Project Gutenberg's Henri III et sa Cour, by Alexandre Dumas (Pčre)
#9 in our series by Alexandre Dumas [Pčre/Father]
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Title: Henri III et sa Cour
Author: Alexandre Dumas (Pčre)
Release Date: July 1, 2007 [EBook #2682]
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Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK HENRI III ET SA COUR ***
Text entered by Penelope Papangelis
Proofread by Maurice M. Mizrahi
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Henri III et sa cour
par
Alexandre Dumas (Pčre)
PERSONNAGES
HENRI III, roi de France
CATHERINE DE MEDICIS, reine mčre
HENRI DE LORRAINE, DUC DE GUISE
CATHERINE DE CLEVES, DUCHESSE DE GUISE
PAUL ESTUERT, COMTE DE SAINT-MEGRIN
NOGARET DE LA VALETTE, BARON D'EPERNON; ANNE D'ARQUES,
VICOMTE DE JOYEUSE (favoris du roi)
SAINT-LUC
BUSSY D'AMBOISE, favori du duc d'Anjou
BALZAC D'ENTRAGUES, plus souvent appelé ANTRAGUET
COME RUGGIERI, astrologue
SAINT-PAUL, aide de camp du duc de Guise
ARTHUR, page de madame la duchesse de Guise
BRIGARD, boutiquier
BUSSY-LECLERC, procureur; LA CHAPELLE-MARTEAU, maître
des comptes; CRUCE (ligueurs)
DU HALDE
GEORGES, domestique de Saint-Mégrin
MADAME DE COSSE; MARIE (femmes de madame la duchesse de Guise)
Un Page d'Antraguet
ACTE PREMIER
Un grand cabinet de travail chez Côme Ruggieri; quelques instruments
de physique et de chimie; une fenętre entr'ouverte au fond de
l'appartement, avec un téléscope.
SCENE PREMIERE
RUGGIERI, puis CATHERINE DE MEDICIS
RUGGIERI, appuyé sur son coude, un livre d'astrologie ouvert devant
lui; il y mesure des figures avec un compas; une lampe posée sur une
table, ŕ droite, éclaire la scčne.
Oui!...cette conjuration me paraît plus puissante et plus sűre.
(Regardant un sablier) Neuf heures bientôt...Qu'il me tarde d'ętre ŕ
minuit pour en faire l'épreuve? Réussirai-je enfin? parviendrai-je ŕ
évoquer un de ces génies que l'homme, dit-on, peut contraindre ŕ lui
obéir, quoiqu'ils soient plus puissants que lui?...Mais, si la chaîne
des ętres créés se brisait ŕ l'homme!...(Catherine de Médicis entre
par une porte secrčte; elle ôte son demi-masque noir, tandis que
Ruggieri ouvre une autre volume, paraît comparer, et s'écrie:) Le
doute partout!...
CATHERINE
Mon pčre...(Le touchant) Mon pčre!...
RUGGIERI
Qui?...Ah! Votre Majesté!...Comment, si tard, ŕ neuf heures du soir,
vous hasarder dans cette rue de Grenelle, si déserte et si
dangereuse!
CATHERINE
Je ne viens point du Louvre, mon pčre; je viens de l'hôtel de
Soissons, qui communique avec votre retraite par ce passage secret.
RUGGIERI
J'étais loin de m'attendre ŕ l'honneur...
CATHERINE
Pardon, Ruggieri, si j'interromps vos doctes travaux; en toute autre
circonstance, je vous demanderais la permission d'y prendre
part...Mais ce soir...
RUGGIERI
Quelque malheur?
CATHERINE
Non; tous les malheurs sont encore dans l'avenir. Vous-męme avez
tiré l'horoscope de ce mois de juillet, et le résultat de vos calculs
a été qu'aucun malheur réel ne menaçait notre personne, ni celle de
notre auguste fils, pendant sa durée...Nous sommes aujourd'hui au 20,
et rien n'a démenti votre prédiction. Avec l'aide de Dieu, elle
s'accomplira tout entičre.
RUGGIERI
C'est donc un nouvel horoscope que vous désirez, ma fille? Si vous
voulez monter avec moi ŕ la tour, vos connaissances en astronomie
sont assez grandes pour que vous puissiez suivre mes opérations et
les comprendre. Les constellations sont brillantes.
CATHERINE
Non, Ruggieri; c'est sur la terre que mes yeux sont fixés maintenant.
Autour du soleil de la royauté se meuvent aussi des astres brillants
et funestes; ce sont ceux-lŕ qu'avec votre aide, mon pčre, je compte
parvenir ŕ conjurer.
RUGGIERI
Commandez, ma fille; je suis pręt ŕ vous obéir.
CATHERINE
Oui,...vous m'ętes tout dévoué...Mais aussi ma protection, quoique
ignorée de tous, ne vous est pas inutile...Votre réputation vous a
fait bien des ennemis, mon pčre...
RUGGIERI
Je le sais.
CATHERINE
La Mole, en expirant, a avoué que les figures de cire ŕ la
ressemblance du roi, que l'on a trouvées sur l'autel, percées d'un
poignard ŕ la place du coeur, avaient été fournies par vous; et
peut-ętre les męmes juges qui l'ont condamné trouveraient-ils, sous
les cendres chaudes encore de son bűcher, assez de feu pour allumer
celui de Côme Ruggieri.
RUGGIERI, avec crainte
Je le sais,...je le sais.
CATHERINE
Ne l'oubliez pas...Restez moi fidčle...et, tant que le ciel laissera
ŕ Catherine de Médicis existence et pouvoir, ne craignez rien.
Aidez-la donc ŕ conserver l'un et l'autre.
RUGGIERI
Que puis-je faire pour Votre Majesté?
CATHERINE
D'abord, mon pčre, avez-vous signé la Ligue, comme je vous avais
écrit de le faire?
RUGGIERI
Oui, ma fille; la premičre réunion des ligueurs doit męme avoir lieu
ici; car nul d'entre eux ne soupçonne la haute protection dont
m'honore Votre Majesté...Vous voyez que je vous ai comprise et que
j'ai été au delŕ de vos ordres.
CATHERINE
Et vous avez compris aussi que l'écho de leurs paroles devait
retentir dans mon cabinet, et non dans celui du roi?
RUGGIERI
Oui, oui...
CATHERINE
Et maintenant, mon pčre, écoutez...Votre profonde retraite, vos
travaux scientifiques, vous laissent peu de temps pour suivre les
intrigues de la cour...Et, d'ailleurs, vos yeux, habitués ŕ lire dans
un ciel pur, perceraient mal l'atmosphčre épaisse et trompeuse qui
l'environne.
RUGGIERI
Pardon, ma fille!...les bruits du monde arrivent parfois jusqu'ici:
je sais que le roi de Navarre et le duc d'Anjou ont fui la cour et se
sont retirés, l'un dans son royaume, l'autre dans son gouvernement.
CATHERINE
Qu'ils y restent; ils m'inquičtent moins en province qu'ŕ Paris... Le
caractčre franc du Béarnais, le caractčre irrésolu du duc d'Anjou, ne
nous menacent point de grands dangers; c'est plus prčs de nous que
sont nos ennemis...Vous avez entendu parler du duel sanglant qui a eu
lieu, le 27 avril dernier, prčs la porte Saint-Antoine, entre six
jeunes gens de la cour; parmi les quatre qui ont été tués, trois
étaient les favoris du roi.
RUGGIERI
J'ai su sa douleur; j'ai vu les magnifiques tombeaux qu'il a fait
élever ŕ Quélus, Schomberg et Maugiron; car il leur portait une
grande amitié...Il avait promis, assure-t-on, cent mille livres aux
chirurgiens, en cas que Quélus vînt en convalescence...Mais que
pouvait la science de la terre contre les dix-neuf coups d'épée qu'il
avait reçus?...Antraguet, son meurtrier, a du moins été puni par
l'exil...
CATHERINE
Oui, mon pčre...Mais cette douleur s'apaise d'autant plus vite,
qu'elle a été exagérée. Quélus, Schomberg et Maugiron ont été
remplacés par d'Epernon, Joyeuse et Saint-Mégrin. Antraguet
reparaîtra demain ŕ la cour; le duc de Guise l'exige, et Henri n'a
rien ŕ refuser ŕ son cousin de Guise. Saint-Mégrin et lui sont mes
ennemis. Ce jeune gentilhomme bordelais m'inquičte. Plus instruit,
moins frivole surtout que Joyeuse et d'Epernon, il a pris sur
l'esprit de Henri un ascendant qui m'effraye...Mon pčre, il en ferait
un roi.
RUGGIERI
Et le duc de Guise?
CATHERINE
En ferait un moine, lui...Je ne veux ni l'un ni l'autre...Il me faut
un peu plus qu'un enfant, un peu moins qu'un homme...Aurais-je donc
abâtardi son coeur ŕ force de voluptés, éteint sa raison par des
pratiques superstitieuses, pour qu'un autre que moi s'emparât de son
esprit et le dirigeât ŕ son gré?...Non; je lui ai donné un caractčre
factice, pour que ce caractčre m'appartînt...Tous les calculs de ma
politique, toutes les ressources de mon imagination ont tendu lŕ...Il
fallait rester régente de la France, quoique la France eűt un roi; il
fallait qu'on pűt dire un jour: «Henri III a regné sous Catherine de
Médicis...» J'y ai réussi jusqu'ŕ présent...Mais ces deux hommes!...
RUGGIERI
Eh bien, René, votre valet de chambre, ne peut-il préparer pour eux
des pommes de senteur, pareilles ŕ celles que vous envoyâtes ŕ Jeanne
d'Albret, deux heures avant sa mort?...
CATHERINE
Non...Ils me sont nécessaires: ils entretiennent dans l'âme du roi
cette irrésolution qui fait ma force. Je n'ai besoin que de jeter
d'autres passions au travers de leurs projets politiques, pour les en
distraire un instant; alors je me fais jour entre eux; j'arrive au
roi, que j'aurai isolé avec sa faiblesse, et je ressaisis ma
puissance...J'ai trouvé un moyen. Le jeune Saint-Mégrin est amoureux
de la duchesse de Guise.
RUGGIERI
Et celle-ci?...
CATHERINE
L'aime aussi, mais sans se l'avouer encore ŕ elle-męme,
peut-ętre...Elle est esclave de sa réputation de vertu...Ils en sont
ŕ ce point oů il ne faut qu'une occasion, une rencontre, un
tęte-ŕ-tęte, pour que l'intrigue se noue; elle-męme craint sa
faiblesse, car elle le fuit...Mon pčre, ils se verront aujourd'hui;
ils se verront seuls.
RUGGIERI
Oů se verront-ils?
CATHERINE
Ici...Hier, au cercle, j'ai entendu Joyeuse et d'Epernon lier, avec
Saint-Mégrin, la partie de venir faire tirer leur horoscope par
vous...Dites aux deux premiers ce que bon vous semblera sur leur
fortune future, que le roi veut porter ŕ son comble, puisqu'il compte
en faire ses beaux-frčres...Mais trouvez le moyen d'éloigner ces
jeunes fous...Restez seul avec Saint-Mégrin; arrachez-lui l'aveu de
son amour; exaltez sa passion; dites-lui qu'il est aimé, que grâce ŕ
votre art, vous pouvez le servir; offrez-lui un tęte-ŕ-tęte.
(Montrant une alcôve cachée dans la boiserie) La duchesse de Guise
est déjŕ lŕ, dans ce cabinet si bien caché dans la boiserie, que vous
avez fait faire pour que je puisse voir et entendre au besoin, sans
ętre vue. Par Notre-Dame! il nous a déjŕ été utile, ŕ moi pour mes
expériences politiques, et ŕ vous pour vos magiques opérations.
RUGGIERI
Et comment l'avez-vous déterminée ŕ venir?...
CATHERINE, ouvrant la porte du passage secret
Pensez-vous que j'aie consulté sa volonté?
RUGGIERI
Vous l'avez donc fait entrer par la porte qui donne dans le passage
secret?
CATHERINE
Sans doute...
RUGGIERI
Et vous avez songé aux périls auxquels vous exposiez Catherine de
Clčves, votre filleule!...L'amour du Saint-Mégrin, la jalousie du duc
de Guise...
CATHERINE
Et c'est justement de cet amour et de cette jalousie que j'ai
besoin...M. de Guise irait trop loin, si nous ne l'arrętions pas.
Donnons-lui de l'occupation...D'ailleurs, vous connaissez ma maxime:
Il faut tout tenter et faire,
Pour son ennemi défaire.
RUGGIERI
Ainsi, ma fille, vous avez consenti ŕ lui découvrir le secret de
cette alcôve.
CATHERINE
Elle dort. Je l'ai invitée ŕ prendre avec moi une tasse de cette
liqueur que l'on tire de fčves arabes que vous avez rapportées de vos
voyages, et j'y ai męlé quelques gouttes du narcotique que je vous
avais demandé pour cet usage.
RUGGIERI
Son sommeil a dű ętre profond; car la vertu de cette liqueur est
souveraine.
CATHERINE
Oui...Et vous pourrez la tirer de ce sommeil ŕ votre volonté?
RUGGIERI
A l'instant, si vous le voulez.
CATHERINE
Gardez-vous en bien!
RUGGIERI
Je crois vous avoir dit aussi qu'ŕ son réveil toutes ses idées
seraient quelque temps confuses, et que sa mémoire ne reviendrait
qu'ŕ mesure que les objets frapperaient les yeux.
CATHERINE
Oui...tant mieux! elle sera moins ŕ męme de se rendre compte de votre
magie...Quant ŕ Saint-Mégrin, il est, comme tous ces jeunes gens,
superstitieux et crédule: il aime, il croira...D'ailleurs, vous ne
lui laisserez pas le temps de se reconnaître. Vous devez avoir un
moyen d'ouvrir cette alcôve, sans quitter cette chambre?
RUGGIERI
Il ne faut qu'appuyer sur un ressort caché dans les ornements de ce
miroir magique. (Il appuie sur le ressort, et la porte de l'alcôve
se lčve ŕ moitié)
CATHERINE
Votre adresse fera le reste, mon pčre, et je m'en rapporte ŕ
vous...Quelle heure comptez-vous?...
RUGGIERI
Je ne puis vous le dire...La présence de Votre Majesté m'a fait
oublier de retourner ce sablier, et il faudrait appeler quelqu'un.
CATHERINE
C'est inutile; ils ne doivent pas tarder; voilŕ
l'important...Seulement, mon pčre, je ferai venir d'Italie une
horloge;...je la ferai venir pour vous...Ou plutôt, écrivez vous-męme
ŕ Florence et demandez-la, quelque prix qu'elle coűte.
RUGGIERI
Votre Majesté comble tous mes désirs...Depuis longtemps, j'en eusse
acheté une, si le prix exorbitant qu'il faut y mettre...
CATHERINE
Pourquoi ne pas vous adresser ŕ moi, mon pčre?...Par Notre-Dame! il
ferait beau voir que je laissasse manquer d'argent un savant tel que
vous...Non...Venez demain, soit au Louvre, soit ŕ notre hôtel de
Soissons, et un bon de notre royale main, sur le surintendant de nos
finances, vous prouvera que nous ne sommes ni oublieuse ni ingrate.
Dieu soit avec vous, mon pčre! (Elle remet son masque et sort par la
porte secrčte)
SCENE II
RUGGIERI, LA DUCHESSE DE GUISE, endormie
RUGGIERI
Oui, j'irai te rappeler ta promesse...Ce n'est qu'ŕ prix d'or que je
puis me procurer ces manuscrits précieux qui me sont si
nécessaires...(Ecoutant) On frappe...Ce sont eux. (Il va refermer la
porte de l'alcôve)
D'EPERNON, derričre le théâtre
Holŕ! hé!
RUGGIERI
On y va, mes gentilshommes, on y va.
SCENE III
RUGGIERI, D'EPERNON, SAINT-MEGRIN, JOYEUSE
D'EPERNON, ŕ Joyeuse, qui entre appuyé sur une sarbacane et sur le
bras de Saint-Mégrin
Allons, allons, courage, Joyeuse! Voilŕ enfin notre sorcier...Vive
Dieu! mon pčre, il faut avoir des jambes de chamois et des yeux de
chat-huant pour arriver jusqu'ŕ vous.
RUGGIERI
L'aigle bâtit son aire ŕ la cime des rochers pour y voir de plus loin.
JOYEUSE, s'étendant dans un fauteuil
Oui; mais on voit clair pour y arriver, au moins.
SAINT-MEGRIN
Allons, allons, messieurs, il est probable que le savant Ruggieri ne
comptait pas sur notre visite. Sans cela, nous aurions trouvé
l'antichambre mieux éclairée...
RUGGIERI
Vous vous trompez, comte de Saint-Mégrin. Je vous attendais...
D'EPERNON
Tu lui avais donc écrit?
SAINT-MEGRIN
Non, sur mon âme; je n'en ai parlé ŕ personne...
D'EPERNON, ŕ Joyeuse
Et toi?
JOYEUSE
Moi? Tu sais que je n'écris que quand j'y suis forcé...Cela me fatigue.
RUGGIERI
Je vous attendais, messieurs, et je m'occupais de vous.
SAINT-MEGRIN
En ce cas, tu sais ce qui nous amčne.
RUGGIERI
Oui.
(D'Epernon et Saint-Mégrin se rapprochent de lui. Joyeuse se
rapproche aussi, mais sans se lever de son fauteuil)
D'EPERNON
Alors toutes tes sorcelleries sont faites d'avances; nous pouvons
t'interroger, tu vas nous répondre?
RUGGIERI
Oui...
JOYEUSE
Un instant, tęte-Dieu!...(Tirant ŕ lui Ruggieri) Venez ici, mon
pčre...On dit que vous ętes en commerce avec Satan...Si cela était, si
cet entretien avec vous pouvait compromettre notre salut,...j'espčre que
vous y regarderiez ŕ deux fois, avant de damner trois gentilshommes des
premičres maisons de France?
D'EPERNON
Joyeuse a raison, et nous sommes trop bons chrétiens!...
RUGGIERI
Rassurez-vous, messieurs, je suis aussi bon chrétien que vous.
D'EPERNON
Puisque tu nous assures que ta sorcellerie n'a rien de commun avec
l'enfer, eh bien, voyons, que te faut-il, ma tęte ou ma main?...
RUGGIERI
Ni l'une ni l'autre; ces formalités sont bonnes pour le vulgaire;
mais, toi, jeune homme, tu es placé assez au-dessus de lui pour que
ce soit dans un astre brillant entre tous les astres que je lise ta
destinée...Nogaret de la Valette, baron d'Epernon...
D'EPERNON
Comment! tu me connais aussi, moi?...Au fait, il n'y a rien lŕ
d'étonnant...Je suis devenu si populaire!
RUGGIERI, reprenant
Nogaret de la Valette, baron d'Epernon, ta faveur passée n'est rien
auprčs de ce que sera ta faveur future.
D'EPERNON
Vive Dieu! mon pčre, et comment irai-je plus loin?...Le roi m'appelle
son fils.
RUGGIERI
Ce titre, son amitié seule te le donne, et l'amitié des rois est
inconstante...Il t'appellera son frčre, et les liens du sang le lui
commanderont.
D'EPERNON
Comment! tu connais le projet du mariage...?
RUGGIERI
Elle est belle, la princesse Christine! Heureux sera celui qui la
possédera!
