationales. Quelques-uns ont un
fusil avec la baÔonnette. D'autres ont autour du corps une ceinture, ŗ
la gauche de laquelle est attachť un pistolet. Ce sont pour la plupart
ceux qui portent des piques. Plusieurs ont, outre cela, des ťpťes de
parade, des poignards ou autres armes blanches pendues au cŰtť. Il y a
auprŤs de chaque armťe une ou deux lťgions, selon que l'armťe est
nombreuse. Chaque lťgion est forte d'environ sept mille hommes. Ce sont
des officiers et des bas officiers tirťs des invalides qui les
commandent, avec quelques autres qu'ils ont ťlus eux-mÍmes parmi eux. ņ
chaque lťgion se trouve un gťnťral de brigade ou un brigadier.
ęCes lťgions ne reÁoivent ni pain ni paye; elles pourvoyent elles-mÍmes
ŗ leur entretien. Les hommes y sont tenus ŗ un an de service; elles ne
se montrent jamais en rase campagne et ne se rangent point en bataille.
Elles ne laissent pas que d'inquiťter beaucoup les armťes ennemies...Ľ
PLANCHES
I
G…N…RAL DE DIVISION
D'aprŤs une gravure de la collection Dubois de l'…tang, (Ensemble rťduit
aux deux tiers de l'original.)
Plumet tricolore surmontant trois plumes rouges. Habit bleu ŗ collet
rouge rabattu; galon d'or au chapeau, aux manches, aux poches et au
collet. Culotte blanche, bottes noires; ťcharpe rouge ŗ frange dorťe.
Dragonne dorťe ŗ la poignťe du sabre; le fourreau est garni de cuivre
dorť.
Cette figure jeune ne doit pas surprendre ŗ l'ťpoque oý un simple
officier pouvait franchir quatre grades en vingt-quatre heures pour
perdre aussitŰt le commandement s'il ne justifiait pas cette confiance
par une victoire.
[Illustration: I]
II
ADJUDANT G…N…RAL
MÍme provenance
ęEn tenue de campagneĽ, dit la lťgende. Le ceinturon dorť, le chapeau ŗ
plumes et ŗ glands contrastent bien un peu avec la sťvťritť de cette
longue capote bleue ŗ collet rouge rabattu. Mais il ťtait bon que
l'adjudant gťnťral fŻt aperÁu de tous, car c'ťtait un vťritable chef
d'ťtat-major, classť hiťrarchiquement au-dessous du gťnťral de brigade,
mais au-dessus du colonel.
[Illustration: II]
III
HUSSARD
D'aprŤs un recueil d'uniformes gravťs ŗ Augsbourg en 1802. (Bibl. nat.
Estampes O 34 B. A.)
Shako noir entourť d'une flamme de drap noir ŗ passepoil bleu. Panache
vert et rouge. Cordon blanc avec gland retombant ŗ droite du shako.
Dolman brun-marron soutachť de blanc et fourrť de noir. Culotte bleue
soutachťe de blanc. Sabretache orangťe avec ornements de cuivre.
Demi-bottes noires.
L'inclinaison prononcťe du shako paraÓt un peu forcťe par les dimensions
du panache: elles sont telles que l'ťquilibre serait compromis si la
verticale ťtait conservťe.
[Illustration: III]
IV
OFFICIERS ET SOLDATS D'INFANTERIE
MÍme provenance.
L'officier porte un panache rouge. Habit bleu ŗ col et parements rouges.
Revers blancs ŗ passe poil rouge. Gilet et pantalon collant blancs. Sac
au dos. Hausse col dorť. La main droite s'appuie sur une canne.
Le fantassin placť derriŤre lui a les guÍtres noires et la culotte de
nankin. Habit bleu ŗ revers blancs.
Le bonnet ŗ poil du grenadier rappelle trop celui des grenadiers
autrichiens pour ne pas avoir ťtť pris dans un magasin de l'ennemi. Ce
qui confirmerait dans cette idťe, c'est qu'il est visiblement trop
ťtroit pour la tÍte de notre homme. Gilet rayť blanc et rouge; cravate
rayťe blanc et bleu; celle-ci encadre le menton comme une cravate ŗ la
Garat. …paulette rouge; plumet tricolore; pantalon nankin. MÍme habit
que le prťcťdent.
[Illustration: IV]
V
SOLDAT D'INFANTERIE
MÍme provenance.
Celui-ci offre un specimen du genre nťgligť. Il a le mÍme habit et le
mÍme chapeau, mais son pantalon quadrillť bleu‚tre porte au genou une
forte piŤce d'ťtoffe diffťrente. Des souliers, il n'a conservť que les
semelles sur lesquelles l'empeigne taillťe fait l'office de courroies de
sandales. Pas de gilet. Cravate l‚che. L'habit ouvert laisse largement
passer la chemise.
[Illustration: V]
VI
CAVALIERS
MÍme provenance.
Habit bleu ŗ revers rouges. Collet, culotte et buffleteries blancs.
Bottes et chapeau noirs. Panaches roses. Cravate jaun‚tre.
On sait qu'il y avait alors ŗ cŰtť des hussards, des dragons, et des
chasseurs, des rťgiments de _cavalerie_ proprement dite. C'ťtait, moins
la cuirasse et le casque, ce que nous avons appelť ensuite la grosse
cavalerie.
[Illustration: VI]
VII
OFFICIERS D'ARTILLERIE
MÍme provenance.
L'un de ces deux officiers semble appartenir ŗ l'artillerie lťgŤre; il
porte le casque de cuivre du dragon ornť d'un panache rouge, ce qui dut
Ítre une exception; l'autre a conservť le chapeau ŗ cornes en usage dans
l'artillerie ŗ pied. Leurs uniformes sont complŤtement bleus avec
passepoil rouge. Des soutaches rouges ornent le pantalon et le gilet.
Les poignťes de sabre affectent des formes diverses, les bottes sont de
mÍme fortes et lťgŤres. Ce qui ne varie point, c'est le type des
figures, qui sont rasťes et ornťes seulement de petits favoris trŤs
courts.
[Illustration: VII]
VIII
CHASSEUR ņ CHEVAL
D'aprŤs les _Abbildung franzŲsischen_, Leipzig. 1794.
Casque noir ŗ courte criniŤre semblant retomber devant et derriŤre.
Habit et pantalon collant vert avec passepoil rouge; des galons rouges,
blancs et bleus sont disposťs sur la chausse de faÁon ŗ former une
pointe tricolore.
On trouve dans le supplťment _Uniformes_ une description plus complŤte
de l'armement et de l'uniforme de cette cavalerie.
[Illustration: VIII]
IX
VOLONTAIRE DU 1er BATAILLON DE PARIS
MÍme provenance.
Casque noir ŗ demi-criniŤre droite et ŗ ornements de cuivre; il est
entourť d'une bande tigrťe, habit bleu, avec revers et retroussťs
blancs. Culotte blanche, guÍtres noires, ťpaulettes vertes.
Voir ťgalement dans notre supplťment _Uniformes_ les dťtails qui
concernent les gardes nationaux volontaires.
[Illustration: IX]
X
DRAGON ET HUSSARD
Bibl. nat. OB. 32 V
Le dragon est conforme au type dťcrit dans notre supplťment. Son casque
est sans visiŤre; une ťpaisse criniŤre augmente encore le caractŤre
ťnergique d'un profil dotť de longues moustaches.
Son compagnon le hussard nous offre le profil de cette coiffure
ťtonnante qu'on a dťjŗ vue planche III. Le panache rouge n'a rien perdu
de ses dimensions: il est nťgligemment entourť d'une flamme marron ŗ
passepoil rouge. Dolman et pantalon verts; collet et soutaches rouges.
Les gants sont jaunes; le fourreau du sabre est en cuir garni de cuivre.
[Illustration: X]
XI
HUSSARD
MÍme provenance.