D'EPERNON
Mais qui a pu t'apprendre?...
RUGGIERI
Ne t'ai-je pas dit, jeune homme, que ton astre était brillant entre
tous les astres?...Et maintenant ŕ vous, Anne d'Arques, vicomte de
Joyeuse; ŕ vous que le roi appelle aussi son enfant.
JOYEUSE
Eh bien; mon pčre, puisque vous lisez si bien dans le ciel, vous
devez y voir tout le désir que j'ai de rester dans cet excellent
fauteuil, si toutefois cela ne nuit pas ŕ mon horoscope...Non? Eh
bien, allez, je vous écoute.
RUGGIERI
Jeune homme, as-tu songé quelquefois, dans tes ręves d'ambition, que
la vicomté de Joyeuse pűt ętre érigée en duché;...que le titre de
pair qu'on y joindrait te donnerait le pas sur tous les pairs de
France, excepté les princes du sang royal, et ceux des maisons
souveraines de Savoie, Lorraine et Clčves?...Oui...Eh bien, tu n'as
fait que pressentir la moitié de ta fortune...Salut ŕ l'époux de
Marguerite de Vaudemont, soeur de la reine!...Salut au grand amiral
du royaume de France!...
JOYEUSE, se levant vivement
Avec l'aide de Dieu et de mon épée, mon pčre, nous y arriverons.
(Lui donnant sa bourse) Tenez, c'est bien mal récompenser la
prédiction de si hautes destinées; mais c'est tout ce que j'ai sur
moi.
D'EPERNON
De par Dieu! tu m'y fais penser, et moi qui oubliais...(Il fouille ŕ
son escarcelle) Eh bien, des dragées ŕ sarbacane, voilŕ tout...Je ne
pensais plus que j'avais perdu ŕ la prime jusqu'ŕ mon dernier
philippus...Je ne sais ce que devient ce maudit argent; il faut qu'il
soit trépassé...Vive Dieu! Saint-Mégrin, toi qui es ami de Ronsard,
tu devrais bien le charger de faire son épitaphe...
SAINT-MEGRIN
Il est enterré dans les poches de ces coquins de ligueurs...Je crois
qu'il n'y a plus gučre que lŕ qu'on puisse trouver les écus ŕ la rose
et les doublons d'Espagne...Cependant il m'en reste encore
quelques-uns, et si tu veux...
D'EPERNON, riant
Non, non, garde-les pour acheter de l'ellébore; car il faut que vous
sachiez, mon pčre, que, depuis quelque temps, notre camarade
Saint-Mégrin est fou...Seulement, sa folie n'est pas gaie...Cependant,
il vient de me donner une bonne idée...Il faut que je vous fasse payer
mon horoscope par un ligueur...Voyons, sur lequel vais-je vous donne un
bon?...Aide-moi, duc de Joyeuse. Ce titre sonne bien, n'est-ce pas?
Voyons, cherche...
JOYEUSE
Que dis-tu de notre maître des comptes, La Chapelle-Marteau?...
D'EPERNON
Insolvable...En huit jours, il épuiserait les trésors de Philippe II.
SAINT-MEGRIN
Et le petit Brigard?...
D'EPERNON
Bah!...un prévot de boutiquiers! il offrirait de s'acquitter en
cannelle et en herbe ŕ la reine.
RUGGIERI
Thomas Crucé?...
D'EPERNON
Si je vous prenais au mot, mon pčre, vos épaules pourraient garder
pendant quelque temps rancune ŕ votre langue...Il n'est pas endurant.
JOYEUSE
Eh bien, Bussy Leclerc?
D'EPERNON
Vive Dieu....un procureur...Tu es de bon conseil, Joyeuse...(A
Ruggieri) Tiens, voilŕ un bon de dix écus noble rose. Fais bien
attention que la noble rose n'est pas démonétisée comme l'écu sol et
le ducat polonais, et qu'elle vaut douze livres. Va chez ce coquin
de ligueur de la part de d'Epernon et fais-toi payer; s'il refuse,
dis-lui que j'irai moi-męme avec vingt-cinq gentilshommes et dix ou
douze pages...
SAINT-MEGRIN
Allons, maintenant que ton compte est réglé, je te rappellerai qu'on
doit nous attendre au Louvre...Il faut rentrer, messieurs; partons!
JOYEUSE
Tu as raison; nous ne trouverions plus de chaises ŕ porteurs.
RUGGIERI, arrętant Saint-Mégrin
Comment! jeune homme, tu t'éloignes sans me consulter!...
SAINT-MEGRIN
Je ne suis pas ambitieux, mon pčre; que pourriez-vous me promettre?
RUGGIERI
Tu n'es pas ambitieux!...Ce n'est pas en amour du moins.
SAINT-MEGRIN
Que dites-vous, mon pčre! Parlez bas!
RUGGIERI
Tu n'es pas ambitieux, jeune homme, et, pour devenir la dame de tes
pensées, il a fallu qu'une femme réunît dans son blason les armes de
deux maisons souveraines, surmontées d'une couronne ducale...
SAINT-MEGRIN
Plus bas, mon pčre, plus bas!
RUGGIERI
Eh bien, doutes-tu encore de la science?
SAINT-MEGRIN
Non...
RUGGIERI
Veux-tu partir encore sans me consulter?
SAINT-MEGRIN
Je le devrais, peut-ętre...
RUGGIERI
J'ai cependant bien des révélations ŕ te faire.
SAINT-MEGRIN
Qu'elles viennent du ciel ou de l'enfer, je les entendrai...Joyeuse,
d'Epernon, laissez-moi: je vous rejoindrai bientôt dans
l'antichambre...
JOYEUSE
Un instant, un instant!...ma sarbacane...De par sainte Anne! si
j'aperçois une maison de ligueur ŕ cinquante pas ŕ la ronde, je ne
veux pas lui laisser un seul carreau.
D'EPERNON, ŕ Saint-Mégrin
Allons, dépęche-toi!...et nous te ferons bonne garde pendant ce
temps. (Ils sortent.)
SCENE IV
RUGGIERI, SAINT-MEGRIN, puis LA DUCHESSE DE GUISE
SAINT-MEGRIN, poussant la porte
Bien, bien...(Revenant) Mon pčre... un seul mot... M'aime-t-elle?...
Vous vous taisez, mon pčre... Malédiction!... Oh! faites...faites
qu'elle m'aime! On dit que votre art a des ressources inconnues et
certaines, des breuvages, des philtres! Quels que soient vos moyens,
je les accepte, dussent-ils compromettre ma vie en ce monde et mon
salut dans l'autre...Je suis riche. Tout ce que j'ai est ŕ vous. De
l'or, des bijoux; ah! votre science peut-ętre méprise ces trésors du
monde! Eh bien, écoutez-moi, mon pčre! On dit que les magiciens
quelquefois ont besoin, pour leurs expériences cabalistiques, du sang
d'un homme vivant encore. (Lui présentant son bras nu) Tenez, mon
pčre...Engagez-vous seulement ŕ me faire aimer d'elle...
RUGGIERI
Mais es-tu sűr qu'elle ne t'aime pas?
SAINT-MEGRIN
Que vous dirai-je, mon pčre? jusqu'ŕ l'heure du désespoir, ne
reste-t-il pas au fond du coeur une espérance sourde?...Oui,
quelquefois j'ai cru lire dans ses yeux, lorsqu'ils ne se
détournaient pas assez vite...Mais je puis me tromper...Elle me fuit,
et jamais je ne suis parvenu ŕ me trouver seul avec elle.
RUGGIERI
Et si tu y réussissais enfin?
SAINT-MEGRIN
Cela étant, mon pčre!...son premier mot m'apprendrait ce que j'ai ŕ
craindre ou ŕ espérer.
RUGGIERI
Et bien, viens et regarde dans cette glace...On l'appelle le miroir
de réflexion...Quelle est la personne que tu désires y voir?
SAINT-MEGRIN
Elle, mon pčre!...
(Pendant qu'il regarde, l'alcôve s'ouvre derričre lui et laisse
apercevoir la duchesse de Guise endormie)
RUGGIERI
Regarde!
SAINT-MEGRIN
Dieu!...vrai Dieu!...c'est elle!...elle, endormie! Ah! Catherine!
(L'alcôve se referme) Catherine! Rien...(regardant derričre) Rien
non plus par ici...Tout a disparu: c'est un ręve, une illusion...Mon
pčre, que je la voie...que je la revoie encore!...
RUGGIERI
Elle dormait, dis-tu?
SAINT-MEGRIN
Oui...
RUGGIERI
Ecoute: c'est surtout pendant le sommeil que notre pouvoir est plus
grand...Je puis profiter du sien pour la transporter ici.
SAINT-MEGRIN
Ici, prčs de moi?
RUGGIERI
Mais, dčs qu'elle est réveillée, rappelle-toi que toute ma puissance
ne peut rien contre sa volonté...
SAINT-MEGRIN
Bien, mais hâtez-vous, mon pčre!...hâtez-vous!...
RUGGIERI
Prends ce flacon; il suffira de le lui faire respirer pour qu'elle
revienne ŕ elle...
SAINT-MEGRIN
Oui, oui; mais hâtez-vous...
RUGGIERI
T'engages-tu par serment ŕ ne jamais révéler?...
SAINT-MEGRIN
Sur la part que j'espčre dans le paradis, je vous le jure...
RUGGIERI
Eh bien, lis...(Tandis que Saint-Megrin parcourt quelques lignes du
livre ouvert par Ruggieri, l'alcôve s'ouvre derričre lui; un ressort
fait avancer le sofa dans la chambre, et la boiserie se referme)
Regarde! (Il sort)
SCENE V
SAINT-MEGRIN, LA DUCHESSE DE GUISE
SAINT-MEGRIN
Elle!...c'est elle!...la voilŕ...(Il s'élance vers elle, puis
s'arręte tout ŕ coup) Dieu! j'ai lu que parfois des magiciens
enlevaient au tombeau des corps qui, par la force de leurs
enchantements, prenaient la ressemblance d'une personne vivante.
Si...Que Dieu me protčge! Ah!...rien ne change...Ce n'est donc pas
un prestige, un ręve du ciel...Oh! son coeur bat ŕ peine!...sa
main...elle est glacée!...Catherine! réveille-toi: ce sommeil
m'épouvante! Catherine!...Elle dort...Que faire?...Ah! ce
flacon,.....j'oubliais...Ma tęte est perdue!...(Il lui fait respirer
le flacon)
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah!...
SAINT-MEGRIN
Oui, oui,...respire!...lčve-toi!...parle, parle!...j'aime mieux
entendre ta voix, dűt-elle me bannir ŕ jamais de ta présence, que de
te voir dormir de ce sommeil froid.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! que je suis faible!...(Elle se lčve en s'appuyant sur la tęte de
Saint-Mégrin, qui est ŕ ses pieds) J'ai dormi longtemps...Mes
femmes...comment s'appellent-elles?...(Apercevant Saint-Mégrin) Ah!
c'est vous, comte? (Elle lui tend la main)
SAINT-MEGRIN
Oui...oui...
LA DUCHESSE DE GUISE
Vous!...mais pourquoi vous? Ce n'était pas vous que j'étais habituée
ŕ voir ŕ mon réveil...Mon front est si lourd, que je ne puis y
rassembler deux idées...
SAINT-MEGRIN
Oh! Catherine, qu'une seule s'y présente, qu'une seule y
reste!...celle de mon amour pour toi...
LA DUCHESSE DE GUISE
Oui,...oui,...vous m'aimez...Oh! depuis longtemps, je m'en suis
aperçue... Et moi aussi, je vous aimais, et je vous le cachais...
Pourquoi donc?...Il me semble pourtant qu'il y a bien du bonheur ŕ le
dire!...
SAINT-MEGRIN
Oh! redis-le donc encore!...redis-le, car il y a bien du bonheur ŕ
l'entendre!...
LA DUCHESSE DE GUISE
Mais j'avais un motif pour vous le cacher...Quel était-il donc?...
Ah!... ce n'était pas vous que je devais aimer...(Se levant, et
oubliant son mouchoir sur le sofa) Sainte Mčre de Dieu! aurais-je dit
que je vous aimais?...Malheureuse que je suis!...mon amour s'est
réveillée avant ma raison.
SAINT-MEGRIN
Catherine! n'écoute que ton coeur. Tu m'aimes! tu m'aimes!
LA DUCHESSE DE GUISE
Moi? Je n'ai pas dit cela, monsieur le comte; cela n'est pas; ne
croyez pas que cela soit...C'était un songe,...le sommeil,... le...
Mais comment se fait-il que je sois ici?...Quelle est cette chambre?
...Marie!...Madame de Cossé!... Laissez-moi, monsieur de
Saint-Mégrin, éloignez-vous...
SAINT-MEGRIN
M'éloigner! et pourquoi?...
LA DUCHESSE DE GUISE
O mon Dieu! mon Dieu! que m'arrive-t-il?...
SAINT-MEGRIN
Madame, je me vois ici, je vous y trouve, je ne sais comment...Il y a
de l'enchantement, de la magie.
LA DUCHESSE DE GUISE
Je suis perdue!...moi qui jusqu'ŕ présent vous ai fui, moi que déjŕ
les soupçons de M. de Guise, mon seigneur et maître...
SAINT-MEGRIN
M. de Guise!...mille damnations!...M. de Guise, votre seigneur et
maître!...Oh! puisse-t-il ne pas vous soupçonner ŕ tort...et que tout
son sang...tout le mien...
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le comte, vous m'effrayez.
SAINT-MEGRIN
Pardon!...mais quand je pense que je pouvais vous connaître libre,
ętre aimé de vous, devenir aussi votre seigneur et maître...Il me
fait bien mal, M. de Guise; mais que mon bon ange me manque au jour
du jugement si je ne le lui rends pas...
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le comte!...Mais enfin...oů suis-je? dites-le moi...
Aidez-moi ŕ sortir d'ici, ŕ me rendre ŕ l'hôtel de Guise, et je vous
pardonne...
SAINT-MEGRIN
Me pardonner! et quel est donc mon crime?
LA DUCHESSE DE GUISE
Je suis ici...et vous me le demandez...Vous avez profité de son
sommeil pour enlever une femme qui vous est étrangčre, qui ne peut
vous aimer, qui ne vous aime pas, monsieur le comte...
SAINT-MEGRIN
Qui ne m'aime pas!...Ah! madame, on n'aime pas comme j'aime, pour ne
pas ętre aimé. J'en crois vos premičres paroles, j'en crois...
LA DUCHESSE DE GUISE
Silence!
SAINT-MEGRIN
Ne craignez rien.
JOYEUSE, dans l'antichambre
Vive Dieu!...nous sommes en sentinelle, et on ne passe pas...
LE DUC DE GUISE, derričre le théâtre
Tęte-Dieu! messieurs, prenez garde, en croyant jouer avec un renard,
d'éveiller un lion...
LA DUCHESSE DE GUISE
Sainte Marie!...c'est la voix du duc de Guise!...oů fuir? oů me
cacher?
SAINT-MEGRIN, s'élançant vers la porte
C'est le duc de Guise?...Eh bien...
LA DUCHESSE DE GUISE
Arrętez, monsieur, au nom du ciel! vous me perdez.
SAINT-MEGRIN
C'est vrai...
(Il court ŕ la porte, passe entre les deux anneaux de fer la barre
qui sert de verrou)
RUGGIERI, entrant et prenant la duchesse par la main
Silence, madame...Suivez-moi...
(Il ouvre la porte secrčte; la duchesse de Guise s'y élance, Ruggieri
la suit; la porte se referme derričre eux)
LE DUC DE GUISE, avec impatience
Messieurs!...
D'EPERNON
Ne trouves-tu pas qu'il a un petit accent lorrain tout ŕ fait
agréable?...
SAINT-MEGRIN, se retournant
Maintenant, madame,...nous pouvons...Eh bien, oů est-elle?...Tout
cela ne serait-il pas l'oeuvre du démon? Que croire? Oh! ma tęte!
ma tęte!...Maintenant, qu'il entre. (Il ouvre la porte)
LE DUC DE GUISE, entrant
J'aurais dű deviner, par ceux de l'antichambre, celui qui me ferait
les honneurs de l'appartement...
SAINT-MEGRIN
Ne vous en prenez qu'ŕ la circonstance, monsieur le duc, si je ne
profite pas de ce moment pour vous rendre tous ceux dont je vous
crois digne...Cela viendra, je l'espčre...
JOYEUSE
Comment, Saint-Mégrin, c'est le Balafré lui-męme?
SAINT-MEGRIN
Oui, oui, messieurs, c'est lui...Mais il se fait tard; partons!
partons! (Ils sortent)
SCENE VII
LES MEMES, CRUCE; puis BUSSY-LECLERC, LA CHAPELLE-MARTEAU et BRIGARD
LE DUC DE GUISE
C'est vous, Crucé? quelles nouvelles?
CRUCE
Mauvaises, monseigneur, mauvaises! rien ne marche,...tout dégénčre.
Morbleu! nous sommes des conspirateurs ŕ l'eau rose.
LE DUC DE GUISE
Comment cela?
CRUCE
Eh! oui...Nous perdons le temps en fadaises politiques; nous courons
de porte en porte pour faire signer l'Union. Par saint Thomas! vous
n'avez qu'ŕ vous montrer, monsieur le duc; quand ils vous regardent,
les huguenots sont de la Ligue...
LE DUC DE GUISE
Est-ce que votre liste?...
CRUCE
Trois ou quatre cents zélés l'ont signée; cent cinquante politiques y
ont mis leur parafe; une trentaine de huguenots ont refusé en faisant
la grimace...Quant ŕ ceux-lŕ, morbleu! j'ai fait une croix blanche
sur leur porte, et, si jamais l'occasion se présente de décrocher ma
pauvre arquebuse qui est au repos depuis six ans...Mais je n'aurai
pas ce bonheur-lŕ, monseigneur; les bonnes traditions se
perdent...Tęte-Dieu! si j'étais ŕ votre place...
LE DUC DE GUISE
Et la liste?...
CRUCE
La voici...Faites-en des bourres, monsieur le duc, et plus tôt que
plus tard.
LE DUC DE GUISE
Cela viendra, mon brave, cela viendra.
CRUCE
Dieu le veuille!...Ah! ah! voilŕ les camarades.
(Entrent Bussy-Leclerc, La Chapelle-Marteau et Brigard)
LE DUC DE GUISE
Eh bien, messieurs, la récolte a-t-elle été bonne?
BUSSY-LECLERC
Pas mauvaise; deux ou trois cents signatures, pour ma part; des
avocats, des procureurs.
CRUCE
Et toi, mon petit Brigard, as-tu fait marcher les boutiquiers?
BRIGARD
Ils ont tous signé.
CRUCE, lui frappant sur l'épaule
Vive Dieu! monsieur le duc, voilŕ un zélé. Tous ceux de l'Union peuvent
se présenter ŕ sa boutique, au coin de la rue Aubry-le-Boucher; ils y
auront un rabais de trente deniers par livre sur tout ce qu'ils
achčteront.
LE DUC DE GUISE
Et vous, monsieur Marteau?
LA CHAPELLE-MARTEAU
J'ai été moins heureux, monseigneur...Les maîtres des comptes ont
peur, et M. le président de Thou n'a signé qu'avec restriction.
LE DUC DE GUISE
Il a donc ses fleurs de lis bien avant dans le coeur, votre président
de Thou?...Est-ce qu'il n'a pas vu que l'on promet obéissance au roi
et ŕ sa famille?
LA CHAPELLE-MARTEAU
Oui; mais on se réunit sans sa permission.
LE DUC DE GUISE
Il a raison, M. de Thou...Je me rendrai demain au lever de Sa
Majesté, messieurs...Mon premier soin aurait dű ętre d'obtenir la
sanction du roi, il n'aurait pas osé me la refuser...Mais, Dieu
merci! il n'est point encore trop tard. Demain, je mettrai sous les
yeux de Henri de Valois la situation de son royaume; je me ferai
l'interpręte de ses sujets mécontents. Il a déjŕ reconnu tacitement
la Ligue; je veux qu'il lui nomme publiquement un chef.
LA CHAPELLE-MARTEAU
Prenez garde, monseigneur! il n'y a pas loin du bassinet ŕ la mčche
d'un pistolet, et quelque nouveau Poltrot...
LE DUC DE GUISE
Il n'oserait!...D'ailleurs, j'irai armé.
CRUCE
Que Dieu soit pour vous et la bonne cause!...Cela fait, monseigneur,
je crois qu'il sera temps de vous décider.
LE DUC DE GUISE
Oh! ma décision est prise depuis longtemps; ce que je ne décide pas
en une heure, je ne le déciderai de ma vie.
CRUCE
Oui,...et, avec votre prudence, toute votre vie ne suffira peut-ętre
pas ŕ exécuter ce que vous aurez décidé en un quart d'heure...
LE DUC DE GUISE
Monsieur Crucé, dans un projet comme le nôtre, le temps est l'allié
le plus sűr.
CRUCE
Tęte-Dieu!...vous avez le temps d'attendre, vous; mais, moi, je suis
pressé; et puisque tout le monde signe...
LE DUC DE GUISE
Oui...Et les douze mille hommes, tant Suisses que reîtres, que Sa
Majesté vient de faire entrer dans sa bonne ville de Paris...ont-ils
signé?...Chacun d'eux porte une arquebuse ornée d'une belle et bonne
mčche, monsieur Crucé; sans compter les fauconneaux de la
Bastille...Fiez-vous-en ŕ moi pour marquer le jour; et, quand il sera
venu...
BUSSY-LECLERC
Eh bien, que ferons-nous au Valois?
LE DUC DE GUISE
Ce que lui promettait hier madame de Montpensier, en me montrant une
paire de ciseaux: une troisičme couronne.
BUSSY-LECLERC
Ainsi soit-il!...n'est-ce pas, mon vieux sorcier? car je présume que
tu es de notre avis, puisque tu ne dis rien...
RUGGIERI
J'attendais l'occasion favorable de vous présenter une petite
requęte.
BUSSY-LECLERC
Laquelle?
RUGGIERI, lui donnant le billet de d'Epernon
La voici...
BUSSY-LECLERC
Comment! un bon du d'Epernon...sur moi? C'est une plaisanterie.
RUGGIERI
Il a dit que, si vous n'y faisiez pas honneur, il irait vous trouver,
et le ferait acquitter lui-męme...
BUSSY-LECLERC
Qu'il vienne, morbleu!...a-t-il oublié qu'avant d'ętre procureur,
j'ai été maître d'armes au régiment de Lorraine?...Je crois que le
cher favori est jaloux des statues qui ornent les tombeaux de Quélus
et de Maugiron? Eh bien, qu'ŕ cela ne tienne: nous le ferons
tailler en marbre ŕ son tour.
LE DUC DE GUISE
Gardez-vous-en bien, maître Bussy! Je ne voudrais pas, pour
vingt-cinq de mes amis, ne pas avoir un tel ennemi...Son insolence
recrute pour nous...Donne-moi ce billet, Ruggieri. Dix écus noble
rose, c'est cent vingt livres tournois...Les voici.
BUSSY-LECLERC
Que faites-vous donc, monseigneur?...
LE DUC DE GUISE
Soyez tranquille; quand le moment de régler nos comptes sera arrivé,
je m'arrangerai de maničre qu'il ne reste pas mon débiteur...Mais il
se fait tard...A demain soir, messieurs. Les portes de l'hôtel de
Guise seront ouvertes ŕ tous nos amis; madame de Montpensier en fera
les honneurs; et seront doublement bien reçus par elle ceux qui
viendront avec la double croix! Ruggieri, reconduis ces messieurs.
Ainsi, c'est dit; ŕ demain soir, ŕ l'hôtel de Guise.
CRUCE
Oui, monseigneur...(Ils sortent)
SCENE VIII
LE DUC DE GUISE, seul
(Il s'assied sur le sofa oů la duchesse a oublié son mouchoir)
Par saint Henri de Lorraine! c'est un rude métier que celui que j'ai
entrepris...Ces gens-lŕ croient qu'on arrive au trône de France comme
ŕ un bénéfice de province. Le duc de Guise roi de France! c'est un
beau ręve...Cela sera pourtant; mais, auparavant, que de rivaux ŕ
combattre! Le duc d'Anjou, d'abord;...c'est le moins ŕ craindre; il
est haď également du peuple et de la noblesse, et on le déclarerait
facilement hérétique et inhabile ŕ succéder...Mais, ŕ son défaut
l'Espagnol n'est-il pas lŕ pour réclamer, ŕ titre de beau-frčre,
l'héritage du Valois?...Le duc de Savoie, son oncle par alliance,
voudra élever des prétentions. Un duc de Lorraine a épousé sa
soeur...Peut-ętre y aurait-il un moyen: ce serait de faire passer la
couronne de France sur la tęte du vieux cardinal de Bourbon, et de le
forcer ŕ me reconnaître comme héritier...J'y songerai...Que de
peines! de tourments!...pour qu'ŕ la fin peut-ętre la balle d'un
pistolet ou la lame d'un poignard...Ah! (Il laisse tomber sa main
avec découragement; elle se pose sur le mouchoir oublié par la
duchesse.) Qu'est cela?...Mille damnations! ce mouchoir appartient ŕ
la duchesse de Guise! voilŕ les armes réunies de Clčves et de
Lorraine...Elle serait venue ici!...Saint-Mégrin!...O Mayenne!
Mayenne! tu ne t'étais donc pas trompé! et lui...lui...(Appelant)
Saint-Paul! (Son écuyer entre) Je vais...Saint-Paul! qu'on me
cherche les męmes hommes qui ont assassiné Dugast.
ACTE DEUXIEME
Une salle du Louvre.--A gauche, deux fauteuils et quelques tabourets
préparés pour le roi, la reine mčre et les courtisans. Joyeuse est
couché dans l'un de ces fauteuils, et Saint-Mégrin, debout, appuyé
sur le dossier de l'autre. Du côté opposé, d'Epernon est assis ŕ une
table sur laquelle est posé un échiquier. Au fond, Saint-Luc fait
des armes avec du Halde. Chacun d'eux a prčs de lui un page ŕ ses
couleurs.
SCENE PREMIERE
JOYEUSE, SAINT-MEGRIN, D'EPERNON, SAINT-LUC, DU HALDE, Pages
D'EPERNON
Messieurs, qui de vous fait ma partie d'échecs, en attendant le
retour du roi? Saint-Mégrin, ta revanche?
SAINT-MEGRIN
Non, je suis distrait aujourd'hui.
JOYEUSE
Oh! décidément, c'est la prédiction de l'astrologue...Vrai Dieu!
c'est un véritable sorcier. Sais-tu bien qu'il avait prédit ŕ Dugast
qu'il n'avait plus que quelques jours ŕ vivre, quand la reine
Marguerite l'a fait assassiner? Je parie que c'est un horoscope du
męme genre qui occupe Saint-Mégrin, et que quelque grande dame dont
il est amoureux...
SAINT-MEGRIN, l'interrompant vivement
Mais toi-męme, Joyeuse, que ne fais-tu la partie de d'Epernon?
JOYEUSE
Non, merci.
D'EPERNON
Est-ce que tu veux réfléchir aussi, toi?
JOYEUSE
C'est, au contraire, pour ne pas ętre obligé de réfléchir.
SAINT-LUC
Eh bien, veux-tu faire des armes avec moi, vicomte?
JOYEUSE
C'est trop fatigant, et puis tu n'es pas de ma force. Fais une
oeuvre charitable, tire d'Epernon d'embarras...
SAINT-LUC
Soit.
JOYEUSE, tirant un bilboquet de son escarcelle
Vive Dieu! messieurs, voilŕ un jeu...Celui-lŕ ne fatigue ni le corps
ni l'esprit...Sais-tu bien que cette nouvelle invention a eu un
succčs prodigieux chez la présidente? A propos, tu n'y étais pas,
Saint-Luc; qu'es-tu donc devenu?
SAINT-LUC
J'ai été voir les Gelosi; tu sais, ces comédiens italiens qui ont
obtenu la permission de représenter des mystčres ŕ l'hôtel de
Bourbon.
JOYEUSE
Ah! oui,...moyennant quatre sous par personne.
SAINT-LUC
Et puis, en passant...Un instant, d'Epernon, je n'ai pas joué.
JOYEUSE
Et puis, en passant?...
SAINT-LUC
Oů?
JOYEUSE
En passant, disais-tu?
SAINT-LUC
Oui...Je me suis arręté en face de Nesle, pour y voir poser la
premičre pierre d'un pont qu'on appellera le pont Neuf.
D'EPERNON
C'est Ducerceau qui l'a entrepris...On dit que le roi va lui accorder
des lettres de noblesse.
JOYEUSE
Et justice sera faite...Sais-tu bien qu'il m'épargnera au moins six
cents pas, toutes les fois que je voudrais aller ŕ l'Ecole
Saint-Germain? (Il laisse tomber son bilboquet, et appelle son page,
qui est ŕ l'autre bout de la salle) Bertrand, mon bilboquet...
SAINT-LUC
Messieurs, grande réforme! Ce matin, madame de Sauve m'a dit en
confidence que le roi avait abandonné les fraises gaudronnées pour
prendre les collets renversés ŕ l'italienne.
D'EPERNON
Eh! que ne nous disais-tu pas cela!...Nous serons en retard d'un
jour...Tiens, Saint-Mégrin le savait, lui...(A son page) Que je
trouve demain un collet renversé au lieu de cette fraise...
SAINT-LUC, riant
Ah! ah!...tu te souviens que le roi t'a exilé quinze jours, parce
qu'il manquait un bouton ŕ ton pourpoint...
JOYEUSE
Eh bien, moi, je vais te rendre nouvelle pour nouvelle. Antraguet
rentre aujourd'hui en grâce.
SAINT-LUC
Vrai?...
JOYEUSE
Oui, il est décidément guisard...C'est le Balafré qui a exigé du roi
qu'il lui rendît son commandement...Depuis quelque temps, le roi fait
tout ce qu'il veut.
D'EPERNON
C'est qu'il a besoin de lui...Il paraît que le Béarnais est en
campagne, le harnais sur le dos...
JOYEUSE
Vous verrez que ce damné d'hérétique nous fera battre pendant
l'été...Mettez-vous donc en campagne de cette chaleur-lŕ,...avec cent
cinquante livres de fer sur le corps!...pour revenir hâlé comme un
Andalou...
SAINT-LUC
Ce serait un mauvais tour ŕ te faire, Joyeuse...
JOYEUSE
Je l'avoue; j'ai plus peur d'un coup de soleil que d'un coup
d'épée...et, si je le pouvais, je me battrais toujours, comme Bussy
d'Amboise l'a fait dans son dernier duel, au clair de la lune...
SAINT-LUC
Quelqu'un a-t-il de ses nouvelles?
D'EPERNON
Il est toujours dans l'Anjou, prčs de Monsieur...C'est encore un
ennemi de moins pour le guisard.
JOYEUSE
A propos de guisard, Saint-Mégrin, sais-tu ce qu'en dit la maréchale
de Retz? Elle dit qu'auprčs du duc de Guise, tous les princes
paraissent peuple.
SAINT-MEGRIN
Guise!...toujours Guise!...Vive Dieu!...que l'occasion se présente
(tirant son poignard et coupant son gant en morceaux), et, de par
saint Paul de Bordeaux! je veux hacher tous ces petits princes
lorrains comme ce gant.
JOYEUSE
Bravo, Saint-Mégrin!...Vrai-Dieu! je le hais autant que toi.
SAINT-MEGRIN
Autant que moi! Malédiction! si cela est possible; je donnerais mon
titre de comte pour sentir, cinq minutes seulement, son épée contre
la mienne...Cela viendra peut-ętre...
DU HALDE
Messieurs, messieurs, voilŕ Bussy...
SAINT-MEGRIN
Comment! Bussy d'Amboise?...
SCENE II
LES MEMES, BUSSY D'AMBOISE
BUSSY D'AMBOISE
Eh! oui, messieurs, lui-męme, en personne...Aux amis,
salut...Bonjour, Saint-Mégrin...
SAINT-MEGRIN
Et nous qui te croyions ŕ cent lieues d'ici.
BUSSY D'AMBOISE
J'y étais, il y a trois jours...Aujourd'hui, me voilŕ.
JOYEUSE
Ah! ah!...vous ętes donc raccommodés?...Il voulait te tuer avec
Quélus...Il n'y a pas de sa faute, si le coup n'a pas réussi...
BUSSY D'AMBOISE
Oui, pour la dame de Sauve...Mais, depuis, nous avons mesuré nos
épées, et elles se sont trouvées de la męme longueur...
SAINT-LUC
A propos de la dame de Sauve, on dit que, pour qu'elle soit plus sűre
de ta fidélité, tu lui écris avec ton sang, comme Henri III écrivait
de Pologne ŕ la belle Renée de Chateauneuf...Sans doute elle était
prévenue de ton arrivée, elle...
BUSSY D'AMBOISE
Non. Nous voyageons incognito...Mais je n'ai pas voulu passer si
prčs de vous, sans venir vous demander s'il n'y avait pas quelqu'un
de vous qui eűt besoin d'un second...
SAINT-MEGRIN
Cela se pourra faire, si tu ne nous quittes pas trop tôt.
BUSSY D'AMBOISE
Tęte-Dieu!...le cas échéant, je suis homme ŕ retarder mon
départ;...ainsi ne te gęne pas. Il y a si longtemps que cela ne
m'est arrivé...c'est tout au plus si, en province, on trouve ŕ se
battre une fois par semaine...Heureusement que j'avais lŕ, sous la
main, mon ami Saint-Phal; nous nous sommes battus trois fois, parce
qu'il soutenait avoir vu des X sur les boutons d'un habit, oů je
crois qu'il y avait des Y...
SAINT-MEGRIN
Bah! pas possible...
BUSSY D'AMBOISE
Parole d'honneur! Crillon était mon second...
JOYEUSE
Et qui avait raison?
BUSSY D'AMBOISE
Nous n'en savons rien encore: la quatričme rencontre en
décidera...Mais que vois-je donc lŕ-bas? Les pages d'Antraguet!...Je
croyais que, depuis la mort de Quélus...
SAINT-LUC
Le duc de Guise a sollicité sa grâce.
BUSSY D'AMBOISE
Ah! oui, sollicité,...j'entends...Il est donc toujours insolent,
notre beau cousin de Guise?...
SAINT-MEGRIN
Pas encore assez...
D'EPERNON
Vrai-Dieu! tu es difficile...Je suis sűr qu'au fond du coeur, le roi
n'est pas de ton avis.
SAINT-MEGRIN
Qu'il dise donc un mot...
D'EPERNON
Ah! vois-tu, c'est qu'il est trop occupé dans ce moment, il apprend
le latin.
SAINT-MEGRIN
Tęte-Dieu! qu'a-t-il besoin de latin pour parler ŕ des Français?
Qu'il dise seulement: «A moi, ma brave noblesse!» et un millier
d'épées qui coupent bien, sortiront des fourreaux oů elles se
rouillent. N'a-t-il plus dans la poitrine le męme coeur qui battait
ŕ Jarnac et ŕ Moncontour, ou ses gants parfumés ont-ils amolli ses
mains, au point qu'elles ne puissent plus serrer la garde d'une épée?
D'EPERNON
Silence, Saint-Mégrin!...le voilŕ...
UN PAGE, entrant
Le roi!...
BUSSY D'AMBOISE
Je vais me tenir un peu ŕ l'écart...Je ne me montrerai que s'il est
de bonne humeur...
UN SECOND PAGE
Le roi! (Tout le monde se lčve et se groupe)
UN TROISIEME PAGE
Le roi!
SCENE III
LES MEMES, HENRI, puis CATHERINE
HENRI
Salut, messieurs, salut...Villequier, qu'on prévienne madame ma mčre
de mon retour, et qu'on s'informe si l'on a apporté mon nouvel habit
d'amazone...Ah! dites ŕ la reine que je passerai chez elle, afin de
fixer le jour de notre départ pour Chartres; car vous savez,
Messieurs, que la reine et moi faisons un pčlerinage ŕ Notre-Dame de
Chartres, afin d'obtenir du ciel ce qu'il nous a refusé jusqu'ŕ
présent, un héritier de notre couronne. Ceux qui voudront nous
suivre seront les bienvenus.
SAINT-MEGRIN
Sire, si, au lieu d'un pčlerinage ŕ Notre-Dame de Chartres, vous
ordonniez une campagne dans l'Anjou...si vos gentilshommes étaient
revętus de cuirasses au lieu de cilices, et portaient des épées en
guise de cierges, Votre Majesté ne manquerait pas de pénitents, et
vous me verriez au premier rang, sire, dussé-je faire la moitié de la
route pieds nus sur des charbons ardents.
HENRI
Chaque chose aura son tour, mon enfant. Nous ne resterons pas en
arričre dčs qu'il le faudra; mais, en ce moment, grâce ŕ Dieu, notre
beau royaume de France est en paix, et le temps ne nous manque pas
pour nous occuper de nos dévotions. Mais que vois-je! vous ŕ ma
cour, seigneur de Bussy? (A Catherine de Médicis qui entre) Venez,
ma mčre, venez: vous allez avoir des nouvelles de votre fils
bien-aimé, qui, s'il eűt été frčre soumis et sujet respectueux,
n'aurait jamais dű quitter notre cour...
CATHERINE
Il y revient, peut-ętre, mon fils...
HENRI, s'asseyant
C'est ce que nous allons savoir...Asseyez-vous, ma mčre...Approchez,
seigneur de Bussy...Oů avez-vous quitté notre frčre?
BUSSY D'AMBOISE
A Paris, sire.
HENRI
A Paris!...Serait-il dans notre bonne ville de Paris?
BUSSY D'AMBOISE
Non; mais il y est passé cette nuit.
HENRI
Et il se rend?...
BUSSY D'AMBOISE
Dans la Flandre...
HENRI
Vous l'entendez, ma mčre. Nous allons sans doute avoir dans notre
famille un duc de Brabant. Et pourquoi a-t-il passé si prčs de nous,
sans venir nous présenter son hommage de fidélité, comme ŕ son aîné
et ŕ son roi?...
BUSSY D'AMBOISE
Sire,...il connaît la grande amitié que lui porte Votre Majesté, et
il a craint qu'une fois rentré au Louvre, vous ne l'en laissiez plus
sortir.