Les hussards rťpublicains qu'on reprťsente d'ordinaire sont conformes au
type de nos planches III et X. Celle-ci prouve qu'il y en avait un autre
ne portant pas le dolman ŗ tresses, mais un habit vert ŗ revers et ŗ
pans longs, collet et parements roses. Pantalon et gilet verts; le
pantalon est protťgť par une basane fauve dont les bords sont
dťchiquetťs ŗ la grecque. Il boutonne sur le cŰtť selon le modŤle qui
fut baptisť du nom de _chutmari_. La bande est rouge.
La coiffure reste seule identique: tresses de cheveux tombant sur le
devant pour encadrer le visage, shako entourť d'une flamme noire ŗ passe
poil rouge que fixe un cordon blanc; panache rouge. D'oý part le
sous-pied qui rattache le pantalon dťboutonnť ŗ ce soulier muni
d'ťperon?... MystŤre!
[Illustration: XI]
XII
GRENADIER ņ CHEVAL
D'aprŤs les _Abbildung franzŲsischen_, Leipzig. 1794. (Bibl. nat.
Estampes OA, 106. C.)
Son uniforme, son armement et son ťquipement rťpondent ŗ la description
trŤs complŤte donnťe dans notre supplťment. Bonnet ŗ poil brun avec
plaque blanche, plumet et cordon rouges. Rabat bleu ŗ revers et collet
rouges, retroussis et basques, gilet et culotte blancs. Bottes noires,
gants ŗ manchettes de buffle. Schabraque bleue galonnťe de jaune.
[Illustration: XII]
XIII
TAMBOUR
D'aprŤs un recueil gravť ŗ Augsbourg en 1802. (Bibl. nat. Estampes OB,
32. A.)
Le baudrier de buffle flotte tout avachi: l'enfant a dťcrochť son gros
tambour retenu sur l'ťpaule ŗ l'aide d'une bretelle qui devrait aller
rejoindre le cercle de la caisse. Cette charge n'est pas commode, son
corps ballotte dans son habit bleu qui est trop large; son chapeau ŗ
pompon rouge est aplati comme un chapeau d'arlequin. Le pantalon de
nankin laisse voir des chevilles nues, les souliers sont devenus
savates, mais cela n'empÍche pas le gamin de marcher fiŤrement ŗ grandes
enjambťes.
La planche XX montre que presque tous nos tambours ťtaient alors des
enfants.
Et quand on pense qu'un ministre de la guerre a rognť nos tambours de
moitiť avant 1870 pour ne pas incommoder des hommes faits!
[Illustration: XIII]
XIV
FANTASSIN ET SOUS-OFFICIER
D'aprŤs une gravure allemande de 1796. (BibliothŤque nationale
Estampes, collection Hennin.)
L'air posť et la tenue presque rťguliŤre du sous-officier contrastent
avec la pose lamentable du soldat. La cravate pend; les manches de son
habit vert sont dťchirťes; il n'a plus qu'un bas de couleur brune, le
pan de sa culotte nankin menace ruine. Une cuiller et une fourchette ŗ
deux pointes, croisťes derriŤre sa cocarde de chaque cŰtť du pompon,
complŤtent son air de soldat maraudeur. Un mouchoir serrť au biceps
semble protťger une blessure.
Type analogue ŗ nos numťros X et XVII.
[Illustration: XIV]
XV
CHASSEURS ņ PIED
D'aprŤs un recueil gravť ŗ Augsbourg en 1802. (Bibl. nat. Estampes OB,
32. A.)
Ces chasseurs diffŤrent un peu du type dťcrit dans notre supplťment.
L'un, qui semble un caporal, porte le casque de volontaire. Son habit
court est de couleur noire ŗ parements bleus. Pantalon bleu‚tre ŗ raies
bleu foncť. Cravate jaune. …paulettes rouges. Galons blancs sur la
manche.
Son voisin a l'uniforme complŤtement noir, avec collet et retroussis
bleu clair. Son chapeau est placť ŗ rebours. …paulettes et panaches
rouges; buffleteries jaun‚tres. Les souliers ont ťtť transformťs en
savates retenues par des cordelettes croisťes au-dessus de la cheville
du pied qui est un comme toujours.
[Illustration: XV]
XVI
GRENADIER DE LA LIGNE
D'aprŤs les _Abbildung franzŲsischen_, Leipzig. 1794. (Bibl. nat.
Estampes OA, 106. C.)
Bonnet ŗ poil noir avec plaque de cuivre. Habit, veste et culotte
blancs. Les revers, le collet et les parements sont rouges, les guÍtres
noires. Il ne porte point de havre-sac mais on voit une sorte de besace
pendre ŗ cŰtť de sa giberne.
C'est un dernier ťchantillon de l'ancienne armťe qui va prendre l'habit
bleu au moment oý l'embrigadement fondra les rťgiments et les bataillons
de volontaires.
[Illustration: XVI]
XVII
VOLONTAIRES
D'aprŤs une gravure allemande de 1796. (BibliothŤque nationale Estampes,
collection Hennin.)
Le volontaire casquť sent d'une lieue son faubourg. Ami d'un certain
luxe, il a retroussť sa manche pour montrer un bout de manchette, il
fait exhibition d'un mouchoir de poche ťlťgamment nouť ŗ sa buffleterie
et une breloque de parure descend sur sa cuisse gauche. Le noeud coquet
de sa grosse cravate, la cuiller qui montre sa tÍte au revers de l'habit
et le pain empalť dans sa baÔonnette sont autant de dťtails
caractťristiques. L'un de ses souliers est retenu par une boucle.
L'autre est nouť avec une ficelle. Zťbrť d'un cŰtť, quadrillť de
l'autre, comme ces chausses en partie du moyen ‚ge. Le pantalon blanc
rayť de bleu est trop court pour ne pas avoir appartenu ŗ quelque frŤre
d'armes.
Nous avons dťcrit l'assortiment gastronomique du voisin dans le
supplťment: son bonnet de police bleu ŗ turban rouge est ŗ remarquer
comme un ťchantillon du modŤle primitif.
[Illustration: XVII]
XVIII
CUIRASSIERS
D'aprŤs la gravure de Zix
(Fac-similť rťduit aux deux tiers de l'original.)
Zix est un artiste strasbourgeois qui a pu ťtudier d'aprŤs nature les
soldats de l'armťe de Rhin et Moselle.
Non content d'un supplťment d'illustrations pittoresques pour la partie
gťographique du _Journal de Fricasse_, mon ami Charles Mehle a bien
voulu mettre la gravure de Zix ŗ ma disposition. Mais leur dimension
rendait la reproduction difficile. J'ai dŻ me contenter de dťtacher un
groupe de deux cuirassiers attablťs sur le seuil d'une maison
alsacienne.
On sait que les cuirassiers formŤrent en 1799 le 8e rťgiment de
cavalerie. De lŗ leur ressemblance avec les cavaliers de l'autre planche
VI.
[Illustration: XVIII]
XIX
HUTTES DE CAMPEMENT
D'aprŤs une gravure datťe du 14 aoŻt 1796. (Bibl. nat. Estampes,
collection Hennin.)
Ces huttes ou abris, dont-il est question dans notre journal, ťtaient
faites de branchages. On voit qu'elles affectent trois formes: une forme
oblongue, destinťe sans doute aux soldats; une forme pyramidale, moins
spacieuse, destinťe aux sous-officiers; une forme conique, dont la
clŰture plus complŤte annonce un campement d'officiers.
Le factionnaire qui veille ŗ la porte ne laisse aucun doute sur ce
dernier point. Il sonne en ce moment d'un cornet d'appel, ce qui lui
donne les doubles fonctions de sentinelle et de trompette de garde.
[Illustration: XIX]
XX
RASSEMBLEMENT D'INFANTERIE
D'aprŤs une gravure allemande conservťe dans la collection Dubois de
l'…tang. Voici la traduction de son titre:
Vťritable reprťsentation d'une parade de la garde franÁaise ŗ Mannheim
au mois d'octobre 1795.
(Fac-similť rťduit au tiers de l'original.)