HENRI
Et il a raison, monsieur; mais, en ce moment, l'absence de son bon
serviteur et de sa fidčle épée doit lui faire faute; car peut-ętre
bientôt compte-t-il se servir contre nous de l'un et de l'autre.
Arrangez-vous donc, seigneur de Bussy, pour le rejoindre au plus
vite, et pour nous quitter au plus tôt. (Un Page entre) Eh bien,
qu'y a-t-il?
CATHERINE
Mon fils, c'est sans doute Antraguet qui profite de la permission que
vous lui avez volontairement accordée de reparaître en votre royale
présence...
HENRI
Oui, oui, volontairement!...Le meurtrier!...Ma mčre, mon cousin de
Guise m'impose un grand sacrifice; mais pour mes péchés, Dieu veut
qu'il soit complet. (Au Page) Parlez.
LE PAGE
Charles Balzac d'Entragues, baron de Dunes, comte de Graville,
ex-lieutenant général au gouvernement d'Orléans, demande ŕ déposer
aux pieds de Votre Majesté l'hommage de sa fidélité et de son
respect.
HENRI
Oui, oui;...tout ŕ l'heure nous recevrons notre sujet fidčle et
respectueux; mais, auparavant, je veux me séparer de tous ce qui
pourrait me rappeler cet affreux duel...Tiens, Joyeuse, tiens!...(Il
tire de sa poitrine une espčce de sachet) Voilŕ les pendants
d'oreilles de Quélus; porte-les en mémoire de notre ami
commun...D'Epernon, voici la chaîne d'or de Maugiron...Saint-Mégrin,
je te donnerai l'épée de Schomberg; elle était bien pesante pour un
bras de dix-huit ans!...qu'elle te défende mieux que lui, en pareille
circonstance. Et maintenant, messieurs, faites comme moi, ne les
oubliez pas dans vos pričres.
Que Dieu reçoive en son giron
Quélus, Schomberg et Maugiron.
Restez autour de moi, mes amis, et asseyez-vous...Faites entrer...(A
la vue d'Antraguet, il prend dans sa bourse un flacon qu'il respire)
Approchez ici, baron, et fléchissez le genou...Charles Balzac
d'Entragues, nous vous avons accordé la faveur de notre présence
royale, au milieu de notre cour, pour vous rendre, lŕ oů nous vous
les avions ôtés, vos dignités et vos titres...Relevez-vous, baron de
Dunes, comte de Graville, gouverneur général de notre province
d'Orléans, et reprenez prčs de notre personne royale les fonctions
que vous y remplissiez autrefois...Relevez-vous.
D'ENTRAGUES
Non, sire,...je ne me relčverai pas, que Votre Majesté n'ait reconnu
publiquement que ma conduite, dans ce funeste duel, a été celle d'un
loyal et honorable cavalier.
HENRI
Oui,...nous le reconnaissons, car c'est la vérité...Mais vous avez
porté des coups bien malheureux!...
D'ENTRAGUES
Et maintenant, sire, votre main ŕ baiser, comme gage de pardon et
d'oubli.
HENRI
Non, non, monsieur, ne l'espérez pas.
CATHERINE
Mon fils, que faites-vous?
HENRI
Non, madame, non...J'ai pu lui pardonner, comme chrétien, le mal
qu'il m'a fait; mais je ne l'oublierai de ma vie.
D'ENTRAGUES
Sire,...j'appelle le temps ŕ mon secours; peut-ętre ma fidélité et ma
soumission finiront-elles par fléchir le courroux de Votre Majesté.
HENRI
C'est possible. Mais votre gouvernement doit avoir besoin de votre
présence; il en est privé depuis longtemps, baron de Dunes, et le
bien de nos fidčles sujets pourraient en souffrir...Qui fait ce
bruit?
D'EPERNON
Ce sont ceux de Guise...
HENRI
Notre beau cousin de Lorraine ne profite pas du privilčge qu'ont les
princes souverains de paraître devant nous sans ętre annoncés...Ses
pages ont toujours soin de faire assez de bruit pour que son arrivée
ne soit pas un mystčre...
SAINT-MEGRIN
Il traite, avec Votre Majesté, de puissance ŕ puissance...Il a ses
sujets comme vous avez les vôtres, et sans doute qu'il vient, armé de
pied en cap, présenter en leur nom une humble requęte ŕ Votre
Majesté.
SCENE IV
LES MEMES, LE DUC DE GUISE
(Il est couvert d'une armure complčte, précédé de deux Pages, et suivi
par quatre, dont l'un porte son casque)
HENRI
Venez, monsieur le duc, venez...Quelqu'un qui s'est retourné au bruit
que faisaient vos pages, et qui vous a aperçu de loin, offrait de
parier que vous veniez encore nous supplier de réformer quelque abus,
de supprimer quelque impôt...Mon peuple est un peuple bien heureux,
mon beau cousin, d'avoir en vous un représentant si infatigable, et
en moi un roi si patient!
LE DUC DE GUISE
Il est vrai que Votre Majesté m'a accordé bien des grâces,...et je
suis fier d'avoir si souvent servi d'intermédiaire entre elle et ses
sujets.
SAINT-MEGRIN, ŕ part
Oui, comme le faucon entre le chasseur et le gibier...
LE DUC DE GUISE
Mais, aujourd'hui, sire, un motif plus puissant m'amčne encore devant
Votre Majesté, puisque c'est ŕ la fois des intéręts de son peuple et
des siens que j'ai ŕ l'entretenir...
HENRI
Si l'affaire est si sérieuse, monsieur le duc, ne pourriez-vous pas
attendre nos prochains états de Blois?...Les trois ordres de la
nation ont lŕ des représentants qui, du moins, ont reçu de nous
mission de me parler au nom de leurs mandataires.
LE DUC DE GUISE
Votre Majesté voudra-t-elle bien songer que les états de Blois
viennent de se dissoudre, et ne se rassembleront qu'au mois de
novembre?...Lorsque le danger est pressant, il me semble qu'un
conseil privé...
HENRI
Lorsque le danger est pressant!...Mais vous nous effrayez, monsieur
de Guise...Eh bien, toutes les personnes qui composent notre conseil
privé sont ici...Parlez, monsieur le duc, parlez.
CATHERINE
Mon fils, permettez que je me retire.
HENRI
Non, madame, non; M. le duc sait bien que nous n'avons rien de caché
pour notre auguste mčre, et que, dans plus d'une affaire importante,
ses conseils nous ont męme été d'un utile secours.
LE DUC DE GUISE
Sire, la démarche que je fais prčs de vous est hardie, peut-ętre trop
hardie...Mais hésiter plus longtemps ne serait pas d'un bon et loyal
sujet.
HENRI
Au fait, monsieur le duc, au fait...
LE DUC DE GUISE
Sire, des dépenses immenses, mais nécessaires, puisque Votre Majesté
les a faites, ont épuisé le trésor de l'Etat...Jusqu'ŕ présent, Votre
Majesté, avec l'aide de ses fidčles sujets, a trouvé moyen de le
remplir...Mais cela ne peut durer...L'approbation du saint-pčre a
permis d'aliéner pour deux cent mille livres de rente sur les biens
du clergé. Un emprunt a été fait aux membres du Parlement sous
prétexte de faire sortir les gens de guerre étrangers...Les diamants
de la couronne sont en gage pour la sűreté des trois millions dűs au
duc Casimir...Les deniers destinés aux rentes de l'hôtel de ville ont
été détournés pour un autre usage, et les états généraux ont eu
l'audace de répondre par un refus, lorsque Votre Majesté a proposé
d'aliéner les domaines.
HENRI
Oui, oui, monsieur le duc, je sais que nos finances sont en assez
mauvais état...Nous prendrons un autre surintendant.
LE DUC DE GUISE
Cette mesure pourrait ętre suffisante en temps de paix, sire...mais
Votre Majesté va se voir contrainte ŕ la guerre. Les huguenots, que
votre indulgence encourage, font des progrčs effrayants. Favas s'est
emparé de la Réole; Montferrand, de Périgueux; Condé de Dijon. Le
Navarrois a été vu sous les murs d'Orléans; la Saintonge, l'Agénois
et la Gascogne sont en armes, et les Espagnols, profitant de nos
troubles, ont pillé Anvers, brűlé huit cents maisons, et passé sept
mille habitants au fil de l'épée.
HENRI
Par la mort-Dieu! si ce que vous me dites lŕ est vrai, il faut
châtier les huguenots au dedans et les Espagnols au dehors. Nous ne
craignons pas la guerre, mon beau cousin; et, s'il le fallait, nous
irions nous-męme sur le tombeau de notre aďeul Louis IX saisir
l'oriflamme, et nous marcherions ŕ la tęte de notre brave armée, au
cri de guerre de Jarnac et de Moncontour.
SAINT-MEGRIN
Et, si l'argent vous manque, sire, votre brave noblesse est lŕ pour
rendre ŕ Votre Majesté ce qu'elle a reçu d'elle. Nos maisons, nos
terres, nos bijoux peuvent se monnayer, monsieur le duc; et,
vive-Dieu! en fondant les seules broderies de nos manteaux et les
chiffres de nos dames, nous aurions de quoi envoyer ŕ l'ennemi,
pendant toute une campagne, des balles d'or et des boulets d'argent.
HENRI
Vous l'entendez, monsieur le duc?
LE DUC DE GUISE
Oui, sire. Mais, avant que cette idée vînt ŕ M. le comte de
Saint-Mégrin, trente mille de vos braves sujets l'avaient eue; ils
s'étaient engagés par écrit ŕ fournir de l'argent au trésor et des
hommes ŕ l'armée; ce fut le but de la sainte Ligue, sire, et elle le
remplira, lorsque le moment en sera venu...Mais je ne puis cacher ŕ
Votre Majesté les craintes qu'éprouvent ses fidčles sujets, en ne la
voyant pas reconnaître hautement cette grande association.
HENRI
Et que faudrait-il pour cela?
LE DUC DE GUISE
Lui nommer un chef, sire, d'une grande maison souveraine, digne de sa
confiance et de son amour, par son courage et sa naissance, et qui
surtout ait assez fait ses preuves comme bon catholique, pour
rassurer les zélés sur la maničre dont il agirait dans les
circonstances difficiles...
HENRI
Par la mort-Dieu! monsieur le duc, je crois que votre zčle pour notre
personne royale est tel, que vous seriez tout pręt ŕ lui épargner
l'embarras de chercher bien loin ce chef...Nous y penserons ŕ loisir,
mon beau cousin, nous y penserons ŕ loisir.
LE DUC DE GUISE
Mais Votre Majesté devrait peut-ętre ŕ l'instant...
HENRI
Monsieur le duc, quand je voudrai entendre un pręche, je me ferai
huguenot...Messieurs, c'est assez nous occuper des affaires de
l'Etat, songeons un peu ŕ nos plaisirs. J'espčre que vous avez reçu
nos invitations pour ce soir, et que madame de Guise, madame de
Montpensier, et vous, mon cousin, voudrez bien embellir notre bal
masqué.
SAINT-MEGRIN, montrant la cuirasse du duc
Votre Majesté ne voit-elle pas que M. le duc est déjŕ en costume de
chercheur d'aventures?
LE DUC DE GUISE
Et de redresseur de torts, monsieur le comte.
HENRI
En effet, mon beau cousin, cet habit me paraît bien chaud pour le
temps qui court.
LE DUC DE GUISE
C'est que, pour le temps qui court, sire, mieux vaut une cuirasse
d'acier qu'un justaucorps de satin.
SAINT-MEGRIN
M. le duc croit toujours entendre la balle de Poltrot siffler ŕ ses
oreilles.
LE DUC DE GUISE
Quand les balles m'arrivent en face, monsieur le comte (montrant sa
blessure ŕ la joue), voilŕ qui fait foi que je ne détourne pas la
tęte pour les éviter.
JOYEUSE, prenant sa sarbacane
C'est ce que nous allons voir...
SAINT-MEGRIN, lui arrachant la sarbacane
Attends!...il ne sera pas dit qu'un autre que moi en aura fait
l'expérience. (Lui envoyant une dragée au milieu de la poitrine) A
vous, monsieur le duc.
TOUS
Bravo! bravo!
LE DUC DE GUISE, portant la main ŕ son poignard
Malédiction! (Saint-Paul l'arręte)
SAINT-PAUL
Qu'allez-vous faire!...
HENRI
Par la mort-Dieu! mon cousin de Guise, j'aurais cru que cette belle
et bonne cuirasse de Milan était ŕ l'épreuve de la balle...
LE DUC DE GUISE
Et vous aussi, sire!...Qu'ils rendent grâce ŕ la présence de Votre
Majesté.
HENRI
Oh! qu'ŕ cela ne tienne, monsieur le duc, qu'ŕ cela ne tienne;
agissez comme si nous n'y étions pas...
LE DUC DE GUISE
Votre Majesté permet donc que je descende jusqu'ŕ lui?...
HENRI
Non, monsieur le duc; mais je puis l'élever jusqu'ŕ vous...Nous
trouverons bien, dans notre beau royaume de France, un fief vacant,
pour en doter notre fidčle sujet le comte de Saint-Mégrin.
LE DUC DE GUISE
Vous en ętes le maître, sire...Mais d'ici lŕ?...
HENRI
Eh bien, nous ne vous ferons pas attendre...Comte Paul Estuert, nous
te faisons marquis de Caussade.
LE DUC DE GUISE
Je suis duc, sire.
HENRI
Comte Paul Estuert, marquis de Caussade, nous te faisons duc de
Saint-Mégrin; et maintenant, monsieur de Guise, répondez-lui...car il
est votre égal.
SAINT-MEGRIN
Merci, sire, merci; je n'ai pas besoin de cette nouvelle faveur; et,
puisque Votre Majesté ne s'y oppose pas, je veux le défier de maničre
ŕ ce qu'il s'ensuive combat ou déshonneur...Or, écoutez, messieurs:
moi, Paul Estuert, seigneur de Cassade, comte de Saint-Mégrin, ŕ toi,
Henri de Lorraine, duc de Guise; prenons ŕ témoin tous ceux ici
présents, que nous te défions au combat ŕ outrance, toi et tous les
princes de ta maison, soit ŕ l'épée seule, soit ŕ la dague et au
poignard, tant que le coeur battra au corps, tant que la lame tiendra
ŕ la poignée; renonçant d'avance ŕ ta merci, comme tu dois renoncer ŕ
la mienne; et, sur ce, que Dieu et Saint Paul me soient en aide!
(Jetant son gant) A toi seul, ou ŕ plusieurs!
D'EPERNON
Bravo, Saint-Mégrin! bien défié.
LE DUC DE GUISE, montrant le gant.
Saint-Paul...
BUSSY D'AMBOISE
Un instant, messieurs!...un instant! Moi, Louis de Clermont,
seigneur de Bussy d'Amboise, me déclare ici parrain et second de Paul
Estuert de Saint-Mégrin; offrant le combat ŕ outrance ŕ quiconque se
déclarera parrain et second de Henri de Lorraine, duc de Guise; et,
comme signe de défi et gage du combat, voici mon gant.
JOYEUSE
Vive-Dieu! Bussy, c'est un véritable vol que tu me fais...tu ne m'as
pas donné le temps...Mais sois tranquille, si tu es tué...
LE DUC DE GUISE
Saint-Paul! (A part) Tu me provoques trop tard, ton sort est décidé.
(Haut) Antraguet, tu seras mon second...Vous le voyez, messieurs, je
vous fais beau jeu: je vous offre un moyen de venger Quélus...
Saint-Paul, tu prépareras mon épée de bal; elle est juste de la męme
longueur que l'épée de combat de ces messieurs.
SAINT-MEGRIN
Vous avez raison, monsieur le duc: cette épée serait bien faible
pour entamer une cuirasse aussi prudemment solide que celle-ci...Mais
nous pouvons en venir aux mains, nus jusqu'ŕ la ceinture, monsieur le
duc, et l'on verra celui dont le coeur battra.
HENRI
Assez, messieurs, assez! nous honorerons le combat de notre
présence, et nous le fixons ŕ demain...Maintenant, chacun de vous
peut réclamer un don, et, s'il est en notre puissance royale de vous
l'accorder, vous serez satisfaits ŕ l'instant...Que veux-tu,
Saint-Mégrin?
SAINT-MEGRIN
Un égal partage du terrain et du soleil; pour le reste, je m'en
rapporte ŕ Dieu et ŕ mon épée.
HENRI
Et vous, monsieur le duc, que demandez-vous?
LE DUC DE GUISE
La promesse formelle qu'avant le combat Votre Majesté reconnaîtra la
Ligue, et nommera son chef. J'ai dit.
HENRI
Quoique nous ne nous attendissions pas ŕ cette demande, nous vous
l'octroyons, mon beau cousin...Messieurs, puisque M. de Guise nous y
force, au lieu du bal masqué de cette nuit, nous aurons un conseil
d'Etat...Je vous y convoque tous, messieurs. Quant aux deux
champions, nous les invitons ŕ profiter de cet intervalle, pour bien
songer au salut de leur âme. Allez, messieurs, allez.
SCENE V
HENRI, CATHERINE
HENRI
Eh bien, ma mčre, vous devez ętre contente, vos deux grands ennemis
vont se détruire eux-męmes, et vous devez m'en remercier; car j'ai
autorisé un combat que j'aurais pu empęcher.
CATHERINE
Auriez-vous agi ainsi, mon fils, si vous eussiez su qu'une des
conditions de ce combat serait de nommer un chef ŕ la Ligue?
HENRI
Non, sur mon âme, ma mčre; je comptais sur une diversion.
CATHERINE
Et vous avez résolu?
HENRI
Rien encore, car les chances du combat sont incertaines...Si M. de
Guise était tué,...eh bien, on enterrerait la Ligue avec son chef;
s'il ne l'était pas,...alors je prierais Dieu de m'éclairer...Mais,
en tout cas, ma résolution une fois prise, je vous en avertis, rien
ne m'en fera changer...La vue de mon trône me donne de temps en temps
des envies d'ętre roi, ma mčre, et je suis dans un de ces moments-lŕ.
CATHERINE
Eh! mon fils, qui plus que moi désire vous voir une volonté ferme et
puissante?...Miron me recommande le repos. Et, plus que jamais, je
désire n'avoir aucune part du fardeau de l'Etat.
HENRI
Si je ne m'abuse, ma mčre, j'ai vu s'étendre aujourd'hui vers mon
trône un bras bardé de fer qui avait volonté de me débarrasser d'une
partie, si ce n'est du tout.
CATHERINE
Et probablement vous lui accorderez ce qu'il demande, car ce chef que
la Ligue exige par sa voix...
HENRI
Oui, oui, j'ai bien vu qu'il plaidait pour lui-męme; et peut-ętre, ma
mčre, m'épargnerais-je bien des tourments en m'abandonnant ŕ lui...
comme l'a fait mon frčre François II, aprčs la conjuration
d'Amboise... Et cependant, je n'aime pas qu'on vienne me prier armé
comme l'était mon cousin de Guise; les genoux plient mal dans des
cuissards d'acier.
CATHERINE
Et jamais votre cousin de Guise n'a plié le genou devant vous, qu'il
n'ait, en se relevant, emporté un morceau de votre manteau royal.
HENRI
Par la mort-Dieu! il n'a jamais forcé notre volonté, cependant...Ce
que nous lui avons accordé a toujours été de notre plein gré...et,
cette fois encore, si nous le nommons chef de la Ligue, ce sera un
devoir que nous lui imposerons comme son maître.
CATHERINE
Tous ces devoirs le rapprochent du trône, mon fils!...et malheur...
malheur ŕ vous, s'il met jamais le pied sur le velours de la premičre
marche!
HENRI
Ce que vous dites lŕ, ma mčre, l'appuyeriez-vous sur quelques
raisons?
CATHERINE
Cette Ligue, que vous allez autoriser, savez-vous quel est son
but?...
HENRI
De soutenir l'autel et le trône.
CATHERINE
C'est du moins ce que dit votre cousin de Guise; mais du moment qu'un
sujet se constitue, de sa propre autorité, défenseur de son roi, mon
fils,...il n'est pas loin d'ętre un rebelle.
HENRI
M. le duc aurait-il de si coupables desseins?
CATHERINE
Les circonstances l'accusent, du moins...Hélas! mon fils, je ne puis
veiller sur vous comme je le faisais autrefois, et cependant,
peut-ętre aurai-je encore le bonheur de déjouer un grand complot.
HENRI
Un complot! on conspirerait contre moi?...Dites, dites, ma mčre...
Quel est ce papier?...
CATHERINE
Un agent du duc de Guise, l'avocat Jean David, est mort ŕ Lyon... Son
valet était un homme ŕ moi; tous ses papiers m'ont été envoyés,
celui-ci en faisait partie.
HENRI
Voyons, ma mčre, voyons...(Aprčs avoir jeté un coup d'oeil sur le
papier) Comment! un traité entre don Juan d'Autriche et le duc de
Guise!...un traité par lequel ils s'engagent ŕ s'aider mutuellement ŕ
monter, l'un sur le trône des Pays-Bas, l'autre sur le trône de
France! Sur le trône de France? que comptaient-ils donc faire de
moi, ma mčre?...
CATHERINE
Voyez le dernier article de l'acte d'association des ligueurs, car le
voici tel...non pas que vous le connaissez, mon cher Henri, mais tel
qu'il a été présenté ŕ la sanction du saint-pčre, qui a refusé de
l'approuver.
HENRI, lisant
«Puis, quand le duc de Guise aura exterminé les huguenots, se sera
rendu maître des principales villes du royaume, et que tout pliera
sous la puissance de la Ligue, il fera faire le procčs ŕ Monsieur,
comme ŕ un fauteur manifeste des hérétiques, et, aprčs avoir rasé le
roi et l'avoir confiné dans un couvent...» Dans un couvent!...Ils
veulent m'ensevelir dans un cloître!...
CATHERINE
Oui, mon fils; ils disent que c'est lŕ que votre derničre couronne
vous attend...
HENRI
Ma mčre, est-ce que Monsieur le duc l'oserait?
CATHERINE
Pépin a fondé une dynastie, mon fils: et qu'a donné Pépin ŕ
Childéric, en échange de son manteau royal?...
HENRI
Un cilice, ma mčre; un cilice, je le sais; mais les temps sont
changés; pour arriver au trône de France, il faut que la naissance y
donne des droits.
CATHERINE
Ne peut-on en supposer?...Voyez cette généalogie.
HENRI
La maison de Lorraine remonterait ŕ Charlemagne: Cela n'est pas,
vous savez bien que cela n'est pas.
CATHERINE
Vous voyez que les mesures sont prises pour qu'on croie que cela est.
HENRI
Ah! notre cousin de Guise, vous en voulez terriblement ŕ notre belle
couronne de France...Ma mčre, ne pourrait-on pas le punir d'oser y
prétendre sans notre permission?
CATHERINE
Je vous comprends, mon fils; mais ce n'est pas le tout de couper, il
faut recoudre.
HENRI
Mais il se bat demain avec Saint-Mégrin. Saint-Mégrin est brave et
adroit.
CATHERINE
Et croyez-vous que le duc de Guise soit moins brave et moins adroit
que lui?
HENRI
Ma mčre, si nous faisions bénir l'épée de Saint-Mégrin...
CATHERINE
Mon fils, si le duc de Guise fait bénir la sienne...
HENRI
Vous avez raison...Mais qui m'empęche de nommer Saint-Mégrin chef de
la Ligue?
CATHERINE
Et qui voudra le reconnaître? a-t-il un parti?...Peut-ętre y
aurait-il un moyen de tout conjurer, mon fils; mais il faudrait de la
résolution.
HENRI, hésitant
De la résolution!
CATHERINE
Oui; soyez roi, M. de Guise deviendra sujet soumis, sinon
respectueux. Je le connais mieux que vous, Henri; il n'est fort que
parce que vous ętes faible; sous son énergie apparente, il cache un
caractčre irrésolu...C'est un roseau peint en fer...Appuyez, il
pliera.
HENRI
Oui, oui, il pliera. Mais quel est ce moyen? Voyons!...faut-il les
exiler tous deux? Je suis pręt ŕ signer leur exil.
CATHERINE
Non; peut-ętre ai-je un autre moyen...Mais jurez-moi qu'ŕ l'avenir
vous me consulterez avant eux sur tout ce que vous voudrez faire.
HENRI
N'est-ce que cela, ma mčre? Je vous le jure.
CATHERINE
Mon fils, les serments prononcées devant l'autel sont plus agréables
ŕ Dieu.
HENRI
Et lient mieux les hommes, n'est-ce pas? Eh bien, venez, ma mčre, je
m'abandonne entičrement ŕ vous.
CATHERINE
Oui, mon fils, passons dans votre oratoire.
SCENE VI
LE DUC DE GUISE, puis RUGGIERI
LE DUC DE GUISE
Quand donc une bonne arquebusade de favoris nous délivera-t-elle de ces
insolents petits muguets? M. le comte Caussade de Saint-Mégrin...Le roi
l'a fait comte; et qui sait oů s'arrętera ce champignon de fortune?
Mayenne, avant son départ, me l'avait recommandé. Je dois m'en défier,
dit-il: il a cru s'apercevoir qu'il aimait la duchesse de Guise et m'en
a fait prévenir par Bassompierre...Tęte-Dieu! si je n'étais aussi sűr de
la vertu de ma femme, M. de Saint-Mégrin payerait cher ce soupçon!
(Entre Ruggieri) Ah! c'est toi, Ruggieri.
RUGGIERI
Oui, monseigneur duc...
LE DUC DE GUISE
J'ai avancé d'un jour la réunion qui devait avoir lieu chez
toi...Dans quelques minutes, nos amis seront ici...Je suis venu le
premier, parce que je désirais te trouver seul. Nicolas Poulain m'a
dit que je pouvais compter sur toi.
RUGGIERI
Il a dit vrai...Et mon art...
LE DUC DE GUISE
Laissons lŕ ton art. Que j'y croie ou que je n'y croie pas, je suis
trop bon chrétien pour y avoir recours. Mais je sais que tu es
savant, versé dans la connaissance des manuscrits et des
archives...C'est de cette science que j'ai besoin. Ecoute-moi.
L'avocat Jean David n'a pu obtenir du saint-pčre qu'il ratifiât la
Ligue; il est rentré en France...
RUGGIERI
Oui; les derničres lettres que j'ai reçues de lui étaient datées de
Lyon.
LE DUC DE GUISE
Il y est mort; il était porteur de papiers importants...Ces papiers
ont été soustraits. Parmi eux se trouvait une généalogie que le duc
de Guise, mon pčre, de glorieuse mémoire, avait fait faire, en 1535,
par François Rosičres. On y prouvait que les princes lorrains
étaient la seule et vraie posterité de Charlemagne. Mon pčre, il
faut me refaire un nouvel arbre généalogique qui prenne sa racine
dans celui des Carolingiens; il faut l'appuyer de nouvelles preuves.
C'est un travail pénible et difficile, qui veut ętre bien payé.
Voici un ŕ-compte.
RUGGIERI
Vous serez content de moi, monseigneur.
LE DUC DE GUISE
Bien...Et que venaient faire ici ces jeunes papillons de cour que j'y
ai trouvés?
RUGGIERI
Me consulter sur l'avenir.
LE DUC DE GUISE
Sont-ils donc mécontents du présent?...Ils seraient bien difficiles.
Ils se sont éloignés, n'est-ce pas?
RUGGIERI
Oui, monseigneur; ils sont au Louvre maintenant.
LE DUC DE GUISE
Que le Valois s'endorme au bruit de leur bourdonnement, pour ne
s'éveiller qu'ŕ celui de la cloche qui lui sonnera matines...Mais il
y a quelqu'un dans l'antichambre...Ah! ah! c'est le pčre Crucé.
ACTE TROISIEME
L'oratoire de la duchesse de Guise
SCENE PREMIERE
ARTHUR, MADAME DE COSSE, MARIE
MADAME DE COSSE, déposant sur une table de toilette un domino noir
Concevez-vous, Marie, madame la duchesse de Guise, qui veut aller au
bal de la cour en simple domino?
MARIE, déposant des fleurs sur la męme table
C'est que madame la duchesse n'est pas coquette...
MADAME DE COSSE
Mais, sans ętre coquette, on peut tirer parti de ses avantages...A
quoi servira-t-il d'ętre jolie et bien faite, si l'on se couvre la
figure de ce masque noir, et si l'on s'enveloppe la taille de ce
domino large comme une robe d'ermite? pourquoi ne pas se mettre en
Diane ou en Hébé?
ARTHUR
C'est qu'elle veut vous laisser ce costume, madame de Cossé.
MADAME DE COSSE
Voyez donc ce petit muguet!...Allez ramasser l'éventail de votre
maîtresse, ou porter la queue de sa robe, et ne parlez pas toilette;
vous n'y connaissez encore rien...Dans trois ou quatre ans, ŕ la
bonne heure!
ARTHUR
Tiens...Je vais avoir quinze ans.
MADAME DE COSSE
Quatorze ans, mon beau page, ne vous déplaise...
MARIE
Ce domino, d'ailleurs, n'est que pour entrer dans la salle de bal.
Une partie des dames, vous le savez, ne se masquent que pour jouir du
premier coup d'oeil, et reviennent ensuite en costume de ville.
MADAME DE COSSE
Et voilŕ le tort...Autrefois, on conservait son déguisement toute la
nuit...Par exemple, au fameux bal masqué qui eut lieu lors de
l'avčnement au trône de Henri II, il y a vingt-cinq ans...Je n'en
avais que vingt.
ARTHUR
Il y a trente ans, madame de Cossé, ne vous en déplaise.
MADAME DE COSSE
Vingt-cinq ou trente, peu importe...Alors je n'en avais que quinze.
Eh bien, tout le monde resta en costume, jusqu'au moment oů
l'astronome Lucas Gaudric prédit au roi qu'il serait tué dans un
combat singulier. Onze ans aprčs Montgomery accomplit la prédiction.
ARTHUR
C'est bien malheureux! depuis ce temps, il n'y a plus de tournois.
MADAME DE COSSE
C'est effectivement quelque chose de bien fâcheux...Il ferait beau
voir jouter les jeunes gens de votre époque: voilŕ de plaisants
damerets, en comparaison des chevaliers de Henri II.
ARTHUR
Vous pourriez męme dire, en comparaison des chevaliers du roi
François Ier. Vous les avez vus, madame de Cossé.
MADAME DE COSSE
J'étais un enfant...Je ne m'en souviens pas...Un enfant au berceau,
entendez-vous?
MARIE
Mais il me semble, madame, que le baron-duc d'Epernon, le vicomte de
Joyeuse, le seigneur de Bussy, le baron de Dunes...
ARTHUR
Et le comte de Saint-Mégrin, donc!...
MADAME DE COSSE
Ah! vous voilŕ encore avec votre petit bordelais...J'aurais bien
voulu le voir, avec une armure de deux cents livres, comme celle que
portait M. de Cossé, mon noble époux, quand il me couronna dame de la
beauté et des amours, et brisa en mon honneur cinq lances, dont M. de
Saint-Mégrin ne pourrait pas remuer la plus petite avec les deux
mains...C'était au fameux tournoi de Soissons...
MARIE
Au fameux tournoi de Soissons?...
ARTHUR
Eh! oui...au fameux tournoi de Soissons, en 1546, un an avant la mort
du roi François Ier, quand madame de Cossé était encore au berceau...
MADAME DE COSSE
Petit drôle!...vous vous fiez bien ŕ ce que vous ętes le parent de
madame la duchesse de Guise.
SCENE II
LES MEMES, LA DUCHESSE DE GUISE
ARTHUR, courant ŕ elle
Oh! venez, ma belle cousine et maîtresse! et protégez-moi contre le
courroux de votre premičre dame d'honneur...
LA DUCHESSE DE GUISE, distraite
Qu'avez-vous fait? encore quelque espičglerie?...
ARTHUR
Chevalier discourtois, je me souviens des dates.
MADAME DE COSSE, interrompant
Madame la duchesse paraît préoccupée.
LA DUCHESSE DE GUISE
Moi? Non...N'auriez-vous pas trouvé ici un mouchoir ŕ mes armes?
MARIE
Non, madame.
ARTHUR
Je vais le chercher; et, si je le trouve, quelle sera ma récompense?
LA DUCHESSE DE GUISE
Ta récompense, enfant?...Un mouchoir mérite-t-il donc une grande
récompense? Eh bien, cherche-le, Arthur.
MARIE
Pendant que Madame était retirée dans son appartement, oů elle avait
dit, en rentrant, qu'elle voulait rester seule, la reine Louise est
venue pour lui faire une visite; elle avait dans sa bourse le plus
joli petit sapajou...
MADAME DE COSSE
Oui, elle désirait connaître le déguisement de madame. Elle est
entrée chez madame de Montpensier; et, comme j'y étais, je connais
tous les costumes des seigneurs et dames de la cour.
LA DUCHESSE DE GUISE, ŕ Arthur, qui revient s'asseoir ŕ ses pieds
Eh bien?
ARTHUR
Je n'ai rien trouvé...
MADAME DE COSSE
M. de Joyeuse est en Alcibiade...Il a un casque d'or massif...Son
costume lui coűte, dit-on, dix mille livres tournois. M. d'Epernon
est...
ARTHUR
Et M. de Saint-Mégrin? (La duchesse tressaille)
MADAME DE COSSE
Ah!...M. de Saint-Mégrin? Il avait aussi un costume trčs-brillant;
mais, aujourd'hui, il en a commandé un autre, tout simple, un costume
d'astrologue, semblable ŕ celui que porte Côme Ruggieri.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ruggieri?...Dites-moi, Ruggieri ne demeure-t-il pas rue de Grenelle,
prčs de l'hôtel de Soissons?
MARIE
Oui.
LA DUCHESSE DE GUISE, ŕ part
Plus de doute!...c'était chez lui...J'avais cru le
reconnaître...(Haut) N'est-il venu aucune autre personne?
MADAME DE COSSE
Si...M. Brantôme, pour vous offrir le volume de ses _Dames
galantes_... Je l'ai déposé sur cette table...La reine de Navarre y
joue un grand rôle...Et puis M. Ronsard est aussi venu...il voulait
absolument vous voir...Vous lui avez reproché, l'autre jour, chez
madame de Montpensier, de ne pas assez soigner ses rimes, et il vous
apportait une petite pičce de vers.
LA DUCHESSE DE GUISE, avec distraction
Sur la rime?...
MADAME DE COSSE
Non, madame; mais mieux rimée qu'il n'a coutume de le faire. Madame
la duchesse veut-elle les entendre?
LA DUCHESSE DE GUISE
Donnez ŕ Arthur, il les lira.
ARTHUR, lisant
Mignonne, allons voir si la rose
Qui, ce matin, avoit desclose
Sa robe de pourpre au soleil
N'a point perdu, cette vesprée,
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vostre pareil.
Las! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a, dessus la place,
Lŕ, lŕ, ses beautés laissé choir.
O vrayment marastre nature!
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir!
Or donc, écoutez-moi, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne,
Dans sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse;
Comme ŕ cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
LA DUCHESSE DE GUISE, toujours distraite
Mais il me semble qu'ils sont bien, ces vers.
ARTHUR
Oh! M. de Saint-Mégrin en fait au moins d'aussi jolis...
LA DUCHESSE DE GUISE
M. de Saint-Mégrin?...
MADAME DE COSSE
Ce ne sont pas des vers amoureux, toujours...
ARTHUR
Et pourquoi cela?
MADAME DE COSSE
Il est probable qu'il n'a encore trouvé aucune femme digne de son
amour, puisqu'il est le seul, parmi tous les jeunes gens de la cour,
qui ne porte pas le chiffre de sa dame sur son manteau.
ARTHUR
Et s'il aimait quelqu'un dont il ne pűt porter le chiffre?...Cela
peut ętre.
LA DUCHESSE DE GUISE
Oui,...cela peut ętre.
MADAME DE COSSE, ŕ Arthur
Mais qu'a donc de si remarquable ce petit comte de Saint-Mégrin, pour
ętre l'objet de votre enthousiasme?
ARTHUR
Si remarquable?...Ah! je ne demande rien que d'ętre digne de devenir
son page, quand je ne pourrai plus ętre celui de ma belle cousine.
LA DUCHESSE DE GUISE
Tu l'aimes donc bien?
ARTHUR
Si j'étais femme, je n'aurais pas d'autre chevalier.
LA DUCHESSE DE GUISE, vivement
Mesdames, je puis achever ma toilette; je vous rappellerai, si j'ai
besoin de vous...Reste, Arthur, reste; j'ai quelques commissions ŕ te
donner.
SCENE III
LA DUCHESSE DE GUISE, ARTHUR
ARTHUR
J'attends vos ordres.
LA DUCHESSE DE GUISE
Bien; mais je ne sais plus ce que j'avais ŕ d'ordonner. Je suis
distraite, préoccupée...Que tu es bizarre, avec ton fanatisme pour ce
jeune vicomte de Joyeuse!
ARTHUR
Joyeuse?...Non...Saint-Mégrin.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! oui,...c'est vrai; mais que trouves-tu de si extraordinaire en ce
jeune homme? Moi, je cherche en vain.
ARTHUR
Vous ne l'avez donc pas vu courir la bague avec le roi?
LA DUCHESSE DE GUISE
Si.
ARTHUR
Et qui donc pourriez-vous lui comparer pour l'adresse? S'il monte ŕ
cheval, c'est toujours le cheval le plus fougueux qui est le sien;
s'il se bat moins souvent que les autres, c'est que l'on connaît sa
force, et qu'on hésite ŕ lui chercher querelle. Le roi seul,
peut-ętre, pourrait se défendre contre lui. Tous nos jeunes
seigneurs de la cour lui portent envie, et cependant la coupe de leur
pourpoint et de leur manteau est toujours reglée sur celle des siens.
LA DUCHESSE DE GUISE
Oui, oui, c'est vrai...Il est homme de bon goűt; mais madame de Cossé
parlait de sa froideur pour les dames, et tu ne voudrais pas prendre
pour modčle chevalier qui ne les aimât pas.
ARTHUR
La dame de Sauve est lŕ pour témoigner du contraire.
LA DUCHESSE DE GUISE, vivement
La dame de Sauve!...On dit qu'il ne l'a jamais aimée.
ARTHUR
S'il ne l'aime plus, il en aime certainement un autre.
LA DUCHESSE DE GUISE
T'aurait-il choisi pour son confident?...Il ne ferait pas preuve de
prudence, en le prenant si jeune...