Cette planche est excessivement ennemie. On ne doit pas prendre son
titre au pied de la lettre. Le dessinateur allemand, que je tiens
d'ailleurs pour sincŤre, a pris le moment non de la parade proprement
dite, mais du rassemblement qui la prťcŤde.
Logťs chez les bourgeois de la ville, les soldats arrivent petit ŗ petit
et se portent sur le front de l'alignement indiquť par les trois
officiers qui viennent de mettre le sabre ŗ la main.
Dans cette troupe figurent, selon l'usage, des dťtachements de tous les
corps de passage dans la place et certainement aussi des soldats isolťs,
ťclopťs, utilisťs pour le service. De lŗ, un coup d'oeil fortement
bigarrť que l'artiste aura exagťrť encore pour offrir des modŤles de
chaque espŤce.
Les quatre petits tambours qui se font la main ŗ l'extrÍme droite
suffiraient ŗ montrer que le commandement ne s'est pas fait encore
entendre. Ce sont des enfants dont le plus ‚gť n'a pas atteint sa
douziŤme annťe. DerriŤre eux, le tambour-major charme son attente par
quelques moulinets de fantaisie.
Les officiers, vus au dos, ont une ample capote grise ou brune, sur
laquelle tranche seul le hausse-col, insigne du commandement.
Les soldats semblent tous appartenir soit aux bataillons des
volontaires, soit aux _lťgions_ rurales dont il est question dans notre
supplťment. On remarque, en effet, en seconde ligne, des bonnets
fourrťs, des chapeaux de paysans; on voit se dresser une des piques qui
figuraient encore dans l'armement de ces non combattants. L'un d'eux,
sapeur primitif, tient la hache sur l'ťpaule et la pipe ŗ la bouche. Son
voisin porte un pantalon ŗ la turque, et paraÓt vouloir dissimuler sous
une couverture blanche les dťsastres de son uniforme. Tous n'ont pu
dissimuler ainsi leurs tenues en lambeaux. Beaucoup de chaussures sont
avariťes; un jeune soldat a les pieds complŤtement nus.
En revanche, ce qui ne manque nulle part, c'est la cuiller: chacun porte
ŗ la boutonniŤre, au chapeau ou au bonnet ce prťcieux ustensile.
Quelques bidons et marmites se remarquent aussi, Áŗ et lŗ; les pains
sont trouťs pour le passage d'une corde qui les retient au cŰtť, ŗ moins
qu'ils ne soient passťs ŗ la baÔonnette. Un quartier de viande est mÍme
ainsi exhibť ŗ cŰtť du porteur de pique. Il est ŗ remarquer qu'il n'y a
pas ici un seul des panaches qui abondent dans nos planches prťcťdentes.
Mais nous sommes en 1795 et les FranÁais qui viennent d'entrer ŗ
Mannheim ont fait une campagne fort rude. Leurs habits bleus ne sont pas
seulement usťs par la victoire, ils sont surtout trouťs et dťchirťs par
les marches et les bivouacs des nuits d'hiver. De lŗ ce coup d'oeil
ťtrange, qui dťpasse encore, il faut bien l'avouer, tout ce qu'on
pouvait supposer de l'aspect des troupes rťpublicaines. Mais la pauvretť
de leur aspect ne peut que grandir encore le souvenir de leur courage et
de leur patriotisme.
[Illustration: XX]
NOTES
[1: Voyez entre autres les pages 37, 55, 64, 170, 117, 171, 174 [du
livre original]. Et ce ne sont pas les seules.]
[2: Le rťtablissement de l'orthographe des noms de lieux, gťnťralement
dťfigurťs, offrait des difficultťs particuliŤres que je ne suis pas sŻr
d'avoir surmontťes toujours. En cas de doute, j'ai usť du point
d'interrogation.]
[3: Le nom de Ch‚teau-Vilain a dťfinitivement survťcu.]
[4: En 1791, on avait dťjŗ formť des bataillons de garde nationale
destinťs ŗ entrer dans le cadre de l'armťe. Soult rappelle, au dťbut de
ses _Mťmoires_, qu'il se trouvait alors en garnison ŗ Schelestadt avec
le premier bataillon du Haut-Rhin. Ce corps ťtait nombreux, dit-il,
animť d'un bel esprit, mais fort peu de ses officiers ťtaient capables.
On trouvera dans le nį 1 de notre supplťment un extrait intťressant des
_Mťmoires de Cagnot_ sur les effets de la levťe en masse qui fut ensuite
dťcrťtťe.]
[5: Les _papiers publics_, les journaux.]
[6: Les casernes ChambiŤre ont en effet toujours passť pour malsaines,
en raison des eaux stagnantes des fosses qui sont dans leur voisinage.]
[7: L'armťe du prince de Cobourg avait en effet occupť la forÍt de
Mormal en bloquant Le Quesnoy. ęDe faibles dťtachements franÁais
observaient ses mouvements, dit Soult; ils ne purent l'empÍcher de
dťployer les immenses moyens qu'on avait prťparťs pour rťduire la place,
elle capitula le 11 septembre, aprŤs avoir soutenu quinze jours de
tranchťe. Dans le temps qu'elle succombait, des efforts tardifs ťtaient
faits pour la dťgager: ŗ Avesnes, par une division sortie de Cambrai, ŗ
Fontaine, par une autre division sortie de Landrecies: ŗ l'entrťe de la
forÍt de Mormal, par une colonne partie du camp de Maubeuge.Ľ Cette
derniŤre colonne est celle dont il est ici question.]
[8: Les dťtails du texte sont confirmťs par un nouveau passage des
_Mťmoires_ de Soult; la lťgŤre diffťrence donnťe dans l'ťvaluation des
troupes est plus qu'annulťe par le renfort qui arrive ensuite ŗ
l'ennemi.]
[9: L'armťe de Jourdan ne comptait en rťalitť que 45,000 combattants;
ils ne venaient pas de la Vendťe, mais des camps de l'armťe du Nord et
de l'armťe des Ardennes. On trouvera dans le numťro 2 de notre
supplťment un ťmouvant rťcit du combat qui amena la levťe du blocus de
Maubeuge; il est extrait des _Mťmoires de Carnot_, par son fils. (Paris,
Pagnerre, 1862. Tome I, page 399). Les dťtails remarquables qu'on y
trouve formaient un complťment nťcessaire de notre texte.]
[10: Allusion ŗ la fameuse ronde rťvolutionnaire dite: _carmagnole_. On
la retrouve ŗ la page du 7 octobre.]
[11: Le propos a ťtť en effet attribuť au prince de Cobourg, qui
commandait alors l'armťe assiťgeante.]
[12: …changer des coups de fusil.]
[13: Le marťchal Soult donne les dťtails suivants sur le combat de
Grandreng. ęL'ťchec ťprouvť par la colonne du centre rendit inutile le
mouvement du gťnťral Mayer sur Haulchin, et permit au prince de Kaunitz
de marcher au soutien de sa droite, ŗ Grandreng, en dťgarnissant sa
gauche. Le gťnťral Dťjardins avait dťjŗ enlevť quelques redoutes, et il
pťnťtrait dans le village, quand tout ŗ coup ses deux divisions sont
elles-mÍmes assaillies et dťbordťes par la cavalerie autrichienne. Elles
font, avec l'appui da la brigade Duhesme, un dernier effort pour rentrer
ŗ Grandreng; mais elles ťchouent de nouveau et sont obligťes de
prťcipiter leur retraite pour repasser la Sambre, malgrť l'appui
qu'elles reÁoivent de la rťserve de cavalerie. Le gťnťral autrichien
acquit l'honneur de cette journťe en rendant ses forces mobiles, de la
gauche au centre, et du centre ŗ la droite, oý il prit successivement la
supťrioritť. Ses pertes furent beaucoup moindres que celles des
FranÁais, qui sacrifiŤrent plus de quatre mille hommes et douze piŤces
de canons.Ľ]
[14: ęLes revers du 13 avaient irritť les reprťsentants sans les
ťclairer; ils ordonneront un nouveau passage, mais les opťrations,
encore plus mal dirigťes que la premiŤre fois, eurent pour rťsultat des
pertes beaucoup plus grandes. (SOULT.)]
[15: Le marťchal Soult dit ici: ęIl faut aussi admirer la docilitť des
troupes, qu'aucun revers ne put abattre, et dťplorer que, soumises ŗ la
tyrannique autoritť des reprťsentants, elles n'aient point eu ŗ leur
tÍte des chefs dignes de les diriger. Depuis quinze jours, les corps qui
ťtaient sur la Sambre avaient perdu plus de quinze mille hommes et la
moitiť de leur matťriel; les soldats manquaient de vivres et avaient le
plus grand besoin de repos. Les gťnťraux en firent la demande ŗ
Saint-Just; dans le conseil, Klťber fit observer qu'on allait voir
arriver, avant dix jours, l'armťe de la Moselle, dont nous parlerons
bientŰt, et qu'il n'y avait qu'ŗ l'attendre, en s'occupant de rťparer
les pertes de l'armťe, pour reprendre alors les opťrations avec d'autant
plus de vigueur. Mais l'implacable Saint-Just ne voulut rien accorder, ŗ
peine daigna-t-il rťpondre: _Il faut demain une victoire de la
Rťpublique. Choisissez entre un siŤge ou une bataille_. Il fallait
choisir, on marcha, le 26 mai, sur Charleroi.
Malgrť les succŤs qu'il venait de remporter, le prince de Kaunitz avait
ťtť remplacť par le prince d'Orange dans le commandement. Les troupes
alliťes ťtaient sur la Sambre, pour en dťfendre le passage; elles
occupaient en outre, au-dessus de Marchiennes-au-Pont, le camp retranchť
de la Tombe, qui couvrait Charleroi. Klťber et Marceau ťtaient chargťs
de l'attaquer, et le gťnťral Fromentin d'emporter le pont de Lernes. Ces
deux attaques manquŤrent par l'excessive fatigue des troupes, qui
montrŤrent de l'hťsitation et restŤrent exposťes au feu le plus vif,
plutŰt que d'avancer. ņ la nuit, les ennemis ťvacuŤrent cependant le
camp, en ne laissant dans Marchiennes qu'un poste fortifiť.Ľ (SOULT.)
--Ce dernier alinťa explique comment notre sergent va parler de retraite
aprŤs avoir parlť d'une victoire qui ťtait sans doute un avantage
partiel sans rťsultat sur l'ensemble de la journťe.]
[16: Chiffre singuliŤrement exagťrť. Soult rapporte un triste ťpisode du
siŤge: ęLe colonel Marescot dirigeait les opťrations du gťnie, sous les
yeux des gťnťraux Jourdan et Hutry; on avait un ťquipage d'artillerie
suffisant et les reprťsentants Saint-Just et Lebas se tenaient au pied
de la tranchťe pour presser les travaux. Un jour, ils visitaient
l'emplacement d'une batterie que l'on venait de tracer: ęņ quelle heure
sera-t-elle finie?Ľ demanda Saint-Just au capitaine chargť de la faire
exťcuter.--Cela dťpend du nombre d'ouvriers qu'on me donnera, mais on y
travaillera sans rel‚che, rťpond l'officier.--Si demain, ŗ six heures,
elle n'est pas en ťtat de faire feu, ta tÍte tombera!...Ľ Dans ce court
dťlai, il ťtait impossible que l'ouvrage fŻt terminť; on y mit cependant
autant d'hommes que l'espace pouvait en contenir. Il n'ťtait pas
entiŤrement fini, lorsque l'heure fatale sonna. Saint-Just tint son
horrible promesse: le capitaine d'artillerie fut immťdiatement arrÍtť et
envoyť ŗ la mort, car l'ťchafaud marchait ŗ la suite des fťroces
reprťsentants. Si nous n'avions pas remportť la victoire, la plupart de
nos chefs auraient subi le mÍme sort. Nous apprÓmes plus tard que
Saint-Just avait portť sur une liste de proscription plusieurs gťnťraux
de l'armťe, et qu'il m'y avait compris, quoique je ne fusse encore que
colonel.--Jourdan devait Ítre sacrifiť le premier; il avait remplacť
Hoche dans le commandement, et il avait, comme lui, encouru la haine du
reprťsentant par la courageuse rťsistance qu'il opposait ŗ ses volontťs,
lorsque la prťsomptueuse ignorance de Saint-Just prťtendait diriger les
opťrations militaires. (SOULT.)]
[17: Le marťchal Soult complŤte ainsi le rťcit de cette journťe. ęIl
ťtait sept heures du soir. Depuis quelques moments, le combat avait
cessť aux ailes; on le laissa finir au centre sans poursuivre les
ennemis. …puisťs de fatigue et de besoin, les soldats pouvaient ŗ peine
se tenir debout, et ils manquaient aussi de munitions. Il n'y avait
aucune possibilitť de continuer la poursuite, quelques avantages qu'on
eŻt pu recueillir; officiers et soldats, tous s'ťcriaient: ęUn pont d'or
ŗ l'ennemi qui s'en va!Ľ et l'on donna aux troupes un repos
indispensable.
Le lendemain, il n'y eut point de mouvement; il fallait se remettre
d'une pareille journťe et ramasser les dťbris qui couvraient le champ de
bataille. On compta les pertes; les nŰtres s'ťlevŤrent ŗ prŤs de cinq
mille hommes hors de combat, et, par le nombre des morts, on ťvalua
celles de l'ennemi ŗ plus de sept mille hommes; de part et d'autre il
n'y eut que peu de prisonniers. Parmi ceux que nous fÓmes, il se trouva
des FranÁais, faisant partie du rťgiment Royal-Allemand et de celui de
Berching-hussard, auxquels la loi rendue contre les ťmigrťs pris les
armes ŗ la main ťtait applicable. Pas un soldat n'eut la pensťe qu'il
fŻt possible de livrer ŗ l'ťchafaud ceux que nous venions de combattre
face ŗ face. Pendant la nuit, nous leur facilit‚mes les moyens de
s'ťchapper, en nous bornant ŗ leur dire qu'ils fussent ailleurs expier
l'erreur de s'Ítre armťs contre leur patrie; plusieurs revinrent plus
tard se placer dans nos rangs. On a sauvť ainsi dans le cours de la
guerre, un grand nombre de FranÁais qui ťtaient dans le mÍme cas, et ils
ont reÁu parmi nous protection et avancement; beaucoup d'entre eux ont
ainsi obtenu d'Ítre ťliminťs de la liste fatale et de rentrer dans leurs
biens confisquťs. Nous devons croire qu'ils en ont conservť de la
reconnaissance.Ľ]
[18: Ceci est bien confirmť par le rťcit du marťchal Soult: ęDans nos
rangs, l'enthousiasme allait croissant avec le danger; depuis le
commencement de l'action, et pendant toute sa durťe, le cri de
ralliement de l'avant-garde fut toujours: ęPoint de retraite
aujourd'hui, point de retraite!Ľ Aussi, tout ce qui vint se heurter
contre elle fut-il brisť. Environnťe de sanglants dťbris, son camp en
flammes, la plupart de ses canons dťmontťs, ses caissons faisant
explosion ŗ tout moment, des monceaux de cadavres comblant les
retranchements, les attaques les plus vives sans cesse renouvelťes, rien
n'ťtait capable de l'intimider, pas mÍme l'incendie de la campagne qui
nous environnait de toutes parts. Les champs, couverts de blť en
maturitť, avaient ťtť enflammťs par notre feu et par celui de l'ennemi;
on ne savait oý se placer pour l'ťviter; mais nous ťtions bien
dťterminťs ŗ ne sortir que victorieux de ce volcan.Ľ
Le courage des chefs avait, sur plus d'un point, seul pu maintenir les
troupes, comme le montre bien cet autre passage:
ęAvant six heures du matin, les alliťs avaient fait des progrŤs, et les
divisions des Ardennes repassaient la Sambre, dans un complet dťsordre,
aux ponts de Tamine et Ternier, laissant leur gťnťral garder seul, avec
ses officiers et quelques ordonnances, la position qu'elles venaient de
quitter. J'avais ťtť envoyť par le gťnťral Lefebvre, pour m'assurer de
l'ťtat de notre droite, et pourvoir aux dispositions que les
circonstances exigeraient. Je joignis Marceau entre les bois de Lťpinoy
et le hameau du Boulet, au moment oý les ennemis allaient l'entourer. Il
les dťfiait, et dans son dťsespoir, il voulait se faire tuer, pour
effacer la honte de ses troupes. Je l'arrÍtai: ęTu veux mourir, lui
dis-je, et tes soldats se dťshonorent: vas les chercher et reviens
vaincre avec eux! En attendant, nous garderons la position ŗ droite de
Lambusart.--Oui, je t'entends, s'ťcrie Marceau, c'est le chemin de
l'honneur! J'y cours; avant peu je serai ŗ vos cŰtťs. Deux heures aprŤs,
il avait ramenť les plus braves, et il prenait part ŗ nos succŤs.Ľ--Ces
extraits donnent une idťe de la phrasťologie du temps; on employait
volontiers les grands mots dont on se moque aujourd'hui, mais les actes
aussi ťtaient grands, ce que les moqueurs ne doivent pas non plus
oublier.]