ARTHUR
Si j'étais son confident, ma belle cousine, on me tuerait plutôt que
de m'arracher son secret...Mais il ne m'a rien confié...J'ai vu.
LA DUCHESSE DE GUISE
Tu as vu...quoi?...qu'as-tu vu?
ARTHUR
Vous vous rappelez le jour ou le roi invita toute la cour ŕ visiter
les lions qu'il avait fait venir de Tunis, et qu'on avait placés au
Louvre avec ceux qu'il y nourrit déjŕ?...
LA DUCHESSE DE GUISE
Oh! oui...Leur aspect seul m'a effrayée, quoique je les visse d'une
galerie élevée de dix pieds au-dessus d'eux.
ARTHUR
Eh bien, ŕ peine en étions-nous sortis que leur gardien poussa un
cri; je rentrai: M. de Saint-Mégrin venait de s'élancer dans
l'enceinte des animaux pour y ramasser un bouquet qu'y avait laissé
tomber une dame...
LA DUCHESSE DE GUISE
Le malheureux! ce bouquet était le mien.
ARTHUR
Le vôtre, ma belle cousine?
LA DUCHESSE DE GUISE
Ai-je dit le mien?...Oui, le mien, ou celui de Madame de Sauve...Vous
savez qu'il a éperdument aimé madame de Sauve...Le fou!...Et que
faisait-il de ce bouquet?
ARTHUR
Oh! il l'appuyait avec passion sur sa bouche, il le pressait contre
son coeur...Le gardien ouvrit une porte, et le fit sortir presque de
force...Il riait comme un insensé, lui jetait de l'argent; puis il
m'aperçut, cacha le bouquet dans sa poitrine, s'élança sur un cheval
qui l'attendait dans la cour du Louvre, et disparut.
LA DUCHESSE DE GUISE
Est-ce tout?...est-ce tout?...Oh! encore, encore!...parle-moi encore
de lui!
ARTHUR
Et depuis, je l'ai vu, il...
LA DUCHESSE DE GUISE
Silence, enfant!...M. le duc...Reste prčs de moi, Arthur; ne me
quitte pas que je ne te l'ordonne...
SCENE IV
LES MEMES, LE DUC DE GUISE
LE DUC DE GUISE
Vous étiez levée, madame...Alliez-vous rentrer dans votre
appartement?
LA DUCHESSE DE GUISE
Non, monsieur le duc, j'allais appeler mes femmes, pour ma toilette.
LE DUC DE GUISE
Elle est inutile, madame: le bal n'a pas lieu, et vous devez en ętre
contente, vous paraissiez n'y aller qu'ŕ contre-coeur?
LA DUCHESSE DE GUISE
Je suivais vos ordres, et j'ai fait ce que j'ai pu pour que vous ne
vissiez pas qu'ils m'étaient pénibles.
LE DUC DE GUISE
Que voulez-vous!...J'ai compris que cette conclusion ŕ laquelle vous
vous condamniez était ridicule ŕ votre âge...et qu'il fallait, de
temps en temps, vous montrer ŕ la cour; certaines personnes, madame,
pourraient y remarquer votre absence, et l'attribuer ŕ des motifs...
Mais il s'agit d'autre chose, madame... Arthur, laissez-moi...
LA DUCHESSE DE GUISE
Et pourquoi éloigner cet enfant, monsieur le duc? est-ce donc un
entretien secret que vous voudriez?...
LE DUC DE GUISE
Et pourquoi le retenir, madame? Craindriez-vous de rester seule avec
moi?
LA DUCHESSE DE GUISE
Moi, monsieur! et pourquoi?
LE DUC DE GUISE
En ce cas, sortez, Arthur...Eh bien?...
ARTHUR
J'attends les ordres de ma maîtresse, monsieur le duc.
LE DUC DE GUISE
Vous l'entendez, madame?
LA DUCHESSE DE GUISE
Arthur, éloignez-vous.
ARTHUR
J'obéis. (Il sort)
SCENE V
LA DUCHESSE DE GUISE, LE DUC DE GUISE
LE DUC DE GUISE
Vrai-Dieu! madame, il est bizarre que les ordres donnés par ma bouche
aient besoin d'ętre ratifiés par la vôtre...
LA DUCHESSE DE GUISE
Ce jeune homme m'appartient, et il a cru devoir attendre de
moi-męme...
LE DUC DE GUISE
Cette obstination n'est pas naturelle, madame; on connaît Henri de
Lorraine, et l'on sait qu'il a toujours chargé son poignard de
réitérer un ordre de sa bouche.
LA DUCHESSE DE GUISE
Eh! monsieur, quelle conséquence pouvez-vous tirer de plus ou moins
d'obéissance de cet enfant?
LE DUC DE GUISE
Moi? Aucune...Mais j'avais besoin de son absence pour vous exposer
plus librement le motif qui m'amčne...Voulez-vous bien me servir de
secrétaire?
LA DUCHESSE DE GUISE
Moi, monsieur! Et pour écrire ŕ qui?
LE DUC DE GUISE
Que vous importe! c'est moi qui dicterai. (En approchant une plume
et du papier) Voilŕ ce qu'il vous faut.
LA DUCHESSE DE GUISE
Je crains de ne pouvoir former un seul mot; ma main tremble; ne
pourriez-vous par une autre personne?...
LE DUC DE GUISE
Non, madame, il est indispensable que ce soit vous.
LA DUCHESSE DE GUISE
Mais, au moins, remettez ŕ plus tard...
LE DUC DE GUISE
Cela ne peut se remettre, madame; d'ailleurs, il suffira que votre
écriture soit lisible...Ecrivez donc.
LA DUCHESSE DE GUISE
Je suis pręte...
LE DUC DE GUISE, dictant
«Plusieurs membres de la Sainte-Union se rassemblent cette nuit ŕ
l'Hôtel de Guise; les portes en resteront ouvertes jusqu'ŕ une heure
du matin; vous pouvez, ŕ l'aide d'un costume de ligueur, passer sans
ętre aperçu...L'appartement de madame la duchesse de Guise est au
deuxičme étage...»
LA DUCHESSE DE GUISE
Je n'écrirai pas davantage, que je ne sache ŕ qui est destiné ce
billet...
LE DUC DE GUISE
Vous le verrez, madame, en mettant l'adresse.
LA DUCHESSE DE GUISE
Elle ne peut ętre pour vous, monsieur; et ŕ tout autre, elle
compromet mon honneur...
LE DUC DE GUISE
Votre honneur...Vive-Dieu! madame; et qui doit en ętre plus jaloux
que moi?...Laissez-m'en juge, et suivez mon désir...
LA DUCHESSE DE GUISE
Votre désir?...Je dois m'y refuser.
LE DUC DE GUISE
Obéissez ŕ mes ordres, alors...
LA DUCHESSE DE GUISE
A vos ordres?...Peut-ętre ai-je le droit d'en demander la cause...
LE DUC DE GUISE
La cause, madame? Tous ces retardements me prouvent que vous la
connaissez.
LA DUCHESSE DE GUISE
Moi! et comment?
LE DUC DE GUISE
Peu importe!...écrivez...
LA DUCHESSE DE GUISE
Permettez que je me retire...
LE DUC DE GUISE
Vous ne sortirez pas...
LA DUCHESSE DE GUISE
Vous n'obtiendrez rien de moi en me contraignant ŕ rester.
LE DUC DE GUISE, la forçant ŕ s'asseoir
Peut-ętre, vous réfléchirez, madame: mes ordres, méprisés par vous,
ne le sont point encore par tout le monde...et, d'un mot, je puis
substituer ŕ l'oratoire élégant de l'hôtel de Guise l'humble cellule
d'un cloître.
LA DUCHESSE DE GUISE
Désignez-moi le couvent oů je dois me retirer, monsieur le duc; les
biens que je vous ai apportés comme princesse de Porcian y payeront
la dot de la duchesse de Guise.
LE DUC DE GUISE
Oui, madame; sans doute, vous jugez en vous-męme que ce ne serait
qu'une faible expiation. D'ailleurs, l'espoir vous suivrait au delŕ
de la grille; il n'est point de murs si élevés qu'on ne puisse
franchir, surtout si on y est aidé par un chevalier adroit, puissant
et dévoué...Non, madame, non, je ne vous laisserai pas cette chance.
Mais revenons ŕ cette lettre; il faut qu'elle s'achčve.
LA DUCHESSE DE GUISE
Jamais, monsieur, jamais!
LE DUC DE GUISE
Ne me poussez pas ŕ bout, madame; c'est déjŕ beaucoup que j'aie
consenti ŕ vous menacer deux fois.
LA DUCHESSE DE GUISE
Eh bien, je préfčre une reclusion éternelle.
LE DUC DE GUISE
Mort et damnation! croyez-vous donc que je n'aie que ce moyen?
LA DUCHESSE DE GUISE
Et quel autre?...(Le duc verse le contenu d'un flacon dans une petite
coupe) Ah! vous ne voudriez pas m'assassiner...Que faites-vous,
monsieur de Guise? que faites-vous?
LE DUC DE GUISE
Rien...J'espčre seulement que la vue de ce breuvage aura une vertu
que n'ont point mes paroles.
LA DUCHESSE DE GUISE
Eh quoi!...vous pourriez?...Ah!
LE DUC DE GUISE
Ecrivez, madame, ecrivez.
LA DUCHESSE DE GUISE
Non, non. Oh! mon Dieu! mon Dieu!
LE DUC DE GUISE, saisissant la coupe
Eh bien?...
LA DUCHESSE DE GUISE
Henri, au nom du ciel! Je suis innocente, je vous le jure...Que la
mort d'une femme faible ne souille pas votre nom. Henri, ce serait
un crime affreux, car je ne suis pas coupable; j'embrasse vos genoux;
que voulez-vous de plus? Oui, oui, je crains la mort.
LE DUC DE GUISE
Il y a moyen de vous y soustraire.
LA DUCHESSE DE GUISE
Il est plus affreux qu'elle encore...Mais non, tout cela n'est qu'un
jeu pour m'épouvanter. Vous n'avez pas pu avoir, vous n'avez pas eu
cette exécrable idée.
LE DUC DE GUISE, riant
Un jeu, madame!
LA DUCHESSE DE GUISE
Non...Votre sourire m'a tout dit...Laissez-moi un instant pour me
recueillir. (Elle abaisse la tęte entre ses mains, et prie.)
LE DUC DE GUISE
Un instant, madame, rien qu'un instant.
LA DUCHESSE DE GUISE, aprčs s'ętre recueillie
Et maintenant, ô mon Dieu! aie pitié de moi!
LE DUC DE GUISE
Etes-vous décidée?
LA DUCHESSE DE GUISE, se relevant toute seule
Je le suis.
LE DUC DE GUISE
A l'obéissance?
LA DUCHESSE DE GUISE, prenant la coupe
A la mort!
LE DUC DE GUISE, lui arrachant la coupe et la jetant ŕ terre
Vous l'aimiez bien, madame!...Elle a préféré...Malédiction!
malediction sur vous et sur lui!...sur lui surtout qui est tant aimé!
Ecrivez.
LA DUCHESSE DE GUISE
Malheur! malheur ŕ moi!
LE DUC DE GUISE
Oui, malheur! car il est plus facile ŕ une femme d'expirer que de
souffrir. (Lui saisissant le bras avec son gant de fer) Ecrivez.
LA DUCHESSE DE GUISE
Oh! laissez-moi.
LE DUC DE GUISE
Ecrivez.
LA DUCHESSE DE GUISE, essayant de dégager son bras
Vous me faites mal, Henri.
LE DUC DE GUISE
Ecrivez, vous dis-je!
LA DUCHESSE DE GUISE
Vous me faites bien mal, Henri; vous me faites horriblement
mal...Grâce! grâce! ah!
LE DUC DE GUISE
Ecrivez donc.
LA DUCHESSE DE GUISE
Le puis-je? Ma vue se trouble...Une sueur froide...O mon Dieu! mon
Dieu! je te remercie, je vais mourir. (Elle s'évanouit)
LE DUC DE GUISE
Eh! non, madame.
LA DUCHESSE DE GUISE
Qu'exigez-vous de moi?
LE DUC DE GUISE
Que vous m'obéissiez.
LA DUCHESSE DE GUISE, accablée
Oui! oui! j'obéis. Mon Dieu! tu le sais, j'ai bravé la mort...la
douleur seule m'a vaincue...elle a été au delŕ de mes forces. Tu
l'as permis, ô mon Dieu! le reste est entre tes mains.
LE DUC DE GUISE, dictant
«L'appartement de madame la duchesse de Guise est au deuxičme étage,
et cette clef en ouvre la porte.» L'adresse maintenant. (Pendant
qu'il plie la lettre, madame de Guise relčve sa manche, et l'on voit
sur son bras des traces bleuâtres)
LA DUCHESSE DE GUISE
Que dirait la noblesse de France, si elle savait que le duc de Guise
a meurtri un bras de femme avec un gantelet de chevalier?
LE DUC DE GUISE
Le duc de Guise en rendra raison ŕ quiconque viendra la lui demander.
Achevez: «A Monsieur le comte de Saint-Mégrin.»
LA DUCHESSE DE GUISE
C'était donc bien ŕ lui?
LE DUC DE GUISE
Ne l'aviez-vous pas deviné?
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le duc, ma conscience me permettait d'en douter, du moins.
LE DUC DE GUISE
Assez, assez. Appelez un de vos pages, et remettez-lui cette lettre
(allant ŕ la porte du salon et ôtant la clef) et cette clef.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! monsieur de Guise! puisse-t-on avoir plus pitié de vous que vous
n'avez eu pitié de moi!
LE DUC DE GUISE
Appelez un page.
LA DUCHESSE DE GUISE
Aucun n'est lŕ...
LE DUC DE GUISE
Arthur, votre page favori, ne doit pas ętre loin; appelez-le, je vous
l'ordonne! appelez-le!...Mais, auparavant, madame, faites bien
attention que je suis lŕ, derričre cette portičre...Un seul signe, un
seul mot, cet enfant est mort...et c'est vous qui l'aurez tué...(Il
siffle) Songez-y, madame...
LA DUCHESSE, appelant
Arthur!
SCENE VI
LES MEMES, ARTHUR
ARTHUR
Me voilŕ, madame, Dieu!...grand Dieu! que vous ętes pâle!...
LA DUCHESSE DE GUISE
Moi, pâle? Non, non...tu te trompes...(Lui tendant la lettre et la
retirant) Ce n'est rien...Eloigne-toi, Arthur, éloigne-toi...
ARTHUR
Moi, vous quitter, quand vous souffrez!...Voulez-vous que j'appelle
vos femmes?
LA DUCHESSE DE GUISE
Garde-t'en bien, Arthur!...Prends cette lettre,...cette clef,...et
va-t'en...Pars!...pars!...
ARTHUR, lisant
«A Monsieur le comte de Saint-Mégrin...» Oh! qu'il sera heureux,
madame!...Je cours... (Il sort)
LA DUCHESSE DE GUISE
Heureux?...Oh! non...non, reviens!...reviens, Arthur!...Arthur!...
LE DUC DE GUISE, lui mettant la main sur la bouche
Silence, madame!
LA DUCHESSE DE GUISE, tombant dans ses bras
Ah!...
LE DUC DE GUISE, l'emportant dans le salon, et refermant la porte
avec une double clef
Et, maintenant, que cette porte ne se rouvre plus que pour lui!
ACTE QUATRIEME
Męme décoration qu'au deuxičme acte
SCENE PREMIERE
ARTHUR, puis SAINT-MEGRIN
ARTHUR
Dans la salle du conseil, l'appartement de M. de Saint-Mégrin, ŕ
gauche... (Saint-Mégrin sort de son appartement) Pour vous, comte.
SAINT-MEGRIN
Cette lettre et cette clef sont pour moi, dis-tu? Oui... «A Monsieur
le comte de Saint-Mégrin.» De qui les tiens-tu?
ARTHUR
Quoique vous ne les attendissiez de personne, ne pouviez-vous les
espérer de quelqu'un?
SAINT-MEGRIN
De quelqu'un?...Comment?...Et qui es-tu, toi-męme?
ARTHUR
Etes-vous si ignorant en blason, comte, que vous ne puissiez
reconnaître les armes réunies de deux maisons souveraines?...
SAINT-MEGRIN
La duchesse de Guise!... (Lui mettant la main sur la bouche)
Tais-toi!...Je sais tout... (Il lit) Elle-męme t'a remis cette
lettre?...
ARTHUR
Elle-męme.
SAINT-MEGRIN
Elle-męme!...Jeune homme, ne cherche pas ŕ m'abuser!...Je ne connais
pas son écriture...Avoue-le-moi, tu as voulu me tromper...
ARTHUR
Moi, vous tromper?...Ah!...
SAINT-MEGRIN
Oů t'a-t-elle remis cette lettre?
ARTHUR
Dans son oratoire.
SAINT-MEGRIN
Elle était seule?
ARTHUR
Seule.
SAINT-MEGRIN
Et que paraissait-elle éprouver?
ARTHUR
Je ne sais, mais elle était pâle, et tremblante.
SAINT-MEGRIN
Dans son oratoire! seule, pâle et tremblante!...Tout cela devait
ętre, et cependant j'étais si loin de m'attendre...Non, c'est
impossible. (Il relit) «Plusieurs membres de la Sainte-Union se
rassemblent cette nuit ŕ l'Hôtel de Guise; les portes en resteront
ouvertes jusqu'ŕ une heure du matin. A l'aide d'un déguisement de
ligueur, vous pouvez passer sans ętre aperçu. L'appartement de
madame la duchesse de Guise est au deuxičme étage, et cette clef en
ouvre la porte. --A Monsieur le comte de Saint-Mégrin.» C'est bien
ŕ moi...pour moi; ce n'est point un songe,...ma tęte ne s'égare
pas...Cette clef,...ce papier,...ces lignes tracées, tout est
réel!...il n'y a point lŕ d'illusion... (Il porte la lettre ŕ ses
lčvres) Je suis aimé!...aimé!...
ARTHUR
A votre tour, comte, silence!...
SAINT-MEGRIN
Oui, tu as raison, silence! et ŕ toi aussi, jeune homme, silence!...
Sois muet comme la tombe...Oublie ce que tu as fait, ce que tu as vu,
ne te rappelle plus mon nom, ne te rappelle plus celui de ta
maîtresse. Elle a montré de la prudence en te chargeant de ce
message. Ce n'est point parmi les enfants qu'on doit craindre les
délateurs.
ARTHUR
Et moi, comte, je suis fier d'avoir un secret ŕ nous deux.
SAINT-MEGRIN
Oui;...mais un secret terrible; un de ces secrets qui tuent. Ah!
fais en sorte que ta physionomie ne le trahisse pas, que tes yeux ne
le révčlent jamais...Tu es jeune: conserve la gaieté et
l'insouciance de ton âge. S'il arrive que nous nous rencontrions,
passe sans me connaître, sans m'apercevoir; si tu avais encore dans
l'avenir quelque chose ŕ m'apprendre, ne l'exprime point par des
paroles, ne le confie pas au papier; un signe, un regard me dira
tout...Je devinerai le moindre de tes gestes; je comprendrai ta plus
secrčte pensée. Je ne puis te récompenser du bonheur que je te
dois...Mais, si jamais tu avais besoin de mon aide ou de mon secours,
viens ŕ moi, parle...et ce que tu demanderas, tu l'auras, sur mon
âme, fűt-ce mon sang. Sors, sors, maintenant, et garde que personne
ne te voie...Adieu, adieu!