[19: Cette image poťtique aurait lieu de surprendre si on ne se
reportait aux chansons populaires d'autrefois oý la mythologie jouait
toujours un grand rŰle.]
[20: Fournitures de casernement.]
[21: On avanÁait l'embrigadement. Cette opťration importante se faisait
avec la plus grande rigiditť; les gťnťraux devaient choisir, sous leur
responsabilitť, parmi les chefs de bataillon, les plus capables pour les
dťsigner comme chefs de brigade. Les instructions des reprťsentants du
peuple portaient: ęLes grades ne sont pas la propriťtť des individus;
ils appartiennent ŗ la Rťpublique, qui a droit de n'en disposer qu'en
faveur de ceux qui sont en ťtat de lui rendre des services.Ľ Trois fois
plus forts qu'avant leur rťunion, les nouveaux corps prťsentaient plus
de rťgularitť dans leur ensemble et plus de confiance en eux-mÍmes.]
[22: …mu par l'audace avec laquelle nos fantassins s'ťtaient jetťs ŗ
l'eau pour forcer le passage de la RoŽr, malgrť le courant de l'eau,
l'encaissement de la riviŤre et les retranchements de la rive opposťe,
l'ennemi battit en retraite sur Cologne.]
[23: Cette victoire de la RoŽr, qui fit honneur au gťnťral Jourdan et ŗ
ses troupes, assura en effet l'ťvacuation complŤte de la Belgique.]
[24: Mais il n'y eut que trente jours de tranchťe ouverte. La garnison
se comporta vaillamment. On trouva dans la place 350 bouches ŗ feu et un
matťriel considťrable.]
[25: Le 29 fťvrier 1795, la Hollande ťtait en effet conquise et le 16
mai suivant, elle signait avec la France un traitť d'alliance qu'elle
observa fidŤlement jusqu'au jour oý Napolťon voulut imposer un roi ŗ la
nation que la Rťpublique avait respectťe.]
[26: Ce traitť ne fut signť que le 5 avril 1795 ŗ B‚le. La Prusse nous
abandonnait alors toutes ses possessions sur la rive gauche du Rhin.]
[27: Le marťchal Soult servait alors comme colonel dans la division de
notre sergent. Il dit aussi: ęNous souffrÓmes beaucoup par le manque de
subsistances, au point qu'on fut obligť de rťduire la ration d'un
tiersĽ. (_Mťmoires_, t. I, p. 200.)]
[28: Dťprťciation inťvitable par suite du cours forcť qui fit tirer de
1790 ŗ 1796, pour _quarante-cinq milliards_ d'assignats. On sait que les
vingt-quatre milliards encore en circulation lors de la liquidation
dťfinitive furent ťchangťs contre _huit cent millions_ de biens
nationaux.]
[29: Voir la note du 7 germinal.]
[30: Dans ses _Mťmoires_ (tome I, page 287), le marťchal Soult accuse
Pichegru ęd'avoir laissť ses troupes ŗ l'abandon, nťgligťes et en proie
ŗ toutes sortes de privations pour mieux favoriser l'exťcution du plan
de trahison le plus odieux.Ľ Il espťrait ainsi dťsorganiser l'armťe. En
une autre occasion, Soult parle aussi des pommes de terre et en des
termes fort curieux:
ęL'armťe n'avait d'autre ressource pour vivre, que les pommes de terre
que l'on trouvait dans les champs. ņ chaque halte, ŗ peine les faisceaux
ťtaient-ils formťs, que les soldats se dispersaient dans les environs
pour aller dťterrer les pommes de terre. Un champ ťtait bientŰt rťcoltť,
et le repas ťtait bientŰt prťparť au feu du bivouac. Le silence durait
tant que durait cette importante occupation: mais elle ne durait pas
longtemps et les provisions ťtaient ťpuisťes avant que la faim fŻt
apaisťe. L'inťpuisable gaietť du soldat franÁais revenait alors. Ne
doutant de rien, parlant de tout, lanÁant des saillies originales et
souvent mÍme instructives, tel est le soldat franÁais. Un soir, en
parlant politique et des nouvelles de Paris, le propos ťtait tombť sur
les grands hommes qu'on avait fait entrer au Panthťon ou qu'on en avait
successivement fait sortir, suivant l'esprit du jour et l'influence du
parti rťgnant. ęQui va-t-on y mettre aujourd'hui? demanda quelqu'un.
Parbleu, rťpondit son voisin, une pomme de terre.Ľ Et tout le monde
d'applaudir ŗ cette saillie, qui avait plus de portťe que l'intention de
son auteur n'avait probablement voulu lui donner.Ľ (SOULT.)]
[31: Le tambour battait comme d'habitude la distribution ŗ l'heure dite,
mais cette distribution se rťduisait souvent ŗ rien ou ŗ peu de chose.]
[32: Cette adresse vigoureuse sous sa forme ampoulťe, faisait allusion ŗ
la _journťe du 1er prairial_ (20 mai 1795) qui avait vu la populace des
faubourgs de Paris envahir la Convention nationale en tuant le dťputť
Feraud, aux cris de _du pain! la libertť des patriotes! la Constitution
de 1793_! Quatorze dťputťs Jacobins payŤrent de leurs tÍtes cette
insurrection, et, trois mois aprŤs, les clubs et sociťtťs populaires
ťtaient dissous. Chaque insurrection parisienne plaÁait nos gťnťraux
dans une situation difficile, comme le montre cette lettre du chef qui
commandait alors l'armťe de Rhin et Moselle; elle est conÁue en termes
vraiment patriotiques:
ę_Le gťnťral en chef Jourdan au gťnťral de division Hatry_.
ęAndernach, le 7 prairial an III.
ęJe suis instruit, mon camarade, qu'il y a eu, le premier de ce
mois, une insurrection ŗ Paris, et que le peuple a occupť la salle
de la Convention presqu'ŗ onze heures du soir. Il paraÓt cependant
qu'ŗ cette heure la Convention a repris le cours de ses sťances. Il
faut que l'armťe agisse dans cette circonstance comme elle a agi
toutes les fois que de pareils ťvťnements ont eu lieu.
C'est-ŗ-dire, qu'ťtant placťe sur la frontiŤre pour combattre les
ennemis du dehors, elle ne s'occupe point de ce qui se passe dans
l'intťrieur et qu'elle ait toujours la confiance de croire que les
bons citoyens qui y sont, parviendront ŗ faire taire les royalistes
et les anarchistes.
ęNous avons jurť de vivre libres et rťpublicains, et nous
maintiendrons notre serment, ou nous mourrons les armes ŗ la main.
Nous avons jurť de combattre les ennemis du dehors, tant que la
paix ne sera pas faite. Nous tiendrons pareillement notre serment,
nous resterons ŗ notre poste, et nous combattrons avec autant de
valeur que la campagne derniŤre. Je suis persuadť que tels sont vos
sentiments et ceux des troupes que vous commandez. Mais comme il
est essentiel d'empÍcher que des malintentionnťs viennent rťpandre
de f‚cheuses nouvelles dans l'armťe, comme il est essentiel de
redoubler de surveillance, afin que l'ennemi ne puisse pas profiter
du malheur de nos querelles intestines, il faut redoubler de zŤle
et d'activitť, il faut que les militaires de tout grade soient
toujours ŗ leur poste, que le service des avant postes se fasse
avec plus de surveillance que jamais, et que vous veillez ŗ ce que
les convois qui passeront dans l'arrondissement que vous commandez,
soient bien escortťs. J'espŤre que l'attitude de l'armťe en
imposera ŗ tous les ennemis de la Rťpublique.
ęJe vous communiquerai journellement les suites des ťvťnements, et
vous aurez ŗ me faire part exactement des observations que vous
ferez sur ce qui se passera dans les troupes que vous
commandez.--Salut et fraternitť.
ęJOURDAN.Ľ]
[33: _C'est-ŗ-dire_ du Palatinat.]
[34: La division Poncet, dont notre sergent faisait partie, devait avec
la division Marceau, rester en observation sur la rive gauche du Rhin.]
[35: Le 19 janvier 1793, les Autrichiens et non les Prussiens avaient en
effet ťvacuť le fort en faisant sauter les fortifications. C'est aprŤs
la levťe du blocus que le duc de Brunswick ťcrivit au roi de Prusse
cette lettre fameuse par laquelle il demandait son rappel en disant:
ęLorsqu'une grande nation, telle que la nation franÁaise, est conduite
aux grandes actions par la terreur des supplices et par l'enthousiasme,
une mÍme volontť devrait prťsider ŗ la _dťmarche_ des puissances
coalisťes.Ľ]
[36: Le 23 thermidor de l'an IV doit concorder avec le 9 aoŻt 1795, et
la fÍte de la Fťdťration ťtait cťlťbrťe le 14 juillet. Il paraÓt y avoir
une erreur de date.]
[37: Rien de plus capricieux que l'uniforme des armťes de la Rťpublique
rťduites ŗ tout improviser avec les seules ressources des pays qu'elles
traversaient. ņ une ťpoque bien rapprochťe, du reste, au siŤge de Paris
en 1870, nous avons revu un bataillon mobilisť vÍtu de capotes marron.]
[38: On sait que l'annťe rťpublicaine, composťe de douze mois ťgaux de
trente jours, avait cinq jours dits _complťmentaires_ pour les annťes
ordinaires et six pour les annťes bissextiles.]
[39: 23 septembre 1796.]
[40: C'ťtait avant 1777, l'ťlecteur palatin du Rhin. Ce fut ensuite le
duc de BaviŤre.]
[41: Une attaque du marťchal Clairfayt dťterminait en ce moment la
retraite de l'armťe de Rhin-et-Moselle, placťe par Pichegru dans des
positions intenables, et la place de Mannheim, abandonnťe ŗ elle-mÍme,
se rendait quelques jours aprŤs. Les lignes devant Mayence ťtaient
forcťes.]
[42: Elle ťtait double de la nŰtre qui avait vu une de ses quatre
divisions ťcrasťe. Les trois autres se retirŤrent avec peine en perdant
presque toute leur artillerie.]
[43: Un armistice fut conclu quelques jours aprŤs fort ŗ propos pour
l'armťe du Rhin-et-Moselle, trŤs rťduite en hommes et en chevaux.]
[44: En sept semaines, l'armťe d'Italie avait conquis le Piťmont, dictť
la paix ŗ la cour de Turin, occupť Vťrone et Milan, investi Mantoue.
Dťconcertťe, l'Autriche prit Wurmser et 56,000 hommes sur le Rhin, pour
les opposer ŗ Bonaparte, et nous allons voir l'armťe de Rhin-et-Moselle
en profiter pour reprendre l'offensive.]
[45: Pour mieux surprendre encore, Moreau faisait exťcuter deux fausses
attaques sur Spire et Mannheim. Pendant ce temps son aile droite, portťe
rapidement sur Strasbourg, passait heureusement le Rhin ŗ la date du 24
juin 1796, sur un pont de bateaux prťparť dans le plus grand secret.]
[46: Milanais d'origine et capitaine au service autrichien, Fťrino ťtait
venu offrir ses services ŗ la Rťvolution franÁaise qui le fit
lieutenant-colonel et gťnťral en 1792, gťnťral de division en 1793.
L'empire le fit comte et sťnateur; sa division comprenait au moment qui
nous occupe, vingt-trois bataillons et dix-sept escadrons.]
[47: L'artillerie comptait en effet trente et une piŤces, et les sacs de
grains ťtaient au nombre de quarante mille.]
[48: Ce n'ťtait pas un corps d'ťmigrťs, mais six escadrons autrichiens
dťtachťs par le gťnťral Froelich.]
[49: Voir la note 38.]
[50: ęCette retraite est devenue cťlŤbre; cependant il faut convenir
qu'elle ťtait loin d'offrir les mÍmes difficultťs que le retraite de
l'armťe de Sambre-et-Meuse, avec laquelle Moreau eu mieux fait d'opťrer
sa jonction.Ľ (SOULT.)]
[51: Voir la note 53 (siŤge de Kehl.)]
[52: Il s'agit ici du _craquelin_, petit g‚teau ayant effectivement
cette forme.]
[53: Rien n'est exagťrť dans ce compte rendu de la situation. ęVoulant
rester ŗ portťe de l'Alsace pour profiter des intrigues que Pichegru
continuait ŗ ourdir, et pour lesquelles il ťtait mÍme revenu en personne
ŗ Strasbourg, les Autrichiens commencŤrent par le siŤge de Kehl.
Quelques travaux y avaient ťtť faits pendant la campagne, et un camp
retranchť avait ťtť ťtabli en avant, mais tous ces ouvrages ťtaient
simplement en terre et paraissaient peu susceptibles de tenir longtemps
contre une attaque rťguliŤre. Nťanmoins, la dťfense fut telle qu'elle
rťsista ŗ _quarante-sept jours_ de tranchťe ouverte, pour ne laisser ŗ
l'ennemi que des monceaux de terre bouleversťe. Il en fut de mÍme ŗ la
tÍte du pont de Huningue dont les ouvrages ťtaient plus petits encore,
et qui, attaquťe depuis les premiers jours de novembre, ne fut ťvacuťe
que le 2 fťvrier suivant. Ces deux dťfenses mťmorables ont ťtť dťcrites
dans des ouvrages spťciaux. (SOULT.)--Voir le nį III de notre
Supplťment.]
[54: Les gťnťraux blessťs furent au nombre de trois: Desaix, Duhesme et
Jordy. Tous avaient payť de leur personne pour doubler l'ťlan des
troupes dans ces deux belles journťes. Arrivť de Paris la veille, le
gťnťral en chef s'ťtait jetť dans l'eau jusqu'ŗ la ceinture pour aider,
en tirant sur des cordages avec Desaix et son ťtat-major, ŗ dťgager un
bateau engravť. Duhesme avait eu la main percťe d'une balle en battant
sur une caisse de tambour avec le pommeau de son sabre pour ramener un
bataillon ŗ la charge.]
[55: Le seul gťnťral O'Reilli avait ťtť fait prisonnier, mais le gťnťral
Staray avait ťtť tuť, ce qui explique l'exagťration apparente du
chiffre.]
[56: Le fort fut enlevť par quelques dragons du 17e rťgiment qui
passŤrent le Kintzig; on ťtait en train de le reconstruire sur un
nouveau tracť.]