ARTHUR, lui pressant la main
Adieu, comte, adieu!
SCENE II
SAINT-MEGRIN, puis GEORGES
SAINT-MEGRIN
Va, jeune homme, et que le ciel veille sur toi! Ah! je suis
aimé!...Mais il est dix heures; j'ai ŕ peine le temps de me procurer
le costume ŕ l'aide duquel...Georges! Georges! (Son valet entre)
Il me faut pour ce soir un costume de ligueur; occupe-toi ŕ l'instant
de te le procurer. Que je le trouve ici quand j'en aurai besoin; va.
(Georges sort) Mais qui vient ici?...Ah! c'est Côme Ruggieri.
SCENE III
SAINT-MEGRIN, RUGGIERI
SAINT-MEGRIN
Viens, oh! viens, mon pčre, que je te remercie. Eh bien, toutes tes
prédictions se sont réalisées. Je te rends grâce, car je suis
heureux; oh! oui, oui, plus heureux que tu ne peux le croire...Tu ne
me réponds pas, tu m'examines!
RUGGIERI, le conduisant vers la lumičre
Jeune homme, avance avec moi.
SAINT-MEGRIN
Oh! que peux-tu lire sur mon front, si ce n'est un avenir d'amour et
de bonheur?
RUGGIERI
La mort, peut-ętre.
SAINT-MEGRIN
Que dites-vous, mon pčre!...
RUGGIERI
La mort!...
SAINT-MEGRIN, riant
Ah! mon pčre, de grâce, laissez-moi vivre jusqu'ŕ demain, c'est tout
ce que je vous demande.
RUGGIERI
Mon fils, souviens-toi de Dugast.
SAINT-MEGRIN
Dugast!...Il est vrai que je cours un danger; demain, je me bats avec
le duc de Guise.
RUGGIERI
Demain! ŕ quelle heure?
SAINT-MEGRIN
A dix heures.
RUGGIERI
Ce n'est pas cela. Si demain, ŕ dix heures, tu vois encore la
lumičre du ciel, compte alors sur des jours longs et heureux.
(Allant ŕ la fenętre) Vois-tu cette étoile?
SAINT-MEGRIN
Qui brille prčs d'une autre plus brillante encore?
RUGGIERI
Oui; et, ŕ l'occident, distingues-tu ce nuage sombre qui n'est encore
qu'un point dans l'immensité?
SAINT-MEGRIN
Oui; eh bien?...
RUGGIERI
Eh bien, dans une heure, cette étoile aura disparu sous ce nuage, et
cette étoile, c'est la tienne. (Il sort)
SCENE IV
SAINT-MEGRIN, puis JOYEUSE
SAINT-MEGRIN
Cette étoile, c'est la mienne! Ruggieri, arręte!...Il ne m'entend
pas; il entre chez la reine mčre. Cette étoile, c'est la mienne; et
ce nuage!...Vive-Dieu! je suis bien insensé de croire aux paroles de
ce visionnaire...Ces signes ne l'ont jamais trompé, dit-il. Dugast,
Dugast! et toi aussi, tu volais comme moi ŕ un rendez-vous d'amour,
lorsque tu es tombé assassiné; et ton sang, en sortant de tes
vingt-deux blessures, bouillait encore d'espérance et de bonheur.
Ah! si je dois mourir aussi, mon Dieu! mon Dieu! que je ne meure du
moins qu'au retour! (Entre Joyeuse)
JOYEUSE
Je te cherchais, Saint-Mégrin. Eh bien, que fais-tu lŕ? Est-ce que
tu lis dans les astres, toi?
SAINT-MEGRIN
Moi? Non.
JOYEUSE
Je t'avais pris en entrant pour un astrologue. Quoi! encore? Mais
qu'as-tu donc?
SAINT-MEGRIN
Rien, rien: je regarde le ciel.
JOYEUSE
Il est superbe! les étoiles étincellent.
SAINT-MEGRIN, avec mélancolie
Joyeuse, crois-tu qu'aprčs notre mort, notre âme doive habiter un des
ces globes brillants, sur lesquels notre vue s'est arrętée tant de
fois pendant notre vie?
JOYEUSE
Ces pensées ne me sont jamais venues, sur mon âme; elles sont trop
tristes...Tu connais ma devise: *Hilariter*, joyeusement!...voilŕ
pour ce monde...Quant ŕ l'autre, peu m'importe ce qu'il sera, pourvu
que je m'y trouve bien.
SAINT-MEGRIN, sans l'écouter
Crois-tu que, lŕ, nous serons réunis aux personnes que nous avons
aimées ici-bas?...Dis; crois-tu que l'éternité puisse ętre le
bonheur?...
JOYEUSE
Vrai-Dieu! tu deviens fou, Saint-Mégrin; quel diable de langage me
parles-tu lŕ? Arrange-toi de maničre que, demain, ŕ pareille heure,
M. de Guise puisse t'en donner des nouvelles sűres, et ne me demande
pas cela, ŕ moi. J'ai déjŕ le cou tout disloqué d'avoir regardé en
l'air.
SAINT-MEGRIN
Tu as raison; oui, je suis un insensé...
JOYEUSE
Voici le roi...Voyons, éloigne cet air soucieux. On dirait, sur mon
âme, que ce duel t'inquičte. Est-ce que tu serais fâché?...
SAINT-MEGRIN
Moi, fâché?...Vrai-Dieu! s'il me tue, Joyeuse, ce ne sera pas ma vie
que je regretterai, ce sera de lui laisser la sienne.
SCENE V
LES MEMES, HENRI, D'EPERNON, SAINT-LUC, BUSSY, DU HALDE, Plusieurs
Pages et Seigneurs; puis CATHERINE DE MEDICIS
HENRI
Soyez tranquilles, messieurs, soyez tranquilles: toutes nos mesures
sont prises. Seigneur de Bussy, nous vous rendons notre amitié, en
récompense de la maničre dont vous avez secondé notre brave sujet le
comte de Saint-Mégrin.
BUSSY D'AMBOISE
Sire!
HENRI, ŕ SAINT-MEGRIN
Te voilŕ, mon digne ami; pourquoi n'es-tu pas venu me voir?
Messieurs, ma mčre assistera ŕ la séance; prévenez-la qu'elle va
s'ouvrir. Ah! auparavant, sur la premičre marche, placez un tabouret
pour M. le comte de Saint-Mégrin. (A Saint-Mégrin) J'ai ŕ te
parler...Par la mort-Dieu! nous voilŕ tous rassemblés, messieurs; il
ne nous manque plus que notre beau cousin de Guise...
CATHERINE, entrant
Il ne se fera pas attendre, mon fils; j'ai aperçu ses pages dans
l'antichambre.
HENRI
Ils seront les bienvenus, ma mčre. Messieurs, prenez vos places.
D'Epernon, la tienne est devant cette table; c'est toi qui seras
notre secrétaire, en l'absence de Morvilliers...
CATHERINE
Surtout, sire...
HENRI
Soyez tranquille, ma mčre, soyez tranquille, vous avez ma parole.
SCENE VI
LES MEMES, LE DUC DE GUISE
HENRI
Entrez, mon beau cousin, entrez. Nous avions songé d'abord ŕ faire
dresser, nous-męme, l'acte de reconnaissance que nous avions promis;
mais nous avons pensé, depuis, que celui que M. d'Humičres a fait
signer aux nobles de Péronne et de la Picardie serait ce qu'il y
aurait de mieux. Quant ŕ celui de nomination du chef, un article au
bas du premier suffira, et déjŕ vous avez sans doute quelques idées
pour sa rédaction?
LE DUC DE GUISE
Oui, sire, je m'en suis occupé. J'ai voulu épargner ŕ Votre Majesté
la peine...l'ennui.
HENRI
Vous ętes bien aimable, mon cousin; veuillez donner cet acte ŕ M. le
baron d'Epernon: lisez-le-nous ŕ haute et intelligible voix, baron.
Or, écoutez, messieurs.
D'EPERNON, lisant
«Association faite entre les princes, seigneurs, gentilshommes et
autres, tant de l'état écclésiastique que de la noblesse de Picardie.
Premičrement...»
HENRI
Attends, d'Epernon. Messieurs, nous connaissons tous cet acte, dont
je vous ai montré copie; il est donc inutile de lire les dix-huit
articles dont il se compose: passez ŕ la fin; et vous, monsieur le
duc, approchez et dictez vous-męme. Réfléchissez qu'il s'agit de
nommer un chef ŕ une grande association! Il faut donc que ce chef
ait de grands pouvoirs...Enfin, mon beau cousin, faites comme pour
vous.
LE DUC DE GUISE
Je vous remercie de votre confiance, sire, vous serez content.
SAINT-MEGRIN
Que faites-vous, sire?...
HENRI
Laisse-moi.
LE DUC DE GUISE, dictant
«1ş L'homme que Sa Majesté honorera de son choix devra ętre issu
d'une maison souveraine, digne de l'amour et de la confiance des
Français par sa conduite passée et sa foi ŕ la religion catholique.
2ş Le titre de lieutenant général du royaume de France lui sera
octroyé, et les troupes seront mises ŕ sa disposition. 3ş Comme ses
actions auront pour but le plus grand bien de la cause, il ne devra
en rendre compte qu'ŕ Dieu et ŕ sa conscience.»
HENRI
Trčs-bien.
SAINT-MEGRIN
Bien!...Et vous pouvez approuver de semblables conditions, sire!...
revętir un homme d'une pareille puissance!
HENRI
Silence!
JOYEUSE
Mais, sire...
HENRI
Silence, messieurs! nous désirons, entendez-vous, nous désirons
positivement que, quel que soit le choix que nous allons faire, il
vous soit agréable. Mon cousin, donnez-leur donc, en bon et loyal
sujet, un exemple de soumission. Vous ętes le premier de mon royaume
aprčs moi, mon beau cousin, et dans ce cas surtout, vous ętes
intéressé ŕ ce qu'on m'obéisse...
LE DUC DE GUISE
Sire, je reconnais d'avance pour chef de la Sainte-Union celui que
vous allez désigner, et je regarderai comme rebelle quiconque osera
braver ses ordres.
HENRI
C'est bien, monsieur le duc. Ecris, d'Epernon. (Se levant devant
son trône) «Nous, Henri de Valois, par la grâce de Dieu, roi de
France et de Pologne, approuvons, par le présent acte rédigé par
notre féal et aimé cousin Henri de Lorraine, duc de Guise,
l'association connue sous le nom de la Sainte-Union...et, de notre
autorité, nous nous en déclarons le chef.»
LE DUC DE GUISE
Comment!...
HENRI
«En foi de quoi, nous l'avons fait revętir de notre sceau royal
(descendant du trône et prenant la plume), et l'avons signé de notre
main. Henri de Valois.» (Passant la plume au duc de Guise) A vous,
mon cousin; ŕ vous qui ętes le premier du royaume, aprčs moi...Eh
bien, vous hésitez? Croyez-vous que le nom de Henri de Valois et les
trois fleurs de lis de France ne figurent pas aussi dignement au bas
de cet acte que le nom de Henri de Guise et les trois merlettes de
Lorraine? Par la mort-Dieu! vous vouliez un homme que possédât
l'amour des Français...Est-ce que nous ne sommes pas aimé, monsieur
le duc? Répondez d'aprčs votre coeur. Vous vouliez un homme d'une
haute noblesse; je me crois aussi bon gentilhomme que qui que ce soit
ici. Signez donc, monsieur le duc, signez; car vous avez dit
vous-męme que quiconque ne signerait pas, serait un rebelle.
LE DUC DE GUISE, ŕ Catherine ŕ part
O Catherine, Catherine!
HENRI, indiquant la place oů Guise doit signer
Lŕ, monsieur le duc, au-dessous de moi.
JOYEUSE
Vive-Dieu! je ne m'attendais pas ŕ celle-lŕ. (Tendant la main pour
prendre la plume) Aprčs vous, monsieur de Guise.
HENRI
Oui, messieurs, signez, signez tous. D'Epernon, tu veilleras ŕ ce
que des copies de cet acte soient envoyées dans toutes les provinces
de notre royaume.
D'EPERNON
Oui, sire.
SAINT-PAUL, ŕ demi-voix, au duc de Guise
Nous n'avons pas été heureux, monsieur le duc, dans notre premičre
entreprise.
LE DUC DE GUISE, de męme, ŕ Saint-Paul
La fortune nous doit un dédommagement; la seconde réussira. Mayenne
est arrivé. Vous prendrez ses ordres.
HENRI
Messieurs, nous vous demandons bien pardon de cette longue séance;
cela n'a pas été tout ŕ fait aussi amusant qu'un bal masqué; mais
prenez-vous-en ŕ notre beau cousin de Guise; c'est lui qui nous y a
forcé. Adieu, monsieur le duc, adieu. Veillez toujours sur les
besoins de l'Etat, en bon et fidčle sujet, comme vous venez de le
faire, et n'oubliez pas que quiconque n'obéira pas au chef que j'ai
nommé sera déclaré coupable de haute trahison. Sur ce, je vous
abandonne ŕ la garde de Dieu, messieurs. Reste, Saint-Mégrin...
Etes-vous contente de moi, ma mčre?
CATHERINE
Oui, mon fils; mais n'oubliez pas que c'est moi...
HENRI
Non, non, ma mčre; d'ailleurs, vous vous chargeriez de m'en faire
souvenir,...n'est-ce pas?
SAINT-MEGRIN, ŕ part
Elle m'attend, et le roi m'a dit de rester. (Tous sortent sauf Henri
et Saint-Mégrin)
SCENE VII
HENRI, SAINT-MEGRIN
HENRI
Eh bien, Saint-Mégrin, j'ai profité, je l'espčre, de tes conseils;
j'ai détrôné mon cousin de Guise, et me voilŕ roi des ligueurs, ŕ sa
place.
SAINT-MEGRIN
Puissiez-vous ne pas vous en repentir, sire! mais cette idée n'est
pas de vous. J'y ai reconnu...
HENRI
Eh bien, quoi?...Parle...
SAINT-MEGRIN
La politique cauteleuse de votre mčre...Elle croit avoir tout gagné,
lorsqu'elle a gagné du temps. Je me doutais qu'elle machinait
quelque chose contre le duc de Guise...Je l'avais entendue, en lui
parlant, l'appeler son ami. Quant ŕ vous, sire, c'est ŕ regret que
je vous ai vu signer cet acte. Vous étiez roi, vous n'ętes plus
qu'un chef de parti.
HENRI
Et que fallait-il donc faire?
SAINT-MEGRIN
Repousser la politique florentine, et agir franchement.
HENRI
De quelle maničre?
SAINT-MEGRIN
En roi...Vive-Dieu! les preuves de la rebellion de M. le duc de Guise
ne vous auraient pas manqué.
HENRI
Je les avais.
SAINT-MEGRIN
Il fallait donc vous en servir et le faire juger.
HENRI
Les parlements sont pour lui.
SAINT-MEGRIN
Il fallait imposer aux parlements la puissance de votre volonté. La
Bastille a de bonnes murailles, de larges fossés, un gouverneur
fidčle; et M. de Guise, en s'y rendant, n'aurait eu qu'ŕ suivre les
traces des maréchaux de Montmorency et de Cossé.
HENRI
Mon ami, il n'y a pas de murailles assez solides pour enfermer un tel
prisonnier...Je ne connais qu'un cercueil de plomb et un tombeau de
marbre qui puissent m'en répondre...Mets-le seulement en état d'y
entrer, Saint-Mégrin,...et je me charge de faire fondre l'un et
d'élever l'autre.
SAINT-MEGRIN
Et, cela étant, sire, il sera puni, il est vrai, mais non pas comme
il l'aura mérité.
HENRI
Peu m'importe la différence des moyens, quand le résultat est le
męme...J'espčre, Saint-Mégrin, que tu n'as rien négligé pour te
préparer ŕ ce combat.
SAINT-MEGRIN
Non sire; mais je n'ai pas encore eu le temps d'accomplir mes devoirs
religieux.
HENRI
Comment, tu n'en as pas eu le temps?...As-tu donc oublié le duel de
Jarnac et de la Chataigneraie?...Il avait été fixé ŕ quinze jours de
celui du défi...Eh bien, ces quinze jours, Jarnac les a passés en
pričres, tandis que Chataigneraie courait de plaisirs en plaisirs,
sans penser autrement ŕ Dieu...Aussi, Dieu l'a puni, Saint-Mégrin.
SAINT-MEGRIN
Sire, mon intention est d'accomplir tous mes devoirs de chrétien;
mais, auparavant, il en est d'autres qui m'appellent...Permettez...
HENRI
Comment, d'autres?
SAINT-MEGRIN
Sire, ma vie est entre les mains de Dieu...et, s'il a décide ma mort,
sa volonté soit faite!
HENRI
Eh!...que dites-vous lŕ...Votre existence vous appartient-elle,
monsieur, pour en faire si peu de cas?...Non, par la mort-Dieu! elle
est ŕ nous qui sommes votre roi et votre ami. Quand il s'agira de
vos affaires, vous vous laisserez tuer, si tel est votre bon plaisir;
mais, quand il s'agira des nôtres, monsieur le comte, nous vous
prions d'y regarder ŕ deux fois.
SAINT-MEGRIN
Vrai-Dieu! sire, je ferai de mon mieux; soyez tranquille.
HENRI
Tu feras de ton mieux?...Ce n'est point assez: fais-lui jurer qu'il
n'a ni plastron, ni talisman, ni armes cachées; et, quand il l'aura
fait, alors rappelle toute ta force, tout ton courage; pousse
vivement ŕ lui.
SAINT-MEGRIN
Oui, sire.
HENRI
Une fois délivré de lui, vois-tu, nous ne sommes plus deux en France,
je suis vraiment roi,...vraiment libre...Ma mčre va ętre fičre du
conseil qu'elle m'a donné; car, tu avais raison, il vient d'elle, et
il faudra que je le paye en obéissance...
SAINT-MEGRIN
Sire, Dieu et mon épée me seront en aide.
HENRI
Ton épée, je veux en juger par moi-męme... (Il appelle) Du Halde!
apporte des épeés émoussées.
SAINT-MEGRIN
Sire, est-ce ŕ une pareille heure, quand Votre Majesté doit avoir
besoin de repos?...
HENRI
Du repos!...du repos!...Ils sont tous ŕ me parler de repos!...
Crois-tu qu'il dorme, lui?...ou, s'il dort, que ręve-t-il? Qu'il
commande insolemment sur le trône de France, et que moi...moi, son
roi...je prie humblement dans un cloître...Un roi ne dort pas,
Saint-Mégrin. (Appelant) Du Halde! donne-nous ces épées.
SAINT-MEGRIN
L'heure s'envole; elle m'attend. (Haut) Sire, il m'est impossible;
vous m'avez rappelé des devoirs sacrés, il faut que je les
accomplisse.
HENRI
Eh bien, écoute, demain... (L'heure sonne) Attends, c'est minuit je
crois?
SAINT-MEGRIN
Oui, sire, c'est minuit.