[57: Les intelligences de Pichegru avec l'ennemi avaient commencť en
1795, et ses fausses manoeuvres prťmťditťes compromirent alors l'armťe de
Jourdan. Dťportť en 1797, il s'ťvada pour s'allier ouvertement aux
ennemis de la patrie, et revenir mourir honteusement ŗ Paris. Le prix
stipulť pour sa trahison comprenait une infinitť d'articles: le
gouvernement d'Alsace, le grade de marťchal, deux grands cordons, douze
canons, le ch‚teau de Chambord, la terre d'Arbois, un million d'argent
et deux cent mille livres de rentes. En attendant la rťalisation de ces
promesses, le ministre anglais de Suisse lui faisait passer des
subsides. Moreau, auquel on avait apportť la preuve ťcrite de ce pacte,
fut accusť de l'avoir divulguť trop tard.]
[58: Le marťchal Soult dit beaucoup en peu de lignes sur les causes
possibles de la mort trop subite de Hoche: ęCependant, l'esprit
rťpublicain ťtait encore trŤs vif dans les rangs de l'armťe; aussi,
quand la lutte fut engagťe entre la majoritť des conseils et celle du
Directoire, celle-ci appela l'armťe ŗ son secours. On donna le mauvais
exemple de faire faire des adresses par des corps de troupe. Le gťnťral
Hoche fut ŗ Paris, et l'on fit avancer deux divisions de Sambre-et-Meuse
dans les environs de la capitale, sous le prťtexte de les envoyer sur
les cŰtes de l'Ocťan. Ce mouvement eut lieu ŗ l'insu du directeur Carnot
et du ministre de la guerre lui-mÍme, du moins ce dernier en fit la
dťclaration. Le gťnťral Bonaparte fut plus circonspect que le gťnťral
Hoche; il se borna ŗ envoyer ŗ Paris le gťnťral Augereau, qui fit le
coup de main du 18 fructidor. Quant au gťnťral Hoche, il s'aperÁut
probablement au dernier moment, qu'il ne jouerait pas dans le coup
d'…tat projetť le rŰle qu'il croyait devoir lui revenir et qu'il y
serait associť ŗ des hommes avec lesquels il ne pouvait lui convenir
d'Ítre confondu. Il se h‚ta donc de rejoindre son armťe, mais ŗ peine
ťtait-il arrivť ŗ son quartier gťnťral de Wetzlar, qu'une courte
maladie, dont la nature parut assez extraordinaire, l'emporta, le 19
septembre (troisiŤme jour complťmentaire). Des bruits d'empoisonnement
circulŤrent d'abord: les soupÁons se fondaient sur ce que le gťnťral
Hoche ťtait vraisemblablement dťpositaire de secrets importants, et
qu'il devait y avoir des personnes intťressťes ŗ ce qu'il cess‚t de leur
porter ombrage par sa supťrioritť et l'ascendant qu'il exerÁait sur son
armťe, voisine de la France. On ne peut pas admettre lťgŤrement des
soupÁons d'une nature aussi grave, et il est plus que probable qu'ils
n'avaient rien de fondť, cependant ils n'ont jamais ťtť ťclaircis. Quoi
qu'il en soit, les plus sincŤres regrets l'accompagnŤrent au tombeau et,
pour en perpťtuer le souvenir, l'armťe fit ťlever un monument dans la
plaine entre Coblentz et Andernach, oý son corps fut dťposť.
ęLe gťnťral Hoche possťdait les qualitťs qui constituent le grand
capitaine, et il les faisait ressortir par les dons extťrieurs les plus
sťduisants. Son port noble et majestueux, sa physionomie ouverte et
prťvenante, attiraient la confiance ŗ la premiŤre vue, comme sur les
champs de bataille, toute son attitude commandait l'admiration. Un coup
d'oeil prompt et sŻr, un caractŤre entreprenant qu'aucune difficultť
n'ťtait capable d'arrÍter, des sentiments trŤs ťlevťs, et en mÍme temps,
une grande bontť, une sollicitude constante pour le soldat: il n'en
fallait pas tant pour que l'armťe aim‚t en lui un chef qui avait
toujours ťtť heureux, et qui avait la gloire d'avoir pacifiť la Vendťe.
On lui a reprochť l'ambition. Il n'avait que trente ans, lorsque la mort
l'enleva ŗ la France; ŗ cet ‚ge, ŗ la tÍte d'une armťe, avec la
rťputation dont il jouissait et le sentiment qu'il avait de sa propre
valeur, il ťtait bien difficile de se prťserver de l'ambition, surtout
lorsqu'il voyait s'ťlever ŗ ses cŰtťs des rťputations qu'il se croyait
capable d'ťgaler. Aussi je crois que si Hoche eŻt vťcu, il eŻt prťvenu
le 18 brumaire, ou du moins qu'il eŻt pris le rŰle de Pompťe, lorsque le
nouveau Cťsar vint s'emparer du pouvoir suprÍme.]
[59: C'est effectivement ŗ cette date que fut signť le traitť de
Campo-Formio.]
[60: Une entrťe des troupes franÁaises ŗ Zurich avait ťtť prťcťdťe d'une
proclamation qui promettait que rien ne serait demandť pour l'entretien
des troupes, dont la solde et les subsides ťtaient, disait-elle, assurťs
par les convois de France. Une fois en ville, il fallut cependant faire
des demandes de vivres; elles furent justifiťes par l'excuse que les
convois ťtaient malheureusement en retard; on fit la promesse de les
rendre en nature, ŗ l'arrivťe des convois, ou de les rembourser avec les
premiers fonds que le Directoire enverrait. L'agent du Directoire
sanctionnait par sa prťsence cet engagement. Quelques jours aprŤs, un
arrÍtť impose ŗ la ville de Zurich une contribution extraordinaire de
guerre payable dans un trŤs court dťlai: l'abus de la force ťtait la
seule raison ŗ donner d'un pareil manque de foi. Une dťputation de
notables se rend auprŤs du gťnťral commandant, pour lui faire des
reprťsentations. Le gťnťral ťtait d'autant plus embarrassť de rťpondre
qu'il n'ťtait lui-mÍme pas coupable; il n'avait agi que d'aprŤs des
ordres. Il cherchait comme la premiŤre fois, ŗ trouver des excuses dans
le retard des convois attendus de France, dans les besoins pressants de
l'armťe, lorsque l'orateur de la dťputation le tira d'embarras:
ęGťnťral, lui dit-il, nous ne sommes pas venus pour vous reprocher
d'avoir oubliť vos engagements que sans doute on vous a obligť ŗ violer,
ni pour nous plaindre que la contribution soit trop forte, mais pour
vous dire, au contraire,_ que nous pouvons payer davantage, et pour vous
prier de nous le demander_.Ľ
Puis, lui saisissant vivement la main: ę_Quand vous nous aurez pris_,
ajouta-t-il, _des richesses qui ont aguerri votre courage et dont nos
ancÍtres savaient se passer, nous reviendrons dignes d'eux, nous
reviendrons Suisses_.Ľ
Nous donnons d'aprŤs les _Mťmoires_ du marťchal Soult (comme toujours)
ce beau trait qui est ŗ mťditer en tout temps et en tous pays.]
[61: Il a une longueur de 1800 pieds.]
[62: ņ l'armťe, la prison est ainsi nommťe parce qu'on n'y laisse pas
pťnťtrer le jour.]
[63: Le 16 germinal correspond au 5 avril 1799. Le marťchal Soult rťsume
ainsi cette suite de revers due ŗ l'incapacitť du gťnťral Scherer: ęLe
gťnťral Scherer partait des places de Mantoue et de Peschiara, sur la
ligne du Mincio: il commenÁa ses opťrations, le 26 mars, pour forcer la
ligne de l'Adige. Il opťrait aux trois colonnes: celle de gauche,
commandťe par le gťnťral Moreau, avanÁait. Elle passa l'Adige au-dessus
de Vťrone, coupant la droite de l'armťe autrichienne, et elle ťtait ŗ
mÍme de poursuivre ses succŤs vers Vienne si elle avait ťtť soutenue;
mais les autres divisions du centre et de la droite, que le gťnťral
Scherer commandait en personne, se firent battre par l'ennemi.