HENRI
Chaque fois que sonne cette heure, je prie Dieu de bénir le jour oů
je vais entrer...Il faut que je te quitte; mais viens me trouver
demain avant le combat. Du Halde, porte ces épées dans ma chambre.
SAINT-MEGRIN
J'irai, sire, j'irai.
HENRI
Bien, je compte sur toi.
SAINT-MEGRIN
Maintenant, je puis me retirer. Votre Majesté est satisfaite.
HENRI
Oui, le roi est si content, que l'ami veut faire quelque chose pour
toi...Tiens, voici un talisman sur lequel Ruggieri a prononcé des
charmes; celui qui le porte ne peut mourir, ni par le fer, ni par le
feu. Je te le pręte; tu me le rendras, au moins, aprčs le combat?
SAINT-MEGRIN
Oui, sire...
HENRI
Adieu, Saint-Mégrin.
SAINT-MEGRIN
Adieu, sire, adieu!... (Le roi sort)
SCENE VIII
SAINT-MEGRIN, GEORGES
SAINT-MEGRIN
Je suis seul, enfin. (Appelant) Georges!...Ah! te voilŕ...Mon
costume...Bien...Aide-moi!...Aide-moi!...
GEORGES
Vous allez sortir...Voulez-vous que je fasse venir une chaise ŕ
porteurs?
SAINT-MEGRIN
Non...
GEORGES
Le temps est ŕ l'orage.
SAINT-MEGRIN
Oui. (Allant ŕ la fenętre, avec un rire convulsif) Il n'y aura
bientôt plus une étoile au ciel...
GEORGES
Et vous allez sortir ŕ pied?
SAINT-MEGRIN
Oui, ŕ pied...
GEORGES
Sans armes?...
SAINT-MEGRIN
J'ai mon épée et mon poignard, cela suffit...Cependant, donne-moi
l'épée de Schomberg; elle est plus forte. (A part) Je vais la voir;
encore un instant et je suis ŕ ses pieds.
GEORGES
La voici...Voulez-vous que je vous accompagne?
SAINT-MEGRIN
Non. Il faut que je sorte seul.
GEORGES
A minuit passé!...que dirait votre mčre si elle savait?
SAINT-MEGRIN
Ma mčre!...oui, oui, tu as raison...L'orage s'étend...Ma pauvre
mčre!...je voudrais bien la revoir,...ne fűt-ce qu'un instant.
Ecoute: tu lui donneras cette chaîne (coupant une boucle de ses
cheveux avec son poignard), ces cheveux, demain, si tu ne me vois
pas, entends-tu?
GEORGES
Et pourquoi, pourquoi?...
SAINT-MEGRIN
Tu ne sais pas, tu ne sais pas...Donne-moi mon manteau...
GEORGES
Mon maître,...mon jeune maître,...ne sortez pas, au nom du ciel!...la
nuit sera terrible.
SAINT-MEGRIN
Oui, peut-ętre terrible... (A part) n'importe, il le faut, elle
m'attend; j'ai tardé beaucoup...Malédiction! s'il était trop tard...
GEORGES
Au nom du ciel, laissez-moi vous suivre.
SAINT-MEGRIN, avec colčre
Reste, je te l'ordonne.
GEORGES
Mon maître!
SAINT-MEGRIN, lui tendant la main
Non! embrasse-moi...Adieu...N'oublie pas ma mčre.
ACTE CINQUIEME
Le salon dans lequel la duchesse de Guise est enfermée
SCENE PREMIERE
LA DUCHESSE DE GUISE, seule
(Elle a encore sur la tęte les fleurs dont elle était parée au
troisičme acte; elle écoute sonner l'heure)
Minuit et demi...Avec quelle lenteur l'heure se traîne...Oh! s'il
pouvait m'aimer assez peu pour ne pas venir...Jusqu'ŕ une heure du
matin, les portes de l'hôtel resteront ouvertes; déjŕ j'y ai vu
entrer les ligueurs qui doivent s'y réunir. Sans doute, il n'était
pas avec eux. Encore une demi-heure d'angoisses et de tourments...
et, depuis deux heures que je suis enfermée dans cette chambre, je
n'ai fait qu'écouter si je n'entendais point le bruit de ses pas.
J'ai voulu prier;...prier!... (Ecoutant en se rapprochant de la
porte) Ah! mon Dieu! Non...non...ce n'est pas encore lui... (Allant
ŕ la fenętre) Si cette nuit était moins sombre, je pourrais
l'apercevoir, et, par quelque signe, peut-ętre, l'avertir du danger;
mais nul espoir!...La porte de l'hôtel se referme!...il est sauvé!
pour cette nuit du moins...Quelque obstacle l'aura arręté loin de
moi. Arthur n'aura pu le trouver; et peut-ętre, demain, sera-t-il
quelque moyen de lui faire connaître le pičge oů on voulait
l'attirer. Oh! oui, j'en trouverai...je... (Ecoutant) J'ai cru
entendre. (S'approchant de la porte) Des pas, encore! Sont-ce ceux
de M. de Guise?...Non, non,...On monte; on s'arręte. Ah! on se
rapproche...On vient! (Avec effroi) N'entrez pas! n'entrez pas!
fuyez! Fuir, et comment? C'était derričre lui que la porte s'était
refermée. Ah! mon Dieu! plus d'espoir!
(La porte s'ouvre; elle recule ŕ mesure que Saint-Mégrin s'avance)
SCENE II
LA DUCHESSE DE GUISE, SAINT-MEGRIN
SAINT-MEGRIN
Je ne m'étais donc pas trompé; c'était votre voix que j'avais
entendue; elle m'a guidé!
LA DUCHESSE DE GUISE
Ma voix! ma voix! elle vous disait de fuir.
SAINT-MEGRIN
Que j'étais insensé! je ne pouvais croire ŕ tant de bonheur!
LA DUCHESSE DE GUISE
Cette porte est encore ouverte! fuyez, monsieur le comte, fuyez!
SAINT-MEGRIN
Ouverte! oui...Imprudent que je suis! (Il la referme)
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le comte, écoutez-moi!
SAINT-MEGRIN
Oh! oui, oui! parle! j'ai besoin de t'entendre, pour croire ŕ ma
félicité.
LA DUCHESSE DE GUISE
Fuyez, fuyez! la mort est lŕ!...des assassins!
SAINT-MEGRIN
Que dites-vous! quels sont ces mots de mort et d'assassins?
LA DUCHESSE DE GUISE
Oh! écoutez-moi,...écoutez-moi...Au nom du ciel! sortez de ce délire
insensé...Il y va de la vie, vous dis-je! ils vous ont attiré dans un
pičge infernal; ils veulent vous assassiner.
SAINT-MEGRIN
M'assassiner! cette lettre n'était donc pas de vous?
LA DUCHESSE DE GUISE
Elle était de moi; mais la violence, la torture...Voyez! (Elle lui
montre son bras) Voyez...
SAINT-MEGRIN
Ah!
LA DUCHESSE DE GUISE
C'est moi qui ai écrit ce billet;...mais c'est le duc qui l'a dicté.
SAINT-MEGRIN, le déchirant
Le duc! et j'ai pu croire?...Non, non, je ne l'ai pas cru un seul
instant. Mon Dieu! mon Dieu! mon Dieu! elle ne m'aime pas!
LA DUCHESSE DE GUISE
Maintenant que vous savez tout, fuyez, fuyez! je vous l'ai dit, il y
va de la vie.
SAINT-MEGRIN
Elle ne m'aime pas...
(Il met sa main dans sa poitrine, et la meurtrit)
LA DUCHESSE DE GUISE
Oh mon Dieu! mon Dieu!
SAINT-MEGRIN, riant
C'est ma vie, dites-vous, qu'ils veulent? Eh bien, je vais la leur
porter, mais sans rien conserver de vous! tenez, voilŕ ce bouquet,
que mon existence a failli payer. D'un mot, vous m'avez détaché de
la vie, comme ces fleurs de leur tige...Adieu! adieu! pour jamais!
(Il veut rouvrir la porte) Cette porte est renfermée.
LA DUCHESSE DE GUISE
C'est lui! il sait déjŕ que vous ętes ici.
SAINT-MEGRIN
Ah! qu'il vienne! qu'il vienne! Henri! n'auras-tu de courage que
pour meurtrir les bras d'une femme?...Ah! viens! viens!
LA DUCHESSE DE GUISE
Ne l'appelez pas! ne l'appelez pas! il doit venir!...
SAINT-MEGRIN
Que vous importe? je vous suis indifférent. Ah! la pitié! oui...
LA DUCHESSE DE GUISE
Mais, si vous m'aidiez, peut-ętre pourriez-vous fuir.
SAINT-MEGRIN
Moi, fuir! et pourquoi? ma mort et ma vie ne sont-elles pas des
événements également étrangers dans votre existence?...Fuir! et
fuirais-je aussi votre indifférence, votre haine peut-ętre?
LA DUCHESSE DE GUISE
Mon indifférence! ma haine! ah! plűt au ciel!...
SAINT-MEGRIN
Plűt au ciel! dis-tu? Un mot, un mot encore, et je t'obéirai
aveuglement...Dis; ma mort doit-elle ętre pour toi plus affreuse que
l'assassinat d'un homme?
LA DUCHESSE DE GUISE
Grand Dieu! il le demande...Oh! oui, oui.
SAINT-MEGRIN
Tu ne me trompes pas! je te rends grâce! Tu parlais de fuir! de
moyens! Quels sont-ils? Fuir, moi, fuir devant le duc de Guise?...
Jamais!...
LA DUCHESSE DE GUISE
Ce n'est pas devant le duc de Guise que vous fuiriez, c'est devant
des assassins. Retenu dans une autre partie de l'hôtel, par cette
réunion de ligueurs, il a voulu s'assurer qu'une fois ici, vous ne
sauriez lui échapper. Si nous pouvions seulement fermer cette porte,
nous aurions encore quelques instants; mais la barre en a été
enlevée; une seconde clef est entre ses mains (cherchant), et
l'autre...
SAINT-MEGRIN
N'est-ce que cela? Attendez. (Il brise la pointe de son poignard
dans la serrure) Maintenant, cette porte ne s'ouvrira plus qu'on ne
l'enfonce.
LA DUCHESSE DE GUISE
Bien! bien! cherchons un moyen, une issue...Mes idées se heurtent! ma
tęte se brise!...
SAINT-MEGRIN, s'élançant vers la fenętre
Cette fenętre...
LA DUCHESSE DE GUISE
Gardez-vous-en bien! vous vous tueriez!
SAINT-MEGRIN
Me tuer sans vengeance! Vous avez raison; je les attendrai.
LA DUCHESSE DE GUISE
O mon Dieu! mon Dieu! secourez-nous! Oh! toutes les mesures de
vengeance ne sont que trop bien prises...Et c'est moi, moi qui n'ai
pas pu souffrir... (Tombant ŕ genoux) Comte, au nom du ciel! votre
pardon (se relevant), ou plutôt, non, non, ne me pardonnez pas...et,
si vous mourez, je mourrai avec vous. (Elle tombe dans un fauteuil)
SAINT-MEGRIN, ŕ ses pieds
Eh bien, rends-moi donc la mort plus douce. Dis, dis-moi que tu
m'aimes...C'est un pied dans la tombe que je t'en conjure. Je ne
suis plus pour toi qu'un mourant. Les préjugés du monde
disparaissent, les liens de la société se brisent devant l'agonie.
Entoure mes derniers moments des félicités du ciel...Ah! dis, dis-moi
que je suis aimé.
LA DUCHESSE DE GUISE
Eh bien, oui, je vous aime! et depuis longtemps. Que de combats je
me suis livrés pour fuir vos yeux, pour m'éloigner de votre voix!
Vos regards, vos paroles me poursuivaient partout. Non! pour nous,
la société n'a plus de liens, le monde n'a plus de préjugés...
Ecoute-moi donc: oui, oui, je t'aime...Ici, dans cette męme chambre,
que de fois j'ai fui un monde que ton absence dépeuplait pour moi!
que de fois je suis venue m'isoler avec mon amour et mes pleurs! Et,
alors, je revoyais tes yeux, j'entendais encore tes paroles, et je te
répondais. Eh bien, ces moments, ils ont été les plus doux de ma
vie.
SAINT-MEGRIN
Oh! assez! assez! tu ne veux donc pas que je puisse mourir?...
Malédiction!...Lŕ, toutes les félicités de la terre, et lŕ, la mort,
l'enfer...Oh! tais-toi, ne me dis plus que tu m'aimes...Avec ta
haine, j'aurais bravé leurs poignards; et, maintenant, ah! je crois
que j'ai peur! Tais-toi! tais-toi!
LA DUCHESSE DE GUISE
Saint-Mégrin, oh! ne me maudis pas.
SAINT-MEGRIN
Si, si, je te maudis, pour ton amour qui me fait entrevoir le ciel et
mourir!...mourir, jeune, aimé de toi! Est-ce que je puis mourir?...
Non, non; redis-moi que tout cela n'était qu'illusion et mensonge!
(On entend du bruit)
LA DUCHESSE DE GUISE
Ecoutez!...Ah! ce sont eux!
SAINT-MEGRIN
Ce sont eux. (Tirant son épée et s'appuyant dessus avec calme)
Eloigne-toi; tu m'as vu faible, insensé; en face de la mort, je
redeviens un homme...Eloigne-toi!
LA DUCHESSE DE GUISE, aprčs un moment de réflexion
Saint-Mégrin! écoutez,...écoutez. Cette fenętre, oui, oui! je m'en
souviens...Il y a un balcon au premier étage; si vous l'atteignez une
fois,...une ceinture,...une corde; vous pouvez descendre jusque-lŕ,
et alors vous ętes sauvé. (Cherchant) Mon Dieu! rien, rien.
SAINT-MEGRIN
Calme-toi! calme-toi! (Allant ŕ la fenętre) Si je pouvais seulement
distinguer ce balcon!...mais rien qu'un gouffre.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ecoute...On entend du bruit dans la rue. (Se précipitant vers la
fenętre) Qui que vous soyez, au secours! au secours!
SAINT-MEGRIN, l'arrachant de la fenętre
Que fais-tu? veux-tu les avertir? (Un paquet de cordes tombe dans la
chambre) Qu'est cela?
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! vous ętes sauvé! (Elle prend la corde) D'oů cela vient-il? Un
billet. (Elle lit) «Quelques mots que j'ai entendus m'ont tout
appris. Je n'ai que ce moyen de vous sauver et je l'emploie.
ARTHUR.» Arthur! O cher enfant! (A Saint-Mégrin) C'est Arthur;
fuyez, fuyez vite!
SAINT-MEGRIN, attachant la corde
En aurai-je le temps? Cette porte (on l'agite violemment), cette
porte...
LA DUCHESSE DE GUISE
Attendez.
(Elle passe son bras entre les deux anneaux de fer)
SAINT-MEGRIN
Ah! Dieu! que faites-vous?
LA DUCHESSE DE GUISE
Laisse! Laisse! c'est le bras qu'il a déjŕ meurtri.
SAINT-MEGRIN
J'aime mieux mourir.
LE DUC DE GUISE, ébranlant la porte
Ouvrez, madame, ouvrez.
LA DUCHESSE DE GUISE
Fuyez, fuyez! En fuyant, vous sauvez ma vie; si vous restez, je jure
de mourir avec vous, et je mourrai déshonorée...Fuyez, fuyez!
SAINT-MEGRIN
Tu m'aimeras toujours?
LA DUCHESSE DE GUISE
Oui, oui.
LE DUC DE GUISE, en dehors
Des leviers, des haches,...que j'enfonce cette porte.
LA DUCHESSE DE GUISE
Pars donc! oui...oui...adieu!
SAINT-MEGRIN
Adieu!...Vengeance!
(Il met son épée entre ses dents et descend par la fenętre)
LA DUCHESSE DE GUISE
Mon Dieu! mon Dieu! je te remercie, il est sauvé. (Un moment de
silence; puis tout ŕ coup des cris, un cliquetis d'armes) Ah! (Elle
quitte la porte, court ŕ la fenętre) Arthur! Saint-Mégrin!
(Elle pousse un second cri, et revient tomber au milieu de la scčne)
SCENE III
LA DUCHESSE DE GUISE, presque évanouie; LE DUC DE GUISE, suivi de
SAINT-PAUL, et de PLUSIEURS HOMMES
LE DUC DE GUISE, aprčs un coup d'oeil rapide
Il sera descendu par cette fenętre...Mais Mayenne était dans la rue
avec vingt hommes, et le bruit des armes...Va, Saint-Paul; vous,
suivez-le. Va, et tu me diras si tout est fini. (Heurtant du pied la
duchesse) Ah! c'est vous, madame. Eh bien, je vous ai ménagé un
tęte-ŕ-tęte.
LA DUCHESSE DE GUISE
Monsieur le duc, vous l'avez fait assassiner!
LE DUC DE GUISE
Laissez-moi, madame; laissez-moi.
LA DUCHESSE DE GUISE, ŕ genoux, le prenant ŕ bras-le-corps
Non, je m'attache ŕ vous.
LE DUC DE GUISE
Laissez-moi, vous dis-je!...ou bien, oui, oui. Venez! ŕ la lueur des
torches, vous pourrez le revoir encore une fois. (Il la traîne
jusqu'ŕ la fenętre) Eh bien, Saint-Paul?
SAINT-PAUL, dans la rue
Attendez; il n'est pas tombé seul. Ah! ah!
LE DUC DE GUISE
Est-ce lui?
SAINT-PAUL
Non, c'est le petit page.
LA DUCHESSE DE GUISE
Arthur! Ah! pauvre enfant!
LE DUC DE GUISE
L'auraient-ils laissé fuir?...Les misérables!...
LA DUCHESSE DE GUISE, avec espoir
Oh!...
SAINT-PAUL
Le voici.
LE DUC DE GUISE
Mort?
SAINT-PAUL
Non, couvert de blessures, mais respirant encore.
LA DUCHESSE DE GUISE
Il respire! On peut le sauver. Monsieur le duc, au nom du ciel...
SAINT-PAUL
Il faut qu'il ait quelque talisman contre le fer et contre le feu...
LE DUC DE GUISE, jetant par la croisée le mouchoir de la duchesse de
Guise
Eh bien, serre-lui la gorge avec ce mouchoir; la mort lui sera plus
douce; il est aux armes de la duchesse de Guise.
LA DUCHESSE DE GUISE
Ah! (Elle tombe)
LE DUC DE GUISE, aprčs avoir regardé un instant dans la rue
Bien! et maintenant que nous avons fini avec le valet, occupons-nous
du maître.
End of Project Gutenberg's Henri III et sa Cour, by Alexandre Dumas (Pčre)
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Henri III et sa Cour
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Project Gutenberg's Henri III et sa Cour, by Alexandre Dumas (Pčre)
#9 in our series by Alexandre Dumas [Pčre/Father]
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Release Date: July 1, 2007 [EBook #2682]
[originally posted as h3esc10.txt in etext01 in June, 2001]
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— End of Henri III et sa Cour —
Book Information
- Title
- Henri III et sa Cour
- Author(s)
- Dumas, Alexandre
- Language
- French
- Type
- Text
- Release Date
- June 1, 2001
- Word Count
- 24,486 words
- Library of Congress Classification
- PQ
- Bookshelves
- FR Théâtre, Browsing: History - Royalty, Browsing: Literature, Browsing: Fiction
- Rights
- Public domain in the USA.
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