Cependant, le succŤs que venait de remporter le gťnťral Moreau suffisait
pour que le restant de l'armťe pŻt s'appuyer sur lui, le rejoindre,
marcher sur Vienne, rejeter les Autrichiens sur la Brenta et les sťparer
des places de Vťrone et de Legnago. Le gťnťral Moreau donnait ce conseil
au gťnťral Scherer; mais, au lieu de le suivre, celui-ci eut la
singuliŤre idťe de rappeler le gťnťral Moreau sur la rive droite de
l'Adige, pour recommencer par sa droite la mÍme opťration, quatre jours
aprŤs. Cette fois la leÁon fut plus sťvŤre: on y perdit une partie de la
division Serurier, qu'une nuit de faux mouvements compromit sur la rive
gauche de l'Adige, et qui, entourťe par des forces supťrieures, finit
par Ítre accablťe.
ęEnfin une troisiŤme tentative, faite le 6 avril, fut encore moins
heureuse. Malgrť des succŤs, d'abord remportťs au centre par le gťnťral
Moreau, la droite de l'armťe fut tournťe, ŗ la fin de la journťe, par
une manoeuvre habile du gťnťral Kray. Il y avait tant d'incohťrence dans
tous les mouvements, que cet ťchec ne put Ítre rťparť: le dťsordre vint
s'y joindre et l'armťe entiŤre prťcipita sa retraite, non pas seulement
derriŤre le Mincio oý le gťnťral Scherer aurait pu tenir, ŗ l'appui des
places de Peschiera et de Mantoue, mais derriŤre l'Adda.
ęLa journťe de Magnano dťcida du sort de l'Italie. Dix jours avaient
suffi pour rťduire l'armťe ŗ moins de trente mille combattants, pendant
que d'un autre cŰtť, toutes les troupes ťparpillťes depuis le PŰ jusqu'ŗ
Naples, ťtaient non seulement trop ťloignťes pour lui amener des
renforts en temps utile, mais se trouvaient elles-mÍmes de jour en jour
plus compromises. En mÍme temps l'armťe ennemie avait remplacť toutes
ses pertes et elle acquťrait une supťrioritť de plus en plus grande par
les renforts qu'elle recevait ŗ tout instant; elle ťtait, en outre, ŗ la
veille d'Ítre rejointe par l'armťe russe, qui arriva sur l'Adige, le 15
avril.
ęL'exaspťration de l'armťe dont le courage avait ťtť si mal employť
ťtait au comble, et elle eŻt produit des actes d'indiscipline et de
dťsobťissance, si le gťnťral Scherer fŻt restť. Il le comprit, il partit
pour Milan sous prťtexte de diriger les levťes extraordinaires qu'on y
faisait, et ne revint plus. Il avait remis, avant son dťpart, le
commandement au gťnťral Moreau.Ľ]
[64: L'armťe russe avait fait sa jonction.]
[65: Il s'agit ici du passage de l'Adda sur la droite de l'armťe de
Berthier qui s'ťtait portťe vers le point oriental du lac de CŰme, et
qui isola la division Serrurier du restant de l'armťe. L'attaque
gťnťrale de l'ennemi triompha sur les autres points, et l'armťe
franÁaise se vit rťduite ŗ la retraite aprŤs avoir perdu le tiers de son
effectif et une centaine de canons.]
[66: Comme complťment de cette invocation, voir la priŤre ŗ la fin du
journal.]
[67: ęLe tableau de la situation de GÍnes dans les derniers jours du
siŤge a dťjŗ ťtť tracť tant de fois et est devenu si cťlŤbre, dit le
marťchal Soult, que je puis me borner ici ŗ le rappeler. Les horreurs de
la faim, dans une ville de cent soixante mille ‚mes, dťpassent tout ce
que l'imagination peut se reprťsenter de plus hideux. On avait dťvorť
tous les animaux jusqu'aux chiens et aux rats; on fabriquait, sous le
nom de pain, une composition d'amandes, de grains de lin, de son et de
cacao, qu'on a comparťe ŗ de la tourbe imbibťe d'huile, et que les
chiens mÍmes ne pouvaient pas supporter; la ration consistait en deux
onces de cet affreux mťlange. Enfin, le 15 prairial (le 4 juin), il n'en
restait plus une once pour chacun; il ne restait plus quoi que ce fŻt,
qui pŻt Ítre mangť, pas mÍme la nourriture la plus immonde. Il n'en
restait pas plus pour l'armťe que pour les habitants qui, tous les
jours, mouraient par centaines. L'armťe, si on pouvait encore lui donner
ce nom, ne comptait pas trois mille hommes en ťtat de tenir un fusil,
car leur faire faire le moindre mouvement, ťtait absolument impossible;
les sentinelles ne pouvaient faire leur faction qu'assises. Le
lendemain, elles n'auraient pas pu le faire, tous soldats et habitants,
seraient morts d'inanition.
ęCe fut ce jour-lŗ seulement que le gťnťral Massťna consentit ŗ ťcouter
les propositions qui lui ťtaient faites depuis plusieurs jours par les
gťnťraux ennemis, dans les termes les plus honorables. La confťrence
entre le gťnťral Massťna, les gťnťraux autrichiens Ott et Saint-Julien
et l'amiral Keith commandant l'escadre anglaise, se tint au milieu du
pont de Cornigliano, sur le Bisague, et le gťnťral Massťna y apporta
toute la fermetť de son caractŤre. Il commenÁa par ne pas vouloir
admettre l'emploi du mot de _capitulation_, et la seule expression ŗ
laquelle il consentit, fut celle de _nťgociation pour l'ťvacuation de
GÍnes_. L'armťe sortit librement de GÍnes avec armes et bagages, pour
rentrer en France, sans engager sa parole: huit mille hommes prendraient
la route de terre; le surplus, ainsi que les hŰpitaux, le matťriel et
tout ce qui appartenait ŗ l'armťe, serait transportť par mer ŗ Antibes.
Cette clause de la marche, par terre, de huit mille hommes, fut sur le
point de faire rompre la nťgociation. Le gťnťral Ott ne voulait pas y
consentir, afin de retarder la rťunion de cette colonne ŗ l'armťe
franÁaise. Le gťnťral Massťna rompit la confťrence: ęņ demain,
messieurs,Ľ leur dit-il. Cependant, il savait bien qu'il serait hors
d'ťtat d'accomplir sa menace. Cette fermetť rťussit, mais le gťnťral
Massťna ťtait surtout secondť par les ordres pressants que le gťnťral
Ott venait de recevoir du gťnťral Mťlas, et qui lui prescrivait de ne
pas perdre un instant pour lever le siŤge et pour conduire son corps
d'armťe ŗ Alexandrie.Ľ]
[68: Bibl. Nat. Estampes OA, 105 O.]
End of the Project Gutenberg EBook of Journal de marche du sergent Fricasse
de la 127e demi-brigade : 1792-1802, by Jacques Fricasse
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Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 - avec les uniformes des armées de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle. Fac-similés dessinés par P. Sellier d'après les gravures allemandes du temps
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127e demi-brigade : 1792-1802, by Jacques Fricasse
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avec les uniformes des...
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Book Information
- Title
- Journal de marche du sergent Fricasse de la 127e demi-brigade : 1792-1802 - avec les uniformes des armées de Sambre-et-Meuse et Rhin-et-Moselle. Fac-similés dessinés par P. Sellier d'après les gravures allemandes du temps
- Author(s)
- Fricasse, Jacques
- Language
- French
- Type
- Text
- Release Date
- April 14, 2010
- Word Count
- 62,592 words
- Library of Congress Classification
- DC
- Bookshelves
- FR Guerres, Browsing: History - European, Browsing: History - General, Browsing: History - Warfare
- Rights
- Public domain in the USA.
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